Le château de Voltaire, à Ferney
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Lucius
La nuit, la neige
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Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Terminons enfin par l'antichambre, qui nous permet de découvrir le buste de François-Marie Poncet, une montre produite par l'une des nombreuses manufactures subventionnées par Voltaire ainsi qu'un tableau de Pierre Villebois dont on a longtemps cru, à tort, qu'il représentait une partie de campagne à Ferney :
clichés personnels
Voilà, nous avons fait le tour des pièces du château qui sont encore dans leur état XVIIIè ou bien qui ont été restituées dans celui-ci. Ce sont les pièces jaunes, bleue, et marron du plan posté plus haut par LNLN :
Passons dans celles modifiées au XIXè et qui servent de lieu d'exposition aujourd'hui.
clichés personnels
Voilà, nous avons fait le tour des pièces du château qui sont encore dans leur état XVIIIè ou bien qui ont été restituées dans celui-ci. Ce sont les pièces jaunes, bleue, et marron du plan posté plus haut par LNLN :
Passons dans celles modifiées au XIXè et qui servent de lieu d'exposition aujourd'hui.
Dernière édition par Gouverneur Morris le Jeu 27 Jan 2022, 16:05, édité 1 fois
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
La bibliothèque et la salle à manger ont été réunies au XIXe pour ne former qu'une grande pièce. Cependant, un habile système de projection (dissimulé dans de non moins ingénieuses lanternes de style) permet de visualiser l'emplacement et la fonction des anciennes pièces :
clichés personnels
Le trumeau et la cheminée sont XIXe, quant à la vue... elle est intemporelle !
clichés personnels
Le trumeau et la cheminée sont XIXe, quant à la vue... elle est intemporelle !
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Passons maintenant dans cette fameuse ancienne chambre de Voltaire qui, réunit à celle de son valet au XIXè, fut transformée en "cabinet de tableaux" alors.
On y présente l'enseigne à bière si chère à Mme de Genlis ainsi qu'une reconstitution de salle à manger dont le CMN semble raffoler (avec deux vieilles connaissances pourtant fort neuves sur la cheminée ) :
Dans un angle, quelques memorabilia, dont le moulage de ses mains (qui servit à Houdon pour sa statue assise de la Comédie Française), la couronne de lauriers dont on le couvrit à cette même Comédie Française en 1778, et une écharpe portée lors de la translation de ses cendres au Panthéon :
Entre les fenêtres, son dernier buste par Houdon :
clichés personnels
On y présente l'enseigne à bière si chère à Mme de Genlis ainsi qu'une reconstitution de salle à manger dont le CMN semble raffoler (avec deux vieilles connaissances pourtant fort neuves sur la cheminée ) :
Dans un angle, quelques memorabilia, dont le moulage de ses mains (qui servit à Houdon pour sa statue assise de la Comédie Française), la couronne de lauriers dont on le couvrit à cette même Comédie Française en 1778, et une écharpe portée lors de la translation de ses cendres au Panthéon :
Entre les fenêtres, son dernier buste par Houdon :
clichés personnels
Dernière édition par Gouverneur Morris le Jeu 27 Jan 2022, 15:58, édité 3 fois
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Enfin, nous arrivons dans le vestibule, dont les marbres furent distraits au XIXe pour être remplacés par cette fausse pierre... et ces incongrues statues de Voltaire et Rousseau se toisant !
cliché personnel
(a suivre dans quelques jours un court reportage sur les autres niveaux, dont le sous-sol où est présenté l'expo "Voltaire et les rois" que LNLN nous a annoncé en première page du sujet !)
cliché personnel
(a suivre dans quelques jours un court reportage sur les autres niveaux, dont le sous-sol où est présenté l'expo "Voltaire et les rois" que LNLN nous a annoncé en première page du sujet !)
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Merci Gouv' pour ce magnifique reportage illustré !
C'est l'effet " argile-marbre ", invention de Léonard Racle, à base de diverses argiles à l'imitation du marbre, qui donne l'impression de ce " faux marbre ".
Nous en parlons page 1 de ce sujet en évoquant, trop brièvement, Léonard Racle (1736-1791) ingénieur, architecte et faïencier français, et qui est donc (notamment) l'architecte de Voltaire à Ferney.
