Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie

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Message par Mme de Sabran Lun 11 Mar 2019, 11:16


Nous connaissions déjà le Sophora du Japon de Marie-Antoinette, à Trianon, son Tulipier de Virginie, le Marronnier rose des Tuileries, ou bien le Chêne d'Antin, dans la forêt de Sénart, sous lequel Louis XV aurait rencontré Antoinette Poisson, future Madame de Pompadour  ( notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t2691-un-temoin-de-la-rencontre-de-louis-xv-et-la-future-mme-de-pompadour-le-chene-d-antin  )  mais qui se souvient du fameux arbre de Cracovie, célèbre à la fin du XVIIIème, le plus vieux, le plus grand et majestueux ...  bref,  le plus bel arbre du jardin du Palais Royal ? Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie 693620883



L’arbre de Cracovie



En voici une représentation satirique .  Very Happy

Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie Arbrec10

La légende de ce dessin énumère  : un cabaretier qui ne frelate point ; un marchande qui vend en conscience ; un maquignon véridique ; un poète sans prévention ; un abbé qui ne minaude point ; un petit-maître modeste ; une danseuse qui ne fait point de faux pas ; une serveuse champenoise sage ; un Gascon opulent ; un astrologue qui voit clair ; un peintre sans caprice ; un musicien sobre ; un caissier humble et poli ; des nouvellistes sans partialité ; un architecte habile sans être guindé ; un graveur sans contrefaction, des filles toujours vraies ; un écolier assidu à l’école ; un intendant de maison qui a les mains nettes. Eventaille Eventaille Eventaille

L’arbre de Cracovie, nous dit WIKI,  était un arbre antique dans la grande allée de marronniers du Palais-Royal plantés par le cardinal de Richelieu. Sous l’ombrage de cet arbre, le plus beau de tous et remarquable par l’étendue de son feuillage, se réunissaient les nouvellistes de l’époque pour y échanger des informations sur l’actualité. La quantité de fausses nouvelles, nommées en langage populaire,« craques », qui se débitaient sous cet arbre le fit plaisamment, dans le même style, recevoir le nom d’« arbre de Cracovie ».

J'ignorais totalement cette étymologie de l'expression  " dire des craques " que je croyais moderne et que je n'aurais d'ailleurs pas su orthographier ...  crac, craque, crack ?!
Je saute donc dans le   Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie Captu340
...   où je trouve :

Étymologie
(XVIIIème siècle) A rapprocher de l'interjection cracq.    Vient de l'"arbre de Cracovie".

Locution verbale
raconter des craques \ʁa.kɔ̃.te de kʁak\ (se conjugue → voir la conjugaison de raconter)

(Argot) (Familier) Dire des mensonges, raconter des histoires.
Il devait lui raconter des craques pour justifier ses absences en soirée. — (Des Fleurs Pour Clementine - Page 161, Bernard Rougier)


De tous ces nouvellistes, le plus célèbre était bien entendu J.A. Métra dont le badaud venait boire les paroles sous l'arbre de Cracovie.   Mais il y avait aussi là certain abbé hâbleur, champion toute catégorie  en matière de craques.  

Le baron Fauveau de Frénilly le raconte dans ses Souvenirs :

Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie Captu338

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k204797d/f65.image

Les jardins des Tuileries et du Luxembourg, autre rendez-vous de nouvellistes,  poursuit WIKI, avaient aussi leur arbre de Cracovie. Sous celui de cette dernière promenade, l’orateur habituel était un certain abbé que l’on avait nommé l’abbé Trente mille hommes, parce que son éternel refrain était :« Donnez-moi seulement trente mille hommes, et je prends cette ville, ou je gagne cette bataille. » Un de ses auditeurs affiliés, enchanté de cette éloquence militaire, le fit héritier de sa petite fortune ; et, n’ayant jamais su son nom de famille, il écrivit dans son testament : « Je laisse une somme de 20 000 fr. à M. l’abbé Trente mille hommes. » Des collatéraux voulurent attaquer ce legs ; mais il fut confirmé par les tribunaux, d’après le témoignage des honnêtes gobe-mouches du faubourg Saint-Germain, qui attestèrent que l’on n’appelait point autrement l’ecclésiastique nouvelliste.

