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Le roi Louis-Philippe

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Mme de Sabran
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Le roi Louis-Philippe  Empty Le roi Louis-Philippe

Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 15:08

Quand Momo m'a fait la courte-échelle pour m'aider à sauter le mur   Le roi Louis-Philippe  1524226653  et que j'ai constaté le travail pharaonique de notre Princesse sur les Mémoires de Louis-Philippe, m'est venue l'idée d'une interview imaginaire que je vous livre à présent !   Very Happy 

Ainsi donc, songez que Mme de Chimay s'était donné la peine de taper pour nous tous ces extraits-fleuve !
Qu'elle en soit remerciée ! 3196910 

Princesse, c'est à vous !  :n,,;::::!!!: 





Madame de ChimayLe roi Louis-Philippe  Samba17   :

Mme de Genlis prit en main votre éducation, Monseigneur, ainsi que celles de vos frères et soeur .  L'on a parlé de méthodes à la spartiate. Qu'en fut-il, au juste ?

Louis-Philippe :

A propos de Mme de Genlis, je lui ai entendu souvent parler du refus que fit Rousseau de se charger de l’éducation des enfants du Prince Louis Eugène de Wurtemberg. Je transcris ici le commencement d’une lettre dans laquelle Rousseau donne à ce Prince des conseils sur l’éducation de sa fille. Il me semble que cette citation donnera une connaissance plus exacte que tout ce que je pourrais dire des notions que nous recevions de Mme de Genlis et des opinions qu’elle avait elle-même sur notre éducation.
C’est Rousseau qui parle : « Motiers, le 1er Novembre 1763

« Si j’avais le malheur d’être né Prince , d’être enchaîné par les convenances de mon état ; que je fusse contraint d’avoir un train, une suite, des domestiques, c'est-à-dire des maîtres, et que j’eusse pourtant une âme assez élevée pour vouloir être homme malgré mon rang, pour vouloir remplir les grands devoirs de père, de mari, de citoyen de la République humaine, je sentirais bientôt les difficultés de concilier tout cela, celle surtout d’élever mes enfants dans le rang où les placera la nature , en dépit de celui qu’ils ont parmi leurs égaux.

Je commencerais donc par me dire : il ne faut pas vouloir des choses contradictoires ; il ne faut pas vouloir être et n’être pas. La difficulté que je veux vaincre est inhérente à la chose ; si l’état de la chose ne peut changer , il faut que la difficulté reste. Je dois sentir que je n’obtiendrai pas tout ce que je veux : mais n’importe , ne nous décourageons point. De tout ce qui est bien , je ferai tout ce qui est possible, mon zèle et ma vertu m’en répondent : une partie de la sagesse est de porter le joug de la nécessité ; quand le sage fait le reste , il a tout fait. Voilà ce que je me dirais, si j’étais Prince . Après cela j’irais en avant sans me rebuter, sans rien craindre , etc ».

Il est facile d’imaginer de combien d’amplifications et de commentaires ce texte est susceptible. Quelle fermentation ne devait pas produire un pareil levain dans la tête d’une femme exaltée et dans celles de jeunes Princes ardents et portés à l’enthousiasme !
Ils devaient considérer leur rang , leur qualité de Prince comme un fardeau et se croire affranchis du pénible joug de la nécessité s’ils en étaient débarrassés. Ils devaient voir avec transport une grande révolution politique qui s’annonçait sur ces principes ; aussi , c’est ce qui nous est arrivé. Nous ne doutions pas que les pertes personnelles que La Révolution nous faisait faire , ne fussent un avantage réel pour l’humanité, et cette opinion nous portait à nous enorgueillir de la joie avec laquelle nous faisions le sacrifice de tout ce que la Révolution nous faisait perdre. L’amour de la vertu, de la morale et de tout ce qui est bon et honnête , ( sentiment qu’assurément Mme de Genlis nous inspirait par tous les moyens )devenait par cette combinaison un nouveau stimulant démocratique et révolutionnaire.


Madame de Chimay :

... une éducation très édifiante !

Louis-Philippe :

Je dois à la vérité de rendre solennellement justice à Mme de Genlis en déclarant qu’elle avait l’intention de faire de moi un honnête homme . Ma conscience me permet de dire qu’elle a réussi ; mais habituée à rapporter tout à elle-même, elle disait que la meilleure réponse qu’elle pouvait faire à ses ennemis et aux calomnies dont ils l’avaient noircie était de donner à ses élèves une vertu austère : cette vertu et cette austérité s’accordaient très bien avec la tendance des idées du siècle , et la théorie des principes démocratiques et révolutionnaires. Mme de Genlis faisait de nous des républicains honnêtes et vertueux ; et néanmoins, sa vanité lui faisait désirer que nous continuassions à être Princes. Il était difficile de concilier tout cela.
Les lectures u’elle nous faisait , ses remarques sur l’histoire, ses éloges et ses critiques des héros de l’Antiquité , tout avait la même tendance. C’étaient des modèles qu’elle nous présentait sans cesse et dont elle s’efforçait de nous faire adopter la morale.


Madame de Chimay :

Quelle place cette éducation réservait-elle à la Religion ?

Louis-Philippe :

Elle s’efforçait de nous rendre très religieux et nous excitait à braver sur ce point les idées modernes. Elle nous engageait fort à nous distinguer de la masse de nos contemporains par une dévotion très rigoriste. En un mot, elle faisait de nous de véritables Catholiques puritains.

Il n’a fallu rien moins que la douloureuse expérience des temps où j’ai vécu , pour me faire revenir de ce Républicanisme puritain, et pour donner , à mes principes de morale , la direction qui convient à ma situation dans le monde. J’avoue que j’ai eu beaucoup de peine à me ramener de la région des chimères où m’avait lancé Mme de Genlis , dans celle des réalités et des imperfections où nous sommes destinés à vivre , et il m’a fallu beaucoup de travail sur moi-même pour comprendre que dans le monde rien ne pouvait jamais atteindre la perfection , que tout y était imparfait, et devait l’être nécessairement.
Il est incontestable que Mme de Genlis mérite beaucoup d’éloges pour avoir établi , dès ce temps-là, un système libéral dans une éducation de Prince , et nous avoir toujours donné de bons principes de morale et de conscience.

Madame de Chimay :

De l'exercice physique, sans doute, pour vous aguerrir ?

Louis-Philippe :

J’ai recueilli beaucoup d’avantages d’avoir été endurci à la fatigue, et si je ne l’avais pas été, je n’aurais pas supporté ce que la fortune me réservait. D’ailleurs, ce qui fortifie le corps dans la jeunesse , fortifie aussi l’âme et les facultés morales.
(…)A la vérité , nous jouions aux barres avec tous les valets de la maison, mais il n’y aurait pas eu moyen , sans eux, d’avoir assez de monde pour former une partie de barres, et ce jeu est un exercice excellent. En tout , la gymnastique de Mme de Genlis était fort bonne.

J’ai déjà dit que, tout en blâmant Rousseau, Mme de Genlis suivait son système : il fallut donc qu’elle me fit raboter ; et que comme Emile, je devinsse menuisier et tourneur ; point serrurier , parce que , disait-elle, ce métier était sale. Je crois qu’elle avait encore un autre motif : le feu Roi Louis XVI était un assez bon serrurier et par suite de la manie de Mme de Genlis de ne rien faire comme les autres , elle aimait mieux que nous apprissions d’autres métiers que celui –là. D’ailleurs , la menuiserie est beaucoup plus agréable à faire que la serrurerie, et c’est un fort bon exercice , surtout pendant l’hiver ou le mauvais temps empêchent de sortir.
Peu à peu, Mme de Genlis introduisit dans notre éducation , des exercices bizarres , entre autres, celui de nous faire monter le bois du bûcher dans les différents paniers où on le déposait pour l’usage journalier des cheminées. Ceci se faisait constamment à Belle Chasse.
(…)Mme de Genlis découvrit dans je ne sais quel livre, un exercice grec appelé les haltères et recommandé par Hippocrate aux convalescents pour délier leurs muscles . Dès qu’elle eut fait cette précieuse découverte , il nous fut ordonné de faire les haltères tous les matins 12 fois.

Un autre exercice consistait à monter et descendre l’escalier en portant sur le dos une hotte remplie de poids de fer. J’ai porté jusqu’à 300 livres.

Notre table était très frugale. (…)Une autre singularité de notre régime fut de coucher sur la dure. Mme de Genlis nous le fit désirer et cela n’eut lieu qu’assez tard. Nos lits étaient des tables sur lesquelles on mettait un paillasson recouvert d’une natte de sparterie. On s’habitue assez aisément à cette espèce de lit et c’est une bonne habitude à faire contracter aux jeunes gens.


Madame de Chimay :

Mme de Genlis avait la marotte des  voyages ...

Louis-Philippe :

Mme de Genlis eut ensuite envie de nous faire faire un voyage en Normandie et elle s'y décida sans en avoir reçu l'autorisation de mon père. Nous allâmes de Rouen au Havre et du Havre à Cherbourg , où nous fûmes reçus par le duc de Beuvron , commandant de la province. Le général Dumouriez était alors commandant de Cherbourg , mais il était absent quand nous y passâmes. On nous montra les travaux et les forts avec beaucoup de détails.
Une fois arrivée à Cherbourg , Mme de Genlis fut tentée d'aller plus loin ; elle nous emmena faire le tour de la Bretagne ( toujours sans l'autorisation de mon père ) et sous prétexte qu'il fallait éviter la ville de Rennes où les États de Bretagne étaient assemblés et où la fermentation était considérable. Il est vrai que nous aurions pu facilement revenir directement de Cherbourg à Paris sans passer par Rennes , car ce n'était même pas la route naturelle, mais Mme de Genlis préféra nous mener à Brest d'où nous revîmes à Paris par Nantes, Tours , Châteaudun, Chartres...Je sais que mon père désapprouva fort ce voyage et qu'il en fut très mécontent. Mme de Genlis n'avait eu d'autre motif que celui de voir des provinces qu'elle ne connaissait pas et celui de nous faire faire une course agréable et instructive en nous faisant voir les grands établissements de Brest , de Cherbourg, du Havre, de Saint Malo...


Madame de Chimay :

Comment avez-vous vécu l'année 1789 ?

Louis-Philippe :

Au printemps de 1789 , M. Le Comte d'Artois et mon père convinrent d'un mariage entre M. le Duc D'Angoulême et ma soeur . Ce mariage fut déclaré sur le champ ; cependant , il ne devait être célébré qu'à la Saint Louis ( c'est à dire le 25 août suivant ) parce que ma soeur n'était pas d'âge à être mariée avant le 23 août . Les événements du 14 Juillet 1789, et le départ de M. Le Comte d'Artois et de ses enfants qui sortirent de France à cette époque, rompirent ce mariage sans qu'il y eût aucune explication à cet égard. Tout ce qu'on a débité sur ce sujet est un tissu d'absurdités .

Les Etats Généraux devaient s’assembler le 27 avril 1789, mais leur réunion fut différée jusqu’au 4 mai. On fut incertain pendant quelque temps du lieu où ils se tiendraient. Il fut question de les tenir à Orléans qui paraissait un point central assez éloigné de Paris pour ne pas se ressentir de la fermentation de cette grande ville. Ensuite, on parla de Soissons et on disait que la Cour irait à Compiègne. Il est vraisemblable qu’on aurait eu plus de moyens d’empêcher la Révolution , si on avait choisi l’un ou l’autre de ces endroits . Mais d’une part, la dépense de transporter la Cour , de l’autre la paresse , et peut-être l’observation que ces deux villes appartenaient à mon père , décidèrent de rester où l’on était , et à choisir Versailles.

Je dirai avec impartialité que si l’influence de mon père était à craindre quelque part , elle était plus dangereuse à Paris , qu’à Orléans ou Soissons, où la population était trop peu nombreuse pour qu’il y eût de grands mouvements populaires. C’est ainsi qu’on se jette souvent dans le danger qu’on veut éviter , et les événements postérieurs ont bien prouvé que Versailles était mal choisi pour l’objet de soustraire les Etats Généraux à l’influence de la ville de Paris.


Madame de Chimay :

Les troubles éclatèrent avant la réunion des Etats Généraux .

Louis-Philippe :

A la fin d’avril 1789 , il y eut à Paris une émeute considérable. Le peuple se porta en foule dans la rue St Antoine devant la manufacture de papiers peints de M. Réveillon. Je ne sais plus bien ce qui avait excité la populace ; je crois que les ouvriers voulaient une augmentation de salaire que Réveillon refusait , et la fureur contre lui devint si violente qu’on détruisit tous ses ateliers. Les Gardes-Françaises y furent envoyés avec les Gardes-Suisses , mais ils arrivèrent trop tard pour sauver la manufacture . ils ne firent aucune difficulté d’obéir à l’ordre qui leur fut donné de disperser les attroupements et de tirer sur ceux qui feraient résistance. Je me rappelle qu’à cette époque , le peuple était très mécontent des Gardes-Françaises , et je crois qu’on aurait pu profiter de ce mécontentement , l’entretenir, et peut-être prévenir par là, la défection de ce régiment , qui a contribué essentiellement au succès de la Révolution. Quoi qu’il en soit , l’émeute de Réveillon n’eut pas de suite , et personne ne fut puni , excepté quelques individus en petit nombre qui furent tués ou blessés sur place.

Madame de Chimay :

Quelle était l'attitude du roi, face aux émeutiers ?

Louis-Philippe :

Mais par une de ces bizarreries inexplicables , le Roi laissait au milieu de Paris , le régiment des Gardes Françaises composé de six bataillons , qui n’en n’était jamais sorti depuis la Paix d’Aix La Chapelle en 1748. Il est à propos de remarquer ici que ce régiment privilégié était jadis le refuge de tous les mauvais sujets ; que le respectable maréchal de Biron était parvenu à améliorer son esprit et sa composition , en y formant un excellent corps de sous-officiers dont l’activité et la fermeté suppléaient au défaut d’assiduité et à l’indifférence de la plupart des officiers. Ces messieurs avaient pris l’habitude de ne faire de service que quand leurs compagnies étaient à Versailles ; en sorte qu’ils ne servaient réellement que pendant une semaine sur sept ou huit, parce qu’il n’y avait que quatre compagnies auprès du Roi. Cette absence continuelle des officiers fut une des grandes causes de la défection du régiment et il est remarquable que les quatre compagnies qui se trouvaient de service auprès du Roi le 14 Juillet 1789, y sont restées fidèlement pendant cinq semaines, et qu’elles ne sont retournées à Paris qu’après que le Roi eût licencié le régiment.
Je crois que si sous prétexte de la garde des États Généraux à Versailles, le Roi y avait fait venir ce régiment en totalité, il est possible que cette mesure eût prévenu sa défection car lors de l’émeute de Réveillon, il n’y paraissait nullement disposé.

Les Gardes Suisses dont l’organisation était bien différente et bien plus solide, étaient rarement à Paris. Presque toutes leurs casernes étaient hors de la ville ; les officiers résidaient constamment avec leurs compagnies , et il en résultait une confiance mutuelle entre les officiers et les soldats et une discipline très exacte. Ces circonstances auxquelles, pour être juste, il faut peut-être ajouter la rivalité des deux corps, furent cause que les Gardes-Suisses ne se débandèrent pas comme les Gardes-Françaises. Cependant , si le maréchal de Biron avait vécu , on croit , et il est probable qu’il aurait maintenu le régiment des Gardes –Françaises dont il était l’idole, et qu’il avait commandé pendant 44 ans, Louis XV le lui ayant donné sur le champ de bataille à Fontenoy ; mais malheureusement , il était mort l’hiver précédent. Le duc du Châtelet qui le remplaça , y avait fait des innovations , il avait changé le système du maréchal, ce qui avait dégoûté les sous-officiers et les soldats. Une faiblesse inconcevable acheva la perte de ce régiment. A la fin de juin 1789 ou dans les premiers jours de juillet , quand on avait déjà observé des symptômes de mécontentement dans le corps, et qu’on avait lieu de craindre ses dispositions , quelques soldats furent mis à l’Abbaye pour une faute grave contre la discipline du corps ( L’Abbaye était alors la prison militaire des Gardes –Françaises ). Le peuple força la prison, s’érigea en libérateur des soldats opprimés , et les porta en triomphe au Palais Royal et dans toutes les rues de Paris. Cela fut souffert tranquillement. Ce dangereux exemple resta impuni. Triste faiblesse qui apprit au peuple et à ses meneurs , qu’il ne fallait que de l’audace pour intimider l’autorité, et paralyser cette force qu’on déployait alors avec tant d’appareil, et avec tant de menaces.


Madame de Chimay :

Pour accabler davantage encore le roi, son fils aîné vient de mourir .

Louis-Philippe :

Dès les premiers jours de juin, M. Le Dauphin étant mort , je fus chargé en l’absence de mon père , que ses fonctions de député empêchaient d’assister aux cérémonies d’accompagner son cœur au Val de Grâce. La cérémonie dura sept heures . Les ducs d’Orléans de ma branche avaient leurs sépultures dans le même caveau où l'on déposait les cœurs des Rois , et l’abbesse me dit en me montrant la place qui m’attendait : « Nous vous aurons là quelque jour » ; ce qui était aimable et paraissait certain dans ce temps là. Mais, j’ai peur à présent , qu’elle n’ait jamais le plaisir de me posséder dans son caveau.

Le 22 juin 1789, j’étais à Saint Leu , et comme à l’ordinaire , dans mon habit de coutil , quand je reçus l’ordre du Roi de me trouver à Versailles le lendemain à 7h du matin dans mon costume de pair. J’y arrivai exactement. Le Roi était seul dans son cabinet avec ses deux frères et ses deux neveux ; il attendait que les députés eussent pris séance. Comme cela se prolongeait , il se fit apporter un grand fauteuil et la liste des députés , et se mettant à la mire tout haut , il faisait des remarques sur ceux dont les noms lui étaient connus. En général, elles étaient peu obligeantes et il répétait sans cesse : « Que diable vient-il faire là ? «
Comme s’il désapprouvait qu’on fût membre de cette Assemblée qu’il avait lui-même convoquée , ou comme s’il désirait que cette Assemblée fût composée de gens inconnus ! Il n’y en avait cependant que trop de cette espèce ; mais il paraît que la Cour désapprouvait qu’on se fît nommer député, et je crois que cela provenait de ce que les députés n’étaient pas nommés par le Roi , et ne tenaient pas leurs pouvoirs de lui. C’était pourtant par ordre du Roi que le peuple avait fait des élections ; mais il est bien rare qu’on raisonne , et qu’on remonte à l’origine des choses, quand les passions sont en mouvement. La Cour ne voulait point d’Assemblée, ni d’Etats Généraux , et le Roi n’avait consenti à cette convocation que par suite de l’embarras de ses finances et dans l’espoir de tirer de l’argent de la nation par cette concession. Mais la Cour se flattait bien que cette concession ne serait que momentanée et qu’après avoir tiré des Etats Généraux les moyens pécuniaires dont on avait besoin , on les renverrait chez eux sans leur permettre de s’immiscer dans le Gouvernement, et que le Roi et ses troupes les mettraient à la raison s’ils s’en avisaient.

Nous restâmes cinq heures à attendre dans le cabinet du Roi , et je les passai sur mes jambes ; car ne recevant pas la permission de m’asseoir , je n’osai la solliciter, ni encore moins la prendre , quoique je visse les autres Princes se mettre sur des tables dans des coins où ils n’étaient pas immédiatement en face du Roi.


Madame de Chimay :

C'était une période de flottement et d'indécision dont les factieux sauront tirer profit .

Louis-Philippe :

C’est à cette inconséquence , à cette incohérence de projets et de démarches de la part de la Cour , que doit être attribué le succès de toutes les entreprises révolutionnaires. Le peuple ne voyait jamais l’autorité royale que pour en redouter les violences, les écarts et pour apprendre à la mépriser aussitôt après , comme un fantôme.

Le Palais Royal qu’on appelait avec raison , la Capitale de Paris avait été de tous les temps le lieu où se rassemblaient les amateurs de politique. C’était toujours dans ce jardin que chacun allait porter ses nouvelles , et apprendre celles des autres.
En Angleterre , où il y a peu de sociabilité , on ne se parle que quand on a réellement quelque chose à se dire , on abandonne volontiers aux gazettes le soin de faire circuler les nouvelles ; mais en France où de tout temps les gazettes ne peuvent imprimer que ce que leurs censeurs permettent au public de savoir , c’est dans les lieux publics , dans les jardins et dans les cafés que chacun cherche à se mettre au fait de ce qui se passe et c’est toujours par la conversation plus que par les gazettes que les nouvelles circulent.
D’après cela, il est facile de concevoir que dans un moment aussi critique , où à chaque minute il se passait des événements de la plus grande importance, le Palais Royal fût devenu un véritable club public, et un foyer terrible d’enthousiasme et de fermentation. Il est encore très facile de concevoir , plus que le Palais Royal devenait un lieu de réunion pour les orateurs et pour la foule qui les accompagne toujours , plus les gens tranquilles s’en éloignaient : et cet abandon du champ de bataille , quoique très simple et très naturel , facilitait le triomphe des opinions violentes.

Les chaleurs furent très fortes en 1789 et l’été fut superbe , ce qui devint un bon auxiliaire pour la Révolution : de fréquentes ondées auraient fort bien fait la police , et elles auraient été un excellent moyen de disperser les groupes et les attroupements. On a remarqué , dans le cours de la Révolution , que les émeutes et les mouvements populaires avaient toujours eu lieu pendant la belle saison , et qu’il n’y en avait point eu en hiver.

Madame de Chimay :

Mais alors, la cherté du pain ?  la disette ?

Louis-Philippe :

[i]La fermentation publique était augmentée dans Paris par une cause d’autant plus dangereuse qu’elle agite toujours le peuple en tout temps et en tous lieux. Cette cause était la cherté du pain et la disette du blé. Je ne sais si cette disette était réelle ou factice : ce qui est certain , c’est qu’elle devint encore plus forte dans le courant de l’été, de l’automne et même de l’hiver. Je crois qu’elle ne provenait que d’une mauvaise administration , de combinaisons illicites , de monopoles même , comme cela est arrivé en 1774 , et en d’autres occasions , et je ne crois pas du tout qu’elle ait été produite par des causes politiques , c'est-à-dire qu’un des deux partis l’ait faite pour perdre l’autre. Ils s’en sont accusés réciproquement , et si l’un des deux avait pu le prouver contre son adversaire , il n’y aurait pas manqué. On peut donc conclure de là qu’ils n’y étaient pour rien , ni l’un ni l’autre.

Je crois avoir déjà assez détaillé un assez grand nombre de fermentation pour qu’on ne soit plus étonné d’aucun événement. Je n’ignore pas cependant que ces causes ne paraissent pas suffisantes à un grand nombre de personnes , et qu’elles croient qu’il y en a eu d’autres. On veut absolument se persuader que l’argent a été une cause principale de la Révolution afin de se faire illusion sur ses véritables causes et comme dans le parti de la Révolution , il n’ y avait que mon père qui fut assez riche pour avoir employé ce moyen , on prétend que l’argent du duc d’Orléans a fait la Révolution.


Madame de Chimay :

On le disait dans les milieux révolutionnaires mêmes, Mirabeau le premier !

Louis-Philippe :

J’affirme que le fait est faux ; et Dieu sait qu’aucune considération ne me ferait attester ce dont je ne serais pas intimement convaincu ! Cependant comme je sens que, sur une pareille matière , mon témoignage ne peut pas suffire quel que soit le poids qu’on puisse être disposé à lui accorder, je vais tâcher de prouver mon assertion.
Je répéterai ici le même argument dont j’ai fait usage au sujet de la disette du blé ; si mon père avait payé la Révolution , ses ennemis en auraient découverts les preuves , et les auraient fait connaître au public. On ne m’objectera pas, qu’on ne l’a pas su, qu’on ne l’a pas osé, ni encore moins qu’on ne l’a pas voulu par ménagement . Jamais homme n’a été poursuivi avec un acharnement semblable, et pour le perdre , on a mis en usage toutes les noirceurs et toutes les calomnies qu’une haine violente pouvait seule suggérer.

Un grand nombre de journaux, de pamphlets, de brochures , ne paraissaient pas avoir d’autre objet que celui de le calomnier en composant sur lui les fables les plus absurdes , en recueillant et dénaturant toutes les anecdotes qui pouvaient lui nuire , et en recherchant avec soin ce qui pouvait lui donner une opinion défavorable , de tous les amis qu’il avait jamais eus. Ses parents et même ses ancêtres n’étaient pas plus épargnés et tous les libelles de la Grange-Chancel contre M. le Régent étaient relus avec soin , afin d’en renouveler les impressions sur le public, et d’en tirer des inductions contre lui.