Je vous recommande la lecture de cet article qui revient sur l'état du château en 1778, notamment d'après la maquette de Morand (1777) que nous présentons page précédente ainsi que les plans de Léonard Racle :
À la recherche du dernier état connu du château de Ferney à la mort de Voltaire - la maquette de Morand (1777), l’inventaire post mortem du mobilier (27 juillet 1778), les échantillons de tissus de Wagnière et les plans de Racle (1779). La gazette des Délices / Christophe Paillard (2014)
Avec notamment ces illustrations :
Plan du sous-sol, Racle (1779)
Plan du rez-de-chaussée, Racle (1779)
Coupe selon la ligne CD du plan
Couple selon la ligne AB du plan
Sauf erreur de ma part, ils ne sont pas " faux ", ils fonctionnaient.Mme de Sabran a écrit:Les poêles de Ferney ( même " faux " ) sont à mourir !
C'est l'effet " argile-marbre ", invention de Léonard Racle, à base de diverses argiles à l'imitation du marbre, qui donne l'impression de ce " faux marbre ".
Nous en parlons page 1 de ce sujet en évoquant, trop brièvement, Léonard Racle (1736-1791) ingénieur, architecte et faïencier français, et qui est donc (notamment) l'architecte de Voltaire à Ferney.
Je vous recommande la lecture de cet article qui revient sur l'état du château en 1778, notamment d'après la maquette de Morand (1777) que nous présentons page précédente ainsi que les plans de Léonard Racle :
À la recherche du dernier état connu du château de Ferney à la mort de Voltaire - la maquette de Morand (1777), l’inventaire post mortem du mobilier (27 juillet 1778), les échantillons de tissus de Wagnière et les plans de Racle (1779). La gazette des Délices / Christophe Paillard (2014)
Avec notamment ces illustrations :
Plan du sous-sol, Racle (1779)
Plan du rez-de-chaussée, Racle (1779)
Coupe selon la ligne CD du plan
Couple selon la ligne AB du plan
La nuit, la neige- Messages : 18103
Date d'inscription : 21/12/2013
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Ah, je comprends mieux ! Je te remercie.La nuit, la neige a écrit:Mme de Sabran a écrit:Les poêles de Ferney ( même " faux " ) sont à mourir !
Sauf erreur de ma part, ils ne sont pas " faux ", ils fonctionnaient.
C'est l'effet " argile-marbre ", invention de Léonard Racle, à base de diverses argiles à l'imitation du marbre, qui donne l'impression de ce " faux marbre ".
... un marbre en trompe l'oeil, en somme. Bravo à Léonard Racle, c'est du plus bel effet vraiment !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55427
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Gouverneur Morris a écrit:
Le trumeau et la cheminée sont XIXe, quant à la vue... elle est intemporelle !
Splendide !!!
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Mme de Sabran- Messages : 55427
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Dernière édition par Gouverneur Morris le Jeu 27 Jan 2022, 17:14, édité 1 fois
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Je remarque deux cache-pots de Trianon sur la cheminée avec le chiffre de Marie-Antoinette.Gouverneur Morris a écrit:Passons maintenant dans cette fameuse ancienne chambre de Voltaire qui, réunit à celle de son valet au XIXè, fut transformée en "cabinet de tableaux" alors.
... conduite par la Renommée qui brandit sa trompette .Gouverneur Morris a écrit:
et une écharpe portée lors de la translation de ses cendres au Panthéon :
_________________
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Mme de Sabran- Messages : 55427
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Gouverneur Morris a écrit:Merci LNLN. C’est le guide publié par le CMN qui parle de « faux poêle double », mais effectivement au vu du plan publié, cela n’a pas de sens…
Oui, ce serait tout de même étrange d'imaginer et construire pareille installation pour le seul effet " décoratif ". On se les gèle à Ferney en hiver !! En été aussi d'ailleurs...
Dans l'article dont j'ai proposé le lien, il est précisé que lorsque Catherine II demande tous les plans et autres informations concernant le château de Ferney (son idée est de reconstruire un bâtiment à l'identique en Russie pour y abriter la bibliothèque de Voltaire, achetée à Mme Denis), Racle insiste pour faire également parvenir à l'impératrice le plan du double-poêle installé pour Voltaire. C'est donc qu'il accorde une certaine importance à cet aménagement.
