Ces dames de Sainte-Amaranthe

Mme de Sainte-Amaranthe est née Jeanne Louise Françoise Desmier d'Archiac de Saint-Simon en 1752 et serait une petite fille du célèbre chroniqueur de la cour de Louis XIV, le duc de Saint-Simon.   A vérifier, mon petit Lulu !    Elle épousa,  un monsieur Davasse de Saint-Amarand, agriculteur général qui, après avoir perdu tout son argent au jeu, s'était enfui en Espagne, abandonnant son épouse et ses deux enfants, Emilie et Louis aux pères incertains car leur mère collectionnait les amants .  Emilie pourrait être la fille du marquis de Pons.

Jeanne ne tarda pas à se trouver " un protecteur ", en l'occurrence le prince de Conti , et tint salon, d'abord à l'hôtel de Jonchères, puis dans sa maison de la rue Vivienne .   Sur la suggestion d'un nouvel amant, le sieur Joseph Aucane, négociant revenu des colonies,  elle s'établit hôtesse d’un salon de jeu luxueux,  situé au numéro 50 des arcades du Palais Royal  et tout simplement appelé le " 50 ",  réputé pour la grande classe de sa clientèle, le luxe des intérieurs et l'excellence du chef.


Mme de Sainte-Amaranthe partageait son temps    entre Paris et Sucy-en-Brie, dans sa maison de campagne. Elle avait une loge aux Italiens, une autre à l'Opéra, ainsi qu'à la Comédie .     Rue Vivienne, elle recevait chaque jour dix à douze personnes, jamais plus: ils riaient, parlaient et écoutaient de la musique, buvaient du thé,  mangeaient des glaces. Telle une reine, elle avait son grand lever et admettait ses intimes dans un somptueux dressing où ils avaient l'honneur de la voir à sa toilette.
C'était une femme de coeur, sans arrogance. Elle possédait beaucoup d'esprit et, si l’on en croit Alexandre de Tilly, elle cultivait  " le rare talent de faire en sorte que l’amitié survive à l’amour. "  


Émilie de Sainte-Amaranthe, sa fille,  était célèbre pour sa beauté éblouissante sur laquelle tous ses contemporains tombent d'accord: hommes et femmes, ce qui est rare, tous admettent que le charme et l'attrait de son visage étaient incroyables.  Son goût en matière vestimentaire était exquis. Elle était, ajoute le comte de Tilly, " plus mondialement célèbre pour sa beauté que quiconque en France; elle était la plus belle femme de son époque; elle était belle à tous égards; Je n'ai jamais vu de beauté comparable à la sienne, si parfaite. ”
Emilie était très éprise du célèbre chanteur François Elleviou .   Je la comprends !  


Mais Mme de Sainte-Amaranthe, horrifiée par les massacres de septembre, fuit Paris avec ses deux enfants et alla s'installer chez sa soeur , Mme de Bordeaux à Rouen .   En septembre 1792, Émilie épousa Charles-Marie-Antoine de Sartine, marquis et ancien avocat âgé de seize ans de plus qu'elle.  

Au printemps 1793, Émilie s'installa dans le château de Sucy-en-Brie, que sa mère avait acheté avec le produit de ses entreprises de jeux d'argent.



Pendant la Terreur, Émilie était liée au beau député Hérault de Seychelles, cousin de Yolande de Polignac et protégé de Marie-Antoinette. La reine lui avait même brodé une ceinture, qu'il portait encore fièrement même au plus fort de la Terreur. . Elle fut également courtisée par Robespierre et Saint-Just, d'où la légende selon laquelle l'un des d'eux aurait ordonné son exécution pour avoir été éconduit.

Ce qui est sûr, c’est qu’Émilie, son mari, sa mère et son frère ont tous été arrêtés pour sympathies royalistes -  que Mme de Sainte-Amaranthe n’avait jamais cachées -  elle avait des liens avec l’aristocratie et des membres libéraux de la Convention.
Ils furent tous les quatre, arrêtés et emprisonnés à Sainte-Pélagie.