Il semble donc clair que s’il avait véritablement répandu de l’argent parmi le peuple, on aurait découvert au moins quelques uns de ses agents ou quelques uns de ceux qui avaient reçu de l’argent , soit de lui, soit d’autres, mais jamais on n’a produit un seul fait positif, et on a été forcé de s’en tenir à l’accusation vague d’avoir répandu de l’argent parmi le peuple.
Cet argument me paraît sans réplique pour démontrer que l’accusation était sans fondement , et je n’en chercherais pas d’autres si la malignité des ennemis de mon père ne m’avait pas fourni en sa faveur des preuves encore plus irrésistibles . Ils ont employé avec autant de minutie que d’acharnement tous les moyens de former un échafaudage de calomnies et d’absurdités , assez spécieux pour motiver les persécutions qu’ils méditaient, et pour fournir à un tribunal ou à des tribunaux pervers  des prétextes de condamnation. Ils ont échoué dans l’un et l’autre objet , et le meilleur moyen de s’en convaincre serait de lire la procédure qu’ils ont eux-mêmes instruite au Châtelet sur les journées du 5 et 6 octobre 1789 et qui est imprimée.

J’anticiperai le moins que je pourrai sur ce que j’ai à dire , tant des événements de ces malheureuses journées , que de cette procédure ; mais il faut que j’en parle ici pour faire valoir les preuves que je crois pouvoir en tirer en faveur de mon assertion, qu’il est faux que mon père ait employé des moyens pécuniaires à opérer la Révolution .


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[/i]
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Message par Invité Mer 09 Avr 2014, 15:22

Madame de Chimay ne serait-elle pas l'auteur de" dialogus" ? Question Question Question 

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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 15:40




Non, Madame de Chimay était un membre du C.D.B.
Je m'amuse à la bouturer sous forme de dialogue .
Je plaide responsable mais pas coupable ...  :Le roi Louis-Philippe  2028181902 :Le roi Louis-Philippe  2028181902 :Le roi Louis-Philippe  2028181902 
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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 15:41

Madame de Chimay:

Il y aurait eu acharnement contre votre père ?

Louis-Philippe :

Cette procédure fut commencée en novembre 1789. Depuis lors jusqu’au mois d’août suivant , c'est-à-dire pendant plus de huit mois , le greffe du Châtelet fut ouvert à tous ceux qui voulurent aller déposer contre mon père. On eut soin d’y faire comparaître tous ceux qu’on savait être prévenus ou aigris contre lui, sans y appeler une seule personne qu’on pût croire bien disposée en sa faveur. J’ai lu cette procédure inique et je l’ai lue en entier. Je déclare que si elle n’était pas publiée, je la ferais imprimer tout à l’heure, parce qu’il est impossible de la lire sans être frappé de l’absurdité de l’accusation et sans reconnaître qu’il ne peut pas y avoir de justification plus complète que celle qui résultera de cette lecture aux yeux de tout homme de bonne volonté. Les témoins ne rapportent pas un seul fait positif. Leurs dépositions ne présentent qu’un tissu d’ouï-dire et de conjectures vagues qui n’ont aucune vraisemblance et qui sont souvent contradictoires. Il n’ y a pas même une seule personne accusée d’être l’agent de mon père dans le peuple, pas une seule accusée d’avoir distribué ou d’avoir reçu la somme la plus modique. Or, si cette procédure n’a pas produit une seule preuve que mon père ou qui que ce soit , eût répandu de l’argent parmi le peuple , ce défaut de preuves après une instruction juridique aussi longue et aussi détaillée , est une preuve positive que mon père n’en avait pas répandu.

Madame de Chimay:

Pourtant il fallait bien le trouver, cet argent à répandre pour acheter les meneurs ! Et votre père, pourtant richissime, aura à faire face à un gros revers de fortune ...

Louis-Philippe :

Avant de quitter ce sujet , je dois encore combattre un autre préjugé qui a beaucoup contribué à accréditer l’opinion que mon père avait employé de grandes sommes à opérer la Révolution. On a prétendu que les embarras de fortune dans lesquels il s’est trouvé postérieurement , ne pouvaient provenir que des dépenses énormes qu’il avait faites pour cet objet. Je suis convaincu , et je me flatte d’avoir prouvé , qu’il n’a rien dépensé pour cela ; mais il me sera encore plus facile de prouver que les embarras de ses finances étaient produits par d’autres causes que je vais tâcher de développer.

Il est bien connu que, quoique le duc d’Orléans eût une immense fortune, il avait une masse de dettes très considérable. La Révolution diminuant son revenu, et laissant subsister les charges dont il était grevé, il en résultait nécessairement le plus grand embarras dans ses finances. Les diminutions de son revenu furent énormes et je vais en donner la preuve.

D’abord le relâchement de la police dans le royaume et la difficulté d’employer des moyens coercitifs , rendirent la perception des revenus très lente et très incertaine, dès le commencement de la Révolution. Cependant quelques insuffisants que fussent les recouvrements, il fallait toujours que le trésor de mon père acquittât les rentes foncières et viagères aux époques fixées , et cela seul eût suffi pour faire naître des embarras.

2°-Il y eut de grandes dilapidations sans quelques parties de ses terres ; ce qui occasionnait , comme de raison , une diminution dans les revenus , et fournissait aux redevables des prétextes pour ne pas payer.

3°-Les opérations de l’Assemblée nationale relativement aux droits féodaux auraient suffi à elle seules pour déranger les finances de mon père. Les décrets de l’Assemblée divisèrent les droits féodaux en deux classes . Ceux de la première classe furent abolis sans indemnité. Mon père dut supporter cette perte comme tous les propriétaires de terres, mais ce fut une diminution de revenus très considérable. Les droits féodaux de la seconde classe furent déclarés rachetables , c'est-à-dire que les nouvelles lois accordaient aux contribuables la faculté de s’en affranchir en remboursant le capital au propriétaire , mais ces lois obligeaient les contribuables à continuer le paiement de ces droits jusqu’à ce qu’ils en eussent le rachat. Il n’en fut rien cependant : les droits déclarés rachetables cessèrent d’être payés comme ceux qui étaient abolis sans indemnité. C’était toujours sous prétexte de traiter du rachat, que les contribuables refusaient de payer, mais néanmoins aucun rachat ne s’est effectué. Les capitaux nécessaires à un pareil rachat n’existaient pas en France , surtout à cette époque où l’achat des biens du clergé qui étaient en vente , absorbait tout ce qu’il y avait de capitaux disponibles dans les campagnes.

4°-Enfin, les opérations de l’Assemblée Nationale , relativement aux apanages , furent le coup le plus terrible que la fortune de mon père pût recevoir ; et parmi toutes les injustices dont les Assemblées françaises n’ont cependant pas été très économes, il est impossible de nier que celle-là ait été une des plus révoltantes. La cause principale de cette injustice était la malveillance d’une grande partie de l’Assemblée Nationale constituante contre mon père . L’existence de cette malveillance est un fait que je crois pouvoir prouver , et la conduite de l’Assemblée dans l’affaire des apanages que je vais détailler , en est déjà une preuve bien forte. Je me bornerai quant à présent à faire voir que l’Assemblée nationale a entièrement ruiné mon père par ses opérations, et que par conséquent, cette ruine n’a pas eu pour cause les prétendues dépenses que ses ennemis l’ont accusé d’avoir faites pour fomenter la Révolution.


Madame de Chimay:

D'où vinrent ces difficultés nouvelles, pécuniaires, pour votre père ?

Louis-Philippe :

A la fin de 1790 , l’Assemblée Nationale Constituante , trouvant apparemment que la totalité des biens du clergé et la plus grande partie des Domaines de la Couronne ne formaient pas une assez grande masse de biens à vendre et peut-être que le Trésor Public n’était pas assez obéré, tant par le paiement des pensions accordées aux ecclésiastiques dépossédés, que par le paiement de tous ceux dont les emplois étaient conservés , jugea à propos de révoquer toutes les concessions apanagères de Domaine de la Couronne faites par les Rois de France à leurs frères ou fils cadets. Elle y substitua une rente apanagère payable par le Trésor Public , et cette rente devait être la même pour toutes les branches apanagées. Selon l’égalité mathématique que la manie du temps voulait établir en toutes choses. En conséquence, on demanda aux Princes apanagés de faire connaître le montant de leurs apanages. Il n’y avait que trois Princes apanagés en France , les deux frères du Roi et mon père. Monsieur, Comte de Provence , évalua le sien à 1 500 000 livres de rentes ; celui de M. Le Comte d’Artois fut porté seulement à 500 000 livres : et celui de mon père à 4 500 000 livres. On peut voir par ce détail que le but de l’opération était de déposséder mon père et de le ruiner. Mais je vais rendre cela encore plus évident. L’Assemblée fixa la nouvelle rente apanagère à 1 000 000 pour chacun des trois Princes apanagés et la déclara partageable par portions égales entre tous leurs descendants mâles à perpétuité. En outre, il fut accordé à chacun des deux frères du Roi 1 000 000 de rentes viagères pour l’entretien de leur Maison et la Nation se chargea d’acquitter 900 000 livres de rentes viagères créées par M. Le Comte d’Artois pour satisfaire ses créanciers. Mais il ne fut accordé à mon père qu’un million annuel pendant vingt ans , pour la liquidation de ses dettes , sans que l’Assemblée lui votât un million viager pour les dépenses de sa Maison , comme elle l’avait fait à chacun des frères du Roi , dont pourtant l’apanage était d’une valeur bien moindre que celui de mon père.


J’affaiblirais les réflexions que tout homme impartial fera sur ces procédés en essayant d’en faire sentir l’injustice. On confirma la concession apanagère du Luxembourg , à Monsieur, et celle du Palais Royal à mon père, et on promit une résidence semblable à M. Le Comte d’Artois ( le Temple appartenant à l’Ordre de Malte dont son fils aîné était grand prieur ). Mais ici , je dois encore observer que ces confirmations furent dictées par le même esprit d’animosité et d’injustice envers mon père . Les termes de la concession du Palais Royal par Louis XIV à Monsieur ( le premier duc d’Orléans de ma branche ), portent que dans le cas de réversion à la Couronne , les bâtiments nouveaux et embellissements qui pourraient avoir été faits par Monsieur, frère de Louis XIV , ou par ses descendants mâles seraient reçus , ad valorem, et payés par le Trésor royal à leurs filles ou héritiers dans la lignée féminine. En sorte que , comme à diverses époques, le Palais Royal avait été rebâti à neuf par les ducs d’Orléans , il aurait fallu le racheter en entier , ce dont l’Assemblée se souciait d’autant moins qu’on n’aurait su qu’en faire , et qu’il n’était pas fini. On n’y vit donc qu’une charge et on le laissa à mon père. Ce fut en vain qu’il réclama contre cette accumulation d’injustices et de vexations : ce fut en vain qu’il objecta que depuis la concession de Louis XIV, notre apanage avait quadruplé de valeur par les capitaux que nous avions constamment employés à le bonifier au lieu d’acquérir de nouvelles possessions , ainsi qu’il n’avait tenu qu’à nous de le faire. On n’eut aucun égard à ses réclamations. On avait résolu sa ruine ; et elle fut consommée.

Je présume que quiconque aura pris la peine de lire ces détails, ne croira plus qu’il ait fallu d’autres causes que celles que je viens de déduire pour qu’il se soit trouvé dans les embarras pécuniaires où il est notoire qu’il était en 1792 lorsqu’il fit un concordat avec ses créanciers.
Pour résumer en peu de mots ce long article, les revenus de mon père étaient réduits au quart et ses dettes étaient maintenues en entier. Et que pensera t-on lorsque l’on saura que même de ce revenu ainsi réduit au quart, la rente apanagère d’un million annuellement et le million pendant vingt ans , n’ont jamais été payés , ni en totalité ni en partie ?


Madame de Chimay:

...   hum !

Louis-Philippe :

Cette digression m’a fait interrompre le fil de ma narration , mais j’ose croire que personne ne s’étonnera que je l’ai faite. Elle présente un résultat important , puisqu’elle me paraît prouver que la Révolution n’a pas été opérée par des moyens d’argent ainsi que tant de personnes l’ont cru. Or, si la Révolution n’a pas été payée , il est impossible qu’elle ait été produite par d’autres moyens que ceux que présente l’opinion publique, et la preuve de ce fait est un des principaux objets que je me propose dans ces Mémoires. Un autre objet que je me flatte d’avoir atteint dans cette digression , c’est d’avoir détruit une calomnie contre mon père. Plus je gémis de ne pouvoir pas justifier toutes ses démarches, plus j’attache de prix à le défendre, quand je le puis, et à repousser des attaques injustes et sans fondement. Je reprends mon récit.

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Message par Invité Mer 09 Avr 2014, 15:52

Notre Princesse avait une personnalité pas toujours facile mais il faut avouer qu'elle nous manque. Une véritable bibliophage ! cheers Et qui aimait partager ses découvertes ! :n,,;::::!!!: 

Si par le plus grand des miracles (nous parlons de la Princesse Wink ), elle clique sur le CDB, qu'elle ne soit pas surprise. Nous l'attendons. Je ne doute pas qu'elle a déjà été prévenue. Bien que ce soit une bouteille à la mer...
Son silence est vraiment inquiétant. Sad 

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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 16:09

Madame de Chimay :

Continuez, Monseigneur, continuez . Je suis tout ouïe !!!

Louis-Philippe :

J’ai déjà dit que la réunion des Ordres en une seule Assemblée s’était faite par ordre du Roi le 29 juin 1789 , et j’ai parlé de l’effet que cet ordre et cette réunion avaient produit dans Paris. Il est incontestable que par cet ordre , le Roi enjoignait le 29 de faire ce qu’il avait défendu le 23 . Il reconnaissait , au moins tacitement , la démarche de l’Ordre du Tiers état de s’être constitué en Assemblée Nationale, puisqu’il ordonnait aux deux premiers ordres de se réunir à cette Assemblée. Il se mettait en contradiction formelle avec la prohibition qu’il avait faite seulement six jours avant, dans la Séance royale du 23 à l’Ordre du Tiers état , de prendre cette qualification d’Assemblée Nationale, et avec l’ordre positif qu’il avait donné à chacun des trois Ordres de délibérer séparément dans leurs chambres respectives.

Je ne prétends pas décider , si le Roi avait ou non le droit d’après les lois existantes de donner de tels ordres aux états généraux. Je ne connais pas assez ces lois pour donner une opinion positive , quoique je sois porté à croire , qu’il ne l’avait pas ; mais qu’il l’eût ou non, il est clair que les ordres du 29 prescrivaient ce que ceux du 23 avaient défendu.Cette marche contradictoire est à la fois une preuve et une conséquence du système que j’ai dit que le Roi et sa Cour avaient constamment suivi. Ils n’ont jamais bien jugé la ligne de conduite qu’il convenait d’adopter envers la nation, et ses représentants, soit que les représentants fussent les Parlements et les États Provinciaux , soit qu’ils fussent les états généraux ou l’Assemblée nationale. Dans presque toutes les circonstances , la conduite de la Cour a eu trois périodes contradictoires. La première,l’annonce d’une résistance absolue , inflexible , et accompagnée des plus terribles menaces pour ceux qui essayeraient de désobéir.
Dans la seconde période, plus de menaces , mais une concession partielle qui ne contente personne , parce qu’elle est évidemment extorquée par la force , accordée par l’impossibilité de la refuser et toujours accompagnée de quelques réserves secrètes qui laissent aux uns l’espoir , et aux autres la crainte , qu’on ne revienne sur la concession.
Dans la troisième période , abandon total des uns , fuite des autres et triomphe si inattendu et si complet pour les adversaires de la Cour , qu’ils ne savent plus que faire de leur victoire , et que souvent , ils la détruisent eux-mêmes par l’ivresse de leurs succès. On peut dire que cette marche a été régulièrement suivie par la Cour , pendant tout le cours de la Révolution.


Madame de Chimay :

...   la débandade la plus générale, autant le dire !

Louis-Philippe :

Il est incontestable qu’en 1789, l’opinion générale de toute la France demandait une réforme dans le Gouvernement , et la création d’une Représentation nationale. Cette demande était unanime , et elle parvenait au Roi d’une manière trop imposante pour qu’il fût sage de s’y opposer.
Aussitôt après la réunion des états généraux, le Roi aurait dû charger ses ministres de concerter avec les députés , un projet d’acte constitutionnel qui aurait assuré à la nation les avantages qu’elle réclamait. Je crois que ce travail aurait été facile à faire , et que le succès en eût été complet , si le Roi et sa Cour l’eussent voulu ; mais ils ne le voulaient pas. Ils ne cherchaient qu’à semer la discorde dans l’intérieur des états généraux, à aigrir les Ordres les uns contre les autres, et à paralyser leurs opérations. Ils se flattaient par là de démontrer l’inutilité des états généraux, d’en dégoûter la nation , et de parvenir plus aisément ensuite à les dissoudre, à se débarrasser de toute Représentation nationale et à arracher à la nation le peu de privilèges qui lui restaient. Ils oubliaient toujours que cette force irrésistible de l’opinion qui les avait déjà contraints à la mesure qu’ils voulaient annuler, ne les laisserait jamais rétrograder impunément , et c’est ainsi qu’après avoir successivement accordé et refusé , les états généraux, ordonné et défendu la délibération par Ordre et la délibération par têtes , la séparation des Ordres et leur réunion , ils se sont persuadés qu’il dépendait du Roi , de dissoudre par la force cette même Assemblée dont il n’avait pas osé refuser la convocation, et qu’après l’exemple terrible qu’ils se proposaient d’en faire, personne en France ne s’aviserait de demander des états généraux , ou surtout de désirer en être membre.

En supposant que les premiers actes de l’Assemblée nationale fussent considérés comme factieux , il est certain que le Roi devait dissoudre l’Assemblée , même par la force s’il était nécessaire d’y avoir recours ; mais alors il eût été indispensable qu’après un tel coup d’autorité , le Roi ne fit usage de la pleine puissance , que cet événement aurait placé momentanément dans ses mains, que pour faire jouir la nation des avantages qu’elle réclamait de toutes parts, ce qui aurait été , je crois , l’unique moyen de consolider la monarchie. Alors , les concessions qu’il aurait faites , auraient été reçues avec confiance et reconnaissance. La crainte des vengeances et persécutions royales , ce levier si puissant de tous les excès de la Révolution , aurait disparu pour toujours. Un gouvernement sage et constitutionnel , et surtout une bonne administration intérieure , auraient promptement cicatrisé ce pitoyable déficit de 56 millions tournois dont on a fait tant de bruit.


Madame de Chimay :

Le roi, le roi, vous en avez de bonnes, Monseigneur !  mais le roi était aux abonnés absents .

Louis-Philippe :

Dans l’une ou l’autre hypothèse , c'est-à-dire dans le cas où le Roi se serait entendu de bonne foi avec l’Assemblée, aussi bien que dans le cas où il l’aurait dissoute , je crois que cette terrible crise aurait pu devenir très salutaire , et il est bien affligeant de comparer aujourd’hui ce qu’elle a été avec ce qu’elle aurait pu être.

Quoi qu’il en soit , le point principal pour le Roi , était d’adopter une marche quelconque , et de la suivre franchement et résolument. Malheureusement , il fit tout le contraire. Il était dans une fluctuation perpétuelle entre tous les systèmes et toutes les lignes de conduite , et cette triste variabilité a été une des principales causes de ses malheurs et des nôtres. Elle achevait de détruire le peu de confiance qu’on avait dans les promesses et dans les engagements du Roi , et il faut avouer que l’adoption de mesures contradictoires , telles que celles des 23 et 29 juin , était quelquefois tellement rapprochée l’une de l’autre , qu’il était difficile de ne pas y voir un système constant de fausseté et de perfidie. Cette apparence de duplicité devint encore plus forte , lorsque après avoir donné au clergé et à la noblesse de se réunir au Tiers état constitué en Assemblée Nationale ( et peut-être en même temps ) il expédiait celui d’investir de troupes Paris et Versailles, et faisait des préparatifs pour dissoudre par la force cette même Assemblée dont il venait d’ordonner la réunion , et de reconnaître le caractère. Il était naturel qu’un public inquiet et soupçonneux considérât le premier de ces ordres , comme un manteau destiné à couvrir le second.

Après la réunion des Ordres, l’Assemblée nationale se partagea en 30 bureaux pour faciliter ses travaux. Au bout de quelques jours, l’archevêque de Vienne ( M. Lefranc de Pompignan ) fut porté à la présidence par le suffrage des trois Ordres , à la place de M. Bailly, premier député du Tiers état de Paris, qui avait été élu président pour 15 jours , lorsque le Tiers état s’était constitué en Assemblée nationale. L’archevêque de Vienne était un des premiers prélats qui se réunirent au Tiers état. Après la quinzaine et par conséquent , après les terribles événements du 14 juillet, mon père fut élu président , et refusa.


Madame de Chimay :

... un beau planqué aussi, votre père, entre nous soit dit ! vraiment pas de quoi fanfaronner ...

Louis-Philippe :

La réunion des Ordres calma momentanément l’agitation des esprits. On attendait avec moins d’anxiété que l’Assemblée commençât ses travaux , mais l’approche des troupes ranima bientôt la fermentation. Peu à peu presque toutes les troupes étrangères , tant allemandes que suisses qui étaient alors au service de France, arrivèrent aux environs de Paris. On y fit venir aussi des régiments français dont les colonels paraissaient dévoués au parti de la Cour . Ces mouvements indiquaient clairement que la Cour méditait un grand coup d’autorité. Je crois que le mode d’exécution n’en était pas définitivement arrêté , et qu’on se flattait que la présence des troupes suffirait pour intimider Paris, le soumettre, ainsi que l’Assemblée , et anéantir toute autorité qui n’était pas celle du Roi. J’ai de très bonnes raisons de croire que la Cour était résolue à faire ensuite ce qu’on appelait des exemples sur les membres marquants de l’Assemblée , et à anéantir par la violence tout ce qui pourrait restreindre ou limiter l’exercice de l’autorité absolue. Mais quoiqu’on sût bien que M. Necker ne se prêterait point à exécution de ces projets , on n’avait pas encore pu parvenir à fixer le choix du Roi pour la formation d’un nouveau Ministère. Je tiens de Monsieur, Comte d’Artois , que la nomination du baron de Breteuil fut l’effet du hasard ; que la Reine lui ayant dit : « Mais par qui allons-nous remplacer M. Necker ? » , il avait répondu « Le Baron de Breteuil a de la fermeté , et fera très bien jusqu’à ce que nous ayons eu le temps de faire un bon choix définitif » ; que c’était ce peu de mots qui avait déterminé sa nomination ; qu’il aurait proposé de même , toute autre personne qui se serait présentée à sa pensée , et il ajouta que depuis , il s’était bien reproché cette proposition.
Je suis persuadé que le Roi aurait pu réduire Paris et l’Assemblée par le moyen de ses troupes.


Madame de Chimay :

A qui le dites-vous !  Le roi Louis-Philippe  3826491292 

Louis-Philippe :

On en jugera par le récit des faits. Il est évident que l’Assemblée était dans sa main à Versailles ; il ne fallait que de l’audace et de la célérité pour assurer le succès. La célérité surtout était importante, d’abord pour empêcher les troupes de se débander et de se joindre aux Parisiens , et ensuite pour que les meneurs de Paris et de l’Assemblée n’eussent pas le temps de se mettre en défense, car les hommes deviennent très braves et très entreprennants , quand ils se croient perdus , et qu’ils ne voient de salut que dans l’audace et la témérité. La Cour ne prenait pas la peine de dissimuler et chacun était bien averti du sort qui l’attendait dans le cas où elle en serait l’arbitre. Ce ton de violence et d’emportement , exaspérait les esprits , et les disposait à pousser jusqu’à l’extrémité les avantages qui résultaient pour eux de la mollesse de conduite dont les menaces de la Cour étaient toujours accompagnées ou suivies.

Le 11 juillet , le Roi renvoya M. Necker , et ce renvoi fut reçu dans le public comme la déclaration de guerre après laquelle on ne songe plus qu’à se défendre et à attaquer son ennemi quand on en trouve l’occasion . M. Necker partit très secrètement de Versailles et sortit immédiatement de France , selon l’ordre que le Roi lui en avait donné. Il dit dans un de ses ouvrages que l’intention du Roi en lui donnant cet ordre avait été de le sauver et de ne pas être obligé de le comprendre dans le nombre des exemples qu’il se préparait à faire.


Madame de Chimay :

... de l'audace, de la célérité, Loulou !   boudoi29   Vous rêvez, Monseigneur !