Je ne parviens pas à insérer ici cette vidéo publiée sur cette sal....de facemachin qui bloque tout visionnage hors de son réseau / goulag.
Enfin bref, le poêle double du salon d'axe au château de Voltaire, est présenté : ICI
La nuit, la neige- Messages : 18103
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Il y avait, si je ne m'abuse, un système de poêle double ainsi inséré dans le mur de la chambre de Louis XVI au Temple ( qui permit de nourrir le feu sans avoir à pénétrer dans la pièce quand le petit y fut comme emmuré vivant. )
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55427
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Mme de Sabran a écrit:Je remarque deux cache-pots de Trianon sur la cheminée avec le chiffre de Marie-Antoinette.
Bravo !!!
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
La nuit, la neige a écrit: Enfin bref, le poêle double du salon d'axe au château de Voltaire, est présenté : ICI
Oh merci LNLN - j'avais cessé d'écouter ces podcasts commentés auparavant par une analphabète sous Xanax, mais je vois avec plaisir qu'ils ont changé la voix off, enfin !!!
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
La smala de Voltaire :
L.A.S. «Voltaire gentilh ord de la chambre du Roy », château de Ferney par Genève 24 juin 1767, à Jean-Bapstiste-Espérance, comte de LAURENCIN
4 pages in-4.
Voltaire explique pourquoi il ne peut quitter Ferney, et envoie son écrit sur l’affaire Calas . [Le comte de LAURENCIN (1740-1812), officier et littérateur, croyant que Voltaire voulait s’établir près de Lyon, lui avait proposé son château.] Voltaire est touché de la lettre du comte.
« Je me suis retiré il y a environ treize ans dans le pays de Gex pres de la Franche Comté où jay la plus grande partje de ma fortune. Mais mon age ma faible santé les neiges dont je suis entouré huit mois de l’année dans un pays d’ailleurs tres riant, et surtout les troubles de Geneve et l’interruption de tout commerce avec cette ville m’avaient fait penser à faire une acquisition dans un climat plus doux. On m’a offert vingt maisons dans le voisinage de Lyon. Tout ce que vous voulez bien mécrire et votre façon de penser qui me charme, me détermineraient à préférer votre chatau pourvu que vous nen sortissiez pas. Mais jay avec moi tant de personnes dont je ne puis me séparer, que ma transmigration devient très difficile. Car outre une de mes nices à qui jay donné la terre que jhabite, jay marié une descendante du grand Corneille à un gentilhomme du voisinage. Ils logent dans le chatau avec leurs enfans. Jay encor deux autres ménages dont je prends soin, un parent impotent qu’on ne peut transporter, un aumonier auparavant jesuite, un jeune homme que M. le maréchal de Richelieu m’a confié, un domestique trop nombreux, et enfin je suis obligé de gouverner cette terre parce que la cessation du commerce avec Geneve empêche qu’on ne trouve des fermiers. Toutes ces raisons me forcent à demeurer où je suis quelque dur que soit le climat et dans quelque gêne que les troubles de Geneve puissent me mettre. Monsieur le duc de Choiseuil a bien voulu adoucir le désagrément de ma situation par touttes les facilités possibles. D’ailleurs ma terre, et une autre dont je jouis aux portes de Geneve, ont un privilège presqu’unique dans le Royaume, celuy de ne payer rien au Roy et detre parfaitement libres excepté dans le ressort de la justice. Ainsi vous voyez monsieur que tout est compensé, et que je dois supporter les inconvenients en jouissant des avantages ».
Il remercie le comte de ses offres avec « bien de la reconnaissance. Vos sentiments mont encor plus flatté. Je vois combien vous avez cultivé votre raison. Vous avez un cœur généreux et un esprit juste. Je voudrais vous envoyer des livres qui pussent occuper votre loisir. Je commence par vous adresser un petit écrit qui a paru sur la cruelle aventure des Calas et des Sirven. […] Il est fort difficile de faire passer des livres de Geneve à Lyon. Il est triste que ces ressources de l’ame, et les consolations de la retraite soient interdites »….
