Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
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Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
La nuit, la neige a écrit:Mme de Sabran a écrit:
Au lieu de quoi les titres nobiliaires me font irrésistiblement penser à Figaro :
Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire !
Tu n'es qu'une sans-culotte !!! :
Que non point !!! :
Toutefois pour faire bon poid bonne mesure avec nos sujets sur la Noblesse, je propose d'en ouvrir un sur le Tiers Etat.
Le tiers état était un des trois grands ordres du royaume,
sous l'Ancien Régime, avec le clergé et la noblesse.
Il était composé de la très grande majorité des Français puisqu'il englobait tous ceux qui n'étaient ni membre de la noblesse, ni membre du clergé. Ils sont alors appelés « les roturiers ».
En fait, il comprenait des classes sociales extrêmement variées : des bourgeois souvent fortunés, actifs, influents et ambitieux ; plus bas dans l'échelle, les artisans ou ouvriers, parfois aisés, parfois misérables ; enfin, les paysans, au nombre d'environ 20 millions (sur un chiffre total de 24 millions de Français), dont les conditions d'existence variaient selon qu'ils étaient propriétaires de leur terre, fermiers, métayers (qui travaillaient la terre d'un propriétaire terrien en échange d'une partie de la récolte), domestiques de ferme et même serfs (le servage, qui était aboli dans le domaine royal, subsistait dans quelques rares provinces).
Le tiers-état était le seul ordre à payer des impôts. Il n'avait aucun privilège et avait les conditions de vie les plus dures.
Et là, qu'est-ce qui s'impose ?
Emmanuel Joseph Sieyès,
dit l'Abbé Sieyès (3 mai 1748 - 20 juin 1836)
Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
Date : janvier 1789
Qu'est-ce que le Tiers-État ? est un pamphlet publié par l'abbé Sieyès en janvier 1789 en prélude à la convocation des États généraux.
Le texte de Sieyès se vend à 30 000 exemplaires en l'espace d'à peine quatre semaines.
Contexte historique :
Entré dans les ordres sans réelle conviction, Sieyès devient vicaire général de Chartres en 1787. S'intéressant beaucoup aux problèmes sociaux et à la misère des paysans, il décide de se rendre à Paris en 1788 et de publier plusieurs brochures où il expose ses théorie et ses espoirs pour l'avenir : Vues sur les moyens d'exécution dont les représentants de la France pourront disposer, puis un Essai sur les privilèges où il fustige les deux ordres privilégiés que sont la Noblesse et le Clergé, et enfin Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? La plus célèbre de ces brochures est rédigée fin 1788, alors que se préparent les prochains Etats-Généraux, et est publié au début du mois de janvier 1789.
Le plan exposé par Sieyès dans cette brochure est resté célèbre, du moins dans sa première partie, où l'auteur répond à trois questions principales :
1 - Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? - Tout.
2 - Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? - Rien.
3 - Que demande-t-il ? - A être quelque chose.
La seconde partie permet à Sieyès de préciser ses objectifs pour l'avenir :
4 - Ce que les ministres ont tenté et ce que les privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.
5 - Ce que l'on aurait dû faire.
6 - Enfin ce qu'il reste à faire au Tiers pour prendre la place qui lui est due.
Dans la première partie du libelle, Sieyès s'attache donc à définir ce qu'est le Tiers-Etat, et notamment en fonction de son utilité sociale. Les membres du Clergé et de la Noblesse n'ont pour Sieyès aucune utilité sociale (les nobles n'ayant pas le droit d'exercer de profession, hormis celle concernant le négoce maritime ou la soufflerie de verre). Tous les travaux étant supportés par le Tiers, que ce soit les travaux des champs, les travaux industriels, les travaux commerciaux ou les autres "travaux particuliers et des soins directement utiles ou agréables à la personne", Sieyès décrit le Tiers comme étant toute l'utilité sociale.
Il démontre ensuite que le Tiers-Etat ne représente rien dans l'ordre politique. Parmi les 25 millions de Français que compte le Royaume de France à la veille de la Révolution, les Nobles sont entre 300000 et 400000, et les membres du Clergé sont environ 150000. Les privilégiés ne représentent donc pas plus de 2% de la population française. Ce sont pourtant eux qui ont tous les pouvoirs.
Sieyès décrit ensuite ce que le Tiers demande à être : quelque chose. Représentant la quasi-totalité de la population, il apparaît inadmissible que le Tiers-Etat soit si peu représenté aux Etats-Généraux, d'autant plus que les décisions de cette assemblée se sont prises jusqu'à cette date grâce au vote par ordre (chacun des ordres représente une voix, ce qi donne deux voix aux privilégiés contre une au Tiers-Etat. Sieyès demande trois choses : des représentants du Tiers qui soient vraiment issus de cet ordre, un nombre de représentants égal à celui des deux autres ordres ensemble, et enfin le vote par tête et non plus par ordre.