Louis-Philippe :

La nouvelle du renvoi de M. Necker se répandit dans la journée du 12 , la fermentation qu’elle produisit , ne peut se décrire. Il se forma de toutes parts des attroupements dans tout Paris. On fit prendre les armes aux troupes qui s’y trouvaient , et on en introduisit de nouvelles. Il y avait au Champ de Mars , trois régiments suisses , tandis que M . de Lambesc était à la tête de son régiment de cavalerie Royal allemand sur la place Louis XV ayant avec lui Royal dragons et derrière lui, aux Champs–Élysées et au cours la Reine, un corps de troupes considérable qui pouvait être renforcé d’un instant à l’autre par les nombreux cantonnements établis sur toute la route de Versailles , sur celle de Rouen et dans les environs de Saint Denis. A la gauche du Prince de Lambesc était un cordon d’infanterie dans lequel , à la vérité , se trouvait la principale partie du régiment des Gardes-Françaises. Il s’étendait depuis la place Louis XV tout le long des boulevards presque jusqu’à la Bastille. Ces troupes étaient sous les ordres du Baron de Besenwald, lieutenant colonel des Gardes Suisses. Indépendamment de ces dispositions intérieures, Paris était investi par une armée d’environ 25 000 hommes , commandée par le maréchal de Broglie que le Roi avait nommé ministre de la guerre en renvoyant Necker. Aussi, le 12 , au soir tout Paris était dans la consternation. M. de Lambesc à la tête de son régiment était entré au galop^dans le jardin des tuileries par le pont tournant , et cette galopade avait causé un effroi général. Paris était ce jour-là dans la main du Roi comme Versailles, l’Assemblée et toute La France.

Tout semblait fini , et l’était en effet , si on avait osé le croire. Mais au lieu d’occuper Paris militairement, et de s’attacher à disperser les rassemblements, on laissa une partie des troupes sous les armes et dans l’inaction pendant toute la nuit. Les Gardes Françaises qui occupaient les boulevards , y furent exposés pendant 14 ou 15 heures à toutes les séductions des habitants de Paris. La communication qui s’établit à la fin entre eux , fut ce qui décida la défection du régiment. Il est inconcevable qu’on ait persisté à laisser dans Paris ce régiment qu’il était facile et important d’en faire sortir. On a fait plus encore, on l’y a laissé seul, et c’est la seule troupe qui soit restée dans la cour du dépôt ( note : le dépôt était une grande caserne sur le boulevard au coin de la Chaussée d’Antin ) pendant la journée du 13.


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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 16:11

Reinette a écrit:Notre Princesse avait une personnalité pas toujours facile mais il faut avouer qu'elle nous manque. Une véritable bibliophage ! cheers Et qui aimait partager ses découvertes ! :n,,;::::!!!: 

Si par le plus grand des miracles (nous parlons de la Princesse Wink ), elle clique sur le CDB, qu'elle ne soit pas surprise. Nous l'attendons. Je ne doute pas qu'elle a déjà été prévenue. Bien que ce soit une bouteille à la mer...
Son silence est vraiment inquiétant. Sad 

Je viens à nouveau de tenter de la joindre : je n'ai même pas eu de répondeur ...  Sad 

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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 16:38



Madame de Chimay :

C'est le début de la fin ...

Louis-Philippe :

La place Louis XV fut abandonnée et on semblait déjà se reconnaître vaincu. Ces tergiversations rendirent à la multitude , le courage qu’elle perdait ; les groupes furent plus nombreux que jamais , les orateurs furent plus audacieux , et enfin, le terrible cri Aux Armes ! partit du Palais Royal , et se répandit comme l’éclair, dans tous les quartiers de Paris. Le tocsin sonna , la générale battit ; en un moment, Paris devint une armée ; un orateur ( Camille Desmoulins ) un pistolet à la main , monta sur une table dans le jardin du Palais Royal , et invite à prendre une cocarde pour se reconnaître ; il propose la couleur verte comme étant celle de la liberté, et elle est adoptée. Mais un moment après , les cocardes vertes sont foulées aux pieds , parce qu’on se rappelle que c’est la couleur de livrée de M. Le Comte d’Artois , et le peuple arbore les trois couleurs , le rouge , le bleu et le blanc, parce que ce sont celles de la Maison d’Orléans. Un autre orateur propose d’aller forcer les Invalides et de s’emparer pour la défense de Paris, de l’artillerie et des armes qui y étaient déposées. On y vole, et chose, à peine croyable , on n’y trouve que la garde ordinaire des vieux Invalides ! Cette garde est bientôt forcée , les armes sont soulevées et l’artillerie est conduite sur les ponts, sur les quais, et dans les différents endroits par où on craignait l’arrivée des troupes du Roi. Une autre scène se passait sur le boulevard ; les Gardes Françaises y étaient harangués et sommés de prendre parti pour ou contre ; ils se joignirent au peuple, et alors toute cette multitude se porta sur la Bastille qui était déjà entourée par une foule considérable qui demandait au gouverneur d’en ouvrir les portes.

Madame de Chimay :

Votre père s'en frotte les mains, le félon ...

Louis-Philippe :

Tous ces mouvements n’étaient spontanés qu’en apparence. Les événements du 11 et du 12 juillet ayant averti les révolutionnaires que le moment était venu où il n’y avait plus d’autre alternative que celle de triompher ou de succomber, les électeurs du Tiers état de Paris s’étaient réunis à l’Hôtel de ville dans la journée du 13 , et avaient dirigé tous les mouvements.
Note sur les électeurs du Tiers état de Paris : lors de l’élection des députés du Tiers état de Paris, cette Ville avait été divisée en 60 districts où tous les bourgeois se rendirent et élurent un électeur pour chaque centaine de bourgeois votants, et ces électeurs réunis dans une salle de l’hôtel de ville élurent les 20 députés du Tiers état de Paris aux états généraux .
Exemple frappant et trop tôt oublié de l’avantage de saisir l’autorité dans les moments de troubles. C’est alors qu’on obéit à celui ou à ceux qui s’avisent de donner des ordres , car il existe pour les hommes une nécessité d’obéir à quelque chose et de reconnaître une autorité quelconque. Il y a eu plus d’un exemple de ce genre dans le cours de la Révolution . Ce corps électoral s’étant donc, de sa propre autorité , constitué en Gouvernement de Paris , convoqua les districts le 13 juillet pour former des points de réunion où il pût adresser des ordres , et ne perdit pas un instant à organiser tous les bourgeois de chaque district en compagnies et en bataillons . Ce fut ce qu’on appela la Garde nationale dont chaque huitième d’homme était un soldat aux Gardes Françaises qui apprenait à sept bourgeois , à marcher , à manier un fusil et à faire le service militaire . Cette Garde nationale occupa sur le champ par ordre des électeurs , tous les postes militaires de Paris.


Madame de Chimay :

Ces mouvements n’étaient spontanés qu’en apparence, dites-vous !!!
Mais, Monseigneur, vous prêchez une convertie .

Louis-Philippe :

La Bastille était un des principaux ; aussi le 14 , dès 7h du matin , un des électeurs , M.Thuriot de La Rosière , depuis député à l’Assemblée législative et à la Convention , était aux portes de la Bastille en pourparlers avec le Gouverneur. D’un autre côté , on s’armait aux Invalides , on déterminait la défection du régiment des Gardes Françaises , et on s’emparait sans aucune difficulté de toutes les barrières , même des Grilles de Chaillot et de la Conférence ; on en barricadait les approches et on y mettait des gardes . Enfin tout Paris , excepté la Bastille , était soustrait à l’autorité royale, et soumis à celle du corps électoral.

Il aurait été facile de jeter quelques troupes dans la Bastille , et il est inconcevable qu’il n’y eût pour toute garnison que trente hommes du régiment suisse de Salis Samade aux ordres du lieutenant de Flue avec la compagnie d’Invalides qui en faisait le service habituellement. Il paraît même qu’on avait si peu calculé que ce poste pût être menacé ou investi, qu’on n’y avait fait aucun dépôt de vivres. Il n’y avait pas de quoi nourrir cette faible garnison pendant une seule journée !Ce gouverneur ne pouvait donc faire aucune résistance. Il tergiversa cependant assez longtemps, probablement dans l’espoir que les troupes du Roi viendraient le secourir, ce qu’il devait regarder comme certain ; mais cela ne fut même pas tenté, et vers 4h du soir , ne voyant venir personne à son secours , il se décida à capituler. J’écris de mémoire , et j’aime mieux omettre des détails que d’en rapporter d’inexacts . Je ne prétends pas faire l’histoire de la Révolution , mais seulement écrire ce que je sais. Je n’ai pas été bien informé de ce qui s’est passé à la Bastille . Je sais pourtant qu’il y eut des pourparlers entre les députés du Corps électoral , et le gouverneur de la Bastille qui consentit à y laisser entrer des fondés de pouvoirs pour traiter ; mais je ne me rappelle plus les détails de cette négociation. Le fait dont je crois être certain , c’est que ce fut dans un moment où on baissait le pont -levis pour laisser entrer ou sortir les agents du peuple et des électeurs , que la multitude s’ y précipita, et termina ainsi toutes les difficultés. Il n’y eut point d’autre exploit que celui-là , et quelque chose que l’esprit de parti ou l’ignorance de la vérité aient pu faire dire de ce grand événement, je crois être sûr que c’est ainsi que la Bastille fut prise. Mais il paraissait très important alors de représenter la victoire populaire comme une action brillante et valeureuse , car il fallait habituer le peuple à faire peu de cas de ses antagonistes , et lui persuader que rien ne pouvait lui résister. Aussi les Parisiens se crurent –ils un peuple de héros ; cette opinion leur donnait de la confiance en eux-mêmes et intimidait leurs adversaires.

Le malheureux gouverneur de la Bastille ( M. de Launay ) fut conduit à l’Hôtel de ville , mais il n’y arriva pas en vie ; il fut massacré en chemin : selon les uns, il périt sur les marches de l’Hôtel de ville , et selon les autres, à la place Baudoyer à peu de distance de là ! Il est certain qu’il était déjà assez loin de la Bastille lorsqu’il fut massacré ; plusieurs de ses officiers eurent le même sort , et leurs têtes et la sienne portées sur des piques furent promenées dans le jardin du Palais Royal et dans tous les coins de Paris. Affreux préludes des horreurs dont cette ville devait bientôt devenir le théâtre ! Il est difficile de comprendre ce que le Roi faisait de son armée pendant les journées du 13 et du 14. il est avoué et reconnu par tout le monde que Paris n’aurait fait, et ne pouvait faire aucune résistance sérieuse. Il est tout aussi positif qu’à cette époque les troupes auraient obéi aux ordres du Roi , quels qu’ils eussent été. On ne peut donc attribuer cette inaction qu’à l’incapacité et à la faiblesse de ceux qui étaient alors à la tête du Gouvernement . depuis longtemps, on s’était habitué en France à ce que la simple présence des troupes en imposât au peuple. Je crois même qu’on s’était flatté que l’arrivée des troupes suffirait pour contenir Paris , et qu’il ne serait pas nécessaire de tirer un coup de fusil. Au lieu de cela, le peuple de Paris a joué le rôle des troupes dans les autres temps ; il a fait trembler le Roi et sa Cour , sans tirer un coup de fusil.


Madame de Chimay :

Comment ça, sans tirer un coup de fusil ?!!!  Le roi Louis-Philippe  3249736284 

Louis-Philippe :

Cependant , je ne puis omettre une circonstance qui eut en réalité ou en apparence , une grande influence sur la conduite du Roi dans cette circonstance , et dans tous les événements qui ont suivi. L’archevêque de Paris ( M. de Juigné ) se transporta chez le Roi à Versailles , et intimida sa conscience sur le sang innocent qui serait versé si ses troupes en venaient aux mains avec les Parisiens parce que disait-il , dans une confusion semblable, on ne pouvait pas distinguer l’innocent du coupable, tout périssait indistinctement , et un Roi était responsable à Dieu du sang innocent qu’il faisait couler . L’archevêque exhorta donc le Roi à éloigner les troupes et à employer à leur place des moyens de conciliation. On dit que le Roi le promit . Si ce principe était admis, aucune circonstance ne pourrait plus justifier la guerre , car on n’ y verse jamais que du sang innocent. On a dit dans le temps , que cette démarche de l’archevêque avait été faite de concert avec le Roi , afin de lui procurer un prétexte plausible pour éloigner les troupes sans paraître céder à l’Assemblée ou à la Ville de Paris.

Madame de Chimay :

Qu'est-ce que c'est que ce raisonnement spécieux !
Dans toute guerre, on ne verse que du sang innocent !  

Louis-Philippe :

Le 15 juillet, le Roi se rendit à l’Assemblée nationale pour l’assurer qu’il ne voulait point se séparer d’elle. L’Assemblée demanda le renvoi des ministres , l’éloignement des troupes et le rappel de M ; Necker. Elle obtint toutes ces demandes , et le Roi appela au ministère plusieurs députés qui avaient constamment pressé la réunion des Ordres. L’enthousiasme de l’Assemblée fut porté au plus haut degré lorsqu’elle apprit que le Roi adoptait toutes ses mesures, et par un mouvement spontané , elle se leva tout entière et reconduisit le Roi au château.

Le même jour, M. Le Comte d’Artois, ses enfants, M . Le Prince de Condé, M. Le Duc de Bourbon, M. Le Duc D’Enghien et M. Le Prince de Conti sortirent de France où excepté le dernier , ils ne sont plus rentrés pendant la Révolution. On ne peut disconvenir que ces Princes étaient alors fort impopulaires et que le peuple de Paris avait manifesté beaucoup d’animosité contre eux.

Le 17 juillet, le Roi précédé d’une nombreuse députation de l’Assemblée nationale se rendit à Paris ; il fut reçu à la Barrière de la Conférence par M. Bailly , le nouveau maire élu sans sa participation. Il traversa , pour aller à l’Hôtel de ville , une immense multitude armée qui observa un profond silence , mais lorsqu’il parut sur le balcon de l’Hôtel de ville et qu’il attacha la cocarde tricolore à son chapeau , l’air retentit des cris de Vive le Roi ! et d’acclamations qui ne cessèrent plus jusqu’à sa sortie de Paris. Il retourna à Versailles le soir même, et la députation de l’Assemblée après l’avoir reconduit jusqu’à la Barrière , alla assister au Te Deum de Notre Dame.

Le corps électoral nomma M. De La Fayette commandant général de la Garde Nationale Parisienne. Mais M. de La Fayette n’accepta cette nomination quà condition qu’elle serait ratifiée par le Roi , et elle le fut sans difficulté. L’état major de la Garde Nationale de Paris fut nommé par le commandant général ; les autres officiers le furent par les différents bataillons . Le Corps électoral continua à gouverner Paris pendant plusieurs mois, avec autant de facilité que s’il avait eu un pouvoir légal.


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Le roi Louis-Philippe  Empty Re: Le roi Louis-Philippe

Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 17:04




Madame de Chimay :

Et votre père, votre famille, dans tout cela ?!!

Louis-Philippe :

Pendant cette étonnante succession d’événements , mon père était constamment resté à Versailles , où il était retenu par ses fonctions de député ; ma mère était au Raincy et nous étions à Saint Leu avec Mme de Genlis qui était fort effrayée . La vue des Suisses , des hussards et la présence de ce grand nombre de troupes, ne lui laissaient pas de doute sur le succès de la Cour. D’ailleurs, les communications étaient devenues si difficiles et si imparfaites , qu’elle n’avait qu’une connaissance très confuse de ce qui se passait à Paris , et plus encore à Versailles où mon père et M. de Sillery , son mari , étaient au premier rang des victimes désignées. Elle s’attendait d’un moment à l’autre à être enlevée , ainsi que nous , par les hussards et prenait tous les soirs des précautions pour être avertie de leur arrivée, et avoir le temps de se sauver par le parc dans la forêt de Montmorency. Cela ne l’aurait pas sauvée , même quand elle y serait parvenue , et qu’elle aurait pu se dérober à l’œil inquiet et observateur d’un grand nombre d’individus et de domestiques dont le château de Saint Leu était rempli alors.
Personne n’était plus incapable que Mme de Genlis de former un bon plan d’évasion et d’en exécuter aucun. Le sentiment de cette incapacité augmentait certainement son effroi , et elle se terrifia à tel point que, le 15 juillet , quand tout était fini ( ce qu’elle ignorait à la vérité ) elle n’osa pas coucher dans le château. Sous prétexte de nous conduire au Raincy où était ma mère , elle nous emmena , par des chemins détournés , mais en voiture à six chevaux , à Boissy chez l’abbé de Mastin , où nous savions qu’il n’y avait personne. Cette maison n’était qu’à trois quarts de lieue de Saint Leu où nous retournâmes le lendemain matin. Tout le monde avait su le soir même que nous couchions à Boissy , et on se moquait de cette excursion ridicule.

Ma mère n’était pas non plus sans inquiétude sur notre position à Saint Leu , et elle avait fait dire à Mme de Genlis par une personne de confiance qu’elle voudrait nous avoir au Raincy ; mais Mme de Genlis s’y était refusée positivement ; ce qui avait fort déplu à ma mère.

Je me rappelle que me promenant alors dans le parc avec un Anglais attaché à notre éducation , je me réjouissais beaucoup de la victoire populaire , et il me dit : « N’allez pas si vite ; vous ne savez pas ce que c’est ce dont vous vous réjouissez , vous croyez que cela a sauvé votre père, mais cela le perdra «
-« Comment cela ? lui dis-je »
-« Parce que, me dit-il , les personnages marquants par leur influence dans une Révolution populaire , n’en ont jamais retiré le fruit, ils en ont toujours été les victimes . Vous êtes bien jeune , et je ne sais pas ce qui arrivera de vous ; mais votre père est trop marquant pour ne pas s’y perdre ». Je ne le crus pas ; mais ses paroles me firent une forte impression, car je ne les ai jamais oubliées» .


Madame de Chimay :

Vous convenez donc que votre père, à cette période de la Révolution, en était l'un des personnages les plus marquants !

Louis-Philippe :

Cette alarme effraya d’abord Mme de Genlis ; cependant , elle s’en remit promptement ; mais les décrets du 4 août renouvelèrent ses inquiétudes. Elle ne voulut plus rester à Saint Leu et revint à Paris presque immédiatement .
Il est certain que ces décrets qu’on appelait des Arrêtés produisirent une très grande sensation parmi les paysans. On devait s’y attendre puisque le but général de ces décrets était l’abolition des droits féodaux , et celle des privilèges pécuniaires du clergé et de la noblesse. Cette abolition subite et presque inattendue , occasionna une secousse terrible ; ce fut le signal de l’incendie et de la dévastation des châteaux dans les provinces , et ces horribles scènes durèrent plusieurs mois.

De retour à Paris, les inquiétudes de Mme de Genlis ne se calmèrent pas, et elle voulut trouver près de la ville une maison qui en fût assez rapprochée pour ne courir aucun risque par l’isolement à la campagne, et qui en fût en même temps assez éloignée pour qu’on n’eût rien à y craindre des émeutes populaires, qui dans le fait n’étaient que trop probables à cette époque.
La maison de M . De Boulainvilliers à Passy réunissait ces deux avantages ; mon père lui fit demander s’il voulait la louer : il s’y refusa, mais offrit de la prêter , et on accepta. Nous allâmes nous y établir à la fin d’août.
On a répandu depuis que Mme de Genlis avait pris cette maison pour conduire des intrigues , et qu’elle y tenait des conciliabules ; cela est entièrement faux . Elle n’avait certainement pas d’autres motifs que ceux dont j’ai parlé, jamais elle n’a vécu aussi retirée qu’alors. Mon père même ne venait pas la voir souvent. M. de Sillery qui était très assidu à Versailles aux séances de l’Assemblée, n’y venait que tous les dimanches, parce qu’alors il n’y avait pas de séance ces jours là. M. Ducrest , frère de Mme de Genlis , n’y vint que deux ou trois fois, pendant près de six semaines que nous passâmes à Passy, et M . De La Touche Fréville , chancelier de mon père , y vint une seule fois. On répandit alors des bruits si absurdes sur ce qui se passait à Passy , que ces détails sont gravés dans ma mémoire , et je garantis leur authenticité.


Madame de Chimay :

Les Boulainvilliers, tiens donc !
Au fait, Monseigneur, et l'abolition des privilèges, ça vous dit koikoi ?

Louis-Philippe :

Ce système consistait à pousser leurs adversaires à adopter des mesures extravagantes dans l’espoir qu’elles seraient inexécutables et qu’elles amèneraient cette anarchie et cette confusion générale, que bien des gens avaient la folie de considérer comme devant conduire au rétablissement de l’autorité absolue, et à celui de ces mêmes droits et de ces mêmes privilèges dont ils venaient de provoquer eux-mêmes l’abolition.
le vicomte de Noailles passe pour être l'auteur de ces fameux décrets , parce en effet, la première proposition fut faite par lui. Je ne me rappelle pas ce qu'il proposa , mais je me rappelle fort bien qu'il fut suivi par un grand nombre de députés du clergé et de la noblesse du parti opposé qui renchérirent sur sa proposition par d'autres plus absurdes encore, en sorte qu'ils opérèrent eux-mêmes leur spoliation. Il serait difficile d'expliquer cette folie autrement que par le système du pessimisme .


Madame de Chimay :

Plaît-il ??? boudoi16 

Louis-Philippe :

Les débats de l’Assemblée pouvaient se considérer comme étant divisés en deux classes . La première se composait des débats sur les grandes questions constitutionnelles , ou sur celles qu’on voulait discuter dans toutes les formes.
La seconde, au contraire se composait des débats qui s’élevaient après la clôture des discussions sur les grandes questions , et de ceux qui s’engageaient sur ce qu’on regardait comme des affaires de circonstance. Les débats de la première classe n’étaient guère qu’une série de lectures.

Il se formait sur le bureau de l’Assemblée , une liste à deux colonnes où les membres qui voulaient parler, allaient se faire inscrire en annonçant s’ils parleraient pour ou contre , et le président accordait successivement la parole d’après cette liste , et alternativement , aux orateurs des deux colonnes. En sorte qu’on n’entendait jamais de suite deux orateurs du même avis : chacun de ces orateurs montait à la tribune avec son discours écrit dans sa poche , et souvent ces débats ressemblaient plus à un exercice de collège qu’à une véritable discussion : peu à peu , plusieurs orateurs s’habituèrent à parler ex tempore mais cependant aucun ne parlait sans notes. Ce genre de discussion interdisait donc le véritable débat parce que les discours étaient composés d’avance , on ne pouvait pas répondre et réfuter immédiatement les arguments de ses adversaires. Ces lectures pompeuses duraient aussi longtemps que la patience de l’Assemblée le permettait : on ne manquait jamais d’orateurs. Il est vrai que la patience de l’Assemblée n’était pas grande ; et je ne crois pas qu’aucune discussion de ce genre ait jamais occupé plus de quatre séances. Je crois même qu’aucune discussion n’a duré aussi longtemps après que l’Assemblée fut établie dans la salle du Manège. Les questions étaient emportées comme une ville prise d’assaut : ce mot était consacré.


Quand l’Assemblée croyait avoir entendu assez d’orateurs pour qu’on ne pût plus lui reprocher d’avoir décidé légèrement ( car je crois que ce reproche était un de ceux qu’elle craignait le plus , parce que souvent elle le méritait ) elle fermait la discussion , et c’est alors que commençait l’autre sorte de débats qui étaient bien plus réels que les premiers. Ce moment était risible par la douleur des malheureux qui après avoir bien travaillé à composer un discours , se voyaient forcés à le laisser dans leur poche ; mais ils s’en vengeaient ordinairement en le faisant imprimer.
La clôture de la discussion était toujours le commencement d’une tempête, parce que c’était le moment où l’Assemblée allait exercer sa puissance et par conséquent celui où les passions s’allumaient ; c’était en fait le seul moment dont on s’embarrassât ; d’ailleurs, comme alors chaque orateur répondait à celui qu’on appelait le préopinant en langage d’Assemblée nationale, et qu’il n’y avait plus de discours écrits , on y mettait , par cela seul , beaucoup plus de véhémence , et les différents partis s’accablaient de sarcasmes. C’est ce qui faisait que les débats les plus animés ne commençaient qu’après la clôture de la discussion, parce qu’alors les lectures cessaient , et que les débats devenaient une sorte de conversation. Quelques détails achèveront d’éclaircir cela.

Aussitôt que l’Assemblée avait fermé la discussion , elle procédait à accorder la priorité à un des projets de décret qui lui avaient été proposés : c'est-à-dire que l’Assemblée décidait quel serait celui des projets de décret que le président mettrait aux voix article par article. Quand ce choix était fait , alors chaque parti s’efforçait de modifier ce projet selon ses vues , en faisant adopter sur le considérant et sur chaque article successivement des amendements, et des sous-amendements ou amendement d’amendement. On doit sentir combien il résultait de bigarrures et de contradictions , de cette manière de faire des décrets. C’est ce que les Décrets de l’Assemblée nationale ont souvent mieux développé que tout ce qu’on pourrait dire sur ce sujet.

Il y avait encore une autre espèce de débats spontanés , et par conséquent orageux. C’était sur les motions incidentes ; c'est-à-dire relatives aux affaires du moment. Leur but était presque toujours d’attribuer à l’Assemblée un pouvoir qu’elle n’avait pas légalement , et que par conséquent, elle n’aurait pas dû exercer.
Il est encore nécessaire de remarquer que les séances du soir étaient presque toujours orageuses. Les hommes font plus de bruit après dîner qu’à jeun. Ce fut dans ses séances que l’Assemblée se laissa entraîner aux plus grandes inconséquences.

