Le Cabinet de Curiosités de Curtius
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Le Cabinet de Curiosités de Curtius
Autoportrait, en cire comme il se doit ! et peu complaisant ...
Philippe Mathé-Curtz (1737-1794) surnommé Curtius était un médecin et physicien suisse, mais aussi et surtout un sculpteur sur cire.
Dans les années 1760, il est installé à Berne et engage une femme de ménage française, Anne Made jeune veuve accompagnée de son bébé Marie Grosholtz née en 1761.
En 1765, Curtius réalise un portrait de Madame du Barry, la maîtresse de Louis XV. Ce portrait est le plus vieux modèle encore exposé.
CURTIUS, comme médecin, utilisait la technique de la sculpture sur cire principalement pour illustrer l'anatomie. Il se lança plus tard dans les portraits. L'absence de son père et sa présence dans la maison du docteur Curtius firent que Marie l'appelait son oncle.
En 1767, Curtius fait venir Marie et sa mère à Paris. En 1770, Curtius expose pour la première fois ses réalisations en cire et l'exposition attire une importante foule. L'exposition est déplacée dans le Palais-Royal en 1776. Curtius apprend à Marie l'art du modelage en cire, la fait travailler pour lui ; elle montre un talent certain. Sa première réalisation est le visage de François Marie Arouet (dit Voltaire), en 1777. Elle réalisera aussi celui de Jean-Jacques Rousseau, en 1778 et à la même époque le portrait Benjamin Franklin.
CURTIUS (Salon, ou cabinet de figures de). Curtius, dont le véritable nom était probablement Curtz , artiste allemand de naissance, se naturalisa en France. Il se fixa à Paris, et il y a passé toute sa vie, sauf quelques excursions temporaires dans les provinces et dans les pays étrangers.
Il paraît que c'est à lui que l'on doit, non l'invention, fort ancienne (v. Cire), mais le perfectionnement des figures sculptées en cire, ou d'une composition particulière, et représentant de grandeur naturelle, avec leur costume et leurs habitudes ordinaires, et avec plus ou moins de ressemblance, des personnages morts ou vivants.
Curtius établit deux salons, l'un au Palais-Royal, l'autre sur le boulevard St-Martin, et plus tard sur celui du Temple, après le théâtre de Nicolet.
Tous les ans, il renouvelait les deux salons, et tous les mois il y changeait quelque chose. Le premier était plus spécialement consacré aux grands hommes, aux illustres notabilités. Dans le second étaient rangés les grands scélérats, les individus qui s'étaient fait un nom dans les classes inférieures de la société.
On pense bien qu'il n'oublia point son homonyme Marcus Curtius.
Comme le moderne Curtius faisait les bustes de tout ce qu'il y avait de plus distingué à la cour et à la ville, il gardait une copie des têtes les plus remarquables par leur caractère ou leur beauté, et il les exposait dans ses salons. Il modelait les rois, les grands écrivains, les jolies femmes et les voleurs. On y a vu Jannot et Desrues, le comte d'Estaing et Linguet, le grand Frédéric et Voltaire, Catherine II et J.-J. Rousseau, Hayder-Aly et l'aéronaute Blanchard, Francklin et Cagliostro , la Comtesse de la Mothe-Valois ( allons bon ! ) et Mesmer, Buffon et Mlle Contat, la famille royale assise à un banquet ( Une robe est même commandée à la fournisseuse royale pour habiller le mannequin représentant Marie-Antoinette ) et Louis XVI à côté de son beau-frère Joseph II, la réception des ambassadeurs de Tippoo-Saïb, etc.
L'aboyeur criait à la porte : " Entrez, messieurs et dames, venez voir le grand couvert ; entrez, c'est tout comme à Versailles. Il n'en coûtait que deux sous " Pour douze sous, on approchait, on circulait près des figures ; et, malgré la modicité des prix, Curtius faisait des recettes de 300 fr. par jour. On voyait aussi chez lui des objets précieux en peinture et en sculpture, des monuments antiques, des momies, des raretés telles que la chemise que portait Henri IV lorsqu'il fut assassiné, avec les certificats qui prouvaient l'authenticité de cette pièce ; enfin, toutes les nouveautés qui firent sensation à diverses époques.