Probablement grâce à l'influence du frère de Robespierre,  Augustin,  qui était un ami intime et probablement Xème amant de madame de Sainte-Amaranthe, ils furent un temps oubliés dans les fers. Mais leur procès arriva et les engloba dans la prétendue conspiration des chemises rouges, montage politico-policier destiné à faire croire à l'existence d'une conspiration royaliste contre les « pères du peuple » en général et Robespierre en particulier.

Ils furent tous exécutés  le soir du 22 prairial (17 juin) 1794.
Émilie n'avait que dix-neuf ans et son petit frère seize ans et demi.  

"Permettez que je vous présente madame de Sainte-Amaranthe" lol

Les Desmier étaient propriétaires de la terre de Saint-Simon de Pellouaille. Là s'arrête le lien avec le petit duc, qui tient son nom de Saint-Simon dans l'Aisne.

Vous imaginez bien qu'une petit fille du duc de Saint-Simon et de son épouse, fille d'un maréchal de France, n'aurait pas épousée un parvenu de la finance.
D'ailleurs, le terme d'agriculteur général n'existe pas.

Rigaud a probablement portraituré ses beaux parents.

Tu confirmes mes doutes !

Cette affaire de conspiration et tentative d'assassinat de Robespierre est restée dans les annales de l'Histoire sous le nom L'affaire des chemises rouges .
Comme d'habitude, WIKI ne tarit pas de détails :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_chemises_rouges

Les meurtriers , ou prétendus meurtriers, condamnés à mort à ce moment-là de la Révolution,  étaient affublés d'une chemise rouge infamante. Tels étaient Mme de Sainte-Amaranthe et ses enfants .    Émilie dit à sa mère  " - Regarde, maman. Est-ce gracieux, tous ces manteaux rouges ! Nous avons l'air de cardinaux ! ". Son frère et elle serrèrent leur mère dans leurs bras : " Ah ! Maman ! Nous allons donc mourir avec toi ! "

On dit que Robespierre et Foucquier-Tinville essayèrent de sauver Emilie, mais qu'elle refusa leur aide.   Elle dédaigna la suggestion de prétendre être enceinte pour retarder l'exécution.  Comme la princesse de Monaco, elle insista pour se couper les cheveux elle-même,  disant aux gardes:  " Je vole le bourreau, mais c'est le seul héritage que je puisse laisser à nos amis. Peut-être un jour viendront-ils réclamer ce souvenir de nous. Je compte sur votre honnêteté pour le garder pour eux. "

Émilie est décédée avec cinquante trois autres personnes, dont sa mère, son frère, son prétendu ou supposé  ( je ne sais pas comment il faut dire )  père,  le vicomte de Pons,   et son mari.  Sinistres retrouvailles familiales ...  

Lenôtre a écrit que Mme de Sainte-Amaranthe, à moitié folle d'horreur, cria à haute voix, implorant d'être autorisée à mourir avant ses enfants. Les bourreaux ont pris son fils Louis, âgé de seize ans, et le couteau est tombé à nouveau.
Sa mère s'était évanouie et n'a plus rien vu. Alors Emilie apparut sur la plate-forme; et quand le voile rouge fut déchiré de ses épaules, sa beauté majestueuse était si transcendante que les adeptes de la guillotine, qui étaient payés pour applaudir, furent frappés d'admiration, frappés muets, et restèrent bouche bée, les mains arrêtées. Les bourreaux l'ont poussée brutalement sur la machine imbibée de sang et le troisième coup est tombé. Puis la forme inerte de Mme. de Sainte-Amaranthe a été traînée sur l'échafaud: elle était déjà morte quand sa tête est tombée. Et le tas de cadavres sans tête grandissait peu à peu, et l'échafaud ruisselait de sang. La scène a continué pendant vingt-huit minutes.

Je suis toujours surpris par l'insouciance de tous ces aristocrates qui sont restés en France malgré la terreur et ont terminé sur l'échafaud. 

Le récit de l'exécution de toute la famille est monstrueux. Quand on pense que c'est cela, cette révolution-là qui est aujourd'hui glorifiée par une grande partie des Français, c'est écoeurant.