Correspondance (Pléiade), t. VIII, p. 1175.
* Source et infos complémentaires : Aguttes Paris - Vente Les collections Aristophil 16 novembre 2022
L.A.S. «Voltaire gentilh ord de la chambre du Roy », château de Ferney par Genève 24 juin 1767, à Jean-Bapstiste-Espérance, comte de LAURENCIN
4 pages in-4.
Voltaire explique pourquoi il ne peut quitter Ferney, et envoie son écrit sur l’affaire Calas . [Le comte de LAURENCIN (1740-1812), officier et littérateur, croyant que Voltaire voulait s’établir près de Lyon, lui avait proposé son château.] Voltaire est touché de la lettre du comte.
« Je me suis retiré il y a environ treize ans dans le pays de Gex pres de la Franche Comté où jay la plus grande partje de ma fortune. Mais mon age ma faible santé les neiges dont je suis entouré huit mois de l’année dans un pays d’ailleurs tres riant, et surtout les troubles de Geneve et l’interruption de tout commerce avec cette ville m’avaient fait penser à faire une acquisition dans un climat plus doux. On m’a offert vingt maisons dans le voisinage de Lyon. Tout ce que vous voulez bien mécrire et votre façon de penser qui me charme, me détermineraient à préférer votre chatau pourvu que vous nen sortissiez pas. Mais jay avec moi tant de personnes dont je ne puis me séparer, que ma transmigration devient très difficile. Car outre une de mes nices à qui jay donné la terre que jhabite, jay marié une descendante du grand Corneille à un gentilhomme du voisinage. Ils logent dans le chatau avec leurs enfans. Jay encor deux autres ménages dont je prends soin, un parent impotent qu’on ne peut transporter, un aumonier auparavant jesuite, un jeune homme que M. le maréchal de Richelieu m’a confié, un domestique trop nombreux, et enfin je suis obligé de gouverner cette terre parce que la cessation du commerce avec Geneve empêche qu’on ne trouve des fermiers. Toutes ces raisons me forcent à demeurer où je suis quelque dur que soit le climat et dans quelque gêne que les troubles de Geneve puissent me mettre. Monsieur le duc de Choiseuil a bien voulu adoucir le désagrément de ma situation par touttes les facilités possibles. D’ailleurs ma terre, et une autre dont je jouis aux portes de Geneve, ont un privilège presqu’unique dans le Royaume, celuy de ne payer rien au Roy et detre parfaitement libres excepté dans le ressort de la justice. Ainsi vous voyez monsieur que tout est compensé, et que je dois supporter les inconvenients en jouissant des avantages ».
Il remercie le comte de ses offres avec « bien de la reconnaissance. Vos sentiments mont encor plus flatté. Je vois combien vous avez cultivé votre raison. Vous avez un cœur généreux et un esprit juste. Je voudrais vous envoyer des livres qui pussent occuper votre loisir. Je commence par vous adresser un petit écrit qui a paru sur la cruelle aventure des Calas et des Sirven. […] Il est fort difficile de faire passer des livres de Geneve à Lyon. Il est triste que ces ressources de l’ame, et les consolations de la retraite soient interdites »….
Correspondance (Pléiade), t. VIII, p. 1175.
* Source et infos complémentaires : Aguttes Paris - Vente Les collections Aristophil 16 novembre 2022
charenton- Messages : 1147
Date d'inscription : 23/02/2022
Age : 74
Localisation : 75012 PARIS
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Merci pour la communication de cette lettre, si bien écrite. En effet, il y a bien du monde à Ferney...
La nuit, la neige- Messages : 18103
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Merci Charenton !
On aura reconnu la mère Denis ( ) dans la nièce. Mais qui donc est ce couple vivant au château ?
Marie-Françoise Corneille Chiffon (1742-1805) est la première fille adoptive de Voltaire.
Le philosophe, sensible à l’histoire et à la vie miséreuse de cette enfant, que l’on dit à l’époque “descendante du grand Corneille”, l’accueille dans son château de Ferney, et touché par son caractère charmant, décide ni plus ni moins de l’adopter.