Curtius se montra patriote dès le commencement de la révolution ; il exposa les figures de Lafayette, Bailly, Mirabeau et autres députés de l'assemblée constituante, celles des principaux détenus et vainqueurs de la Bastille, et deux modèles de cette forteresse-prison, l'un dans son état naturel, l'autre avec ses ruines.
Le 12 juillet 1789, on vint chercher dans son cabinet les bustes de Necker et Orléans pour les porter en triomphe !
Apparemment ce ne fut pas une promenade de santé !
Mais Curtius devint girouette, comme bien des gens qui ne s'en vantent pas, et qui en ont fait comme lui un métier lucratif. Il offrit à l'hommage ou à l'horreur du public les grands hommes du jour, les grands hommes à la mode, triomphants ou victimes, et leur décernant l'apothéose ou le châtiment, suivant les circonstances. On vit ainsi tour à tour, dans ses salons, les girondins et les montagnards, Vergniaux et Danton , le duc d'Orléans et Philippe-Egalité, Marat et Charlotte Corday, le père Duchesne et Robespierre, madame Roland et le capucin Chabot, madame Tallien et Barras, Dumouriez et Talleyrand, Bonaparte, sa famille, ses maréchaux, ses favoris , et quelques-uns de ses chambellans et de ses sénateurs. Si sa mort ou celle de son héritier, il y a une vingtaine d'années, les a empêchés de montrer les effigies des rois, des héros de la restauration, des princes de la Sainte-alliance, ils ont été suppléés dans cette noble tâche par leurs successeurs ou imitateurs des boulevards St Martin et du Temple, qui, faute de mieux, ne font voir, il faut l'avouer, depuis quelques années, que des grands hommes bien petits.
H. Audiffret http://www.1789-1815.com/p_curtius.htm
En 1794, Curtius décède et lègue sa collection d'œuvres en cire à Marie.
Elle se marie l'année suivante à un M. Tussaud. Tiens donc !
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Mme de Sabran- Messages : 55309
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Re: Le Cabinet de Curiosités de Curtius
A propos de Curtius on lit dans les Mémoires secrets l'anecdote suivante :
« 11 mai 1783. L'artiste ingénieux qui a l'art de représenter au naturel toutes sortes de personnages connus sous le nom de figures de Curtius, a imaginé de rassembler dans un même lieu celles des illustres scélérats étrangers ou nationaux qu'il appelle : la Caverne des grands voleurs. Il s'est établi sur les boulevards depuis quelques années et sur les foires. Comme à mesure que la justice en expédie quelqu'un, il le modèle et le place dans sa collection, elle offre toujours ainsi quelque chose de nouveau aux curieux, et le spectacle n'est pas cher puisqu'il ne coûte que deux sols.
« Ces jours derniers l'aboyeur crioit à l'ordinaire : « Messieurs, entrez. Venez voir les grands voleurs ! » Le marquis de Villette passoit, il demande tout haut : « Monsieur le prince et Madame la princesse de Guéménée y sont-ils ? » On lui répond que non. « Tant pis ; votre collection n'est pas complète, j'aurois donné six livres pour les voir . »
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Mme de Sabran- Messages : 55309
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Gouverneur Morris- Messages : 11706
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Re: Le Cabinet de Curiosités de Curtius
..
Le cabinet de Curtius est resté sur le boulevard du Temple presque jusqu'à nos jours. Je l'y ai vu dans mon enfance.
