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Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)

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Message par Mme de Sabran Lun 04 Oct 2021, 22:48

Oui, quelle chance nous avons !!! cheers
C'est demain mardi, notre rendez-vous ! Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 693620883

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Message par Bonnefoy du Plan Mar 05 Oct 2021, 00:02

CINQUIÈME CHAPITRE (6ème post) : Merci de vos encouragements! Aujourd'hui, nous quittons le terrain des considérations d'ordre général et les chapitres d'introductions diverses pour entrer dans le dur!
Remarquez bien que je vous sers en 10 chapitres Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 1434844716 ce que je pouvais aussi envelopper en 15 lignes...  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 1157408091  
Mais c'est une promenade, j'aime faire comme mes chats et donner du temps aux choses utiles :  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 355759219 ...  

Dans ce chapitre, nous faisons connaissance avec le tableau en tant que surface matérielle à examiner au plus près pour évaluer le type d'intervention à envisager et quel résultat en attendre.
C'est un peu le récit d'une arrivée aux Urgences qui va suivre...  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3177668066
Car le portrait livré à Versailles en 2019 est en effet un tableau qu'il faut retrouver. Et le titre de ce fil se justifie totalement pour souligner que c'est une quête d'authenticité qui motive toute la démarche depuis le retour du portrait.
C'est parti, je vais vous faire rencontrer des gens épatants!  sunny


Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Forum_16


VI – CONSTAT D’ÉTAT D’UNE TOILE TRANSPOSÉE


1. un tableau non pas rentoilé, mais transposé

En juillet 2019 un transitaire international, spécialisé dans le transport des œuvres d’art, livre à Versailles une toile achetée le mois précédent par un collectionneur français dans une vente publique à Stockholm. Après un séjour de plusieurs décennies en Suède (au moins 6 !) un portrait de Marie-Antoinette revient ainsi à Versailles, où il est permis de penser qu’il a été peint près de deux-cent quarante ans auparavant.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 10_mos10

Jean-Laurent Mosnier (1743-1808), attr.
Marie-Antoinette, huile sur toile, 1776 (61,0x49,5cm), vente Bukowskis, Stockholm, lot #363, 4 juin 2019
châssis de restauration (XXe siècle) et cadre style Louis XVI (XIXe siècle) avec étiquettes des ventes précédentes
(source des images : Bukowskis, Stockholm)

De plus près...:

D’emblée, un premier constat s’impose : le portrait décrit en vente publique comme ayant été rentoilé a en fait subi une transposition, ce qui n’est pas tout-à-fait la même chose…  La surprise n’est pas très grande pour autant, les photos de la vente ayant conduit à envisager cette hypothèse comme la plus probable.

Quoique pratiquée régulièrement à diverses époques, notamment en France, le transfert de la couche picturale du support d’origine sur un autre est une opération à haut risque, beaucoup plus délicate que la technique alternative et souvent préférée du rentoilage.

Une littérature abondante existe sur le sujet, tout à fait passionnante pour approfondir les points de rencontre entre art et technique, et pour méditer sur les questions de déontologie qui se posent aux métiers de la conservation et de la restauration d’œuvres d’art... Etant donné les conséquences de la transposition pour le tableau qui nous intéresse, il n’est pas inutile de revenir sur les grands principes liés à cette technique, les traumatismes qu’elle peut entrainer et les conséquences à plus long terme qu’elle ne permet pas toujours d’éviter.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Dsc_2610

« retour » à Versailles d’un portrait de la reine, 17 juillet 2019
le tableau, à peine libéré de son emballage, dans son cadre de série du XIXe siècle ;
l’éclairage du jour marque bien la présence d’épais mastics sur la gauche de la toile
(source de l’image : Atelier du Soleil, DR)


2. une technique invasive, source de périls pour l’œuvre

Tout tableau de chevalet est constitué traditionnellement de trois éléments essentiels :
le support (bois, toile, papier, cuivre, ardoise...)
la peinture (préparation et couches picturales)
le vernis.
Ces éléments peuvent souffrir de vieillissements, de maladies, d’accidents ou d’altérations dues à l’intervention délibérée des hommes, ils doivent donc être « soignés ».

Au Siècle des Lumières, la prise de conscience de la valeur historique de l’œuvre d’art conduit à l’idée nouvelle de leur préservation. Le développement des ateliers va alors de pair avec celui des techniques, et la restauration de tableaux devient un des champs privilégiés pour l’expérimentation des sciences physiques et chimiques. La réflexion sur l’œuvre d’art et sa signification mène à un progrès théorique primordial : pour restaurer un tableau, il faut utiliser des techniques et des matériaux spécialisés, propres à rendre aux œuvres leur intégrité matérielle.

