De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
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De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
Deux personnages, traités en commun car leurs destins sont liés. Liés à un pays, liés à une personne. Le pays est la Russie, la personne est l'impératrice Elizabeth Ière, surnommée "la clémente".
Car c'est avec l'aide et le soutien de ces deux hommes qu'Elizabeth va fomenter le coup d'état qui fera d'elle, fille de Pierre le Grand, l'impératrice de toutes les Russies. Petit retour en arrière…
Le comte Jean Armand de Lestocq, né en 1692, est issu d'une noble famille de la Champagne. Protégé par la duchesse d'Orléans, fille légitimée du roi-soleil et de la Montespan, notre homme est vite bien en cour. En 1709, le voici (bien jeune encore) à Saint-Pétersbourg, en tant que médecin. Bien accueilli et apprécié par Catherine Ière, femme de Pierre le Grand himself, il est cependant exilé en 1720 pour avoir séduit la fille du bouffon du Tzar… Ce dernier mort, l'impératrice rappelle notre médecin qui se lie d'amitié avec la princesse francophile Elizabeth (selon certaines rumeurs, il gagne son amitié en la guérissant d'une syphilis). Lestocq va alors rencontrer un autre aventurier en eaux troubles, le marquis de la Chétardie, ambassadeur de France en Russie. La France qui aimerait bien contrebalancer l'influence autrichienne sur les bords de la Néva… Et pour ça, quoi de mieux que d'avoir une future souveraine dans la poche ? Les deux hommes vont donc appuyer et soutenir Elizabeth pour fomenter le coup d'état qui fera d'elle la nouvelle impératrice.
Cette dernière installée sur le trône de l'aigle bicéphale, nos deux aventuriers voient leurs efforts récompensés, même si leurs destins vont prendre des chemins bien différents…
Dans un premier temps, Lestocq reçoit une pension de 15 000 livres de Versailles qui lui demande d'influencer la nouvelle souveraine dans un sens favorable aux intérêts français. Gourmand, Lestocq ne se gêne pas pour "bouffer à d'autres râteliers" comme on dit, dont celui du roi de Prusse. Notre bon docteur va même encore plus loin : il provoque la chute du chancelier Alexis Bestoutchev et suggère le nom de celle qui allait devenir Catherine II pour épouser l'héritier du trône.
Tout ceci se fait avec la complicité de Jacques-Joachim Trotti de la Chétardie, né à Paris en 1705, neveu du confesseur de Madame de Maintenon, rien de moins. Notre homme voyage beaucoup, diplomate, aventurier, espion, tout en bataillant ici et là au fil des guerres européennes. Las du bruit des canons et de l'odeur de la poudre, notre marquis débarque en 1739 à Saint-Pétersbourg, précédé d'une réputation flatteuse, vanté comme "très aimable garçon" par Frédéric II dont il aurait enflammé les pupilles au passage selon certains… Il rencontre la future impératrice et c'est le coup de foudre amical (et plus si affinités ? Possible, pas certain). Malgré tout, mieux vaut être prudent : le marquis fera passer ses bons avis à la princesse par un intermédiaire, le comte médecin de Lestocq. Un triangle d'espionnage et d'intrigues se met donc en place pour parvenir à ce fameux coup d'état. Chétardie fût chaudement félicité par Versailles, couvert d'honneurs et de récompenses des deux côtés, exerçant une influence énorme. Les soldats ayant participé au coup d'état tombèrent même à ses genoux, lui baisant les mains et l'appelant "Père" ! C'est lui qui conseilla également à la nouvelle souveraine de se débarrasser de l'héritier prévu (Elizabeth, qui ne s'appelait pas "la clémente" pour rien, le fît exiler dans un château lointain où le malheureux devînt fou, avant d'être exécuté plus tard sur ordre de Catherine II, elle visiblement moins clémente).
Mais au pays des Tzars, la fortune est changeante… Et nos deux aventuriers vont vite l'apprendre…
En 1745, le chancelier Alexis Bestoutchev, qui avait, comme on l'a vu, un compte à régler avec de Lestocq, intercepta sa correspondance avec de la Chétardie, menaçant ainsi de révéler les dessous du coup d'état et les ingérences de la France dans les affaires russes. L'ambassadeur fût alors expulsé et ne fût pas soutenu par Elizabeth, qu'il avait égratigné de façon peu flatteuse dans ses lettres, ce que la souveraine n'avait pas apprécié (on la comprend). De la Chétardie revînt à ses premiers amours, la vie militaire, se battant brillamment pendant la guerre de Sept Ans, avant de mourir en 1759 dans l'actuelle Allemagne.
