Autographes et devoirs d'écriture des dauphins Louis-Joseph et Louis-Charles, dit Louis XVII

Dans l'émission " L'ombre d'un doute " de Frank Ferrand dernièrement consacrée à Louis XVII, nous a été montrée comme étant de la plume du petit roi, la phrase  suivante :

Négligez les plaisirs funestes aux humains, hélas ils sont bien vains .



Elle est extraite des Principes généraux et particuliers de la langue française, par François de Wailly (Paris, 1770, 1772).
Il s'agirait en fait, selon le cabinet d'expertise " HONORE D'URFE ",  d'un autographe de Louis-Joseph, car il est signé : Louis Dauphin

Il faut bien distinguer les signatures des deux fils de Louis XVI :

• Louis, Dauphin de Viennois, né en 1781, mort en 1789. Dit postérieurement "le premier dauphin".
Dans ses devoirs d'écriture, il signe « Louis Dauphin ».



• Louis-Charles, duc de Normandie, né en 1785, devenu Dauphin de Viennois à la mort de son frère, puis Louis XVII, l'enfant-martyr.
Dans ses devoirs d'écriture, il signe « Louis Charles ».




On a tracé sur le papier des lignes au crayon pour bien calibrer la grandeur des lettres. Sur le premier feuillet le prince a écrit par cinq fois son nom " Louis Charles ". Le graphisme est malhabile, les lettres reprises : le jeune garçon en est à ses premiers essais et ne maîtrise pas encore l'écriture.
Sur le second feuillet, d'une écriture un peu plus affirmée malgré quelques fautes et maladresses, Louis-Charles a tracé sur cinq lignes les mots suivants :   Gouvernement, Gouvernement, Harmonique, Impassibilité, Louis Charles .  
Ce document provient de l'abbé Sourdon Dumesnil de Saint-Cyr, professeur d'écriture des Enfants de France.

Détail amusant : quand l'abbé est satisfait de son petit élève, il lui arrive de noter entre deux lignes " très content "     comme ci-dessous dans une page d'écriture de Louis Joseph, frère aîné de Louis XVII :


D'autres pages d'écriture signées « Louis Dauphin »  sont habituellement attribuées à Louis XVII, à commencer par les feuilles appartenant au Musée Carnavalet, à Paris.

Or les pages suivantes :
• Générosité
• vœux injustes
• Nationnalement aimé
• Zélateur patriotique
• Organisation extérieure
• Honte salutaire

seraient de la main de Louis, le "premier Dauphin", et non de Louis XVII.

Ces manuscrits (24,5 x 19 cm) sont tous disposés de la même manière (y compris ceux qui semblent mutilés des trois premières lignes) :

• une ligne modèle, écrite par le maître d'écriture
• trois lignes de copie (de la main de Louis Dauphin)
• trois lignes comprenant une phrase tirée d'un livre : cette phrase a été dictée au Dauphin, sans modèle.
• une ligne de signature du Dauphin.

http://expert-manuscrits.over-blog.com/pages/Autographes_de_Louis_XVII-7457858.html

Le petit Louis-Charles a eu très peu de temps pour signer ses travaux d'écriture " Louis Dauphin ", les nouvelles institutions de la France ne le reconnaissant officiellement  que Prince Royal dès 1790, son nouveau titre d'héritier du trône.

Ceci dit, ces trésors sont très touchants et pathétiques quand on sait le sort des deux garçons, pauvres gosses...

Oui cher Dominique . Et pourtant le sort si cruel de Louis-Joseph fut bien doux comparé à celui de son cadet ...

En fait, je suis sidérée par le sérieux des mots-clef ou mots-titres de ces devoirs d'écriture pour de si jeunes enfants . Nous entendons toujours que l'éducation des princes était souvent bâclée, eh bien là, pardon ! je trouve que les petits planchaient sur des sujets bien austères .
• vœux injustes
• Nationalement aimé
• Zélateur patriotique
• Honte salutaire

Il n'était pas abbé, cet homme : il s'est marié !     WIKI précise qu'il a survécu à la Révolution, ce qui était bien miraculeux pour un maître à écrire des Enfants de France jusqu’en août 1792 ( emprisonnement de la famille royale à la prison du Temple).   Il était également maître écrivain   ( charge familiale puisque, deux générations au-dessus de lui,  son grand-père était déjà maître écrivain du roi )  et ingénieur géographe militaire, actif à Versailles dans le dernier quart du XVIIIème siècle et le début du XIXème.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Louis_Sourdon_Dumesnil_de_Saint-Cyr