Deux méthodes de restauration du support sont mises au point en Italie entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe : le rentoilage et la transposition. Le rentoilage consiste à « doubler » une toile ancienne affaiblie en la collant sur une toile neuve.  La transposition sépare au contraire la peinture de son support d’origine pour remettre l’ensemble préparation/couche picturale sur un nouveau support. Le remplacement de ce support n’est pas une fin en soi, mais le moyen d’atteindre la préparation lorsque, désagrégée, elle n’adhère plus à la toile et entraîne la couche picturale dans un soulèvement généralisé. L’enduit d’origine est alors soit supprimé, soit régénéré, suivant son état, à l’aide d’une nouvelle préparation qui redonne à l’ensemble de la couche picturale cohésion et souplesse.

Ces méthodes sont très vite importées en France, puis aux Pays-Bas.

La transposition est source de graves problèmes de conservation quand la technique est mal maîtrisée. Les périls liés à la méthode sont multiples, ils peuvent affecter la couche picturale de façon irréversible en cours de traitement. Ils peuvent aussi, plus sournoisement, nuire à la stabilité à long terme de la toile sur son nouveau support. En effet, l’huile ayant perdu toute souplesse supportera mal les déformations futures de ce support différent.

Pour bien comprendre le phénomène, il faut rappeler ce qui occasionne un réseau de craquelures naturelles, ces « craquelures d’âge » que nous aimons tant lorsque nous regardons un tableau. Tant que l’huile n’est pas entièrement polymérisée, la peinture suit les allongements et rétractions du support, généralement en lin ou chanvre. Quand elle est définitivement figée, elle développe un réseau de craquelures fines et profondes qui lui permettent de s’adapter en souplesse à l’intensité et aux directions des mouvements de son support. Un autre support imposera nécessairement des intensités et des directions différentes, qui conduiront la peinture à craqueler dans un nouveau réseau et ne permettront plus de maintenir sa cohérence. Si les points d’attache de la peinture et de la préparation au support deviennent trop faibles, ils cessent alors d’être en cohésion et on assiste à des déplacages. Au pire, la transposition peut entraîner une perte de cohérence généralisée entre la peinture et son support : le remède devient alors pire que ce contre quoi il devait lutter !

Malgré les risques, la transposition a été pratiquée en France de façon constante entre le milieu du XVIIIe et le premier quart du XXe siècle. Mais la France est restée isolée sur la question de la transposition, car supprimer une toile originale est une opération contraire à la règle de la « réversibilité ».

Dans la plupart des autres pays, la transposition a été considérée comme destructrice de l’œuvre, qu’il convient au contraire d’appréhender comme un tout.

Aujourd’hui cette intervention n’est pratiquée que dans des cas très rares et extrêmes, où aucune autre possibilité ne permet de sauver la peinture.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 La_cha10

Andrea del Sarto (1486-1530), La Charité (1518)
à l’origine huile sur panneau (183 x 137cm), transposée sur toile en 1750 par Robert Picault
opération peu durable, reprise en 1780 par Jean-Louis Hacquin avec une méthode moins invasive ;
un des premiers tableaux transposés en France,
avec le Saint Michel terrassant le dragon de Raphaël (en 1751, puis 1776, par les mêmes)
Paris, Musée du Louvre
(source de l’image, site du Musée du Louvre)


3. L’Atelier du Soleil, le bien nommé...

C'est une bonne étoile qui a conduit le tableau jusqu’à l'Atelier du Soleil à Versailles ! La recommandation amicale et informée d’un collectionneur déjà familier des lieux a ouvert la voie à une expérience forte et très riche d’enseignements pour le nouveau dépositaire du portrait royal.

Mathilde Ramond et Mélissa Georges-Martins, les restauratrices associées de cet Atelier, se décrivent très justement comme « des scientifiques dont les objets d’étude sont des objets d’art ». C’est sans surprise qu’avec leurs collaboratrices on les rencontre auprès de nombreuses collections privées et qu’on les voit collaborer auprès d’institutions privées et publiques majeures.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Captur11
site de l’Atelier du Soleil : https://www.atelier-du-soleil.fr

En faisant appel à des professionnels reconnus, la compétence va de soi, c’est comme un axiome qui ne se discute pas. Mais il y a beaucoup plus ici, car l’amour et la connaissance de la peinture vont de pair avec une grande finesse psychologique qui conduit les restauratrices à interroger et comprendre le lien très particulier qui se tisse parfois entre un collectionneur et l’œuvre qu’il confie pour la sauver. Rien n’est ici précipité, tout est scrupuleusement argumenté et pesé. Au moment de faire des choix – car il faut savoir en faire ! – une vision toujours claire des enjeux et des conséquences est partagée.