De Lestocq connût une fin plus tourmentée. Bestoutchev, rancunier, non seulement le fît tomber comme on vient de le voir mais réussît à persuader la Cour que de Lestocq envisageait de retourner sa veste et intriguait en faveur du futur Pierre III, mari de la future Catherine II et surtout, fervent prussophile. Arrêté, notre médecin fût salement torturé puis condamné à mort. Malgré tout, peut-être en souvenir de ce qu'elle lui devait, l'impératrice intervînt et l'envoya affronter les rudes hivers russes au fin fond de l'empire, avec prière de se faire oublier. A la mort d'Elizabeth, Catherine II (qui lui devait en partie son mariage) le fît revenir, lui rendant titres, fortune et possessions. Le comte mourût en 1767 à Saint-Pétersbourg.
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
Calonne, j'adore votre style clair, fluide, je bois vos paroles, un vrai régal !
Vous parlez d'un héritier évincé. Parlez vous de l'éphémère Ivan VI ?
Vous parlez d'un héritier évincé. Parlez vous de l'éphémère Ivan VI ?
Dominique Poulin- Messages : 6932
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
Effectivement, il s'agit bien d'Ivan VI.
Né en 1740, il était le fils d'Anna Leopoldovna, régente. C'est elle que le fameux coup d'état renversa au profit d'Elizabeth Ière. Anna Leopoldovna meurt en captivité un an plus tard à Kholmogory. Le petit Ivan (il n'a qu'un an) aurait pu être exécuté mais Elizabeth la clémente répugna sans doute à faire tuer un enfant et l'éloigna très loin, à Chlisselbourg, dans une forteresse sinistre où il n'était que "le prisonnier numéro 1". Selon certains, il y devînt fou.
Mais en 1764 a lieu une tentative de coup d'état contre Catherine II, au nom de l'illustre prisonnier, devenu "le masque de fer" russe (et qui, perdu dans ses solitudes enneigées, n'en avait sûrement pas tant demandé...). L'occasion est trop bonne pour Catherine qui n'était que la grande (ce qui ne l'engageait pas à grand chose...) et elle fît exécuter le prisonnier. Officiellement, il fût tué lors d'une tentative d'évasion. Il n'avait que 23 ans.
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
J'ai lu que Catherine avait donné l'ordre formel de supprimer ce pauvre Ivan VI si le moindre signe de conspiration était donné en sa faveur pour le remettre sur le trône, ce qui advint. Et Ivan, ben couic !
Il devait avoir un peu moins de vingt ans je pense ; isolé dans une cellule froide et humide, il y a de quoi à devenir fou ! Sans compter les maltraitances des geôliers et j'en passe.
Ses frères et soeurs lui survivront ; ils finiront leur vie au Danemark sous la responsabilité de la reine mère, dans des conditions décentes, mais avant que d'années de captivité et vraisemblablement je pense qu'ils n'étaient plus normalement sociables. La dernière à survivre à la fraterie mourut en 1807.
Il devait avoir un peu moins de vingt ans je pense ; isolé dans une cellule froide et humide, il y a de quoi à devenir fou ! Sans compter les maltraitances des geôliers et j'en passe.
Ses frères et soeurs lui survivront ; ils finiront leur vie au Danemark sous la responsabilité de la reine mère, dans des conditions décentes, mais avant que d'années de captivité et vraisemblablement je pense qu'ils n'étaient plus normalement sociables. La dernière à survivre à la fraterie mourut en 1807.
Dernière édition par Dominique Poulin le Dim 06 Oct 2019, 19:04, édité 1 fois
Dominique Poulin- Messages : 6932
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: De Lestocq/de la Chétardie : les complices...
Ivan VI est enfermé à Chlisselbourg en 1746, il n'avait que 6 ans… Il a donc passé toute son enfance et adolescence enfermé loin de tout, après avoir perdu sa mère et une partie de sa famille. Effectivement, on comprend qu'il ait pu devenir fou…
D'après Tatie Wiki :
" Ses restes ont été identifiés en 2010 par des archéologues russes dans un cercueil vieux de 200 ans devant l'église de l'Assomption de Kholmogory. La dépouille porte notamment la trace d'un couteau à 6 lames et d'un stylet (le jeune empereur fut attaqué au stylet à l'âge de 6 mois)"
D'après Tatie Wiki :
" Ses restes ont été identifiés en 2010 par des archéologues russes dans un cercueil vieux de 200 ans devant l'église de l'Assomption de Kholmogory. La dépouille porte notamment la trace d'un couteau à 6 lames et d'un stylet (le jeune empereur fut attaqué au stylet à l'âge de 6 mois)"
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
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