Il la dote d’une confortable pension afin qu’elle puisse se marier.
Le voila Papa, pour la première fois ! Et même Grand-Papa puisque après avoir marié sa petite « Corneille » à Claude Dupuits de La Chaux, dont elle était tombée amoureuse, il ne tarde pas à héberger aussi le fruit de leurs amours, une petite fille prénommée Adélaïde, née en 1764.
Tout ce petit monde vit à Ferney jusqu’en 1769, puis la famille s’établit dans une campagne proche, Maconnex, non loin du château de grand-papa Voltaire…
Source : Histoires galantes
Voltaire a écrit:Car outre une de mes nices à qui jay donné la terre que jhabite, jay marié une descendante du grand Corneille à un gentilhomme du voisinage. Ils logent dans le chatau avec leurs enfans.
On aura reconnu la mère Denis ( ) dans la nièce. Mais qui donc est ce couple vivant au château ?
Marie-Françoise Corneille Chiffon (1742-1805) est la première fille adoptive de Voltaire.
Le philosophe, sensible à l’histoire et à la vie miséreuse de cette enfant, que l’on dit à l’époque “descendante du grand Corneille”, l’accueille dans son château de Ferney, et touché par son caractère charmant, décide ni plus ni moins de l’adopter.
Il la dote d’une confortable pension afin qu’elle puisse se marier.
Le voila Papa, pour la première fois ! Et même Grand-Papa puisque après avoir marié sa petite « Corneille » à Claude Dupuits de La Chaux, dont elle était tombée amoureuse, il ne tarde pas à héberger aussi le fruit de leurs amours, une petite fille prénommée Adélaïde, née en 1764.
Tout ce petit monde vit à Ferney jusqu’en 1769, puis la famille s’établit dans une campagne proche, Maconnex, non loin du château de grand-papa Voltaire…
Source : Histoires galantes
Gouverneur Morris- Messages : 11761
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Merci, mon cher Momo, voici une anecdote comme je les aime !
Il faut absolument que je retrouve un texte merveilleux de Ligne sur Voltaire, sur son intelligence du coeur, sa générosité ...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55427
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Mon séjour chez Voltaire, par le prince de Ligne
Ce que je pouvais faire de mieux chez M. de Voltaire, c'était de ne pas lui montrer de l'esprit. Je ne lui parlais que pour le faire parler. J'ai été huit jours dans sa maison, et je voudrais me rappeler les choses sublimes, simples, gaies, aimables, qui partaient sans cesse de lui; mais en vérité, c'est impossible. Je riais ou j'admirais. J'étais toujours dans l'ivresse. Jusqu'à ses torts, ses fausses connaissances, ses engouements, son manque de goût pour les beaux-arts, ses caprices, ses prétentions, ce qu'il ne pouvait pas être et ce qu'il était, tout était charmant, neuf, piquant et imprévu. Il souhaitait de passer pour un homme d'Etat profond, ou pour un savant, au point de désirer d'être ennuyeux. Il aimait alors la constitution anglaise. Je me souviens que je lui dis: "Monsieur de Voltaire, ajoutez-y son soutien, I'Océan, sans lequel elle ne durerait pas... ''
" L Océan, me dit-il, vous allez me faire faire bien des réflexions là-dessus." On lui annonça un jeune homme de Genève qui l'ennuyait: "Vite, vite, dit-il, du Trochin," c'est-à-dire qu'on le fit passer pour malade. Le Genevois s'en alla. --"Que dites-vous de Genève" me dit-il un jour, sachant que j'y avais été le matin. Je savais que dans ce moment-là il détestait Genève. .--"Ville affreuse!" lui répondis-je, quoique cela ne fut pas vrai. --Je racontai à M. de Voltaire, devant madame Denis, un trait qui lui était arrivé, croyant que c'était à madame de Graffigny. M. de Ximenès l'avait défiée de lui dire un vers dont il ne lui nomma point tout de suite l'auteur. Il n'en manqua pas un. Madame Denis, pour le prendre en défaut, lui en dit quatre, qu'elle fit sur-le-champ. "Eh bien! monsieur le marquis, de qui cela est-il? --De la chercheuse d'esprit, madame. "