Au mois de juin 1779, cet arbre s’était abattu aux trois quarts et avait presque écrasé dans sa chute une vingtaine de nouvellistes ; depuis, il ne formait plus qu’un tronc informe. En 1782, le duc de Chartres fit abattre cette superbe allée, ainsi que tous les arbres du jardin, pour y faire construire, en 1783, trois nouvelles rues, parallèles à celle de Richelieu, à la rue Neuve-des-Petits-Champs et à celle des Bons-Enfants.


L’action du roman d’Alexandre Dumas, Ingénue (1853), s’ouvre sur une scène sous l’arbre de Cracovie.

Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie Captu339

L'arbre de Cracovie était, les uns disent un tilleul, les autres un marronnier ; – les archéologues sont divisés sur cette grave question, que nous n'essayerons pas de résoudre.
En tout cas, c'était un arbre plus élevé, plus touffu, plus riche d'ombre et de fraîcheur que tous les autres arbres qui l'entouraient. En 1772, lors du premier démembrement de la Pologne, c'était sous cet arbre que se tenaient les nouvellistes au grand air, et les politiques en plein vent. Ordinairement, le centre du groupe qui discutait sur la vie et la mort de cette noble patiente mise en croix par Frédéric et Catherine, et reniée par Louis XV, était un abbé qui, ayant des relations avec Cracovie, se faisait le propagateur de tous les bruits venant de la France du Nord, et, comme, en outre, cet abbé était, à ce qu'il paraît, un grand tacticien, il faisait, à tout moment et à tout propos, manoeuvrer une armée de trente mille hommes dont les marches et les contremarches causaient l'admiration des auditeurs.
Il en résultait que l'abbé stratégiste avait été surnommé l'abbé Trente-mille- hommes, et l'arbre sous lequel il exécutait ses savantes manoeuvres, l'arbre de Cracovie.
Peut-être aussi les nouvelles qu'il annonçait avec la même facilité qu'il faisait manoeuvrer son armée – et qui parfois étaient aussi imaginaires qu'elle – avaient-elles contribué à faire connaître cet arbre sous sa dénomination presque aussi gasconne que polonaise.
Quoi qu'il en soit, l'arbre de Cracovie, qui, au milieu des changements opérés au Palais-Royal par le duc d'Orléans, était demeuré debout, continuait à être le centre des rassemblements, non moins nombreux au Palais-Royal en 1788 qu'en 1772 ; seulement, ce n'était plus de la Pologne que l'on s'inquiétait sous l'arbre de Cracovie : c'était de la France.
Aussi, l'aspect des hommes était-il presque aussi changé que celui des localités.
Ce qui avait opéré surtout ce changement dans l'aspect des localités, c'étaient le cirque et le camp des Tartares que le duc d'Orléans, désireux de tirer parti de son terrain, avait fait bâtir : – le cirque au milieu du jardin – et le camp des Tartares sur la face qui fermait la cour, et qu'occupe aujourd'hui la galerie d'Orléans.
http://www.dumaspere.com/pages/bibliotheque/chapitre.php?lid=r24&cid=2
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_Cracovie

L'arbre de Cracovie a disparu, mais son souvenir demeure et inspire même des auteurs modernes.

Tel  François Rosset    Very Happy   Au Palais Royal, l'arbre de Cracovie Tzolzo21

Placé sous le signe de l'Arbre de Cracovie — célèbre marronnier du Palais-Royal symbolisant autrefois la présence de la Pologne en France — cet ouvrage étudie l'image de la Pologne dans les lettres françaises. De la belle Polonaise au troublant exotisme oriental, du pauvre et mystérieux réfugié, touchant le cœur des romantiques, jusqu'au père Ubu, « roi des Polaques », la prégnance symbolique du pays de l'aigle n'a cessé d'animer notre rêverie et d'enrichir notre imagination créatrice.

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