Fréquenter un tel Atelier, c’est aussi apprendre quelque chose de la complexité du métier passionnant de restaurateur, dont les premières définitions véritables sont finalement très récentes.

Pour citer Mesdames Ramond et George-Martins : « Montrer que la restauration est, à chaque étape, un choix cornélien permet de mieux se rendre compte de la démarche intellectuelle de ce métier, au-delà de la maîtrise technique et des savoir-faire ». Avec la qualité des restauratrices, l'essentiel est ici leur tact, leur prudence et aussi leur sens moral en face de l'œuvre d'art.

L’Atelier du Soleil est un lieu d’exception où l’on est en confiance et en bonne compagnie ! Sans les véritables soins que les restauratrices ont su apporter au tableau de Marie-Antoinette, il n’y aurait tout simplement pas de récit aussi complet à tenir autour de ce portrait.

Je n’avais pour ma part qu’une connaissance bien vague de ce métier d’art mais cette expérience, longue d’une année et demie, m’a fait comprendre en quoi la profession de conservateur-restaurateur est un métier exigeant et fait appel à des compétences multiples.

Le mieux est de lire ce qu’écrivent Mesdames Ramond et Georges-Martins sur le site de l’Atelier du Soleil :
« S’appuyant sur de solides formations, nous appliquons une méthodologie spécifique au métier, tout en respectant, tel un Serment d’Hippocrate, la déontologie de notre profession définie dans les textes fondamentaux (Charte de Venise 1964, ICOM 1986 texte de Copenhague, Charte E.C.C.O).
Ainsi, toutes nos interventions sont identifiables, réversibles, en totale innocuité avec les matériaux d’origine, et réalisées dans le but d’intervenir de manière minimale.
La profession est transdisciplinaire et requiert des compétences diverses et variées, comme l’histoire de l’art, les techniques artistiques, la chimie, la physique, la mécanique des matériaux et leur vieillissement… L’émulation de notre équipe de restauratrices diplômées sert au mieux notre mission auprès des œuvres confiées. »



Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Quisom10

1 avenue des Etats-Unis, Versailles



4. premières observations

Les remarques qui suivent sont directement reprises du diagnostic effectué par l’Atelier du Soleil après l’examen initial du portrait.  Elles laissent entrevoir le programme de restauration à mettre en œuvre et clarifient d’emblée les limites de toute intervention.

Retrouver le tableau tel qu’il était quand il a été peint « en 1776 » est un pari perdu d’avance, pour les raisons qui viennent d’être énoncées et qui tiennent à la transposition après 1896. Nous ne sommes pas en présence d’un tableau au parcours linéaire, qui nécessiterait simplement quelques interventions de routine pour alléger un vernis et raviver des couleurs.

En revanche, en fonction de l’état de la couche picturale, il reste envisageable de se rapprocher de cet état premier en éliminant – lorsque c’est possible – tout ce qui n’appartient pas à la préparation et à la couche d’origine. Une fois restauré dans les règles de l’art, le tableau apparaitra certes « en deçà » de ce qu’il était à sa sortie d’atelier, mais il sera « aussi proche que possible » de cet état initial à jamais perdu.

Toute appréciation ou expertise de cette œuvre doit nécessairement prendre en compte cet historique de la toile, qui lui donne aujourd’hui une matérialité spécifique et qui est comme un livre ouvert sur les vicissitudes de son parcours.

L’opération à envisager sera inévitablement longue, elle passera par des analyses scientifiques pour disposer de toutes les informations nécessaires et circonscrire précisément le champ d’intervention possible.

Mais avant de confier Marie-Antoinette aux instruments sophistiqués d’un laboratoire, que découvrent les restauratrices de l’Atelier du Soleil lors d’un premier examen, le 17 juillet 2019 ?

Le châssis est en bon état de conservation, c’est un châssis de restauration (probablement XXe) chanfreiné, à clefs avec une traverse en croix. La toile visible au revers est une toile de transposition, en lin d’armature toile et de contexture épaisse, serrée et régulière. Un type de toile qui se retrouve beaucoup au XXe siècle.