"Ah! ah! bravo ! bravo! dit M. de Voltaire; pardi, je crois qu'elle fut bien bête. --Riez-en donc, ma nièce." Il était occupé alors, à déchirer et paraphraser l'Histoire de l'Église, par l'ennuyeux abbé de Fleury. "Ce n'est pas une histoire, me dit-il en en parlant, ce sont des histoires. Il n'y a qu'à Bossuet et à Fléchier que je permette d'être bons chrétiens. --Ah! monsieur de Voltaire, lui dis-je, et aussi à quelques révérends pères, dont les enfants vous ont assez joliment élevé." Il me dit beaucoup de bien d'eux. --Vous venez de Venise? Avez-vous vu le procurateur Prococurante? --Non lui dis-je, je ne me souviens pas de lui. ^E--Vous n'avez donc pas lu Candide?" me dit-il, en colère: car il y avait un temps où il aimait toujours le plus un de ses ouvrages. --"Pardon, pardon, monsieur de Voltaire, j'étais en distraction; je pensais à l'étonnement que j'éprouvai quand j'entendis chanter la Jérusalem du Tasse aux gondoliers vénitiens. --Comment donc? Expliquez-moi cela, je vous prie. --Tels que jadis Ménalque et Mélibée, ils essaient la voix et la mémoire de leurs camarades, sur le Canal Grande, pendant les belles nuits d'été. L'un commence en manière de récitatif, et un autre lui répond et continue. Je ne crois pas que les fiacres de Paris sachent la Henriade par coeur, et ils entonneraient bien mal ses beaux vers, avec leur ton grossier, leur accent ignoble et dur, et leur gosier et leur voix à l'eau-de-vie. --C'est que les Welches sont des barbares, des ennemis de l'harmonie, des gens à vous égorger, monsieur. Voilà le peuple, et nos gens d'esprit en ont tant, qu'ils en mettent jusques dans les titres de leurs ouvrages. Un livre de l'Esprit, c'est l'esprit follet que celui-là. L'Esprit des Lois, c'est l'esprit sur les lois. Je n'ai pas l'honneur de le comprendre. Mais j'entends bien les Lettres persanes: bon ouvrage que celui-là. --Il y a quelques gens de lettres dont vous paraissez faire cas. --Vraiment, il le faut bien; d'Alembert, par exemple, qui, faute d'imagination, se dit géomètre; Diderot, qui, pour faire croire qu'il en a, est enflé et déclamateur: et Marmontel, dont, entre nous, la poétique est inintelligible. Ces gens-là diraient que je suis jaloux. Qu'on s'arrange donc sur mon compte. On me croit frondeur, et flatteur à la cour; en ville trop philosophe; à l'Académie, ennemi des philosophes; I'Ante-Christ à Rome, pour quelques plaisanteries sur des abus, et quelques gaietés sur le style oriental; précepteur de despotisme au parlement; mauvais Français pour avoir dit du bien des Anglais; voleur et bienfaiteur des libraires; libertin pour une Jeanne que mes ennemis ont rendue plus coupable; curieux et complimenteur des gens d'esprit, et intolérant parce que je prêche la tolé rance."
"Avez-vous jamais vu une épigramme ou une chanson de ma façon? C'est là le cachet des méchants. Ces Rousseau m'ont fait donner au diable. J'ai bien commencé avec tous les deux. Je buvais du vin de Champagne avec le premier chez votre père, et votre parent le duc d'Aremberg, où il s'endormait à souper. J'ai été en coquetterie avec le second; et pour avoir dit qu'il me donnait envie de marcher à quatre pattes, me voici chassé de Genève, où il est détesté."
Il riait d'une bêtise imprévue, d'un misérable jeu de mots, et se permettait aussi quelque bêtise. Il était au comble de la joie, en me montrant une lettre du chevalier de l'Isle, qui venait de lui écrire pour lui reprocher d'avoir mal fait une commission de montre. "II faut que vous soyez bien bête, Monsieur," etc. C'est, je crois, à moi qu'il dédia sa plaisanterie, tant répétée depuis, sur la Corneille; et j'y donnai sujet lorsqu'il me demanda comment je la trouvais: nigra, lui répondis-je, sans être formosa. Il ne me fit pas grâce de son P. Adam, et me remercia d'avoir donné asile au P. Griffet, qu'il aimait beaucoup, ainsi que le P. Neuville, qu'il me recommanda .