La ligne de démarcation des divers partis de l’Assemblée n’était pas si apparente qu’elle l’a été depuis : ils étaient encore confus en septembre 1789, ou plutôt la division des partis était différente dans ce temps là, de ce qu’elle a été après que l’Assemblée a été transférée à Paris. Ceux des députés de la noblesse et du clergé qui s’étaient opposés à la réunion des Ordres , formaient le parti qu’on appela Aristocrates ; dénomination qui aurait mieux convenu aux partisans du système des deux chambres. Dans le fait, on aurait dû appeler Royalistes absolus, ceux qu’on nommait Aristocrates ; mais à cette époque , où chaque parti se glorifiait encore d’être royaliste, les partisans de la Révolution craignaient que ce nom de royalistes ne fût donné exclusivement à leurs adversaires , et par la dénomination d’aristocrates , ils voulaient habituer le public à les considérer , comme défendant obstinément leurs privilèges au détriment des vrais intérêts du Roi et de ceux du peuple, et s’opposant à toute réforme quelconque. Ce parti était très fort dans l’Assemblée , et beaucoup plus puissant qu’on ne le croyait en général, car la moindre division parmi leurs adversaires, leur donnait la majorité.

Le parti des deux Chambres a toujours été faible et peu nombreux. C’est une chose que la postérité aura peine à croire , que le plus grand nombre des députés du clergé et de la noblesse qui avaient voulu maintenir la séparation des Ordres ait voté pour que le corps législatif ne fût composé que d’une seule Chambre ! ….J’étais présent à cette mémorable et funeste décision. Il y eut plus de votants que sur aucune autre question . Ils étaient 1082 , si ma mémoire me sert bien , dont 872 se déclarèrent pour une seule Chambre , 88 pour deux et 122 refusèrent de donner leurs voix en répondant qu’ils n’avaient point d’avis sur cette grande question. Il est impossible d’expliquer autrement cette bizarrerie que par le système du pessimisme dont j’ai déjà parlé à l’occasion des Décrets du 4 août . La Cour craignait que les deux Chambres ne se consolidassent , en se modérant réciproquement , et qu’elles ne fussent plus difficiles à détruire qu’une seule. Le parti populaire craignait que la division du Corps législatif en deux Chambres ne diminuât sa force , et ne paralysât ses opérations.

Le parti des deux Chambres ne survécut pas aux événements du 5 octobre. MM de Lally, Mounier et Bergasse , quittèrent alors l’Assemblée et MM de Clermont Tonnerre , Malouet etc qui y restèrent , se trouvaient la plupart confondus dans le parti des royalistes absolus, tandis que les autres se réunirent au parti qui votait avec M. de La Fayette, et siégèrent à son côté.
Le reste de l’Assemblée était divisé seulement par des nuances qui ne devinrent tranchantes que postérieurement au 5 octobre. Il est temps de parler des causes qui provoquèrent le mouvement populaire de cette journée.
Mme de Sabran
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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 18:13




Madame de Chimay :

 Evidemment, vous allez me dire que votre père n'a rien à voir avec les événements des 5 et 6 octobre !
Ben voyons !

Louis-Philippe :

Le régiment de Berwick était un régiment irlandais formé par Jacques second, et qui portait encore un uniforme rouge avec des revers noirs. Le Roi avait fait venir à Versailles ce régiment pour remplacer les Gardes Françaises qu’il avait licenciés, et faire le service auprès de sa personne. Ce motif paraissait très naturel , c’était au moins un excellent prétexte pour garder un régiment d’infanterie de ligne à Versailles où il n’y en avait pas ordinairement. Mais le régiment de Berwick donna de l’inquiétude à l’Assemblée et même à Paris. On se plaignit que le Roi eût auprès de lui un régiment étranger et qu’il s’entourât d’habits rouges.
Il y avait une autre cause à ces plaintes ; le régiment de Berwick était attaché au parti de la Cour , et aurait fait tout ce que le Roi aurait voulu. Il a émigré depuis en totalité. Cependant, le Roi n’osa pas le garder à Versailles et il y fit venir à sa place le régiment de Flandres dont le colonel M. de Lusignan , était un des 47 députés de la noblesse qui s’étaient réunis les premiers à l’Assemblée du Tiers, et votait presque toujours avec la majorité de l’Assemblée nationale. Ce choix était très prudent , quant au colonel dont les opinions ne pouvaient causer aucune inquiétude à l’Assemblée ou à Paris. Mais M. de Lusignan étant député, ne pouvait pas prendre le commandement de son régiment, dont les officiers professaient les opinions qui plaisaient à la Cour, mais qui inquiétaient Paris et l’Assemblée.

Le premier octobre , les Gardes du Corps donnèrent un repas de corps aux officiers du régiment de Flandres. Je ne sais si tout ce qui s’y passa était prémédité, mais on y fit bien des imprudences. Notamment , la cocarde nationale fut foulée aux pieds ( ce fait a été nié , et je n’en réponds pas , quoique je le croie au moins probable ) et les mouchoirs furent déchirés pour en faire des cocardes blanches. Ce festin donna beaucoup d’ombrage au parti populaire , on le regarda à Paris comme un signal de contre-Révolution. Malheureusement , ce n’était pas le seul qu’on crut apercevoir , et ces craintes augmentaient infiniment la fermentation.
Bien des causes se réunissaient alors pour l’entretenir ; d’abord, la disette du blé , source certaine de fermentation populaire, continuait à se faire sentir d’une manière très alarmante.

2°-La liberté ou licence de la presse, depuis le 14 juillet avait inondé Paris et le Royaume d’une foule de journaux , pamphlets et de libelles qu’on continuait à lire avec autant d’avidité que s’ils avaient été encore défendus. Ces différents ouvrages échauffaient les têtes , les portaient à l’exagération ; les personnalités n’étaient pas épargnées , et plus les ennemis de la Révolution s’efforçaient de persuader à la nation que le Roi allait reprendre son autorité absolue , plus il devenait facile à leurs adversaires d’exciter le peuple contre eux , de lui faire voir des conspirations partout, même dans les combinaisons les plus naturelles et les moins suspectes, et de le pousser ainsi à commettre les excès les plus répréhensibles. Ce fut à cette époque , au mois de septembre 1789 , que Marat , l’Ami du Peuple ( nom du journal de Marat), commença à imprimer ce qu’il a répété tant de fois , que La Révolution ne serait complète et indestructible , que quand on se serait débarrassé de 200 000 têtes qui travailleraient continuellement à opérer la contre-Révolution.

3°-La crainte que le Roi ne s’éloignât de l’Assemblée , ne se retirât à Metz ou ailleurs, au milieu de ses troupes , et que de là, il ne parvint à faire la contre-Révolution , était une autre cause d’alarme , et par conséquent de fermentation. Il est certain que ces bruits circulaient beaucoup , tant à Paris que dans l’Assemblée . Il est certain, et cela est avoué, que des projets semblables ont été discutés dans le Conseil du Roi. Il l’est également que le départ a été résolu , qu’il devait avoir lieu le lendemain , mais qu’on changea de projet dans la soirée.

4°-Enfin la mésintelligence entre l’Assemblée nationale et Necker , qui avait presque détruit la popularité de ce ministre et de ses collègues , d’autant plus qu’ils étaient connus pour avoir soutenu le système des deux Chambres, et que ce système était devenu , par suite des extravagances du temps, presque aussi impopulaire que la contre-Révolution.

Telles furent certainement les causes principales du malheureux événement dont je vais parler. Mais par qui cet événement fut-il dirigé ? Est-ce par le duc d’Orléans ? Est-ce par M. de la Fayette ? Je réponds , hardiment , affirmativement , ni par l’un ni par l’autre. Ce fut un parti connu principalement sous le nom du parti Cordelier . Il est aussi curieux de connaître la composition de ce parti, qu’il est essentiel d’en étudier la marche , quand on veut se mettre bien au fait des causes de la Révolution et de la manière dont elle s’est opérée. C’est ce même parti , qui fit le mouvement du 10 août 1792, et qui parvint à établir l’anarchie et la tyrannie de la République sur les ruines de ces théories plus absurdes les unes que les autres, qu’on avait eu la folie de considérer comme de sublimes conceptions politiques.


Madame de Chimay :

 Et la disette, le pain qui vient à manquer ?!!

Louis-Philippe :

Le foyer de ce parti était à Paris dans le district des Cordeliers qui fut constamment le plus violent de tous. Il était alors composé de gens inconnus , de la classe la plus inférieure de celles qui reçoivent encore quelque éducation , c'est-à-dire d’un grand nombre d’écrivailleurs, de clercs , de procureurs , d’étudiants en médecine et en chirurgie, de subalternes de collèges, d’imprimeurs…Danton, avocat aux Conseils et président du district , en était un des coryphées. Ceux qui connaissent la topographie de Paris et qui savent que la rue de la Harpe et la rue Serpente se trouvaient dans l’étendue de ce district , doivent comprendre aisément quelles étaient les classes qui en composaient l’Assemblée. C’était de là que sortaient toutes les brochures et toute l’éloquence populaire de Paris .


Les habitants de ce district s’associaient avec le bas peuple par leurs manières et ils prenaient beaucoup d’ascendant sur lui par la supériorité de leur éducation. Ils étaient orateurs dans les groupes et meneurs dans les émeutes. La permanence des districts depuis le 14 juillet , avait rendu leurs tribunes accessibles à tous ceux qui jugeaient à propos d’y pérorer , et les habitants du voisinage des Cordeliers en avaient profité habilement pour se bien connaître , se lier et en un mot pour former un parti , et préparer secrètement l'exécution de leurs projets. C’est ce parti qui projeta et qui conduisit le mouvement populaire du 5 octobre , afin de déterminer le Roi et l’Assemblée nationale à s’établir à Paris. Comme ce parti dirigeait la populace de cette grande ville , il était certain d’exercer une influence puissante sur le Gouvernement, dès qu’il serait parvenu à l’y transférer . L’histoire de ce parti est un des points les plus curieux et les plus importants de la Révolution et je ne l’ai encore trouvée nulle part.

Personne ne connaissait alors l’influence de ce parti. On ne s’apercevait même pas qu’il existait, parce que ses membres étaient confondus dans la multitude. On se persuadait que la multitude devait être menée par les plus grands personnages populaires ou par les membres de l’Assemblée, et on se trompait ; car les uns et les autres n’en étaient et n’en ont jamais été que les instruments. Depuis le moment où Paris s’est soustrait à l’autorité royale, l’opinion du peuple y a été dirigée par les orateurs des groupes, et ces orateurs étaient les membres ou les affiliés du club des Cordeliers, qui était lui-même un parti séparé, indépendant des autres , et n’ayant , je crois , de relation avec aucun des personnages du moment.


Madame de Chimay :

 Mais, la cherté du pain ?  la disette, dont on soupçonne votre père d'être le responsable ?

Louis-Philippe :

Par un hasard singulier et malheureux , j’avais été à Versailles à la séance de l’Assemblée nationale précisément le 5 octobre. Un homme à cheval expédié à Passy par Mme de Genlis m’apporta d’assez bonne heure un billet par lequel elle m’enjoignait de revenir au plus vite à Passy. Elle me mandait de prendre la route de Saint Cloud afin d’éviter la rencontre des bandes de poissardes qui allaient à Versailles par la route de Sèvres et qui publiaient partout qu’elles allaient chercher le Roi et l’Assemblée pour les amener à Paris , et empêcher les Aristocrates de les leur enlever .

Je sortis à l’instant même de la tribune des suppléants où j’étais avec mon frère ( On a prétendu et cette disposition figure dans la procédure instruite par le Châtelet , que j’avais dit ce jour là dans cette tribune qu’il fallait mettre tous les aristocrates à la lanterne . Ni mon frère ni moi , nous n’avons jamais tenu ce propos , ni là , ni ailleurs , et quoique je me flatte que la dénégation en soit superflue, cependant je déclare que c’est une fausseté ) et nous revîmes à Passy par la route indiquée. Nous ne trouvâmes personne jusqu’au bois de Boulogne , mais entre le Rond de Mortemart et le château de la Muette , nous rencontrâmes une de ces bandes de poissardes. En reconnaissant la livrée d’Orléans , elles voulurent arrêter notre voiture vraisemblablement pour nous emmener avec elles à Versailles. Mais la route étant fort large , nous les évitâmes aisément , et comme la crainte de ces rencontres m’avait fait donner au cocher un ordre précis d’y prendre garde , et de ne s’arrêter sous aucun prétexte, j’entendis seulement en passant qu’elles nous criaient : « Eh mon cher Dieu , notre grand duc, comme vous êtes pressé , ce sont les femmes de Paris ».
La Garde nationale de Passy était sous les armes dans la grande rue. Elle nous rendit les honneurs quand nous passâmes. Ces bonnes gens ne paraissaient savoir que faire ; les uns voulaient aller à Versailles, les autres ne le voulaient pas, mais tous se croyaient pourtant obligés de rester sous les armes , afin de sauver la Patrie et la Liberté, car en général , les hommes se consolent de ne rien faire, en se persuadant qu’ils font beaucoup.
En arrivant à Passy, je trouvai Mme de Genlis fort effrayée, M. Ducrest son frère était seul avec elle. Mon père était venu à Passy dans la matinée, il avait couché au Palais Royal et comptait aller à l’Assemblée, mais ayant appris que les poissardes se portaient à Versailles, il avait cru à propos de s’éloigner, pour ne pas donner prise à la calomnie, et pour être entièrement étranger à tout ce qui pourrait arriver. C’est dans cette intention qu’il se retira à Mousseaux où il passa la journée ; précaution bien sage sans doute, mais qui ne lui servit à rien dans le temps. Puisse t-elle au moins quelque jour produire pour lui l’effet qu’il en attendait !

La route de Sèvres présentait sous les fenêtres de Passy un spectacle bien extraordinaire. On voyait passer continuellement des bandes de femmes et d’hommes du peuple qui s’en allaient à Versailles très tranquillement. Le nombre en augmentait à chaque instant , et la plupart disait : « Allons, il faut voir ce qui se passe à Versailles , il doit y avoir bien du monde. »Les limonadiers criant à la fraîche, les marchands de pain d’épices et de plaisirs, les vielleuses etc, tout cela s’en allait gaiement à Versailles , que s’il n’eût été question que d’y voir jouer les eaux.

Madame de Chimay :

Comme ça gaiement, bras dessus bras dessous,  " tiens si on allait se balader à Versailles ? "
Les limonadiers criant à la fraîche, les marchands de pain d’épices et de plaisirs  Ah bon ?
Je croyais qu'il pleuvait des cordes et que la foule trempée jusqu'à l'os réclamait du pain, vitupérait des horreurs, des menaces de mort .


Louis-Philippe :

Cependant au milieu de cette insouciance, ils tenaient des propos atroces sur tous les ennemis de la Révolution, et principalement sur la Reine.
La plus grande agitation régnait dans Paris. Les Assemblées de quelques districts ayant fait sonner le tocsin, l’alarme s’était répandue dans tous les quartiers. On battit la générale tout aussi spontanément , et la Garde nationale courut aux armes. Il était assez tard quand elle se réunit sur les quais en nombre de plus de 30 000 hommes. On ignorait ce qui se passait à Versailles où on savait bien qu’une grande masse de peuple s’était portée dans la journée, et cette ignorance laissait accréditer les bruits les plus absurdes. Toute la jeunesse parisienne avait envie de faire une expédition, une marche de guerre , peut-être même craignait-elle de s’être réunie inutilement ; ce qui est certain , c’est que lorsque toute la Garde nationale fut sous les armes , elle manifesta unanimement la volonté de marcher sur Versailles, afin d’y défendre l’Assemblée nationale et d’empêcher le Roi de s’éloigner. Il est sûr que l’idée du départ du Roi paraissait inséparable de celle de la contre-Révolution.

M. Bailly et M . de La Fayette étaient à l’hôtel de ville fort embarrassés de leur contenance ; elle était très embarrassante. Ils sentaient qu’ils n’avaient qu’un simulacre d’autorité, et que malgré leurs emplois, ce n’était pas à eux de donner des ordres , mais d’en recevoir. Il paraît que M . de La Fayette aurait voulu empêcher cette expédition , mais que voyant la Garde nationale décidée à partir sans lui s’il ne se mettait à la tête, il s’y décida, et marcha sur Versailles avec l’armée parisienne , son artillerie et une foule considérable qui l’accompagna. Nous la vîmes passer devant Passy vers 9h du soir , en très bon ordre , et le silence était si bien observé que nous ne fûmes avertis de son approche que par le bruit de l’artillerie en marche. La colonne fut longtemps à défiler, et cette marche présentait un aspect que la nuit rendait encore plus imposant.

Le Roi était à la chasse , quand on reçut à Versailles les premières nouvelles du mouvement de Paris. On le fit avertir sur le champ , et il revint au château. Il est difficile de savoir d’une manière précise qu’elles étaient les intentions du Roi , car elles variaient souvent. Il est certain qu’il adopta successivement des résolutions contraires les unes aux autres. Je crois qu’il y avait peu d’harmonie dans l’intérieur du château. La Reine n’aimait ni M. Necker ni les ministres d’alors, et elle avait beaucoup d’ influence sur le Roi. M. Necker dit dans un de ses ouvrages , que dans le cours de cette malheureuse journée , la Reine eut, en peu d’heures deux opinions contraires sur les avantages et les inconvénients du départ, et cela n’explique que trop la tâtonnement et l’incertitude du Roi. Tantôt, il voulait partir, et tantôt il ne le voulait plus. Dans un des moments où le départ était décidé , il ordonna des voitures et on mit les chevaux ; mais le peuple de Versailles réuni à quelques poissardes de Paris, s’attroupa autour des voitures, et finit par couper les traits.

Le projet de départ étant abandonné , on forma celui de défendre le château, et la première démarche du Roi, après l’avoir adopté, fut d’inviter l’Assemblée nationale à s’y rendre auprès de lui. Elle quitta aussitôt la salle où elle tenait ses séances , et se transporta au château où elle siégea dans le salon d’Hercule. Je crois qu’elle était assez embarrassée de ce qu’elle y ferait, et cet embarras ne pouvait qu’augmenter ceux du Roi et de ses Conseils. Cependant , il fallait avoir l’air d’agir, et l’Assemblée décréta qu’elle était inséparable de la Personne du Roi. Le sens de ce décret était que la Personne du Roi resterait toujours auprès de l’Assemblée, et qu’il ne lui serait pas permis de s’éloigner du lieu de ses séances. Il ne se passa rien de remarquable à Versailles dans l’après-midi, si ce n’est que la populace de Paris ayant voulu pénétrer à travers une ligne que formaient les Gardes du Corps, il y eut quelques coups de fusil tirés et M. De Savonnières, un de leurs officiers , fut blessé au bras. Cependant cet incident n’eut d’autres suites que d’ajouter à l’animosité du peuple contre les Gardes du Corps.

Dans la soirée , on battit la générale. M. d’Estaing , commandant de la Garde nationale de Versailles , la mit en bataille sur la place d’Armes devant le château, et le régiment de Flandres fut placé en seconde ligne occupant la cour des Ministres dont on ferma la grille à 11h du soir ; lorsqu’on sut que l’armée parisienne approchait , on battit un ban , et M. d’Estaing informa les troupes que les ordres du Roi étaient de repousser la force par la force. Mais malgré ces préparatifs et une déclaration aussi formelle , il n’y eut pas même une tentative de résistance, et lorque M. de La Fayette arriva à la tête de la colonne parisienne, le Roi lui donna tout de suite le commandement du château, dont les Gardes nationales parisiennes occupèrent immédiatement tous les postes.

Il était fort tard , lorsque ces dispositions furent terminées. Versailles était rempli de 100 000 parisiens ou parisiennes dans une fermentation effrayante ; il était fort à craindre que cette multitude ne se portât à des excès encore plus déplorables que ceux auxquels elle s’est livrée. Cependant M. de La Fayette étant excédé de fatigue , s’endormit. Ce sommeil lui a été reproché avec bien de l’amertume , et malgré mon désir de rendre à son caractère toute la justice qui lui est due, je ne peux pas disconvenir que puisqu’il avait pris le commandement du château , il répondait de sa sûreté, et qu’il aurait dû y veiller lui-même, ou au moins prendre des mesures pour être averti au premier mouvement de la populace . Mais je suis bien loin d’imputer à M. de La Fayette , comme ses ennemis se sont efforcés de le faire, d’avoir voulu laisser commettre les crimes qui ont souillé cette horrible nuit. Aucune partie de sa conduite ne peut l’en faire soupçonner ; et il ne faut pas oublier que s’il a été partisan de la Révolution , il a été victime des efforts qu’il a faits pour en arrêter ou en prévenir les excès.

Quoi qu’il en soit , au milieu de la nuit, une bande de brigands s’introduisit dans le château et pénétra jusqu’à l’appartement de la Reine, qui eut à peine le temps de se sauver dans celui du Roi. Les mêmes brigands saisirent quelques Gardes du Corps, les massacrèrent ( je crois au nombre de huit ) dans la cour de Marbre sous les fenêtres du Roi , et leurs têtes portées en triomphe sur des piques, furent envoyées à Paris pour annoncer à la capitale l’arrivée de son infortuné Monarque ! …
M. De La Fayette étant enfin averti des horreurs qui se commettaient , accourut pour y mettre un terme et parvint à sauver le reste des malheureux que la fureur populaire avait déjà désignés pour victimes.

De ma fenêtre à Passy , je vis passer quelque chose que je ne pouvais pas bien distinguer , et ayant pris ma lunette pour l’examiner , elle me tomba des mains, quand je vis deux têtes sanglantes portées sur des piques ! …Et, chose difficile à croire , je fus témoin d’une horreur encore plus grande encore ! Ces monstres s’apercevant que la boucle des cheveux d’une des têtes était défaite , obligèrent un perruquier à la refaire et à la poudrer et continuèrent tranquillement leur route !!!
…Je l’ai vu , de mes propres yeux !!!


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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 18:56



Madame de Chimay :

En somme la foule insouciante et joyeuse, partie de Paris vers Versailles, on ne sait pas pourquoi, peut-être pour voir jouer les eaux, dites-vous, prend subitement le coup de sang et tranche des têtes ?

Louis-Philippe :

La foule commença peu après à revenir de Versailles avec la même indifférence qu’elle avait montrée la veille en y allant. Toute la route retentissait de la nouvelle que le Roi et l’Assemblée nationale allaient passer pour se rendre à Paris , conformément aux vœux du peuple. En effet, ils passèrent ! Précédés de la Garde nationale parisienne au milieu de laquelles les Gardes du Corps allaient à pied et sans armes. Les soldats du régiment de Flandres étaient pêle-mêle , mais armés et leurs havresacs sur le dos. Une foule innombrable accompagnait ce triste cortège en criant sans cesse Vive la Nation ! et tirant en l’air à droite et à gauche des coups de fusil à balles , sans cependant que j’ai ouï-dire que personne en ait été blessé. Le Roi, la Reine, M. Le Dauphin , Madame , fille du Roi , Madame Elisabeth étaient dans la même voiture , et paraissaient fort calmes. Ils descendirent aux Tuileries. L’Assemblée nationale alla tenir ses séances dans une des salles de l’archevêché , en attendant que celle qu’on préparait dans le Manège des Tuileries fût prête à la recevoir.

Ces événements excitèrent beaucoup de conjectures et de soupçons. Ils devaient naturellement se porter sur les personnages marquants dans le parti populaire. Les plus marquants à cette époque étaient incontestablement mon père et M. De La Fayette ? Aussi furent-ils soupçonnés et accusés tous les deux. Les causes qui dirigèrent cette accusation principalement contre mon père sont faciles à saisir.


Madame de Chimay :

L'on se demande bien pourquoi ! ... des événements aussi anodins !

Louis-Philippe :

La Cour , et par conséquent tout ce qui y tenait, craignait et haïssait mon père infiniment plus que M. de La Fayette. Mon père avait par lui-même une grande importance : la Cour l’avait toujours abreuvé de dégoûts et avait eu pour lui les plus mauvais procédés , tandis que M. de La Fayette en avait reçu plusieurs faveurs distinguées ; La Cour devait donc se croire bien plus haïe par mon père que par M. de La Fayette.
D’ailleurs mon père était placé si haut , que son ambition ne pouvait avoir d’autre but que le pouvoir royal , soit qu’il l’exerçât comme lieutenant général du royaume , soit qu’il détrônât la branche aînée et s’assit sur le trône. Ceci était si évident , qu’on l’accusait hautement d’y aspirer.
Cependant, il était loin de le désirer , et quelles que soient les fables qu’on ait débitées sur son compte , je suis convaincu que l’ambition n’était point dans son caractère : tout ce qu’il voulait dans le principe , était un abri contre les caprices et la malveillance de la Cour, et postérieurement contre sa persécution et sa vengeance. Je ne puis trop répéter que ce système de persécution et de vengeance de la part de la Cour a été une des principales causes qui ont réuni contre elle le terrible orage auquel elle a succombé ( tiens donc indirectement , il reconnaît la part prépondérante prise par les Orléans dans le déclenchement de la Révolution ! ). Puisse au moins ce douloureux exemple faire sentir aux Gouvernements qui se trouveront dans des circonstances semblables , que s’il est des cas où il faut punir , il n’en est pas où il faille persécuter !