Dans la deuxième partie de la brochure, Sieyès commence par faire le bilan de ce qui a été tenté jusqu'alors pour donner au Tiers-Etat la place qu'il mérite.
Dans l'avant-dernier chapitre, Sieyès expose ce qu'on aurait du faire. Il préconise la réalisation d'une Constitution. Celle-ci doit émaner de la Nation, et non pas des Etats-Généraux, qui "sont incompétents à rien décider sur la Constitution".
Enfin, le dernier chapitre expose ce qui reste à faire. L'idée forte de l'Abbé Sieyès est la suivante : le Tiers-Etat doit constituer une Assemblée Nationale, en dehors des Etats-Généraux, et sans les deux ordres privilégiés que sont la Noblesse et le Clergé, qui sont extérieurs à la Nation.
Ces idées "révolutionnaires" vont faire grand bruit, créant une véritable secousse dans l'opinion publique, et provoquant l'émotion de la Cour. Des dizaines de milliers d'exemplaires de Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? vont être vendus, obligeant l'éditeur à faire quatre éditions, les trois premières anonymes et la dernière étant enfin signée par Sieyès. Les idées exposées dans cette brochure préfigurent ce qui se passera en France quelques mois plus tard.
L'Abbé Sieyès, écarté par le Clergé, sera finalement élu député du Tiers-Etat à Paris pour les Etats-Généraux qui débutent le 5 mai 1789. Il sera avec le comte de Mirabeau un des fers de lance de son ordre (il est notable que le premier est issu du Clergé et le second issu de la Noblesse, contrairement à ce que souhaitait Sieyès lui-même dans sa brochure), étant à l'origine de la réunion des trois ordres aux Etats-Généraux (qui se fera finalement le 27 juin 1789), de la constitution d'une Assemblée Nationale le 17 juin 1789 et du serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789 (serment de "ne jamais se séparer(...) jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides"). Son manque d'éloquence l'empêcheront de jouer les premiers rôles dans les années suivantes, mais ce rôle limité lui permettra de traverser cette période difficile sans encombre ("J'ai vécu"), puis de devenir Directeur et de mettre fin à la période révolutionnaire en 1799 en appelant Napoléon Bonaparte ("Je cherche une épée") et en l'aidant pour le coup d'état du 18 brumaire.
Valentin Daucourt
http://vdaucourt.free.fr/Mothisto/Sieyes2/Sieyes2.htm
http://transenprovence.over-blog.com/article-emmanuel-joseph-sieyes-dit-l-abbe-sieyes-grand-acteur-de-la-revolution-fran-aise-95799721.html
https://fr.vikidia.org/wiki/Tiers_%C3%A9tat_en_France_en_1789
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55160
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
Mme de Sabran a écrit:Le plan exposé par Sieyès dans cette brochure est resté célèbre, du moins dans sa première partie, où l'auteur répond à trois questions principales :
1 - Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? - Tout.
2 - Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? - Rien.
3 - Que demande-t-il ? - A être quelque chose.
La révolution a changé cela et tant mieux. Enfin, nous dirons plutôt qu'elle a PRESQUE changé cela.
Trianon- Messages : 3306
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
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Dom Juan ou le Festin de pierre (1965) de Marcel Bluwal, d'après Molière.
... la scène du pauvre :
Dom Juan ou le Festin de pierre (1965) de Marcel Bluwal, d'après Molière.
... la scène du pauvre :
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55160
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
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Les pauvres sont les nègres de l'Europe.
( Sébastien Roch, dit Nicolas de Chamfort )
Les pauvres sont les nègres de l'Europe.
( Sébastien Roch, dit Nicolas de Chamfort )
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Mme de Sabran- Messages : 55160
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
Humour noir :
Les pauvres, on a beau ne rien leur donner, ils n'arrêtent pas de demander .
( toujours Chamfort )
Les pauvres, on a beau ne rien leur donner, ils n'arrêtent pas de demander .
( toujours Chamfort )
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Mme de Sabran- Messages : 55160
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
Lettre du roi à Bailly après l'invitation, faite par le Tiers état à la Noblesse et au Clergé, à vérifier en commun les pouvoirs des députés des trois ordres.
Marly-le-Roi, le 16 juin 1789
Archives nationales, C 27,
dossier 190, pièce 7.
... qu'à entretenir un esprit de division absolument contraire à l'avènement du bien de l'Etat puisque ce bien ne peut être effectué que par le concours des trois ordres qui composent les Etats Généraux, soit qu'ils délibèrent séparément, soit qu'ils le fassent en commun.