Il me dit un jour: "On prétend que je crêve les critiques. Tenez, connaissez-vous celle-ci? Je ne sais où diable cet homme, qui ne sait pas l'orthographe et qui force quelquefois la poésie comme un camp, a si bien fait ces quatre vers sur moi:
Candide est un petit vaurien
Qui n'a ni pudeur ni cervelle.
Ah! qu'on le reconnaît bien
Pour le cadet de la Pucelle.
--Vous me paraissez mal avec lui dans ce moment, lui dis-je. C'est querelles d'Allemand et d'amant à la fois." --La petite bêtise le fit sourire: il en disait souvent et aimait à en entendre. On aurait dit qu'il avait quelquefois des tracasseries avec les morts, comme on en a avec les vivants. Sa mobilité les lui faisait aimer, tantôt un peu plus, tantôt un peu moins. Par exemple, alors, c'était Fénelon, La Fontaine et Molière qui étaient dans la plus grande fureur.
"Ma nièce, donnons-lui en, du Molière, dit-il à madame Denis. Allons dans le salon, sans façon, les Femmes savantes que nous venons de jouer." Il fit Trissotin on ne peut plus mal, mais s'amusa beaucoup de ce rôle. Mademoiselle Dupuis, belle-soeur de la Corneille, qui jouait Martine, me plaisait infiniment, et me donnait quelquefois des distractions, lorsque ce grand homme parlait. Il n'aimait pas qu'on en eût. Je me souviens qu'un jour que ces belles servantes suisses, nues jusqu'aux épaules à cause de la chaleur, passaient à côté de moi, ou m'apportaient de la crème, il s'interrompit, et, prenant en colère leurs beaux cous à pleines mains, il s'écria: "Gorge par-ci, gorge par-là, allez au diable!"
Il ne prononça pas un mot contre le christianisme, ni contre Fréron. "Je n'aime pas, disait-il, les gens de mauvaise foi, et qui se contredisent. Ecrire en forme pour ou contre les religions est d'un fou. Qu'est-ce que c'est que cette profession de foi du Vicaire savoyard, de Jean-Jacques, par exemple?" C'était le moment où il lui en voulait le plus, et dans ce moment même qu'il disait que c'était un monstre, qu'on n'exilait pas un homme comme lui, mais que le bannissement était le mot, on lui dit: "Je crois que le voilà qui entre dans votre cour. --Où est-il, le malheureux? s'écria-t-il, qu'il vienne, voilà mes bras ouverts. Il est chassé peut-être de Neuchâtel, et des environs. Qu'on me le cherche. Amenez-le-moi; tout ce quej'ai est à lui."
M. de Constant lui demanda, en ma présence, son Histoire de Russie. "Vous êtes fou, dit-il. Si vous voulez savoir quelque chose, prenez celle de La Combe, Il n'a reçu ni médaille, ni fourrures, celui-là."