La situation de M. de La Fayette relativement à la Cour est bien différente de celle de mon père. Malgré la devise de sa maison , on ne pouvait guère le soupçonner de prétendre à la Couronne. On ne pouvait donc lui supposer d’autre ambition que celle de s’emparer du pouvoir et de gouverner sous le nom du Roi.

Il résultait de là que la Cour était forcée d’opter , préférait l’influence de M. de La Fayette à celle de mon père , et que sans renoncer à l’espérance de perdre un jour M. de La Fayette, elle saisissait avec plaisir l’occasion de se servir de lui pour parvenir à la perte du principal objet de sa haine. Ce n’est pas légèrement ou avec partialité que je fais cette accusation, et il résultera , je crois, des détails suivants que l’éloignement de mon père n’était qu’une mesure préparatoire de sa perte complète , que loin de chercher à adoucir le bannissement volontaire auquel il se soumettait , en lui procurant une existence et un sort convenables , on l’abreuvait de dégoûts et d’humiliations, on s’efforçait de le noircir dans l’opinion publique et d’appeler sur sa tête le glaive des tribunaux.

Cependant la Cour n’était pas le seul parti qui désirait l’éloignement de mon père. Beaucoup d’autres le désiraient aussi par la crainte de passer pour être le parti d’Orléans .M.de la Fayette souhaitait vivement que mon père s’absentât. On a dit dans le temps que par le départ de mon père , il avait voulu se délivrer d’un rival de popularité qui lui faisait ombrage et ce bruit n’était peut-être pas dénué de tout fondement . On a dit aussi qu’il avait voulu rejeter sur mon père tout ce que les événements des 5 et 6 octobre 1789 avaient eu d’odieux , afin que sa propre conduite pendant ces journées , ne fût pas examinée et c’est ce que je ne crois point.

D’abord, je suis bien convaincu que M. de La Fayette n’était pas plus que mon père l’auteur ou le complice de ces événements. Ensuite , il me paraît difficile de croire que dans la situation où se trouvait M. de La Fayette , il ne connût pas les véritables ressorts secrets de ces événements. Il devait savoir que mon père ne les avait pas suscités , et il le savait , car il le lui a dit. Mais néanmoins, il croyait utile que mon père quitte la France à cette époque, et par conséquent il a agi pour le déterminer à partir, et pour l’empêcher de revenir, quand une fois il a été parti.


Madame de Chimay :

C'est bien tiré par les cheveux, tout ça .

Louis-Philippe :

Quoi qu’il en soit , quelques jours après le 5 octobre 1789, M. de La Fayette fit demander à mon père , un rendez-vous en lieu tiers. Mon père lui en donna un chez Mme de Coigny . M. de La Fayette lui dit , qu’étant chargé de la tranquillité publique, il était de son devoir de lui déclarer que son nom servirait de prétexte aux malveillants pour la troubler , qu’on l’accusait d’être le moteur des événements du 5 octobre , qu’il croyait tous ces bruits sans fondement, mais que le Roi désirait de lui un grand sacrifice , et l’avait chargé de lui demander de s’éloigner et de sortir de France. ( J’écris de mémoire , et je ne puis répondre que du sens ). Mon père répondit qu’il désirait se conformer aux intentions du Roi , mais qu’il ne pouvait pas abandonner de la sorte l’Assemblée et avoir l’air de craindre les recherches qu’on pouvait faire sur sa conduite , qu’il désirait au contraire qu’elle fût mise dans le plus grand jour, etc. Cela fut suivi d’explications et de propositions réciproques , et à la fin, il fut convenu , à de certaines conditions, que mon père serait chargé par le Roi d’une mission secrète pour le Roi d’Angleterre et qu’il partirait immédiatement pour Londres , que quoique l’objet de sa mission dût rester secret , cependant M . de Montmorin , ministre des Affaires Etrangères informerait l’Assemblée de la part du Roi , que le Roi avait donné à mon père une mission secrète pour le Roi d’Angleterre , et qu’alors mon père comme député demandait à l’Angleterre de lui donner un passeport , ce qui ne souleva pas de difficultés.

Cette mission était relative aux troubles du Brabant. Il paraît qu’on voulait flatter mon père de l’espérance de devenir duc de Brabant. Mais on eut grand soin de le lui faire seulement entrevoir , sans contracter aucun engagement . Il est certain que rien n’eût plus été conforme aux vues de mon père , à ses intérêts et à ses goûts , que de renoncer à la France de cette manière là. Il sentait qu’il serait éternellement en France un objet d’ombrage pour le Roi , et même pour tous les partis. Le comble de ses désirs et de son ambition eût été un arrangement de ce genre , qui l’aurait mis à l’abri des atteintes de la malveillance et des persécutions. Il semble que si la Cour de France n’avait eu en vue en éloignant mon père que d’assurer la tranquillité du royaume, elle aurait dû s’occuper franchement des moyens de lui procurer une existence brillante et convenable dans les pays étrangers . Mais on ne voulait que l’éloigner , l’affaiblir et le perdre , et loin de lui chercher à lui procurer un sort brillant , on n’était occupé qu’à l’empêcher d’y parvenir.

Néanmoins , cette mission était nécessaire pour le faire partir, il fallut bien la donner , et mon père alla aux Tuileries , recevoir ses instructions du Roi qui les lui remit lui-même. Les termes en sont très positifs quoi qu’on y ait rajouté toutes les restrictions qui pouvaient les affaiblir. Elles ont été trouvées depuis dans les papiers de mon père au Palais Royal , et imprimées ainsi que toute la correspondance de mon père avec M. de Montmorin au sujet de cette mission.


Madame de Chimay :

Votre père, innocente victime de sombres machinations ? A d'autres .

Louis-Philippe :

Le duc de Biron qui était ami de mon père depuis sa jeunesse , et dont l’âme noble et loyale lui fut fidèle jusqu’à son dernier soupir , s’efforça , mais en vain de l’empêcher de partir. " Ce départ, lui disait-il , aura l’air d’une fuite . Demandez à être jugé et déclarez que jusqu’à ce que vous l’ayez été vous ne quitterez ni l’Assemblée ni la France. Quand vous l’aurez été, vous vous chargerez de tout ce dont le Roi jugera à propos de vous charger ».
le conseil était excellent , mais le penchant naturel de mon père , joint aux arguments de ses entours , et à l’opinion que son départ imposerait à la calomnie , en manifestant qu’il ne chercherait point à s’emparer du pouvoir en France , le décidèrent à accepter la mission. Il partit le 14 octobre au soir, se flattant que son départ lui ferait rendre la justice qu’il croyait mériter . C’était certainement son principal motif ; car les propres termes de son instruction devaient lui démontrer que la Cour de France n’avait nulle envie de le voir duc de Brabant.
A peine fut-il parti que le déchaînement contre lui devint presque général, et pour y ajouter encore , la Cour faisait courir le bruit qu’il n’avait pas de mission véritable , et insinuait partout qu’on lui avait seulement fourni un prétexte pour motiver son départ. On le desservit en Angleterre , et on le contraria sur tous les points. Sa correspondance avec M. de Montmorin le prouve de la manière la plus évidente. Cette correspondance est une véritable dérision de la part du ministre , mais elle suffit pour prouver ,
1° que mon père préférait ne pas se mêler des affaires de France , et qu’il désirait cesser d’y faire ombrage au Roi
2° Qu’on lui avait promis et donné une mission véritable , mais qu’on la rendit illusoire, tant par les termes de l’instruction même , que par les contrariétés et les entraves de tout genre dont on l’accompagna. Je me crois fondé à dire que le principal but qu’on avait en vue en l’éloignant , était de le perdre dans l’opinion publique , en persuadant aux uns qu’il était le coupable moteur des événements des 5 et 6 octobre , et aux autres , qu’il les abandonnait lâchement, ainsi que la cause dont il avait embrassé la défense. Mais ce n’était pas encore assez pour ses ennemis. Après avoir provoqué , je pourrais dire ordonné son absence , il fallait , ou le perdre juridiquement , ou si ce but ne pouvait être atteint immédiatement , il fallait au moins ajouter à la clameur publique, un monument légal , dont on pût espérer de tirer parti plus tard , et qui en même temps parut une preuve de culpabilité aux yeux d’un public léger et parvenu à ériger contre lui un échafaudage de calomnies qu’il n’a plus été en son pouvoir de renverser , et on ne perdit pas un moment pour s’en occuper aussitôt après son départ.


Madame de Chimay :

Votre père ne s'exile pas contraint et forcé . Il est trop content de se carapater !

.

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Message par Gouverneur Morris Mer 09 Avr 2014, 21:26

Bravo !!!! :\\\\\\\\: :\\\\\\\\: :\\\\\\\\: J'adore !!!! Hop! 
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Message par Mme de Sabran Mer 09 Avr 2014, 21:34




Vous me faites grand plaisir, cher Momo !!!  :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: 
Je continuerai demain, pas de courage le soir ...  Le roi Louis-Philippe  3826491292 
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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 10:33




Madame de Chimay :

Tout de même, Monseigneur, une enquête fut bien diligentée pour tirer au clair les événements d'octobre !

Louis-Philippe :

Dès le mois de novembre 1789 , le tribunal du Châtelet de Paris, auquel l’Assemblée nationale , par jalousie des Parlements , avait attribué la connaissance des crimes de Lèse- Nation , commença une procédure criminelle et secrète sur les délits commis dans les journées des 5 et 6 octobre.

Il semble que la véritable manière de procéder dans cette affaire , était de constater , d’abord , par qui le massacre des Gardes du Corps avait été commis , ce qui ne pouvait pas être difficile : ensuite , de faire arrêter les meurtriers , de découvrir par eux les instigateurs et ceux qui pouvaient les avoir soudoyés , afin de les faire arrêter à leur tour, et de poursuivre et punir les coupables avec toute la rigueur des lois. Alors on aurait été droit au fait , et le mystère aurait été pleinement dévoilé . Mais au lieu de cette marche simple et naturelle , on négligea entièrement la poursuite des assassinats et la recherche des assassins. On ne s’attacha qu’à découvrir ce qu’on appelait pompeusement les grands coupables : en conséquence la Commission du Châtelet se borna à recueillir toutes les conjectures individuelles des nombreux ennemis de mon père, ainsi que tous les propos de la foule, qui pouvaient l’impliquer. On y entendit , je crois , 2000 témoins , et pendant cette longue audition, on laissait transpirer dans le public , que le Châtelet instruisait une procédure criminelle sur les événements des 5 et 6 octobre , que le duc d’Orléans y étant fortement compromis avait dû chercher un asile en Angleterre , et qu’il y restait pour sa sûreté. En même temps, la Cour employait tous ses moyens pour le desservir en Angleterre et pour l’y retenir.

Enfin, après 7 mois de séjour en Angleterre , mon père, fatigué de tout ce qu’il éprouvait, et de tout ce qui se tramait contre lui , perdit patience, et prit la résolution de revenir en France braver l’orage qu’on y avait excité contre lui, afin que sa présence le dissipât ou le fit éclater. Dès qu’il eut fait part de son projet de retour, tout fut mis en jeu pour l’empêcher de revenir, et M. De La Fayette envoya même à Londres un de ses aides de camp ( M. de Boinville ) pour tâcher de l’y retenir ; mais son parti était pris, et rien ne l’arrêta. Il revint à Paris pour la grande fédération de 1790.

Son arrivée déconcerta momentanément ses ennemis, et leur fit sentir que la procédure au Châtelet ne l’effrayait pas. Cette procédure avait été jusqu’alors un mystère ; son retour décida à un coup d’éclat , et on attendit seulement que l’effervescence occasionnée par la Fédération fût un peu calmée , afin que cette affaire pût devenir un objet principal et occuper exclusivement l’attention publique. D’après les lois du temps, aucun membre de l’Assemblée nationale ne pouvait être mis en jugement sans qu’elle eût rendu contre lui un décret d’accusation . En conséquence , vers la mi-août après huit mois d’information secrète , M. Boucher d’Argis , lieutenant particulier du Châtelet , se présenta à la barre de l’Assemblée nationale , et demanda contre mon père et M. Mirabeau le décret d’accusation nécessaire pour que le tribunal du Châtelet puisse les juger . Cette demande fut accompagnée d’un discours théâtral tendant à prévenir le public de plus en plus contre ceux qu’on voulait , disait-on juger.

L’Assemblée ordonna l’impression de toutes les dépositions , et en renvoya l’examen au Comité des rapports , qui proposa quelque temps après , par l’organe de M . Chabroust , de déclarer qu’il n’y avait pas lieu à accusation, et ce décret fut adopté par une très grande majorité. Alors les ennemis de mon père prétendirent que ce décret ne le justifiait pas , que l’Assemblée n’était pas un tribunal : ils allèrent même jusqu’à affirmer que l’Assemblée était partiale en sa faveur tandis qu’elle était dans les dispositions les plus contraires. C’est ce que j’ai dit que j’essaierais de démontrer , et je vais tâcher d’y parvenir. J’examinerai ensuite, si l’Assemblée était ou non un tribunal compétent pour prononcer sur cette procédure.


Madame de Chimay :

C'est cela oui, de l'ordre et de la méthode !  geek 

Louis-Philippe :

Trois partis principaux divisaient alors l’Assemblée. Le premier était celui qui siégeait à droite du président. C’est ce parti qu’on avait appelé d’abord les Aristocrates, et qu’on désigna ensuite dans l’Assemblée sous le nom des Noirs à cause du grand nombre d’ecclésiastiques , qui s’y trouvaient. J’ai déjà dit que ce parti était composé principalement des évêques, des abbés , d’un grand nombre de curés, de la majorité des députés de la noblesse , et de quelques uns de ceux du Tiers État . Ce parti comprenait plus du tiers de l’Assemblée , environ 430 ou 440 députés, ce qui le rendait plus fort que chacun des autres isolément, mais sa force n’était bien connue que de ses adversaires.

Les deux autres partis formaient le côté gauche, parce qu’il siégeait à gauche du président. L’un était le parti dont les réunions se tenaient au club de 89. M. de La Fayette, M. Bailly, M. de Talleyrand, MM. de Crillon, de Latour Maubourg, Roederer , Thouret , Le Chapelier , Démeunier, l’abbé Sieyès , Mathieu de Montmorency et quelques autres députés de la noblesse favorables à la Révolution, étaient de ce parti là, qui comprenait en outre des propriétaires , des négociants et des gens riches. D’autres membres qui passaient pour être indépendants parce qu’ils votaient indistinctement avec tous les partis , tels que M. Dandré, de Montesquiou, Bouche, Le Camus, Lanjuinais , Fréteau, Tracy, etc, se réunissaient souvent au parti du club de 89 .

Le second parti du côté gauche était les Jacobins d’alors à la tête desquels se trouvaient MM de Lameth , Barnave , Pétion, Adrien, Duport , Alexandre de Beauharnais, le duc d’Aiguillon, le Prince de Broglie, etc. Mon père et le duc de Biron votaient presque toujours avec ce parti . c’était le moins nombreux dans l’Assemblée, mais celui qui avait le plus de tactique.

Le détail que je viens de donner , ne présente qu’en gros , la subdivision des partis de l’Assemblée . il y avait beaucoup de subdivisions qu’il me serait difficile de me rappeler aujourd’hui et qui ne présenteraient que peu d’intérêt. Par exemple, Mirabeau qui formait presque un parti à lui seul , allait du club de 89 , à celui des Jacobins. Cependant, il n’était constamment ni de l’un ni de l’autre parti. Il détestait également M. de La Fayette et M. de Lameth : il détestait tout le monde , son opinion n’était liée avec celle de personne, il se croyait assez fort pour tenir tête à tout le monde , et cela lui a réussi plus d’une fois.


Madame de Chimay :

Certes, Monseigneur, certes ...   Mais, Mirabeau, en voilà une pointure !!!  cheers 

Louis-Philippe :

Après avoir indiqué les principaux partis dont l’Assemblée était composée, je vais examiner quelles étaient leurs dispositions envers mon père. Il est notoire que celui du côté droit lui portait une haine invétérée ; aussi presque tous ses membres votèrent pour qu’il fût décrété d’accusation . je dis presque tous, parce qu’il y eut des députés du côté droit qui se séparèrent de leur parti sur cette question. Mais la totalité du côté gauche ( exceptés 4 ou 5 membres ) vota contre le décret d’accusation.

Je n’ai pas besoin de dire que M. de La Fayette et tous ses partisans étaient dans une position hostile envers mon père . Le fait et ses causes sont bien connus. Ces deux classes formaient déjà le plus grand nombre à l’Assemblée. Le reste était toujours disposé à voter contre le duc d’Orléans pour une raison bien simple et qui n’est que trop dans le cœur humain , par la crainte de passer pour appartenir au parti d’Orléans.


Madame de Chimay :

...  un parti honteux ?   boudoi26  lol! 

Louis-Philippe :

C’est une vérité que j’articule de la manière la plus positive et la plus solennelle : il n’y a jamais eu de parti d’Orléans. Une des meilleures preuves que je puisse en donner, c’est que le reproche d’être le parti d’Orléans a été fait successivement et indistinctement par le parti adverse , à tous les partis qui ont existé en France pendant la Révolution , depuis celui des deux Chambres jusqu’à Danton et Robespierre. Mais moins cette accusation était fondée, plus elle effrayait ceux contre lesquels elle était dirigée, et il est certain que depuis le commencement de la Révolution , l’accusation banale d’être du parti d’Orléans a été dans les mains de la Cour , une tête de méduse qui pétrifiait ses adversaires , semait la désunion parmi eux , et entravait toutes leurs opérations. C’est précisément parce que personne ne voulait porter le duc d’Orléans sur le trône, que tout le monde craignait d’en être accusé, et que cette accusation dérangeait les projets et les vues de chacun . Aussi tout le monde cherchait-il à s’en justifier, et il résultait de cette disposition une malveillance générale pour mon père que tous les partis craignaient d’avoir dans leurs rangs, et que chacun voulait renier.


Madame de Chimay :

Cela peut difficilement être regardé comme un gage d'honorabilité pour votre père .  Hop! 
Reconnaissons-le ...

Louis-Philippe :

Je suis certain que les 47 députés de la noblesse qui se réunirent les premiers au Tiers État , se décidèrent à cette démarche, plusieurs d’entre eux désirèrent que mon père ne la fît pas en même temps. « Nous aurons l’air d’être à votre suite, lui dit M. de Montesquiou, et nous passerons pour être votre Parti, ce qui sera funeste pour vous et pour nous. »En effet, ces messieurs furent immédiatement accusés par leurs adversaires , de vouloir le placer sur le trône, et comme ils n’en avaient nullement le projet , et qu’au contraire ils désiraient sincèrement y maintenir le Roi , ils recherchèrent depuis lors toutes les occasions de se séparer de mon père, afin de repousser un soupçon trop dangereux. Je ne puis m’empêcher de convenir , quoique j’éprouve un serrement de cœur en y pensant , que l’indifférence de mon père sur sa réputation et les écarts de sa jeunesse , ne contribuaient que trop à augmenter la crainte de lui paraître attaché ; car il est bien vrai qu’un homme n’est jamais jugé isolément pour telle ou telle action , mais que l’ensemble de toute sa vie entre toujours dans la balance et décide du jugement qu’on porte sur lui.


.
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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 11:01




Madame de Chimay :

Le duc d'Orléans avait mis beaucoup de bonne volonté à ruiner lui-même sa réputation  .  boudoi29 

Louis-Philippe :

Cette disposition à se séparer de mon père , et à lui marquer , si ce n’est de la malveillance, au moins une grande indifférence, se manifesta dès le mois de septembre 1789 avant que l’Assemblée eût quitté Versailles. Lorsqu’elle régla l’ordre de succession à la couronne de mâle en mâle par ordre de primogéniture , elle ajouta ( je puis dire sans aucun prétexte ) : sans entendre rien préjuger à l’égard des renonciations , ce qui avait pour but de rendre à la branche d’Espagne au détriment de la nôtre et au mépris des traités et de la solennité des renonciations, un moyen de réclamer son droit d’hérédité à la couronne de France, et par là de diminuer l’importance de mon père , en facilitant l’introduction d’une branche aussi nombreuse que celle d’Espagne , entre la couronne et nous.


Madame de Chimay :

Il ne lui restait plus qu'à prier Saint Expedit et Sainte Rita !   Wink 

Louis-Philippe :

J’ai déjà parlé de l’affaire des apanages qui me paraît une autre preuve bien frappante de la malveillance de l’Assemblée nationale et je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet égard. Je me borne à le rappeler.
Je crois avoir prouvé qu’une très grande majorité de l’Assemblée nationale était fort mal disposée pour mon père. Mais avant de conclure cette discussion , je vais encore examiner la composition du parti Jacobin d’alors, afin d’ajouter de nouvelles preuves à toutes celles que j’ai déjà données.

Les députés de ce parti que je viens de nommer , étaient alors fort mal avec M. de La Fayette , quoique la plupart n’aient pas beaucoup tardé à se raccommoder avec lui , mais ils craignaient de passer pour être le parti d’Orléans, et sans malveillance pour mon père, ils s’éloignaient de lui.
Il y avait encore dans le parti des Jacobins d’alors , quelques-uns des députés qui se partagèrent ensuite dans la Convention nationale en Girondins et en Robespierristes. Ils étaient en petit nombre dans l’Assemblée constituante , où cependant le germe de ces deux partis était bien prononcé. Ils savaient très bien que depuis la Révolution, l’influence de mon père était tellement réduite , que son assistance n’était plus d’aucune utilité ; ils savaient de plus que la perte de mon père était jurée par la Cour , et par conséquent par tous les partis qui s’alliaient à elle, qu’il n’y avait de salut pour lui que dans le triomphe du parti populaire , et qu’il était forcé de s’y joindre.
Cela suffisait pour les rendre au moins tièdes à son égard, et il n’est que trop connu que de ces deux subdivisions de parti dont je viens de parler, l’une ( celle de la Gironde ) s’efforça de le perdre dans la Convention nationale, où elle fut pendant 8 mois son ennemie déclarée, et l’autre ( celle des Robespierristes ) en fit une de ses premières victimes.


Madame de Chimay :

Ah, ah, l'Incorruptible pointe le bout de son nez !  boudoi32 

Louis-Philippe :

Quant à Mirabeau , qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, faisait à lui seul un parti par la force de son éloquence et de ses talents, il n’avait jamais eu que peu de relations avec mon père, et malgré tout ce qu’on en a dit, il ne se souciait pas plus que les autres de passer pour être du parti d’Orléans : son nom fut mis à côté de celui de mon père pour que cette réunion leur nuisit à tous deux : car, ainsi que Mirabeau l’a dit à lui-même, lorsqu’on examina les dépositions faites au Châtelet , il n’était question de lui nulle part , excepté dans le discours de M. Boucher d’Argis prononcé à la barre de l’Assemblée nationale.

Je puis m’abuser ; mais il me semble qu’après ce que je viens de dire sur cette assemblée , on ne peut plus la soupçonner de partialité en faveur de mon père , et que sa décision doit avoir d’autant plus de poids dans cette circonstance , que c’est la seule fois où elle n’a pas décidé contre lui.

J’ai déjà dit et je répète , que ceux qui conserveraient des doutes sur les imputations faites à mon père relativement à cette affaire , prennent la peine de lire les deux volumes de la procédure du Châtelet , et je suis assuré , que quand ils l’auront lue, il n’en restera plus dans leur esprit.

Quand à ce que l’on dit qu’un tribunal seul pouvait blanchir mon père et que l’Assemblée n’était pas un tribunal , j’observerai qu’il n’est pas nécessaire de connaître les lois, pour prononcer sur une affaire de ce genre, puisqu’il s’agissait seulement de savoir , si mon père avait eu part ou non aux mouvements populaires des 5 et 6 octobre , et s’il les avait fomentés. Par conséquent , l’Assemblée nationale, sous les yeux de laquelle ces événements s’étaient passés, paraît avoir été très compétente à tous égards pour la décision qu’elle a donnée.


Madame de Chimay :

Mouais ...  vous le dites et vous le répétez ...  :129fs916747: 

Louis-Philippe :

Qu’il me soit encore permis d’ajouter que s’il est vrai qu’on persuade aisément aux autres ce dont on est bien persuadé soi-même, je dois avoir pleinement réussi auprès de ceux qui pourront lire cet ouvrage , car je n’ai rien avancé dont je ne sois bien convaincu. Cependant, je n’ai pas encore dit tout ce que j’aurai à dire sur un sujet d’un aussi grand intérêt pour moi, mais le reste de mes observations trouvera sa place, en parlant des événements subséquents.