La réserve que l'Ordre de la Noblesse avait mise à son acquiescement à l'ouverture de conciliation faite de ma part, ne devait pas empêcher l'ordre du Tiers de me donner un témoignage de déférence; l'exemple du Clergé suivi par celui du Tiers aurait déterminé sans doute l'ordre de la Noblesse à se désister de sa modification.
Je suis persuadé que plus les députés du Tiers Etat me donneront des marques de confiance et d'attachement et mieux leurs démarches représenteront les sentiments d'un peuple que j'aime et dont je ferai mon bonheur d'être aimé.
Louis
A Marly ce 16 juin 1789.
( Des Etats généraux au 18 brumaire, La Révolution française à travers les archives )
C'est vrai le ton est un peu pète sec mais, après tout, pour une fois que Louis XVI essayait de regimber ... c'est si rare ! Nous sommes à la veille des fameux Sept Jours, 17 - 23 juin, la France entre en révolution, mis en exergue par Emmanuel de Waresquiel qui écrit :
Si l'abbé Sieyès, alors vicaire général de l'évêque de Chartres, est devenu célèbre avant même de se faire élire à Paris, c'est qu'il a eu le génie de théoriser tous ces mécontentements dans un premier " Essai sur les privilèges " puis, en janvier 1789, dans son fameux pamphlet qui prend la forme d'une question à laquelle tout le monde voudra répondre : " Qu'est-ce que le tiers état ? ". On connaît l'argument: " Le plan de cet écrit est assez simple . Nous avons trois questions à nous faire. 1° Qu'est-ce que le tiers état ? Tout; 2° Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? A y devenir quelque chose. "
Aux yeux de Sieyès, le tiers n'est pas un ordre, il est la nation. Son tour de force est de faire croire qu'il n'existe de privilèges qu'au sein de la noblesse, comme si la bourgeoisie ne disposait pas elle aussi d'offices et d'exemptions des charges publiques : celui-ci de la milice, un autre de la corvée, ce dernier de la taille. Et de contester à la noblesse son ancienne domination fondée sur la conquête franque; et d'appeler le tiers, au nom de ses ancêtres gaulois, à refonder la nation " épurée " de ses anciens conquérants.
Marly-le-Roi, le 16 juin 1789
Archives nationales, C 27,
dossier 190, pièce 7.
... qu'à entretenir un esprit de division absolument contraire à l'avènement du bien de l'Etat puisque ce bien ne peut être effectué que par le concours des trois ordres qui composent les Etats Généraux, soit qu'ils délibèrent séparément, soit qu'ils le fassent en commun.
La réserve que l'Ordre de la Noblesse avait mise à son acquiescement à l'ouverture de conciliation faite de ma part, ne devait pas empêcher l'ordre du Tiers de me donner un témoignage de déférence; l'exemple du Clergé suivi par celui du Tiers aurait déterminé sans doute l'ordre de la Noblesse à se désister de sa modification.
Je suis persuadé que plus les députés du Tiers Etat me donneront des marques de confiance et d'attachement et mieux leurs démarches représenteront les sentiments d'un peuple que j'aime et dont je ferai mon bonheur d'être aimé.
Louis
A Marly ce 16 juin 1789.
( Des Etats généraux au 18 brumaire, La Révolution française à travers les archives )
C'est vrai le ton est un peu pète sec mais, après tout, pour une fois que Louis XVI essayait de regimber ... c'est si rare ! Nous sommes à la veille des fameux Sept Jours, 17 - 23 juin, la France entre en révolution, mis en exergue par Emmanuel de Waresquiel qui écrit :
Si l'abbé Sieyès, alors vicaire général de l'évêque de Chartres, est devenu célèbre avant même de se faire élire à Paris, c'est qu'il a eu le génie de théoriser tous ces mécontentements dans un premier " Essai sur les privilèges " puis, en janvier 1789, dans son fameux pamphlet qui prend la forme d'une question à laquelle tout le monde voudra répondre : " Qu'est-ce que le tiers état ? ". On connaît l'argument: " Le plan de cet écrit est assez simple . Nous avons trois questions à nous faire. 1° Qu'est-ce que le tiers état ? Tout; 2° Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? A y devenir quelque chose. "
Aux yeux de Sieyès, le tiers n'est pas un ordre, il est la nation. Son tour de force est de faire croire qu'il n'existe de privilèges qu'au sein de la noblesse, comme si la bourgeoisie ne disposait pas elle aussi d'offices et d'exemptions des charges publiques : celui-ci de la milice, un autre de la corvée, ce dernier de la taille. Et de contester à la noblesse son ancienne domination fondée sur la conquête franque; et d'appeler le tiers, au nom de ses ancêtres gaulois, à refonder la nation " épurée " de ses anciens conquérants.
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Date d'inscription : 21/12/2013
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