Je trouve également un sieur Simon Dessalles  ( 1746 - 1838 )   qui, en septembre 1786 , signait « Maître à écrire des enfans de France », et en 1790, lorsqu'il déposa dans une procédure criminelle au Châtelet,  se dit « maître à écrire de Monseigneur le Dauphin et des Enfants de France » ( il demeurait alors à Versailles, rue Sainte Geneviève, n° 3). À ce titre, il enseigna l'écriture à Louis-Joseph de France (1781-1789), Dauphin de France.
Il fut également membre du Bureau académique d'écriture.

On rapporte que lors d’une des leçons prodiguées au Dauphin de France il eut l’impertinence de le coiffer d’un bonnet phrygien en lui conseillant de le porter dorénavant comme les Révolutionnaires.  Inutile de dire que ce fut sa dernière leçon.

Simon Dessalles fut le père du général d'Empire Victor Abel Dessalles (1776-1864) .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Simon_Dessalle

Pour les amateurs de reliques, sera prochainement présenté en vente aux enchères...

Louis XVII (Louis-Charles de France, futur)
Pièce autographe.
Vers 1790. Une page in-4
Provenance : Arthur MEYER (Paris, Drouot, Francisque Lefrançois et Noël Charavay experts, 3-6 juin 1924, n° 129/autographes-1°)


Présentation au catalogue :

Touchante page d'écriture où l'enfant s'est exercé à signer son nom sur 5 lignes, avec quelques essais de plumes interpolés dans les interlignes. Cette graphie encore maladroite doit dater des tout débuts de l'apprentissage du Dauphin.
Le futur martyr de la prison du Temple
Né le 27 mars 1785, Louis-Charles de France devint Dauphin à la mort de son frère aîné Louis-Joseph en 1789. Il fut incarcéré avec ses parents le 13 août 1792 à la prison du Temple, y devint roi en puissance en janvier 1793 à la mort de Louis XVI   , et y mourut lui-même le 8 juin 1795 – à l’âge de 10 ans.

Les Enfants de France, Louis-Joseph et Louis-Charles eurent pour maître d'écriture Pierre-Louis Sourdon Dumesnil de Saint-Cyr (1763-1845). Ce dernier avait conservé plusieurs devoirs écrits de la main de ses élèves royaux. Seuls trois autres documents du même genre auraient jusqu'ici réapparu.

* Source et infos complémentaires : Osenat - Vente La royauté à Versailles, le 12 mars 2023



Pourquoi écrire que cet enfant " devint roi en puissance (c'est quoi ça ?) en janvier 1793 " ?     A cette date, la France n'est plus un royaume, mais une république.
Bref...  

Expert de la vente a écrit:Seuls trois autres documents du même genre auraient jusqu'ici réapparu.

J'en compte au moins quatre :

1) De la même provenance (Pierre-Louis Sourdon Dumesnil de Saint-Cyr), la pièce autographe (2 pages in-4) vendue aux enchères en 2003 (collection Bancel).

Je ne retrouve malheureusement pas l'image de la seconde page sur laquelle étaient inscrits, sur 5 lignes, les mots suivants : Et fit Gal hors. Nue Pas Que Ris Sa Vie Et fit Gal Hors Ris Sa Vue...



Notre sujet : La collection d'Alain Bancel : Marie-Antoinette et la famille royale


2) Toujours en provenance initiale de ce Pierre-Louis Sourdon Dumesnil de Saint-Cyr, nous avions également présenté cette autre pièce autographe (2 page in-4) vendue aux enchères en 2007.

Je ne retrouve malheureusement pas l'image de la seconde page, sur laquelle furent tracés, sur 5 lignes, les mots suivants : Gouvernement. Gouvernement. Harmonique. Impassibilité. Louis Charles




3) Vendu aux enchères en 2011 (Spink Smyth, New York), ce mot autographe dont je n'ai pas recherché d'infos complémentaires :




4) Vendu aux enchères en 2012, même provenance initiale de ce " maître à écrire des Enfants de France " (décidément ), ce double feuillet (155 x 195 mm) de papier vergé (filigrane: D&CBeauw), écrit à l'encre brun-noir, sur cinq lignes tracées au crayon :