Madame de Chimay :

Oh ça, permettez-vous, Monseigneur, permettez-vous !   
... ça ne mange pas de pain .    boudoi32 

Louis-Philippe :

J’ai démontré que mon père n’avait aucune influence dans l’Assemblée nationale, je vais actuellement développer les ressorts secrets qui la faisaient mouvoir , et j’espère prouver l’assertion que j’ai déjà faite, qu’elle était elle-même menée par les clubs politiques qui dirigeaient l’opinion publique, ce levier irrésistible dans les temps modernes de toutes les convulsions dont nous avons déjà été témoins, et de celles qui se préparent peut-être encore . Pour faire ce développement, il faut reprendre la chose d’un peu haut, afin de bien expliquer comment se sont formés les clubs politiques, et de quelle manière ils ont agi sur l’Assemblée et sur la nation.


Madame de Chimay :

Allez, zou ! C'est parti pour un petit flash back  .

Louis-Philippe :

La Bretagne avait été la première province qui se fut agitée avant la convocation des états généraux. Depuis la réunion de cette province à la couronne de France les Bretons étaient parvenus par leur énergie à conserver leur système représentatif , malgré les empiètements de l’autorité royale. Comme les Anglais dont ils partagent l’origine , ils sont tenaces et jaloux de leurs privilèges ; ils les défendent avec vigueur , et ils défendent de même le Gouvernement auquel ils s’attachent. Il est digne de remarque que ce soit dans cette province que l’établissement de la République a éprouvé les plus grands obstacles , et que ce soit parmi les Bretons que se sont formés les Chouans. La demande des états généraux fut unanime en Bretagne ; elle fut même faite avec violence ; et cette même noblesse de Bretagne qui depuis émigra en totalité , attaquait cependant l’autorité royale par tous les moyens. C’est ce qui est arrivé plus ou moins à tous les ennemis de la Révolution . Il n’y a personne parmi eux qui a une époque ou une autre , n’ait contribué à l’opérer.

En 1788, les demandes de la noblesse de Bretagne parurent si dangereuses au Roi , qu’il fit mettre à la Bastille les seize nobles bretons qui vinrent les lui présenter. Mais lorsque le Roi eut ordonné que dans les états généraux qui allaient s’assembler , la représentation du Tiers État serait égale à celle des deux autres Ordres réunis, la chose changea de face , et la noblesse de Bretagne qui avait insisté avec tant de force sur la convocation des états généraux refusa de reconnaître ceux qui seraient constitués de la sorte, et ne voulut point y envoyer de députés. On s’en passa. Le haut clergé de Bretagne ( c'est-à-dire les évêques et les abbés commendataires ) fit la même difficulté , et le bas clergé ( c'est-à-dire les curés ) nomma , à lui seul, des députés qui furent admis à voter aux états généraux , comme députés de tout le clergé de Bretagne. Ce court exposé suffira pour faire voir quel était l’esprit de corps des différends Ordres en Bretagne , et combien chacun était exalté dans son sens . Il résulta de cette disposition que les députés du Tiers État de Bretagne formèrent une phalange au milieu de l’Assemblée Nationale, et que la tactique de leur conduite, plus encore que leurs talents et que l’exaltation de leurs têtes , rallia à leur phalange ceux des membres de l’Assemblée qui avaient des opinions analogues aux leurs.


Madame de Chimay :

...    Sleep  zzz ...

.

Louis-Philippe :

Arrivés à Versailles, les députés de Bretagne se réunissaient journellement dans une maison particulière pour concerner leur conduite individuelle. Là , ils se déterminaient dans quel sens ils écriraient à leurs commettants sur les événements du jour et les opérations de l’Assemblée. Ils discutaient d’avance les questions qui devaient être discutées à l’Assemblée. Ils arrêtaient leurs opinions , et par ce moyen , ils arrivaient toujours à l’Assemblée , prêts à y manœuvrer comme une colonne serrée en masse au milieu d’une multitude désunie. Cette réunion particulière s’appelait le Club Breton. Les députés de la province du Dauphiné dont la conduite ressemblait infiniment à celle de la Bretagne avant les états généraux, formèrent aussi une phalange dans l’Assemblée , jusqu’à la question des deux Chambres, dont ils furent les principaux artisans ; mais alors, ils se brouillèrent et se divisèrent. D’ailleurs, ils étaient moins nombreux que les députés de Bretagne , et ils n’étaient pas composés , comme eux, d’éléments homogènes, puisqu’il n’y avait point de nobles parmi les députés de Bretagne, et qu’il y en avait beaucoup parmi ceux du Dauphiné.

On s’aperçut sans peine dans l’Assemblée de l’influence que cette union en club procurait aux députés de Bretagne , et dès lors, d’autres membres désirèrent s’y associer pour participer à cette influence. Les Bretons , sentant que ces admissions dans leur club étaient une accession de forces pour leur parti , ne furent point difficiles , et leur club devint nombreux. Lorsque l’Assemblée se transféra à Paris , ils cherchèrent , pour se réunir , un local qui fût à portée du lieu où elle tenait ses séances , et ils obtinrent des moines jacobins de la rue Saint Honoré , une salle basse de leur couvent . Il est assez remarquable , que cette salle fût précisément celle où jadis, on avait signé la fameuse Ligue dans le temps des guerres de religion. Depuis leur installation dans ce couvent , la dénomination de Club des Jacobins fut substituée à celle de Club Breton. Ce club , étant nombreux , sentit la nécessité de mettre de l’ordre dans ses discussions. En conséquence , on y nomma un président et des secrétaires comme à L’Assemblée nationale et les séances devinrent régulières. On s’habitua à les tenir le soir, parce qu’alors l’Assemblée ne se réunissait guère que le matin , et que par conséquent les députés pouvaient assister aux séances des Jacobins sans manquer celles de l’Assemblée ( Plus tard, l’Assemblée tint aussi des séances du soir ; il n’y en eut d’abord que trois fois par semaine alternant avec celle des Jacobins, ensuite, il y en eut tous les soirs ).


Madame de Chimay :

Si je ne m'abuse, vous avez vous même frayé avec les Jacobins, au grand dam de Madame votre mère  ...

Louis-Philippe :

Dans les premiers temps, ce club était fréquenté par presque tous les députés du côté gauche. En sorte qu’il devint la salle de répétition de l’Assemblée Nationale , et qu’elle-même n’était plus qu’une marionnette dont on tenait les fils aux Jacobins. Cela devait donner et donna à ce club une importance considérable. On n’y admettait que les membres de l’Assemblée et les députés suppléants ; mais bientôt, sous prétexte de recueillir les opinions de gens instruits , tantôt sur une question et tantôt sur une autre, on y admit aussi des personnes totalement étrangères à l’Assemblée , et elles ne tardèrent pas à s’y trouver en plus grand nombre que les députés. On ne se renfermait plus dans les questions qui devaient être le sujet des délibérations de l’Assemblée, on divaguait, et il devenait chaque jour plus difficile de contenir ce club dans des bornes raisonnables . Les gens sages qui s’y trouvaient , s’alarmèrent de cette disposition et commencèrent successivement à se retirer. Ils firent dans le club des Jacobins ce qu’ils ont fait partout en France pendant la Révolution , ils abandonnèrent le champ de bataille aux fous et ceux-ci ne le gardèrent que jusqu’à ce qu’il s’en présentât de plus exaltés encore auxquels ils le cédèrent par la même raison.

Cependant , on s’apercevait que ce club devenait une véritable puissance ; et on voulait former un contrepoids. Pour y parvenir , M. de La Fayette et tous les députés qui voulaient quitter les Jacobins , s’en séparèrent tout à fait et fondèrent un nouveau club. On remarquait parmi ceux –là , l’abbé Sieyès, Mirabeau, Talleyrand, Roederer, Volney, Barère, Démeunier , Le Chapelier, Condorcet ( ce dernier n’était pas député ), etc.

Cette réunion prit le nom de Club 89 , afin d’indiquer qu’il n’y avait dans son sein que des amis de la Révolution et de vrais patriotes ; et d’acquérir par là de la popularité ; mais cela ne produisit pas l’effet qu’on en attendait et le public ne prit pas le change. On choisit pour le lieu des séances un appartement charmant sur le jardin du Palais Royal. Il y avait dans une des salles , une tribune et des bancs pour les délibérations ; dans d’autres, on se réunissait pour causer , et très souvent pour dîner, car on s’était pourvu d’un excellent cuisinier. Cet établissement devait être attrayant et on se flattait qu’il ferait tomber le club des Jacobins en lui enlevant tous les députés. On se trompa , le Club 89 fut toujours très impopulaire , et ne servit qu’à fortifier , et populariser son rival et à le pousser plus rapidement à la démagogie. Je crois pouvoir en donner quelques raisons qui me mèneront à développer encore mieux ce que j’ai dit précédemment sur les causes des excès de la Révolution , et sur ce qui fit triompher la démagogie.


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Message par Invité Jeu 10 Avr 2014, 12:10

Oh lala que la Princesse avait fait comme boulot de dactylo pour nous rapporter tous ces propos de Louis-Philippe...
Encore merci à elle  Le roi Louis-Philippe  2523452716  ... Vivement qu'elle nous revienne !
Mme de Sabran a écrit:
Louis-Philippe :
Elle me mandait de prendre la route de Saint Cloud afin d’éviter la rencontre des bandes de poissardes qui allaient à Versailles par la route de Sèvres et qui publiaient partout qu’elles allaient chercher le Roi et l’Assemblée pour les amener à Paris , et empêcher les Aristocrates de les leur enlever .
Quel foutage de gueule quand même !
Louis-Philippe ne daigne pas se souvenir du pain manquant qui avait inspiré ce soulèvement...
La populace n'allait-elle pas chercjer le Boulanger, la Boulangère et le petit Mitron?
Et tout ça...à cause de qui s'il vous plaît?  Shocked 

Bien à vous.

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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 15:56




Madame de Chimay :
Oserai-je hasarder une question subsidiaire : et le peuple, dans tout cela ?   Hop! 

Louis-Philippe :

J’ai déjà dit plus haut et par qui le peuple de Paris était dirigé, et de quelle classe d’hommes , les orateurs des groupes étaient composés. Il s’agit maintenant de prouver que ces hommes qui donnaient l’impulsion au peuple de Paris, tenaient par là l’Assemblée dans leur dépendance, et menaient ses meneurs, au lieu d’être mené par eux , comme on s’est obstiné à le croire. Tant que l’Assemblée eut à lutter contre le pouvoir royal et contre la résistance des deux premiers ordres, on put croire que c’est elle qui donnait l’impulsion, parce que, tout en étant d’accord de son côté, il était impossible de discerner le véritable moteur d’autant plus que comme elle n’osa pas même tenter de faire punir les meurtres du 14 juillet 1789 et ceux du 25 ou 26 du même mois ( quand Bertier de Sauvigny et Foulon furent massacrés par le peuple de Paris ) elle ne put pas encore être attaquée par les véritables meneurs de ce peuple. Mais quelques jours après le 4 août 1789, ils firent une première tentative sur elle , et l’avertirent qu’ils ne la soutiendraient que pour désorganiser . Ce fut relativement aux dîmes ; l’abbé Siéyès parla pour leur conservation et prononça ce mot célèbre : « Vous voulez être libres et vous ne savez pas être justes ». L’Assemblée hésitait . Mais l’opinion de Paris se manifesta si fortement que l’Assemblée céda et décréta l’abolition des dîmes. L’abbé Sieyès fut attaqué personnellement de telle manière, que depuis lors, il n’a presque jamais paru à la tribune. On l’accusa de ne pas être un vrai patriote, d’abandonner les intérêts du peuple pour défendre les siens.

Madame de Chimay :

Le droit de veto fut accordé au roi .

Louis-Philippe :

L’affaire du veto fut encore plus marquante. L’Assemblée voulait donner au roi cette prérogative, et la lui donna en effet ; mais les groupes du palais royal devinrent si tumultueux , et s’opposèrent au veto avec tant de force que l’Assemblée déclara par un second décret que le veto ne serait que suspensif et non absolu , et cette rétractation fit sentir au peuple de Paris ( et à ses meneurs ) que c’était lui qui dictait des lois et qu’elle n’était que son organe. Malgré cette concession, ceux des membres de l’Assemblée qui avaient voté pour le veto , restèrent entachés aux yeux du peuple de Paris et cette prétendue tache les disposait toujours à sacrifier leurs opinions au désir de l’effacer , et à celui de recouvrer leur réputation de vrais patriotes. On s’habitua à Paris à juger du patriotisme d’un homme par l’exagération de ses opinions, et le cercle de la popularité se resserra chaque jour davantage. Je crois que dans la plupart des questions, l’Assemblée a été influencée par des motifs semblables et qu’elle a souvent cédé à l’opinion populaire , sans avoir jamais pu la diriger ou la maîtriser. La même chose a eu lieu parmi les émigrés dans leur sens, et cela aura lieu partout de même, toutes les fois que les chefs se laisseront entraîner par les opinions exagérées de la masse de leur parti. Je regarde comme un fait positif et certain que l’opinion de Paris réglait celle de l’Assemblée. Il s’agit à présent d’examiner par qui et comment cette opinion de Paris était formée. Cela nous ramènera aux clubs politiques dont je parlais.

Madame de Chimay :

...   l'opinion de Paris !  Mais, Monseigneur, qui manipulait l'opinion ?

Louis-Philippe :

Après le 14 juillet 1789 , quand l’autorité royale fut anéantie dans Paris , les nouvelles autorités sentirent qu’elles n’existaient que parce qu’elles obéissaient au peuple , mais qu’elles n’avait aucun moyen de le forcer à l’obéissance , lorsqu’il s’en dégoûtait . De leur côté, les groupes , ou au moins les orateurs , sentirent que ces autorités n’étaient qu’un simulacre incapable de les contenir. Dès lors , ils commencèrent à régner par la terreur , sur ceux qui par leurs places avaient le droit de donner des ordres. Il résultait de là une vraie anarchie. Les meneurs de l’Assemblée avaient une force apparente , toutes les fois que leur discours et leurs actes tendaient à augmenter l’exagération des opinions ; mais ils n’en avaient aucune , dès qu’ils voulaient agir , ou seulement parler dans un sens opposé à celui des meneurs de Paris. Il semble même que leurs efforts pour arrêter les progrès alarmants de cette exagération , ne faisaient que l’augmenter ; car en général, ces efforts inspiraient au peuple de la défiance envers ceux qui les faisaient, et la diminution de leur influence sur l’opinion publique, ajoutait à la puissance des meneurs de Paris. Le jeu de tous ces rouages politiques a constamment échappé à l’observation des ennemis de la Révolution , qui n’observaient que l’opinion de leurs salons, sans s’embarrasser de la manière dont se formaient et se dirigeaient celles de leurs adversaires. Toujours occupés de leur trouver des torts ou des crimes qui motivassent les persécutions qu’ils voulaient leur faire éprouver , ils s’obstinaient à méconnaître les véritables chefs de meute, et à considérer comme tels, ceux qui , quels que fussent leur rang, leur importance, et leurs talents, n’étaient que des instruments. Je reviens à l’organisation intérieure de la ville de Paris après le 14 juillet 1789.

Elle se partagea , comme je l’ai déjà dit , en 60 districts , et chacun de ces districts forma un bataillon de Gardes Nationales. Les Assemblées de district devinrent permanentes dans les 60 églises où elles se tenaient ; mais , peu à peu, les gens tranquilles qui avaient une profession à suivre ou d’autres occupations , se dégoûtèrent de ces Assemblées souvent tumultueuses et toujours inutiles, et par leur retraite, ils firent tomber encore plus bas le bas peuple et les gens oisifs qui les fréquentaient , dans la main de ces orateurs acharnés à jouer un rôle, et dont les poumons étaient infatigables. Quand ces gens là ne péroraient pas dans les groupes, ils étaient en chaire dans les districts , occupés à enflammer leurs concitoyens, à leur donner une haute idée de leur force et de leur importance, et à propager parmi eux les folies de la démocratie que toutes les têtes étaient très disposées à adopter . Ces Assemblées de district étaient d’autant plus redoutables que chaque district formait un bataillon de Gardes Nationales et que la Garde Nationale était la seule force armée qu’il y eût dans Paris. Une autre cause augmenta encore la difficulté déjà très grande de gouverner Paris . Les gens tranquilles se fatiguèrent , comme on devait s’y attendre , de faire le service des Gardes Nationales et de veiller eux-mêmes à la police de Paris ; ils prirent l’habitude de faire monter leurs gardes par des vagabonds qu’ils payaient 30 sous , et dont cette occupation devint le métier. Ces détails doivent faire sentir encore plus la vérité de ce que j’ai dit en parlant des causes du 5 octobre , et faire comprendre combien le maire et le commandant de la Garde Nationale étaient forcés d’obéir à ceux auxquels ils étaient censés commander. Aussi, peu après le 5 octobre , on adopta des mesures assez sages pour soustraire la Garde Nationale à l’influence des Assemblées de district, et on y parvint jusqu’à un certain point. On y aurait réussi entièrement si le système général du Gouvernement d’alors n’avait pas entravé le succès de ces opérations de détail.


Madame de Chimay :

Ce qui fit dire à Mirabeau qu'une révolution est plus facile à déclencher qu'à contenir et diriger .

Louis-Philippe :

La première de ces opérations fut une nouvelle division topographique de la ville de Paris. Les 60 districts furent fondus en 48 arrondissements qu’on appela sections afin d’effacer jusqu’au souvenir des districts. Mais on eut soin de ne rien changer à la division de la Garde Nationale en 60 bataillons ; en sorte que par cette opération , la force armée se trouvait séparée des Assemblées délibérantes , et par conséquent plus facile à discipliner et à subordonner à ses chefs. En outre , on interdit aux Assemblées de rester en permanence , et chaque section ne pouvait se réunir qu’après avoir rempli certaines formalités. Depuis lors , l’influence de ces Assemblées fut réduite à peu de chose.

Les autres mesures étaient des règlements intérieurs de la Garde Nationale. D’abord l’obligation de porter l’uniforme quand on était dans les rangs , ce qui flattait la vanité des bourgeois, et leur faisait pendre jusqu’à un certain point , un esprit de corps militaire . Ensuite la formation des compagnies de grenadiers et de chasseurs , où ceux qui s’y faisaient inscrire , contractaient l’engagement de faire leur service en personne et de se porter partout où on les enverrait. Il se trouva beaucoup de jeunes gens qui étaient charmés d’être grenadiers, d’avoir un bonnet de poil et des épaulettes rouges , et comme il fallait subvenir aux frais et à l’entretien de cet équipement et en même temps pouvoir faire un service assez fatigant et assez dispendieux par la perte de temps qu’il occasionnait , ces compagnies se composèrent de ceux qui ayant de la fortune , avaient intérêt à maintenir l’ordre et la tranquilité publique , et leur esprit devint excellent. On en tira quelque parti , et je crois qu’on aurait pu les rendre encore plus utiles.

On avait eu soin dans la nouvelle division à Paris de partager entièrement ceux des districts qui avaient marqué le plus de chaleur et de les disséminer autant qu’on avait pu. Le district des Cordeliers ayant été le plus marquant , on s’en était particulièrement occupé. Cependant , il éluda cette sage précaution , et devint même plus dangereux ; car dès qu’il se vit supprimé, il se forma en club, et continua tranquillement sous le nom de club des Cordeliers à tenir ses séances dans le même lieu et dans la même forme qu’auparavant. A la tête de ce club étaient les hommes qui figurèrent depuis à la Convention nationale et à la Commune de Paris comme Robespierristes , tels que Danton, Fabre d’Eglantine, Camille Desmoulins, Robert , Keraglio, Panis, Sergeant, Billaud de Varennes, Chaumette, Hébert, Fréron….


Madame de Chimay :

Robespierristes de la première heure seulement  ...

Louis-Philippe :

Le club des Cordeliers devint pour les Jacobins ce que ceux-ci étaient pour l’Assemblée et ce que l’Assemblée était pour le Roi , c'est-à-dire tribune du Peuple. Cette gradation était très visible et , de jour en jour, elle devint plus marquée jusqu’à ce que les différends partis qui la composaient se fissent renverser dans l’ordre que je viens d’indiquer . Les Cordeliers s’introduisirent furtivement , et un à un , dans le club des Jacobins , et ce ne fut que quand ils y étaient déjà en grand nombre , que les membres de l’Assemblée nationale s’aperçurent que leurs talents oratoires ne produisaient plus le même effet que lorsqu’ils délibéraient entre eux. Ils crurent y remédier , et rétablir leur club sur le pied où il était avant ces admissions inconsidérées , en faisant cette scission impolitique du club de 89 qui acheva de les affaiblir , et de rendre le club des Jacobins encore plus dangereux , en y facilitant les progrès de la démagogie. Mirabeau le sentit promptement ; car après avoir quitté les Jacobins pour 89 , il ne tarda pas à y revenir , et à son retour, quoiqu’on y fût très prévenu contre lui , la force de ses talents et de son éloquence ébranlait toujours cette assemblée, même quand il y essayait des opinions contraires à celles qu’elle professait alors. Malgré les grands avantages que les Cordeliers retirèrent de la scission du club de 89 avec celui des Jacobins, cependant il fallut qu’ils remportassent encore deux victoires sur leurs adversaires et qu’ils fissent sortir un grand nombre de membres du club des Jacobins pour y faire triompher entièrement leurs opinions.

Le club de 89 ne fut jamais qu’une réunion de société, et malgré les grands talents oratoires de quelques-uns de ses membres , ses délibérations n’eurent aucune importance politique, ni aucune influence sur l’opinion publique.

Le club des Jacobins devint beaucoup trop nombreux pour que la salle de la ligue pût le contenir. Il passa à la bibliothèque de ce même couvent dans l’été de 1790 et au printemps de 1791, il s’établit dans l’église qui fut arrangée sur le même plan que la salle de l’Assemblée Nationale. Il y eut alors pour la première fois , des tribunes politiques qui se remplirent de peuple pendant ces séances et cela ajouta beaucoup à l’audience de ce club. Il était composé à cette époque de plus de 3000 personnes qui payaient chacune 9 francs par quartier pour les frais. Au commencement de 1790 , le club prit le titre de Société des amis de la Constitution. On a cherché à ridiculiser cette dénomination en disant que la Constitution n’était pas finie , mais ses bases étaient posées et on ne peut nier qu’elles ne fussent bien connues.

Toutes les villes de province suivirent l’exemple de Paris et il se forma partout des réunions plus ou moins nombreuses , qui prirent pareillement le titre de Société des amis de la Constitution. Elles s’assemblèrent de la même manière , avec présidents, secrétaires,…Elles s’affiliaient à celle de Paris que l’on appelait la société mère. Elles correspondaient avec elle , l’informaient de tout ce qui se passait dans leurs villes ou dans leurs départements, et recevaient ses conseils sur ce qu’il était à propos qu’elles fissent. Cette correspondance fut d’abord conduite par les secrétaires de la société de Paris qui la lisaient à la séance ; mais par la suite , elle devint si volumineuse qu’on forma pour la conduire, un comité nommé au scrutin qu’on appela le Comité de Correspondance , alors on n’en lisait plus que des extraits à la tribune. Ces affiliations et cette correspondance donnaient aux Jacobins de Paris une très grande influence , et même un pouvoir réel. Les membres des sociétés affiliées entraient de droit dans la société mère quand ils venaient à Paris, et de même les membres de la société de Paris entraient de droit dans toutes celles des départements. Ils s’appelaient entre eux , Frères et Amis !


Madame de Chimay :

... ça vous a comme un relent de Maçonnerie ...   Le roi Louis-Philippe  3826491292 

Louis-Philippe :

Quand le club des Jacobins quitta la salle de la Ligue, il s’y forma une société qu’on appelait la société fraternelle. Elle était composée de la plus basse classe , et on y admettait indistinctement les hommes et les femmes. Tantôt , on y lisait les gazettes à haute voix, tantôt quelques orateurs de groupe , bien démagogues , se succédaient à la tribune pour pérorer devant les auditeurs, les endormir, et pourtant les renvoyer chez eux, un peu plus exagérés qu’ils n’en étaient sortis. En général, ces orateurs étaient des gens trop grossiers pour oser monter à la tribune des Jacobins, quoique , depuis , rien n’ait été trop grossier pour elle. Mais à cette époque, on conservait encore une sorte de décence ; au moins comparativement à ce qui a existé depuis. Ce temps était celui de la manie des clubs , parce que tous les partis les regardaient comme un moyen d’influence. Il n’y avait que pourtant que celui des Jacobins qui en eût une réelle. Il exerçait même sur tous les autres une surveillance si active , qu’aucun club ne pouvait subsister sans sa permission.


