Journal de Cour, Emmanuel duc de Cröy

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Je me souviens d'avoir lu dans un lien de notre sujet sur les chaises à porteurs, parlant de celle de la duchesse de Tourzel née mademoiselle de Cröy, qu'il convient de prononcer Croui !   :
Je n'aurais jamais trouvé cela toute seule !  

Or donc,
Emmanuel, duc de Croÿ, prince du Saint-Empire,  a laissé un journal qui constitue pour l'histoire du dix-huitième siècle un des documents les plus précieux comme les plus originaux. La personnalité de l'auteur, son esprit encyclopédique (de l'histoire naturelle à la vie militaire !), son inlassable curiosité comme sa cruelle honnêteté intellectuelle, savent dérouter, agacer, attacher, et finalement passionner le lecteur. Les intrigues de faveurs autour du roi Louis XV ; les secrètes confidences et les grandes vues politiques ; l'incontournable figure de la marquise de Pompadour ; les Philosophes ; les nouvelles techniques d'accouchement ; les expériences des frères Montgolfier ; la restauration du port de Dunkerque ; les projets d'architecture... C'est l'effervescence quotidienne des esprits et des mœurs dans leurs grandeurs comme dans leurs petitesses que nous livrent les Mémoires du duc de Croÿ.

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JOURNAL DE COUR
Emmanuel, duc de CROY






            Ces Mémoires de ma vie, comme les avait d'abord qualifiées le duc, suivent tous ses déplacements : à la cour (Versailles ou Paris), dans les provinces (lors de ses campagnes militaires et de ses commandements) et enfin dans sa terre de l'Hermitage.
            Ainsi que le vicomte de Grouchy et M. Paul Cottin l'avaient proposé au siècle dernier dans leur Journal inédit du duc de Croÿ, nous avons résumé entre crochets les parties relatives à ses déplacements en province et à l'Hermitage. Nous avons joint quelques documents inédits relatifs à la mort du duc dans notre sixième et dernier volume.

http://www.instantdurable.com/PALEO_Livres/Descriptifs_H09_Siecle_Lumieres/Croy.htm





EXTRAITS

Conversation avec M. Rousseau. Le 28 mars 1772, je vis pour la première fois, et fis connaissance avec M. Rousseau de Genève. Il me dit avoir soixante ans, étant né en 1712. Je le trouvai ne paraissant pas son âge, des yeux vifs, une belle physionomie, et annonçant le cœur et la candeur (...) Il paraît un philosophe sensible, dont les yeux et le cœur décèlent les grandes qualités de l'âme, s'il ne les avait pas outrées par une vanité et une sensibilité poussées à l'extrême (...) Il me dit qu'il ne concevait pas qu'il y eût des athées ; que cependant il y en avait beaucoup à présent, sans qu'ils en convinssent, mais que c'était parce qu'on ne voulait ni sentir, ni raisonner ; qu’il trouvait, comme moi, dans Moïse et dans les objets reçus, plus de vérités que dans tout, que tout porte au Créateur, que cela seul peut anoblir et charmer. Sur cela, je lui dis qu'il fallait avouer qu'on n'avait pas toujours entendu ses ouvrages, qu'on en avait abusé ; qu'il serait bien digne de sa raison, de son amour pour la vérité, de finir par une protestation de foi qui éclaircît les doutes de ses ouvrages, et que, si ce qu'il me disait était imprimé et signé de lui, cela ferait plus que tous les prédicateurs. Sur cela, il revint à son point de folie de dire qu'on ne l'entendrait pas, qu'on ne voudrait que le critiquer, et qu'un homme sage ne devrait jamais imprimer ; M. de Fontenelle lui ayant dit, ce qu'il n'avait que trop expérimenté, que le meilleur livre fait le malheur de son auteur.

MM. de Montgolfier, deux frères très savants, à la tête de la fameuse papeterie d'Annonay, vers Lyon, qui leur fait tant d'honneur, raisonnant ensemble des expériences de Boyle sur les diverses pesanteurs des différents airs, imaginèrent que cette différence, devenant plus sensible en grand, par le déplacement d'une plus grande étendue d'air plus lourd par un air plus léger qui devait le surmonter, s'échauffèrent sur cette belle idée et eurent, pour la première fois, le courage de la mettre en pratique. Ils cherchèrent les airs les plus légers et sans dépense. Ayant imaginé la fumée de paille mouillée et de poils brûlés, ils firent des épreuves. Ils y sacrifièrent une pièce de taffetas qui leur était venue pour des doublures d'habit, se mirent à la coudre, la tenant serrée, y firent entrer leur gaz ou fumée. Enfin, jour mémorable, étant à Annonay, très occupés de leurs épreuves, le 5 juin 1783, la machine, en partie remplie de ce nouvel air, leur échappe des mains, et va se fixer au plancher. Qu'on se retrace, si l'on peut, la joie qu'ils durent ressentir !