Comment pouvait-on conduire à la guillotine un gosse de seize ans !
Y avait-il un âge pour être passible de la peine de mort ?

Ils ont même guillotiné un homme de 84 ans... 


... ainsi qu'une personne déférée devant le tribunal révolutionnaire à laquelle rien n'était pourtant reproché : il s'agissait de l'homonyme d'une personne réellement accusée. 

Ayant fait remarquer que l'accusation se méprenait, et qu'elle était l'homonyme du réel accusé, Fouquier-Tinville répond : "ça fera quand même l'affaire". 

Et zou, à l'échafaud . 

L'historiographie française a encore bien trop souvent tendance à mettre un mouchoir sur les volets abjectes de la révolution. C'est presque un tabou.
Au lieu de se glorifier en s'imaginant toujours en droit de donner des leçons à la terre entière, la nation des Lumières ferait bien de balayer un bon coup devant sa porte pour avancer.

Un détail justement pour vous, chère Marie-Jeanne : le châle Némésis ( allégorie de la colère des Dieux ) , un hommage vestimentaire à Émilie de Sainte-Amaranthe montée à l'échafaud " en chemise rouge ".

Après son exécution, les femmes parisiennes introduisirent une nouvelle mode en hommage à Émilie, dont la mort était considérée comme un emblème de la destruction inutile par la Révolution de tout ce qui était gracieux et beau - un foulard rouge appelé la "Némésis", porté jeté sur les épaules nues.

Marie-Jeanne a écrit:
Au lieu de se glorifier en s'imaginant toujours en droit de donner des leçons à la terre entière, la nation des Lumières ferait bien de balayer un bon coup devant sa porte pour avancer.

C'est clair ! On n'a de cesse de rejouer 1789 depuis 200 ans (révolutions / révoltes de 1830, 1848, 1871, 1968, 1995, 2018...), c'est à la fois ridicule et sclérosant (a-t-on vraiment besoin de tout casser à chaque fois pour faire évoluer le pays ?... l'Angleterre est beaucoup plus évoluée que nous !).

Mme de Sabran a écrit:
Un détail justement pour vous, chère Marie-Jeanne : le châle Némésis  ( allégorie de la colère des Dieux ) , un hommage vestimentaire à Émilie de Sainte-Amaranthe montée à l'échafaud " en chemise rouge ".

Les merveilleuses affectent également de ne plus prononcer les "r" dans les mots. On dit alors "..évolution" au lieu de "révolution" etc... Je trouve ça extraordinaire.

Cette étonnante façon de ne plus prononcer les 'r' m'a toujours fascinée car ces petits rien de l'histoire en disent long sur l'évolution des mentalités. Quant à l'apparence vestimentaire, aussi superficielle soit-elle, c'est comme la première pelure d'un oignon habillant le cœur des sociétés. C'est toujours valable de nos jours !

N'est-ce pas l'accent k'ouéole de Joséphine qui a lancé cette mode ?

Ce sont les "incoyables et les méveilleuses", peut être Joséphine y participa t-elle mais je ne suis pas certaine qu'elle était aussi excentrique !

Voici des considérations généalogiques, mon cher petit Lulu   , desquelles tu nous diras ce que tu penses .
Elles émanent de cette autre soeur du marquis de Bombelles, Mme de Reichenberg,  qui,  s'ennuyant ferme à Waldeck, s'est plongée dans la lecture de l'histoire d'Allemagne.


En 1693, le duché d'Hanovre fut érigé en électorat par l'Empereur Léopold, en faveur de la branche cadette de Brunswick.
Cette maison de Brunswick était divisée en trois branches: la première s'appelait Brunswick-Lunebourg, la deuxième Zell, et la troisième Hanovre. Il était naturel de penser que les deux branches aînées s'opposeraient à l'érection d'un neuvième électorat en faveur de la branche cadette; le prince de Brunswick se contenta de formuler son opposition; quant au duc de Zell, voici la raison qui semble l'avoir engagé à donner son consentement: « Il avait épousé une demoiselle d'Orbreuse, fille d'un gentilhomme du Poitou, d'abord de la main gauche; ensuite il avait obtenu de l'Empereur Léopold, que la duchesse jouirait des mêmes prérogatives que si elle eût été épousée de la main droite  (    ), en sorte que, si de ce mariage, il fût provenu des enfants mâles, ils auraient succédé légitimement et sans contradictions. »