Brazier le dépeint ainsi en 1837:
« Le salon des figures du sieur Curtius est le seul établissement qui n'ait pas subi de changements. Depuis soixante ans il est toujours le même, il n'a ni gagné ni perdu. Il est humble et modeste avec sa petite entrée, son aboyeur à la porte et ses deux lampions. Quant à son factionnaire en cire, c'est un farceur, voilà pour ma part quarante ans que je le connais. Je l'ai vu soldat aux gardes françaises, hussard Chamborant, grenadier de la Convention, trompette du Directoire, guide consulaire, lancier polonais, chasseur de la garde impériale, tambour de la garde royale, sergent de la garde nationale ; dimanche dernier il était garde municipal.... Quand vous entrez dans le salon, vous le trouvez tel qu'il était dans l'origine, noir et enfumé. Les figures nouvelles relèguent par derrière les figures anciennes, comme le roi qui arrive à Saint-Denis fait descendre son prédécesseur dans la tombe pour prendre sa place sur la dernière marche du caveau. Cependant vous y retrouverez, comme à la porte, des visages de votre connaissance. Que de célébrités bonnes ou mauvaises ! que de héros, de savants, de gens vertueux, de scélérats, le sieur Curtius a passés en revue depuis l'ouverture de son muséum. Je crois pourtant qu'on a plus souvent changé les habits que les figures. Je ne serais pas surpris que Geneviève de Brabant fût devenue la bergère d'Ivry ; que Charlotte Corday eût prêté son bonnet à la belle Écaillère ; que Barnave représentât aujourd'hui le général Foy, et que la moustache de Jean-Bart eût servi à faire celle du maréchal Lannes. Ce qui surtout n'a pas bougé de place, c'est le grand couvert où sont réunis tous les rois. On a vu Louis XV et son auguste famille, le Directoire et son auguste famille ; les trois Consuls et leur auguste famille, l'empereur Napoléon et son auguste famille ; Alexandre, Guillaume, François et leurs augustes familles ; Louis XVIII et son auguste famille ; Charles X et son auguste famille, et nous y voyons aujourd'hui Louis-Philippe et son auguste famille. Je ne parlerai pas des fruits qui composent le dessert, je puis affirmer que les pommes, les poires, les pêches, les raisins étalés sur cette auguste table sont les mêmes que j'y ai vus il y a trente ans. Je ne crois même pas qu'ils aient été époussetés depuis.. . »
(Brazier, Histoire des Petits Théâtres, I, 186.)
Le cabinet de Curtius est resté sur le boulevard du Temple presque jusqu'à nos jours. Je l'y ai vu dans mon enfance.
Brazier le dépeint ainsi en 1837:
« Le salon des figures du sieur Curtius est le seul établissement qui n'ait pas subi de changements. Depuis soixante ans il est toujours le même, il n'a ni gagné ni perdu. Il est humble et modeste avec sa petite entrée, son aboyeur à la porte et ses deux lampions. Quant à son factionnaire en cire, c'est un farceur, voilà pour ma part quarante ans que je le connais. Je l'ai vu soldat aux gardes françaises, hussard Chamborant, grenadier de la Convention, trompette du Directoire, guide consulaire, lancier polonais, chasseur de la garde impériale, tambour de la garde royale, sergent de la garde nationale ; dimanche dernier il était garde municipal.... Quand vous entrez dans le salon, vous le trouvez tel qu'il était dans l'origine, noir et enfumé. Les figures nouvelles relèguent par derrière les figures anciennes, comme le roi qui arrive à Saint-Denis fait descendre son prédécesseur dans la tombe pour prendre sa place sur la dernière marche du caveau. Cependant vous y retrouverez, comme à la porte, des visages de votre connaissance. Que de célébrités bonnes ou mauvaises ! que de héros, de savants, de gens vertueux, de scélérats, le sieur Curtius a passés en revue depuis l'ouverture de son muséum. Je crois pourtant qu'on a plus souvent changé les habits que les figures. Je ne serais pas surpris que Geneviève de Brabant fût devenue la bergère d'Ivry ; que Charlotte Corday eût prêté son bonnet à la belle Écaillère ; que Barnave représentât aujourd'hui le général Foy, et que la moustache de Jean-Bart eût servi à faire celle du maréchal Lannes. Ce qui surtout n'a pas bougé de place, c'est le grand couvert où sont réunis tous les rois. On a vu Louis XV et son auguste famille, le Directoire et son auguste famille ; les trois Consuls et leur auguste famille, l'empereur Napoléon et son auguste famille ; Alexandre, Guillaume, François et leurs augustes familles ; Louis XVIII et son auguste famille ; Charles X et son auguste famille, et nous y voyons aujourd'hui Louis-Philippe et son auguste famille. Je ne parlerai pas des fruits qui composent le dessert, je puis affirmer que les pommes, les poires, les pêches, les raisins étalés sur cette auguste table sont les mêmes que j'y ai vus il y a trente ans. Je ne crois même pas qu'ils aient été époussetés depuis.. . »
(Brazier, Histoire des Petits Théâtres, I, 186.)
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