Souvent dans les villes de province , il se formait deux clubs en rivalité l’un de l’autre, qui sollicitaient à la fois l’honneur d’être affiliés à la société mère ; et comme cette affiliation décidait du triomphe, on ne négligeait aucun moyen de se la procurer . Alors , la société mère devenait un tribunal qui entendait des témoins et instruisait le procès ; et quand elle avait découvert quel était le plus exagéré des deux clubs, elle accordait l’affiliation à celui-là et l’autre se dissolvait. Rien n’était plus vexatoire et plus désorganisant que ces petits clubs de province. L’oisiveté donne aux hommes un esprit de tracasserie et de commérage qui se développe beaucoup dans les petites villes , et la plupart de ces clubs n’ayant rien à faire, et ne sachant comment se donner de l’importance, ne s’occupaient qu’à découvrir de véritables bagatelles qu’ils pussent représenter à la société mère comme de grandes conspirations. Cette disposition à tout soupçonner , à faire les dénonciations les plus ridicules , à s’effrayer des choses les plus insignifiantes , tenait aussi à la crédulité du peuple et à la méfiance que lui inspiraient l’esprit de la Cour et celui de la noblesse et du clergé. Par ces absurdités , les clubs de province tourmentaient et effrayaient tout leur voisinage. Dans les villes de garnison , ils se renforçaient des beaux parleurs de l’armée qui ont été, en général, de mauvais sujets dans tous les temps. La moindre punition de discipline était représentée comme une vexation et un abus de pouvoir. La moindre indulgence des chefs comme un moyen de corruption pour gagner la confiance et l’affection des soldats , et les engager ainsi à soutenir la Contre-Révolution. Mais en même temps, je dois dire que ceux des colonels ou des officiers qui passaient pour être patriotes pouvaient faire à peu près tout ce qu’ils voulaient sans qu’on les dénonçât.

Depuis , lorsque sous le règne de la terreur, ces clubs de province sont devenus les Comités Révolutionnaires , et que les accusations qu’ils formaient étaient des sentences de mort, ils ont continué à voir des complots partout ; et c’est ainsi que tant de victimes innocentes ont été sacrifiées par la crédulité des uns et la scélératesse des autres. Je terminerai cette digression , et je reprendrai mon récit .


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Message par Comte d'Hézècques Jeu 10 Avr 2014, 16:07

Merci Mme de Sabran de faire tout ce travail. La princesse de Chimay a une belle plume. C'est passionnant :n,,;::::!!!: 

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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 16:42



Madame de Chimay :

Votre père revint à Paris en juillet 1790 .  Ses affaires s'étaient un peu arrangées .

Louis-Philippe :

Au retour de la belle saison, nous allâmes à Saint Leu comme les autres années , et nous nous y trouvions lorsque mon père revint d’Angleterre peu de jours avant la fête de la grande fédération qui eut lieu le 14 juillet 1790, pour célébrer l’anniversaire de la prise de la Bastille. Nous revînmes la veille à Paris pour assister à cette cérémonie. Mme de Genlis alla avec ma sœur coucher au couvent de la Visitation à Chaillot afin d’être à portée du Champ de Mars où la fédération devait se faire. Mes frères et moi nous couchâmes au Palais Royal ; et le lendemain matin , les voitures étant défendues dans tout Paris, nous allâmes à pied avec M. Lebrun à Chaillot.

Un pont temporaire avait été construit sur la Seine vis-à-vis de l’Ecole militaire. A l’entrée du champ de Mars , on avait érigé un arc de triomphe que nous eûmes envie de voir de près. Nous y allâmes assez imprudemment . Je fus reconnu , et aussitôt des hommes de la foule s’emparèrent de moi, me mirent sur leurs épaules, et se disposaient à me porter ainsi à l’Autel de la Patrie, ce qui me contraria infiniment . A la fin, moitié de force , moitié de persuasion , je descendis de dessus leurs épaules, et j’échappai ainsi au triomphe un peu embarrassant dont j’étais menacé . Nous repassâmes le pont au plus vite , et nous nous plaçâmes sur une terrasse d’où nous vîmes la cérémonie tout à notre aise . Elle fut superbe. 150 000 députés de l’armée de ligne et de toutes les Gardes Nationales de France avaient été mandés à Paris pour prêter serment de fidélité à la Nation, à la Loi et au Roi , et de maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi. L’armée fédérale se rassembla de grand matin sur le boulevard de la Bastille . Les Gardes Nationales se formèrent par département, et les départements prirent rang entre eux par ordre alphabétique, en sorte que le département de l’Ain ouvrait la marche , et que celui de Yonne la fermait. Les députés de l’armée de ligne étaient placés au centre , ainsi que l’Assemblée Nationale qui marchait en corps au milieu de cette immense colonne . Toute l’armée fédérale avait le sabre en main . Elle entra dans le Champ de Mars au bruit de nombreuses salves d’artillerie. On avait baissé de quelques pieds le terrain du Champ de Mars , afin de former autour de cette enceinte , un amphithéâtre en terre sur lequel une foule immense s’était réunie.

Le Roi s’était rendu dans les appartements de la façade de l’Ecole militaire , d’où il passa sur un trône érigé au-dessus des gradins qu’occupait l’Assemblée nationale. Il prêta le premier le serment qui fut ensuite répété avec enthousiasme par toute l’armée fédérale et par tous les spectateurs . Rien ne pouvait être plus solennel et plus beau. Ensuite , M. de Talleyrand , évêque d’Autun , célébra la grand messe sur l’autel de la Patrie. Il tomba une forte pluie pendant la cérémonie, et bien des gens s’amusèrent à dire comme les anciens auraient pu le faire, que c’était un mauvais présage.


Madame de Chimay :

On a dit que Louis XVI, encore très populaire à cette époque-là, aurait pu renverser la situation à son profit .
Qu'en pensez-vous ?

Louis-Philippe :

Les conséquences de cette grande réunion furent très différentes , à ce que je crois, de celles auxquelles on s’attendait. On imaginait que tous ces provinciaux et tous ces vieux soldats seraient un peu démocratisés pendant leur séjour à Paris ; mais ils furent bientôt royalisés. Les députés de l’armée étant les plus anciens de chaque corps étaient pour la plupart imbus d’idées royalistes. Quant à ceux des Gardes Nationales , la vue du Roi dont on jouissait si rarement dans les provinces , la bonté avec laquelle il les accueillit , la solennité de son serment qui leur persuadait qu’il était impossible que le Roi ne fût pas de bonne foi dans la Révolution , tout excita l’enthousiasme de ces députés , et on alla jusqu’à craindre qu’ils ne fissent un mouvement en faveur du Roi . Combien d’occasions semblables se sont présentées sans que l’infortuné Louis XVI en ait jamais tiré parti ! Mais la Cour ne voulait point que le Roi employât de pareils moyens pour rétablir l’action et l’indépendance de l’autorité royale, parce qu’ils auraient conduit à un résultat plus ou moins constitutionnel , qui était ce que la Cour tenait par-dessus tout à éviter . On y regardait comme ennemis du Roi tous ceux qui voulaient des modifications quelconques à l’Ancien Régime, c'est-à-dire par conséquent la totalité de la Nation , car on peut dire qu’il n’y avait personne en France qui n’y désirât un changement dans un sens ou dans l’autre.

Mme de Genlis avait été très effrayée du départ de mon père pour l’Angleterre , elle le fut aussi de son retour. Elle se trouvait isolée à Saint Leu ; elle craignait les émeutes de Paris ( quoiqu’il n’y eût alors rien à craindre pour elle ), et ne se trouvait bien nulle part .
Dans les premiers jours d’août , elle fut saisie d’une terreur panique dont j’ignore la cause. IL est difficile que ce fût relativement à la procédure du Châtelet pour le 5 octobre , car si cela avait été , elle n’aurait pas été s’établir à Paris au moment de cette explosion. Elle déclara tout d’un coup , ce fut je crois le 8 ou 9 août 1790 , que l’eau de la source dont nous buvions et qui était excellente , s’était gâtée , et qu’il était nécessaire pour sa santé et pour la nôtre de ne pas rester un instant de plus à Saint Leu. Ce n’était qu’un prétexte mais nous partîmes le jour même, sans que j’ai jamais su la véritable cause de ce départ précipité. Nous revînmes au Palais Royal, et elle retourna à Belle-Chasse. L’affaire du Châtelet éclata peu de jours après.


Madame de Chimay :

Vous même sortez de la tutelle de votre " gouverneur ", Mme de Genlis, cet automne 1790 .
C'est votre majorité virtuelle .  Et vous n'avez aussitôt de cesse que de pétroler avec les factieux !

Louis-Philippe :

J’eus 17 ans au mois d’octobre de cette année , et selon ce qui était résolu longtemps avant la Révolution conformément à un ancien usage de notre maison , je devins mon maître le jour où j’atteignis cet âge, c'est-à-dire que je n’étais plus dans la dépendance d’aucun instituteur , que je n’étais plus tenu à rien faire que par ma bonne volonté, et que même je pouvais faire tout ce que je voulais. Mon père, le jour même me donna l’appartement qu’il occupait du vivant de mon grand-père, lorsqu’il était duc de Chartres. Cet appartement était meublé à neuf et fort augmenté par la destruction de la salle de l’Opéra qui en rétrécissait les dégagements. Mon père me permit en outre d’y placer tous les tableaux de sa collection qui me conviendraient, ce qui l’embellissait infiniment .

Mon indépendance ne changea en rien mes habitudes ou du moins y changea peu de choses. La propriété des régiments étant supprimée par les nouvelles lois, ceux des colonels propriétaires , qui n’étaient point officiers généraux , eurent l’option de prendre le commandement d’un de leurs régiments ou de quitter le service. Je me décidai à renoncer à mon régiment d’infanterie et à devenir simple colonel de mon régiment de dragons à la place de M. de Valence qui en était colonel lieutenant et qui passa à un régiment de carabiniers. Cette résolution m’obligeait à rejoindre l’été suivant ; et comme je prévoyais que j’aurais peu d’occasions dans la suite de continuer mes études, je me déterminai à employer cet hiver à peu près comme les précédents. Je continuai les études de Belle –Chasse et en même temps, je suivis régulièrement les séances de l’Assemblée Nationale où je m’étais procuré une admission dans la tribune des suppléants. »

Mais le fait d’être suppléant ne lui semble pas suffisant . Voici ce qu’il écrit : « Il paraissait très nécessaire d’acquérir la tactique des Assemblées politiques, et de s’exercer à parler en public. J’étais très frappé de cette nécessité ; mon père et Mme de Genlis ne l’étaient pas moins. Je ne pouvais guère atteindre ce but qu’en fréquentant le club de 89 ou celui des Jacobins ( ou Société des Amis de la Constitution ) , afin de prendre part à leurs délibérations. «
Finalement , Louis-Philippe opte pour le choix du club des Jacobins parce que dit-il , « il y avait des discussions continuelles et régulières dans ce club.
Mon père ne voyait aucun mal à ce que j’allasse à leurs séances, et je partageais son opinion : il me recommanda seulement d’être très circonspect et de ne former aucune liaison quelconque dans ce club. J’ai suivi scrupuleusement ce conseil.
Ce fut M. de Sillery qui me présenta au club des Jacobins , car mon père n’en était pas encore membre. La composition de ce club était très différente de ce qu’elle a été depuis. Il n’y avait alors que 6 ou 700 membres dont environ 300 étaient députés. L’esprit des Jacobins ne fut pas dans l’origine, ce qu’il est devenu ensuite. Les événements postérieurs au temps où je fréquentais ce club attachèrent à la dénomination de Jacobins une couleur sanguinaire qui me fait regretter d’avoir été membre de cette société. Mais à cette époque, elle n’était pas encore une puissance dans l’ État, et on ne s’y occupait qu’à préparer les débats de L’Assemblée nationale.


Madame de Chimay :

Vous, un prince du sang !   Shocked 

Louis-Philippe :

Ma mère fut très fâchée que j’allasse aux Jacobins. Elle fit de vains efforts auprès de mon père pour s’y opposer , et me témoigna aussi le désir que je cessasse d’y aller . Longtemps avant cette époque, elle avait déjà manifesté des opinions contraires à la Révolution que j’attribuais à l’influence de la société, car je croyais alors qu’on n’était opposé à la Révolution que par entraînement ou par des motifs d’intérêt personnel que je regardais comme sans effet auprès de ma mère. On ne peut pas disconvenir que par une fatalité malheureuse, les nobles et la plupart des individus qui s’opposaient à la Révolution en avaient prêché le système jusqu’au moment où ils avaient essuyé des pertes personnelles , soit en privilèges , soit en abus, soit autrement. Cela portait à croire qu’ils n’avaient attaqué d’abord l’autorité de la Cour que pour augmenter la leur, et qu’ils ne la défendaient ensuite que pour prolonger l’existence des privilèges et des abus dont ils profitaient. Cette opinion était générale chez tous les partisans de la Révolution , et il était naturel qu’elle produisit un très grand effet sur moi. Plus les pertes que je faisais étaient grandes , plus je me piquais de les faire noblement. Je croyais me sacrifier pour le bien général , et cette confiance me portait à l’exaltation . La jeunesse est présomptueuse ; je regardais comme certains , tous les beaux résultats que me présentait mon imagination , et, fort de cette confiance , je ne doutais point qu’on ne rendît à ma conduite la justice qu’elle méritait.

Peu de jours après mon introduction aux Jacobins , je fus nommé pour un temps limité , membre du Comité de Présentations. Ce Comité chargé d’examiner ceux qui voulaient être admis dans la société , était composé de 30 membres qu’on renouvelait par tiers. Il s’assemblait tous les jeudis au soir dans un cabinet d’histoire naturelle auprès de la bibliothèque. Nul ne pouvait être admis dans la société à moins qu’il ne fût proposé par 6 membres qui signaient cette proposition. Alors le Comité examinait, et formait une liste qui était lue à la société dans trois séances différentes et affichée pendant huit jours sur la tribune. Le Comité mettait beaucoup de soin à ce qu’il ne s’introduisît pas de faux frères, mais malgré tous ses soins, il aurait été facile d’éluder sa vigilance et de le tromper . Mais ce moyen ne fut jamais employé quoi qu’il eût été le plus sûr pour détruire les Jacobins. Il semble qu’on aurait dû attacher beaucoup d’importance à l’admission dans cette société, mais on en était bien loin. J’ai été très assidu à ce Comité pendant que j’en étais membre , parce que je me pique d’être exact à remplir les fonctions dont je me charge. Je puis assurer que sur les trente membres , il y en avait rarement plus de huit ou neuf qui assistassent aux séances du Comité. Je reprochais sans cesse , surtout aux députés qui en étaient membres , cette négligence qui laissait introduire tant de gens dangereux et déplacés dans une société dont on ne prévoyait pas assez l’importance ; mais à tout ce que je pouvais dire, on me répondait : « Ma foi , c’est d’un ennui à ne pas y tenir ». Ils avaient raison en cela, et c’était encore plus ennuyeux pour moi que pour personne car ne connaissant aucun des proposés , j’étais toujours forcé de m’en rapporter à d’autres. Au reste , pendant que j’ai été aux Jacobins, je me suis borné, comme je l’ai déjà dit, à assister assez régulièrement aux séances, et je n’y ai eu de relations particulières avec qui que ce soit.


Madame de Chimay :

C'était également déplaire gravement au roi . 

Louis-Philippe :

Je passai à Paris le mois de mai et dans les premiers jours de juin , je me disposai à rejoindre mon régiment de dragons à Vendôme. J’allai aux Tuileries prendre congé du roi et de la reine qui me reçurent très froidement. J’avais été constamment m’acquitter de mes devoirs envers Leurs Majestés depuis qu’elles étaient aux Tuileries, et ce fut la dernière fois que j’eus l’honneur de leur faire ma cour . J’allai aussi avec mon père et mon frère le duc de Montpensier chez M. le Dauphin, chez Madame , fille du Roi, chez Madame Elisabeth , ainsi que chez Monsieur , comte de Provence , et chez Madame qui habitaient le petit Luxembourg.
Après avoir fait une course rapide à la ville d’Eu pour voir ma mère et le duc de Penthièvre mon grand-père, je partis de Paris le 14 juin 1791, n’emmenant avec moi que M. Pieyre qui m’était attaché en qualité de secrétaire des commandements.


Madame de Chimay :

La fuite de la famille royale des Tuileries et l'arrestation du roi à Varennes vont à nouveau bouleverser le semblant de calme revenu. 

Louis-Philippe :

Le Roi, la Reine , et tous les membres de la famille royale sortirent mystérieusement des Tuileries dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, et quittèrent Paris immédiatement . Les barrières de Paris ayant été fermées pendant quelques heures , aussitôt qu’on se fût aperçu du départ du Roi, je n’en reçus la nouvelle à Vendôme que le jeudi 23 dans la matinée , et je ne fus informé de son arrestation à Varennes que dans la soirée. Ce jeudi se trouvait être précisément celui de la Fête Dieu.
(…)
Quoique la fuite du Roi et son arrestation à Varennes soient des faits qui me sont entièrement étrangers , ils ne le sont pas au but que je me propose dans cet ouvrage, et il est nécessaire de les connaître pour comprendre les conséquences qui en résultèrent . Je vais donc en rapporter les principales circonstances.

Monsieur ( comte de Provence ) partit du Luxembourg avec M. d’Avaray , et gagna sans difficulté la frontière des Flandres en passant par Pont sur Sambre . Madame partit de son côté en même temps. Le Roi, la Reine, M. Le Dauphin, Madame , fille du Roi , et Madame Élisabeth , avec Mme de Tourzel , gouvernante des Enfants de France , s’étaient promis de ne point se séparer . Ils sortirent à pied des Tuileries dans la nuit du 20 au 21 et à peu de distance du château , montèrent dans une voiture préparée pour leur voyage que le comte de Fersen conduisit en cocher jusqu’à Bondy. La Reine avait un passeport sous le nom d’une dame russe ( la baronne de Korff ), et le Roi était censé être son valet de chambre.
La première partie de l’entreprise réussit à merveille. Le Roi prit la route de Châlons . Il n’avait avec lui que trois gardes du corps déguisés. Après Châlons, M. de Bouillé qui commandait dans cette partie et en Lorraine avait envoyé sur la route par laquelle le Roi devait passer des détachements de dragons dont les ordres étaient d’escorter un trésor ; cependant comme personne ne savait, ou ne devait savoir ce qu’était un trésor, il était difficile que ces détachements fussent d’aucune utilité au Roi, et leur présence sur la route que le Roi devait parcourir ne pouvait exciter que des soupçons. Il est probable que M. de Bouillé se flattait que dans le cas où le Roi serait reconnu, les commandants de ces détachements les détermineraient à protéger le passage du Roi , et empêcheraient le peuple de l’arrêter : l’événement a prouvé qu’il se trompait.
Pendant que le Roi changeait de chevaux à Sainte Menehould , il fut reconnu. Le maître de poste du lieu, Drouet , fit sur le champ seller son cheval et profitant de ce que le Roi suivait la grande route , et passait par Clermont pour aller à Varennes , il s’y rendit directement par la forêt d’Argonne et il y arriva longtemps avant le Roi. Il informa Sausse , le procureur de la commune de Varennes , de sa découverte , et tous les deux de concert, se disposèrent à arrêter le Roi .

J’ai été à Varennes depuis , et j’en ai bien remarqué les localités ; ainsi je puis en parler positivement . En arrivant à Varennes par la route de Clermont, on passe sous une longue voûte obscure , qui est , ou qui était la porte de la ville. Ensuite, on entre dans une rue qui descend assez rapidement , puis on tourne à droite pour passer sur un pont fort étroit la rivière d’Aire qui en été est guéable en plusieurs endroits. Ce fut sous la voûte que je viens de décrire que Sausse alla se porter avec trois ou quatre gardes nationaux pour attendre le Roi : un détachement de hussards du régiment de Lauzun , commandé par un officier nommé Délon , était stationné dans la rue près du tournant qui conduit au pont, et de l’autre côté du pont , il y avait un relais pour le Roi et une escorte de cavalerie considérable.
Je crois qu’il y avait aussi de l’infanterie ( le régiment de Nassau et un autre régiment allemand ). Mais il paraît que les commandants de ces troupes ne furent pas informés à temps de l’arrivée et de l’arrestation du Roi. Il paraît aussi que le Roi comptait changer de chevaux auprès de la voûte à l’entrée de la ville et qu’il ignorait que son relais l’attendait de l’autre côté du pont .
Lorsque la voiture du Roi arriva , Sausse l’arrêta en demandant le passeport : lorsqu’on le lui eut remis , il prétendit qu’il fallait qu’il l’examinât chez lui, où il déclara qu’il était faux, je ne sais comment , mais d’une manière ou d’une autre, il obtint du Roi et de la Reine de descendre de leur voiture et d’entrer dans sa maison qui était près de là.
Il semble qu’un coup de fouet donné , aux chevaux dans cette conjoncture aurait sauvé le Roi ; mais quelle qu’en fût la cause , il ne fut pas donné et le Roi et sa famille entrèrent chez Sausse .
Il était près de 11h du soir quand le Roi fut arrêté, et cette heure rendait le rassemblement de la Garde Nationale très difficile. Le voisinage des forces qui étaient de l’autre côté de la rivière ajoutait encore beaucoup à la difficulté et au danger de la rassembler. Cependant Sausse en vint à bout ; une charrette de fumier qu’il versa sur le pont , empêcha la communication entre les deux rives, tout comme si la rivière n’eût pas été guéable.
Par surcroît de malheur ou plutôt de maladresse , l’officier de Lauzun ( M. Délon )ne parlait pas allemand ou le parlait mal, de sorte qu’il ne pouvait pas se faire entendre de ses hussards qui étaient tous allemands , et un officier de Gardes Nationaux lorrain ou alsacien , vint pérorer devant les hommes de ce détachement dans leur langue. Dès que M. Délon fut informé de ce qui se passait au haut de la ville , il se rendit chez Sausse pour prendre les ordres du Roi , mais il paraît qu’il ne put le voir seul et que le Roi lui ordonna en présence de Sausse de se tenir tranquille ; cependant on assure que la Reine lui dit en allemand : Retten sie der König ( Sauvez le Roi ) et probablement il ne l’entendit pas , car il ne fit aucune disposition pour y parvenir . Il retourna à son détachement dont le garde national avait pris soin en son absence, et s’en tint à l’ordre qu’il avait reçu du Roi.
Pendant ce temps là, on rassemblait à Varennes et dans les environs les Gardes Nationales de la rive gauche de la rivière d’Aire , les paysans armés arrivaient de toutes parts , les uns avec des faux, les autres avec des pelles et des pioches , une mauvaise pièce de canon sans munition fut braquée contre le principal gué au-dessus du pont , et le matin au grand jour , le Roi repartit pour Paris dans sa voiture entouré d’une foule déjà très considérable.

M . de Bouillé ne fut instruit que tard de l’arrestation du Roi. Il accourut avec le régiment Royal allemand ; mais il n’était plus temps , et le moindre mouvement de sa part aurait pu faire massacrer le Roi et la Reine. Il eût été certainement été facile de les sauver pendant la nuit , et je ne doute pas qu’ils n’eussent été délivrés si M. de Bouillé avait été averti à temps. Les trois gardes du corps qui accompagnaient le Roi lui étaient sûrement dévoués , et il est probable , puisqu’ils n’ont rien fait pour le tirer de ce mauvais pas et avertir M . de Bouillé , soit en essayant de passer la rivière , soit par quelque autre moyen , qu’ils ignoraient où il était avec ses troupes , ou qu’ils en ont été empêchés par des causes qui ne nous sont pas connues .
il est certain que le Roi avait rendu son évasion beaucoup plus difficile , en ne voulant pas se séparer de sa famille. La foule qui escortait le Roi grossissait si rapidement qu’il devint embarrassant de pourvoir à la subsistance de cette multitude ( les gazettes l’ont évaluée à 50 000 personnes ). Les trois commissaires que l’Assemblée avait nommés pour aller au-devant du Roi , le rencontrèrent auprès de Châlons. Ils eurent beaucoup de peine à congédier une partie de ce peuple immense car chacun voulait accompagner la voiture du Roi jusqu’à Paris. Ces trois commissaires étaient M. de Latour Maubourg, Barnave et Pétion ; c'est-à-dire un ami de La Fayette , un ami de MM de Lameth et un des purs jacobins.


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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 16:52

Comte d'Hézècques a écrit:Merci Mme de Sabran de faire tout ce travail. La princesse de Chimay a une belle plume. C'est passionnant :n,,;::::!!!: 


Mais pas du tout, mon cher Félix : c'est Louis Philippe lui-même qui rédige ses Mémoires .
Chaque mot, chaque virgule est de lui.
C'est bien pourquoi c'est tout à fait passionnant.  Very Happy 

Notre princesse de Chimay s'est donnée la peine, l'énooorme travail, de taper pour nous, dans le C.D.B., tous ces extraits !!!
Elle a dû y passer des heures !!! Smileàè-è\': 

Et moi, je bouture tous ces textes, en italiques parce qu'ils sont authentiques, comme sous la forme d'un dialogue imaginaire .
Voilà !  :n,,;::::!!!: 

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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Avr 2014, 18:03


Madame de Chimay
:

Sur ces entrefaites, cette exaltée de Mme de Genlis vous écrit :
On parle beaucoup d’une Régence : Dans ce cas, elle sera très certainement offerte à M. d’Orléans , qui est irrévocablement décidé à la refuser , ainsi que toute espèce de place qui montrerait de l’ambition : En même temps, il acceptera toutes celles , où il pourra servir la Patrie , soit sur terre , soit sur mer. J’approuve fort cette conduite , surtout après les indignes calomnies dont on a voulu le noircir. Vous serez de cet avis , cher ami, qui, j’en suis bien sûre , refuseriez le trône, s’il vous était offert, et si vous ne pouviez y monter sans injustice ; vous , qui avez les mœurs et l’âme d’un spartiate. Poursuis , mon enfant, poursuit ta noble carrière : grâces à la Révolution , nous sommes dans un siècle, où l’homme seul , et non le rang , fait sa réputation. O quelle leçon pour les amis de la morale et de la vertu , que ce que nous voyons dans ce moment ! Un maire de village arrête le Roi de France dans ses États et rejette avec dédain ses offres et ses promesses…Que pouvez-vous m’offrir qui vaille la gloire de sauver ma patrie ? Deux roturiers ( Barnave et Péthion ) protègent le Roi et ses enfants et s’engagent à les préserver de toute insulte ! La vertu, les talents ne sont plus des dons inutiles : les noms plus ou moins sonores , des décorations, des rubans, des sièges, ou des petits bâtons d’une certaine forme , ne sont plus que des chimères ou des meubles devant lesquels on ne s’agenouillera plus et ces meubles là pourraient fort bien passer de mode.