Les deux époux en mourant ne laissèrent qu'une fille qui épousa ce même Ernest-Auguste, évêque d'Osnabruck, duc d'Hanovre et nouvel électeur; ainsi le duc de Zell, ne pouvant rien désirer de plus avantageux que de faire sa fille électrice ne s'opposa point à ce que fût érigé un nouvel électorat: « De cette électrice descend toute la maison de Hanovre qui règne aujourd'hui en Angleterre, et par conséquent les trois enfants du landgrave de Cassel, puisque sa femme était la sœur du feu Roi d'Angleterre.»
«De cette anecdote, dit Mme de Reichenberg à Bombelles , vous savez ce que nous devons conclure, et je ne croirai plus les personnes, qui me diront que l'Empereur ne peut pas rendre à une femme les prérogatives que les préjugés lui ont ôtées, surtout lorsqu'elle ne peut ni ne veut faire aucun tort à la succession. »

Si l'on envisage la question d'un point de vue d'histoire générale, elle offre un intérêt car la généalogie donnée par l'historien allemand est vraie. De sorte que de cette duchesse de Zell descendent les familles royales d'Angleterre et les Hohenzollern. Son nom seul est estropié; la demoiselle du Poitou s'appelait Éléonore Dexmier d'Olbreuse et appartenait à la famille de Jean V Dexmier d'où descendent également les Dexmier d'Archiac représentés aujourd'hui par le comte d'Archiac.
A cette dernière branche se rattachaient la célèbre Madame Davasse de Saint-Amaranthe (en réalité Saint-Amarand) et sa fille Émilie de Sartine qui tenaient sous la Terreur un salon assez mélangé et furent guillotinées dans la fameuse fournée des Chemises rouges .

L'expression "épousée de la main gauche" pourrait induire le lecteur en erreur. Il ne s'agit pas d'une relation extraconjugale mais d'un mariage bien légitime aux yeux de l'Eglise et du Monde. Par cette expression, Mme de Bombelles cherche à exprimer l'idée de mariage morganatique, expression qui n'apparaîtra qu'au siècle suivant. De là naît la contestation sur la possibilité des enfants nés de ce mariage inégal à succéder pleinement aux droits souverains.

Nous avions déjà parlé de cette union dans d'autres pages.

Dans l'atelier de Madame Tussaud l'on pouvait admirer  une " Sleeping Beauty " de cire qui aurait été créée par Curtius, d'après nature, avec pour modèle Mme de Sainte-Amaranthe .   D'ailleurs,  Madame ou mademoiselle ?
Alors là cela devient très confus,  et d'autant plus que, depuis la moitié du XXème siécle ou à peu près,  " Sleeping Beauty " est devenue Madame du Barry !    

Je découvre ce sujet passionnant... Mais si tragique !

J'imagine que les termes "agriculteur général" viennent d'une rétro-traduction d'une langue étrangère pour fermier général ?

Quant à la demoiselle d'Olbreuse, rappelons que cette famille donna un autre chef d'Etat à l'Europe :

Spoiler:

Mme de Sabran a écrit: Jeanne Louise Françoise Desmier d'Archiac de Saint-Simon en 1752 et serait une petite fille du célèbre chroniqueur de la cour de Louis XIV, le duc de Saint-Simon.   A vérifier, mon petit Lulu !  

Les Desmier héritent au début du XVIIe siècle de la seigneurie de Saint-Simon (-en -Pellouaille) située dans les actuelles Charentes.
Les Rouvroy étaient seigneur de Saint-Simon dans l'Aisne, terre sur laquelle fut érigée le duché. Simple homonymie sans aucun rapport, mais cela suffit à des auteurs hâtifs pour conclure à une filiation directe...

Ah merci, mon cher petit Lulu.