Il était mécontent alors du parlement, et quand il rencontrait son âne à la porte du jardin: "Passez, je vous prie, monsieur le président," disait-il. Ses méprises par vivacité étaient fréquentes et plaisantes. Il prit un accordeur de clavecin de sa nièce, pour son cordonnier, et après quantité de méprises, lorsque cela s'éclaircit: "Ah! mon Dieu, Monsieur, un homme à talents. Je vous mettais à mes pieds, c'est moi qui suis aux vôtres. "
Un marchand de chapeaux et de souliers gris entre tout d'un coup dans le salon. M. de Voltaire (qui se méfie tant des visites qu'il m'avoua que, de peur que la mienne ne fût ennuyeuse, il avait pris médecine à tout hasard, afin de pouvoir se dire malade) se sauve dans son cabinet. Ce marchand le suivait, en lui disant: "Monsieur, Monsieur, je suis le fils d'une femme pour qui vous avez fait des vers. --Oh! je le crois, j'ai fait tant de vers pour tant de femmes! Boujour, Monsieur. --C'est madame de Fontaine-Martel. --Ah! ah! Monsieur, elle était bien belle. Je suis votre serviteur (et il était prêt à rentrer dans son cabinet). --Monsieur, où avez-vous pris ce bon goût qu'on remarque dans ce salon? Votre château, par exemple, est charmant. Est-il bien de vous? --(Alors Voltaire revient.) Oh! oui, de moi, Monsieur; j'ai donné tous les dessins. Voyez ce dégagement et cet escalier. Eh bien! --Monsieur, ce qui m'a attiré en Suisse, c'est le plaisir de voir M. de Haller. (M. de Voltaire, rentrait dans son cabinet.) Monsieur, Monsieur, cela doit avoir beaucoup coûté. Quel charmant jardin! --Oh! par exemple, disait M. de Voltaire (en revenant), mon jardinier est une bête, c'est moi, Monsieur, qui ai tout fait. --Je le crois. Ce M. de Haller, Monsieur, est un grand homme. (M. de Voltaire rentrait.) Combien de temps faut-il, Monsieur, pour bâtir un château à peu près aussi beau que celui-ci?" (M. de Voltaire revenait dans le salon). --Sans le faire exprès, ils me jouèrent la plus jolie scène du monde, et M. de Voltaire m'en donna bien d'autres plus comiques encore, par ses vivacités, ses hu meurs, ses reparties. Tantôt homme de lettres, et puis grand seigneur de la cour de Louis XIV, et puis homme de la meilleure compagnie.
Il était comique lorsqu'il faisait le seigneur de village. Il parlait à ses manants comme à des ambassadeurs de Rome, ou des princes de la guerre de Troie. Il ennoblissait tout. Voulant demander pourquoi on ne lui donnait jamais du civet à dîner, au lieu de s'en informer tout uniment, il dit à un vieux garde: "Mon ami, ne se fait-il donc plus d'émigration d'animaux de ma terre de Tournay à ma terre de Ferney."
Il était toujours en souliers gris, bas gris de fer roulés, grande veste de basin, longue jusqu'aux genoux, grande et longue perruque, et petit bonnet de velours noir. Le dimanche il mettait quelquefois un bel habit mordoré, uni, veste et culotte de même, mais la veste à grandes basques, et galonnée en or, à la bourgogne, galons festonnés et à lames, avec de grandes manchettes à dentelles jusqu'aux bouts des doigts, car avec cela, disait-il, on a l'air noble. M. de Voltaire était bon pour tous ses alentours et les faisait rire. Il embellissait tout ce qu'il voyait et tout ce qu'il entendait. Il fit des questions à un officier de mon régiment, qu'il trouva sublime dans ses réponses. "De quelle religion êtes-vous, monsieur? lui demanda-t-il. --Mes parents m'ont fait élever dans la religion catholique. --Grande réponse! dit M. de Voltaire, il ne dit pas qu'il le soit." Tout cela paraît ridicule à rapporter et fait pour le rendre ridicule; mais il fallait le voir, animé par sa belle et brillante imagination, distribuant, jetant de l'esprit, la saillie à pleines mains, en prêtant à tout le monde; porté à voir et à croire le beau et le bien, abondant dans son sens, y faisant abonder les autres; rapportant tout à ce qu'il écrivait, à ce qu'il pensait; faisant parler et penser ceux qui en étaient capables; donnant des secours à tous les malheureux, bâtissant pour de pauvres familles, et bon homme dans la sienne; bon homme dans son village, bon homme et grand homme tout à la fois, réunion sans laquelle l'on n'est jamais complétement ni l'un ni l'autre; car le génie donne plus d'étendue à la bonté, et la bonté plus de naturel au génie.
Source : https://www.whitman.edu/VSA/visitors/Ligne.html
Gouverneur Morris- Messages : 11761
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Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Je le disais bien : merveilleux ! Ils le sont, d'ailleurs, tous les deux ...
Merci, mon cher Momo, toi aussi tu es merveilleux et nous avons beaucoup de chance de t'avoir .
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Mme de Sabran- Messages : 55427
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Localisation : l'Ouest sauvage
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Re: Le château de Voltaire, à Ferney
Il nous faut ça absolument !!!
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