Louis-Philippe :

La fuite du Roi confirmait les soupçons qu’on avait toujours eus sur ses véritables intentions : elle détruisait d’un seul coup l’effet de tant de démarches par lesquelles il avait vainement cherché à faire croire à la sincérité de ses professions. Aussi les Jacobins parvenaient-ils aisément à persuader au public que le Roi et sa Cour étaient absolument incorrigibles , et qu’on ne les amènerait jamais à gouverner constitutionnellement et à respecter de bonne foi la liberté nationale. La fuite du Roi paraissait une preuve positive de l’existence de ces complots et de ces conspirations pour opérer la contre-Révolution dont les gazettes étaient remplies dans ce temps –là. Mais quoique les Jacobins désirassent que le Roi cessât d’être le chef de l’Etat , il ne s’ensuit pas qu’ils voulussent placer mon père sur le trône. Non certainement , ceux qui ont adopté cette opinion sont dans une très grande erreur . La République était dès lors le vœu très décidé des principaux Jacobins, et ils l’ont manifesté peu de temps après. Mais c’est alors que ce terrible système de République se développa, et il faut en convenir, ce système était le résultat tant des idées démocratiques qui, comme je l’ai déjà dit, s’étaient introduites dans toutes les têtes, que de l’impossibilité de déterminer les Rois et les Cours aussi bien que leurs ministres et les agents, à faire de bonne foi les concessions nécessaires pour faire jouir les nations et les individus des avantages qu’ils ont droit de réclamer . Je ne peux pas être positif sur ce que je vais dire , et je ne le présente que comme ma propre conjecture.

Dès que le Roi fut parti , M . de La Fayette voulut la République : mais après que le Roi fut ramené à Paris , il cessa de la vouloir , et ne songea plus qu’à consolider la monarchie et le trône du Roi , en le déterminant à s’entourer de ministres constitutionnels, et à gouverner constitutionnellement . Je suis persuadé que c’était alors le seul plan par lequel on pût conserver en France le gouvernement monarchique et empêcher le Roi d’être détrôné ; mais l’expérience a prouvé que ce plan était impraticable, et que le Roi devait être entraîné à sa perte par l’influence irrésistible de ses entours. Si comme je le crois, M. de La Fayette a voulu momentanément la République, c’est probablement par la crainte qu’une régence ou quelque autre forme d’administration , ne fît tomber le pouvoir entre les mains de mon père. La monarchie étant conservée , mon père était le dépositaire naturel du pouvoir en l’absence du Roi et des Princes de la branche aînée ; tandis que cela devenait très différent dans une République où il était toujours facile , soit de perdre mon père, soit au moins de l’écarter du pouvoir , en le faisant soupçonner de viser au trône.
C’est ainsi que Brissot, Roland et la Gironde , attaquèrent mon père avec succès dans la Convention Nationale en 1792 et il est probable que si un gouvernement républicain avait été établi en France à l’époque du départ du Roi en 1791, la place de commandant général de la Garde Nationale parisienne que M. De La Fayette occupait alors, et l’influence qu’il exerçait sur les ministres, et sur une partie de l’Assemblée, lui auraient donné de grandes chances de devenir le centre du pouvoir en suivant cette marche. Au reste, je ne puis former que des conjectures sur cela, mais je vais m’efforcer de démontrer que celles que je fais ne sont pas dénuées de fondement.


Madame de Chimay :

La République ! ... ça y est, le mot est lâché !

Louis-Philippe :

Au moment où la nouvelle du départ du Roi se répandit dans Paris , la première personne qui parla de République fut Achille Duchâtelet , autrement le marquis du Châtelet. Il avait servi dans la guerre d’Amérique et il était resté lié avec M. De La Fayette dont il avait été aide de camp à Paris. C’est le même M. Duchâtelet qui écrivait à M. de Bouillé en octobre 1789, de la part de M. de La Fayette : « Vous avez certainement des correspondants assez exacts pour vous avoir bien informé des événements qui ont eu lieu. Vous savez qu’ils ont élevé La Fayette au plus haut degré de pouvoir, et que par sa fermeté, il vient de se débarrasser du duc d’Orléans. M. Duchâtelet fit afficher le jour ou le lendemain du départ du Roi , un placard dans lequel il invitait le peuple français à se former en République, attendu qu’un Roi serait une superfluité politique. Celui-là ne sera pas soupçonné d’avoir voulu travailler pour mon père ( ceux qui en soupçonneraient M. Duchâtelet n’ont qu’à lire les mémoires de Bouillé où se trouvaient deux lettres de lui . )

La seconde personne fut Condorcet qui publia un pamphlet pour prouver qu’un Roi était inutile dans une Constitution. Je crois qu’à cette époque, Condorcet était encore lié avec M. de La Fayette, tandis qu’il ne l’était sûrement pas avec mon père. Enfin, la troisième personne qui proposa la République fut Brissot , qui était également ennemi de mon père et ami de M. de La Fayette , et qui ne se brouilla avec ce dernier qu’après que le Roi fut revenu de Varennes. Brissot a publiquement affirmé ce que j’avance comme conjecture. Il a affirmé que M. de La Fayette avait eu le plan de faire une République , et qu’il l’aurait proposé, si le Roi n’avait pas été arrêté à Varennes, que le retour du Roi avait changé ses projets, et que c’était alors que lui, Brissot , s’était séparé de M. de La Fayette , et s’était occupé d’amener par d’autres moyens la formation de la République. Au reste, ceci n’est important que pour découvrir comment la République a été introduite en France ; car dans tous les cas , M. de La Fayette ne l’a pas voulu longtemps, et soit que ce fût malgré lui, soit que ce fût de son aveu, que des personnes liées avec lui aient fait la proposition d’établir un gouvernement républicain, il est certain qu’il s’y opposa dès que le Roi fût arrêté et ramené à Paris ; mais l’impulsion donnée à l’opinion en faveur de la République par la fuite du Roi , et par les propositions qui en résultèrent , ne s’arrêta plus, et fut une des causes principales de l’établissement du Gouvernement républicain en 1792, c'est-à-dire 15 mois après.


Madame de Chimay :

Quel est votre avis sur la Constitution de 1791

Louis-Philippe :

On a fort bien exprimé ce qu’elle était en disant que c’était une Démocratie Royale.Il était difficile que le pouvoir royal et le pouvoir démocratique ne se détruisissent pas l’un l’autre. Il était d’autant plus à craindre que cette lutte ne devînt une guerre à mort, comme cela est malheureusement arrivé, qu’on s’assujettit rarement en France à se faire mutuellement les sacrifices qui peuvent seuls modérer les passions des hommes.
Les Français sont très portés à user immodérément de leurs avantages ; en général , ils manquent de retenue et se permettent presque toujours tout ce qu’il est en leur pouvoir de faire. IL est remarquable que la langue française ne puisse pas exprimer en un seul mot cet admirable mot anglais " forbearance " , qui est le substantif de s’abstenir volontairement de ce qu’on pourrait faire, si on voulait. Qualité sublime sans laquelle il ne peut y avoir ni constitution , ni liberté , et que je regarde comme la cheville ouvrière du gouvernement anglais !
En France, le pouvoir populaire a conquis le pouvoir royal , dès qu’il a pu le faire. Le pouvoir royal en avait fait autant en sens inverse longtemps avant et était prêt à recommencer.  

(…)  Qu’on ne croie pas que je cherche à faire indirectement l’éloge de la Constitution de 1791 , ni encore moins celui de l’Assemblée qui l’a faite ! Je ne dis pas que ce que je crois un fait , et je suis convaincu qu’il était déjà très difficile d’arrêter les progrès du républicanisme.


Madame de Chimay :

Le roi avait été abandonné par toute la noblesse . La vague de l'émigration fut énorme .

Louis-Philippe :

J’arrive à un des points les plus difficiles à traiter de l’ouvrage que j’ai entrepris. C’est de l’émigration, de ses causes et de ses effets , que je vais m’occuper. La difficulté de cette discussion est déjà très grande en elle-même, est augmentée par ma position personnelle. On peut me croire prévenu, influencé par des souvenirs, aigri par le ressentiment d’injures personnelles , animé du désir de défendre le parti que j’avais embrassé alors. C’est à ceux qui me liront à juger si j’ai été influencé par ces considérations et si mes raisonnements sont bons ou mauvais. La notoriété des faits sur lesquels je les ai établis , rend inutile que j’affirme l’exactitude scrupuleuse avec laquelle je les rapporte. Cette discussion est trop importante et exige trop de développements pour qu’en m’y livrant je puisse me renfermer strictement dans l’examen des événements du moment où la grande émigration a lieu , et il faudra souvent rétrograder vers ce dont j’ai déjà parlé , et anticiper sur ce dont il me reste à faire le détail. Cela m’entraînera à jeter un coup d’œil sur la conduite du Roi , et sur la faiblesse et la discordance des moyens qu’on a employés pour arrêter les progrès de la Révolution.

Je regarde l’émigration comme ayant été une fausse mesure. Je respecte les motifs honorables qui peuvent l’avoir dictée , mais je répète qu’un de mes principaux objets , est de prouver que la rectitude des intentions n’entraîne pas celle du jugement , que la violence des passions et de l’esprit de parti égare et aveugle même sur ses propres intérêts et sur la meilleure manière d’atteindre le but qu’on se propose ; et que quand on se laisse entraîner par ce torrent , on peut devenir bien nuisible à la cause qu’on s’efforce de défendre. Une des principales sources des malheurs de la Révolution , a été l’ignorance complète et générale de la conduite que chacun devait tenir dans une semblable crise ; et cette ignorance était commune aux hommes de tous les partis et de toutes les opinions . Il n’y avait plus de devoirs clairement établis Tout était confus , tout était ébranlé , la morale même qui semblerait devoir être immuable , n’était plus un guide suffisant , et les démarches qu’on croyait les mieux calculées pour atteindre le but qu’on se proposait , conduisaient à un résultat souvent contraire , et presque toujours différent de celui qu’on attendait.
En sorte qu’avec les mêmes intentions et en ayant le même objet en vue, on adoptait souvent une ligne de conduite opposée. Rien n’est donc si difficile que de juger des hommes par leurs opinions et par leur conduite politique ; et il ne l’est pas moins de juger cette conduite et ces opinions avec impartialité.
Plus cette difficulté se faisait sentir , plus il semble qu’on aurait dû être porté à l’indulgence . Mais cette indulgence a été bien peu pratiquée. Hélas, on a été plus loin encore, on a représenté ceux qui la prêchaient et la pratiquaient comme des ennemis secrets ; tandis que la violence et l’intolérance paraissaient des preuves de la loyauté d’un homme et de sa fermeté dans ses principes. Cependant on s’est trompé de tous les côtés , et dans tous les partis ; et il serait désirable que chacun en fût convaincu. On aurait moins de prétentions pour soi , et plus d’indulgence pour les autres.


Madame de Chimay :

Les entours de la famille royale furent les premiers à prendre le chemin de l'exil .

Louis-Philippe :

L’émigration commença en juillet 1789 par le départ de M. le comte d’Artois et de ses deux fils, M. le duc d’Angoulême et M. le duc de Berri, de M . le prince de Condé , de son fils et de son petit-fils , M. le duc de Bourbon et M . le duc d’Enghien , de M. le prince de Conti et des personnes de leur suite . Il est probable que dans le premier instant , les Princes n’eurent d’autre but que leur sûreté ; mais bientôt, ils s’occupèrent de devenir le noyau d’un rassemblement à l’extérieur. L’Assemblée Constituante désira vivement leur retour. Elle provoqua autant qu’elle put celui de M. le comte d’Artois en lui faisant de grands avantages dans l’affaire des apanages. D’après un de ses décrets, M. Duveyrier fut envoyé par le Roi à M. le prince de Condé pour le même objet , et sans plus de succès.

L’Assemblée Constituante voyait avec inquiétude l’absence de la plupart des princes français et l’attitude d’hostilité qu’ils avaient prise contre la Constitution. Elle croyait nécessaire à la consolidation de son ouvrage qu’ils vinssent se ranger autour du trône constitutionnel. Mais peut-être cette même opinion agissait-elle en sens inverse sur les Princes et je ne suis pas éloigné de croire qu’une des principales raisons qui ont empêché leur retour n’ait été la crainte que le régime constitutionnel ne se consolidât par leur présence.

Dès 1789 , on commençât à s’éloigner du Roi et du Royaume pour aller joindre les Princes français en pays étrangers. C’est ce qu’on appela émigrer. On émigra peu en 1789. On émigra beaucoup plus en 1790 , et la grande émigration eut lieu en 1791. Elle se prolongea encore en 1792, jusqu’à la campagne de Champagne. Le désir de se mettre à l’abri des dangers auxquels on était alors exposé en France, a été un des premiers motifs de l’émigration.


Madame de Chimay :

Ils ignoraient qu'ils quittaient la France pour des années .

Louis-Philippe :

L’opinion à peu près générale alors, parmi les ennemis de la Révolution, était que pour me servir de l’expression favorite du temps , tout cela ne pouvait pas durer. . Cette opinion provenait en grande partie de l’ignorance dont je viens de parler. Elle produisait un effet très fâcheux sur les ennemis de tout cela , car elle les portait à combiner leur conduite , plutôt pour des procurer des avantages quand tout cela serait culbuté, que pour assurer cette culbute. Je crois que cette trop grande confiance dans la culbute du tout cela, est une des causes principales qui font que tout cela dure encore, et je suis persuadé qu’un très grand nombre de ceux qui ont émigré, n’auraient pas quitté leurs régiments et leurs emplois, si on ne leur avait pas persuadé que quand tout cela serait culbuté , le Roi casserait et dégraderait ses Nobles ; tous ceux qui n’auraient pas émigré. C’est ainsi que les ennemis de la Révolution concouraient avec leurs adversaires à expulser leurs partisans de tous les emplois qu’ils occupaient en France !

Madame de Chimay :

La contradiction totale, c'est que ceux qui étaient restés en France étaient supposés avoir pactisé avec les révolutionnaires tandis que ceux qui avaient émigré , étaient restés fidèles au Roi.
Va comprendre, Charles !  Le roi Louis-Philippe  3826491292 

Louis-Philippe :

Je conçois très bien que le relâchement des lois , que l’impunité des émeutes, que le pillage des châteaux ( qui cependant avait eu lieu longtemps avant la grande émigration ) , aient décidé beaucoup de gens à chercher un asile tranquille dans les pays étrangers ; mais le plus grand nombre se décida pour d’autres motifs .
Il est notoire que les promesses et les menaces étaient prodiguées alternativement pour engager ceux qui n’avaient pas encore émigré, à sortir de France , et il n’est que trop bien connu que plusieurs personnes ont été assez mal reçues à Coblenz et ailleurs, pour être arrivées trop tard.
On prétend que ce reproche d’arriver trop tard , fut adressé à M. d’Arçon , l’un des ingénieurs les plus distingués de l’armée française , lorsqu’il se présenta à Coblentz au mois de mars 1792 et qu’il répondit froidement : « Je serai encore à temps de l’autre côté. »
En effet, M. d’Arçon revint immédiatement en France , demanda à être mis en activité, fut rattaché au Comité de la Guerre , et ensuite dirigea les sièges de Bréda et de Gertruydenberg sous le Général Dumouriez.

On mettait donc son honneur à émigrer , ainsi on émigrait pour remplir un devoir , et non pas pour fuir un danger . L’émigration était donc un acte volontaire et il doit être considéré comme tel, puisque c’était par choix , et non par nécessité, qu’on s’y décidait.
Dès 1789 et 1790 , les ennemis de la Revolution commencèrent à maintenir qu’on se déshonorait en acceptant des emplois sous le nouveau régime, ou même en continuant d’occuper ceux dont on était revêtu sous l’ancien.
Cette fausse idée de l’honneur, cette crainte mal fondée de se déshonorer, a réduit à la nullité la plupart de ceux qui voulaient se vouer à la défense du Roi et au soutien de la monarchie , tandis que leurs adversaires augmentaient journellement leurs forces en acceptant tous les emplois qu’ils pouvaient atteindre.
IL est certain que ce sophisme sur l’honneur , a essentiellement contribué à la chute du Roi et de la monarchie. Il semble pourtant qu’il était facile de reconnaître qu’on était plus puissant en place que hors de place, qu’on avait plus de force en exerçant dans le royaume des fonctions quelconques, qu’en se réduisant volontairement à la puissance d’un simple soldat prussien ou autrichien. Mais il faut se reporter au temps et ne pas perdre de vue l’ignorance profonde dans laquelle on était en France , relativement à la nature des convulsions politiques , et à la conduite qu’il convient de tenir dans ces circonstances difficiles.

On ne s’occupait de la Révolution que comme d’un roman nouveau. On en parlait que comme d’une pièce nouvelle , et il était réservé à un bien petit nombre d’individus de l’examiner avec attention , de chercher à en découvrir la nature et d’en suivre la marche et les progrès ( On se piquait d’adopter sur cele le ton des femmes ; et on croyait , ou on prétendait croire , que s’occuper de politique , c’était de la pédanterie ; que lire les gazettes et se mettre au fait des événements du jour , c’était d’un ennui à périr ; et quand à lire les débats de l’Assemblée nationale, Ah fi donc ! On se piquait d’en avoir horreur et de ne pas prononcer ce mot là sans une affectation de dégoût ).
IL était impossible qu’avec une telle légèreté, les ennemis de la Révolution eussent une idée exacte de la force de leurs adversaires et qu’ils ne fussent pas dans une ignorance complète tant de ce qui se passait, que de la conduite qu’il leur convenait d’adopter , pour arriver à leur but. Ils auraient dû chercher à entraver la marche de la Révolution en profitant des fautes et des maladresses de leurs adversaires . Ils auraient dû s’efforcer de ramener le peuple par des concessions , mais leur confiance aveugle dans l’appui qu’ils attendaient du dehors , leur faisait dédaigner tous les moyens d’agir par l’intérieur et de se procurer l’appui d’une partie de la nation.


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Le roi Louis-Philippe  Empty Re: Le roi Louis-Philippe

Message par Invité Lun 25 Mai 2015, 22:13

Pour compléter cette chère Princesse :

Le roi Louis-Philippe  Books?id=x1JPEptEMCIC&hl=fr&hl=fr&pg=PA247&img=1&zoom=3&sig=ACfU3U0Qf8u2rDT3sxyszu4FmF-2X3O1dA&ci=96%2C301%2C727%2C128&edge=0

Correspondance secrète, 2 décembre 1778.

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Le roi Louis-Philippe  Empty Le duc de Chartres, futur Louis-Philippe.

Message par Mme de Sabran Lun 07 Nov 2016, 16:11

;
Il faisait l'objet de notre devinette d'hier soir Le roi Louis-Philippe  3826491292 :

Mme de Sabran a écrit:

De quel Jacobin Louis XVI et Marie-Antoinette furent-ils les parrain et marraine ? Very Happy

La nuit, la neige a écrit:Le fils du duc d'Orléans, le futur roi Louis-Philippe

...   et le nouvel article de notre amie Plume traite de sa vie de famille : http://plume-dhistoire.fr/   Le roi Louis-Philippe  131-7710

Louis-Philippe Ier (1773 – 1850) et son épouse Marie-Amélie de Bourbon-Sicile (1782 – 1866), derniers souverains des français issus de la branche bourbonienne, ont surpris leur peuple par l’exceptionnelle bonne entente qui régnait dans leur couple. Une symbiose qui s’étendait à tous les membres de la famille royale : parents et enfants furent attachés les uns aux autres par un indestructible amour filial. Le couple, leurs 5 fils et leurs 3 filles qui atteignirent l’âge adulte, composèrent l’une des familles royales les plus soudées que la France ait jamais connue (je recommande l’ouvrage : Louis-Philippe et sa famille, de Anne Martin-Fugier).


"  Louis-Philippe d'Orléans, nous dit WIKI,  est né au Palais-Royal à Paris le 6 octobre 1773  Le roi Louis-Philippe  170px-10     et il est ondoyé le même jour par André Gautier, docteur en Sorbonne et aumônier du duc d'Orléans, en présence de Jean-Jacques Poupart, curé de l'église Saint-Eustache à Paris et confesseur du roi.
Il est le fils de Louis Philippe Joseph d'Orléans (1747-1793), duc d'Orléans (connu sous le nom de « Philippe Égalité ») et de Louise Marie Adélaïde de Bourbon, Mademoiselle de Penthièvre (1753-1821).

Le 12 mai 1788, Louis-Philippe d'Orléans est baptisé, le même jour que son frère Antoine d'Orléans, dans la chapelle royale du château de Versailles par l'évêque de Metz et grand aumônier de France Louis-Joseph de Montmorency-Laval en présence d'Aphrodise Jacob, curé de l'église Notre-Dame de Versailles : son parrain est le roi Louis XVI et sa marraine est la reine Marie-Antoinette.
Titré duc de Valois de sa naissance à la mort de son grand-père en 1785, il porte ensuite le titre de duc de Chartres. Son éducation est dans un premier temps confiée à la marquise de Rochambeau, nommée gouvernante et à Madame Desroys Sous-Gouvernante. À l'âge de cinq ans, le jeune Duc de Valois passe entre les mains du Chevalier de Bonnard nommé Sous-Gouverneur en décembre 1777.
Suite aux intrigues de Madame de Genlis, proche du duc et de la duchesse de Chartres, Bonnard est congédié au début de l'année 1782 alors que Madame de Genlis est nommée Gouvernante des enfants royaux. Cette dernière, adepte d’une pédagogie rousseauiste et moralisatrice, subjugue Louis-Philippe qui confie dans ses Mémoires qu'en dépit de sa sévérité, il a été adolescent quasiment amoureux d’elle.

Le partisan de la Révolution
Comme son père le duc d'Orléans, Louis-Philippe, devenu duc de Chartres en 1785, est un partisan de la Révolution française. Sous l'influence de sa gouvernante, Madame de Genlis, il entre au club des Jacobins et soutient notamment la formation de la Constitution civile du clergé. Entamant une carrière militaire, le duc de Chartres prend le commandement en juin 1791 d'un régiment avec le grade de colonel et participe à la tête de la 4e brigade en tant que lieutenant général aux batailles de Valmy, Jemappes où il joue un rôle non négligeable en évitant la retraite du centre lors du premier assaut, et Neerwinden (son titre de lieutenant général au service des armées républicaines et plus tard au service de Charles X, lui vaut d'ailleurs son inscription sur l’arc de triomphe de l'Étoile).


Le roi Louis-Philippe  Feron_10

Le duc de Chartres et son frère le duc de Montpensier rendant compte de la bataille de Valmy au maréchal de Rochambeau, près du moulin de Saint-Sauve (20 septembre 1792).


Il tente de persuader son père de ne pas participer au procès de Louis XVI. Philippe Égalité vote cependant la mort du roi. Portant le poids de la responsabilité du régicide de son père, il sera regardé avec hostilité par les émigrés royalistes.

Il rejoint la Belgique en avril 1793 à la suite de son chef, le général Dumouriez, après sa tentative de putsch contre la Convention.  "

_________________
...    demain est un autre jour .
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Message par Gouverneur Morris Lun 07 Nov 2016, 16:23

C'est la question type à adresser aux "Grosses Têtes" : de quel combattant de Valmy possédons-nous une photographie :Le roi Louis-Philippe  2028181902
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Le roi Louis-Philippe  Empty Re: Le roi Louis-Philippe

Message par La nuit, la neige Lun 07 Nov 2016, 18:12

Merci.  Very Happy

Je m'étonnais qu'aucun sujet n'existe encore sur Louis-Philippe... Smileàè-è\':

Mais nous avions ouvert celui-ci, comme autoportrait de Louis-Philippe d'après ses Mémoires : https://marie-antoinette.forumactif.org/t751-interview-imaginaire-de-louis-philippe

Idea Peut-être pouvons-nous le fusionner ici. Wink
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