La transposition consistant – nous venons de le voir – à dissocier la peinture de son support, la toile d’origine est bien irrémédiablement perdue. Cette opération a entraîné des pertes de matière originale qui semblent concentrées sur la partie gauche du tableau, où d’épais mastics en surplomb sont très visibles.

Le format du tableau a été modifié lors de la transposition. Tous les bords sont des rajouts non endogènes à l’œuvre sur une zone de pourtour allant jusqu’à plusieurs centimètres de large. L’agrandissement a peut-être tout simplement été choisi pour des raisons de commodité, afin d’utiliser un châssis de format standard.



5. constat d’état détaillé

Un constat d’état détaillé s’impose ensuite aux restauratrices. Il doit permettre de définir le meilleur parti à prendre pour la restauration, une décision qui dépendra directement de l’état de conservation de la couche picturale originale.

Un sondage est donc effectué au niveau de l’épaule, en bas à droite du tableau, pour identifier très précisément les différentes strates de la toile.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Sondag13

Sondage sur la toile et coupe stratigraphique de l’ensemble de la transposition
(source des images : Atelier du Soleil, DR)


L’adhésif de rentoilage est une cire synthétique de couleur verdâtre. Une gaze intermédiaire (tarlatane) est visible entre le support de transposition et la couche picturale, noyée dans l’adhésif de transposition. Une préparation de couleur blanche intermédiaire entre la préparation d’origine et la gaze a été posée.

La stratigraphie originale du tableau révèle une préparation ocre rouge, épaisse et maigre, recouverte d’une impression grasse grise. Cette stratigraphie est typique des techniques du XVIIIe siècle. La couche picturale à l’huile est appliquée de manière fine, en glacis dans les tons foncés, avec des rehauts et des matières opaques dans les tons clairs. C’est une matière picturale maitrisée et de belle facture, avec de beaux modelés et des détails fins.

De multiples microbulles de préparation sont présentes sur la peinture originale, conséquence directe d’une chaleur mal contrôlée en cours de transposition. Soumise à température excessive, la préparation ramollit, des bulles se forment et remontent à la surface de la couche colorée. Certaines peuvent éclater, ce qui donne alors un aspect quelque peu granuleux à la surface. Chaque bulle représente autant de petites lacunes de matière picturale...

Une couche colorée très hétérogène révèle ensuite des campagnes successives de repeints qui nuisent à l’appréciation esthétique de l’œuvre. Une part significative de la couche originale a été perdue lors de la transposition, essentiellement sur la gauche du tableau. C’est l’origine de la première campagne de restauration, avec des repeints qui se répartissent sur l’ensemble du tableau, mais qui épargnent relativement le visage. Une seconde campagne est réalisée de manière plus circonscrite. Les repeints, en traits approximatifs, sont très discordants et débordants. La plupart se trouvent sur le vernis de restauration, ils sont récents mais difficilement rétractables.

Par ailleurs, la couche picturale a subi un nettoyage invasif qui a provoqué des usures dans les tons foncés, ainsi que des pertes de volumes et de textures. Les empâtements soulignant les rehauts clairs ont été aplanis, voire enfoncés par la pression exercée et mal maitrisée lors de la transposition.

Le vernis présent est un vernis de restauration, à base de résine naturelle. Il est épais et s’est oxydé avec le temps, ce qui donne à l’œuvre un aspect jaune qui modifie considérablement sa composition colorée.

La couche de vernis est en outre très hétérogène, avec des zones épaisses et d’autres quasi lacunaires. C’est le résultat d’une intervention de restauration plus récente.

La surface est empoussiérée mais peu encrassée.

La bonne nouvelle dans ce catalogue à problèmes, le seul critère qui vaille à vrai dire, c’est bien que la matière picturale accessible soit « maîtrisée et de belle facture » ! Elle légitime ce qui sera entrepris et promet d’être – en dépit de ce qui est définitivement perdu – une image authentique de la reine de France.


6. parti pris de restauration et cahier des charges

Esthétiquement, le tableau apparait comme une représentation de Marie-Antoinette, très influencée par un type de visage que les portraits de Madame Vigée Le Brun en 1783 (« en chemise » et « à la rose ») et 1785 (« au livre ») ont popularisé.

L’ensemble des traits n’est pas tout à fait cohérent avec la position du personnage et la bouche n’est plus alignée sur le nez. Ceci s’explique tout d’abord parce que le tableau n’a pas été remonté droit sur le châssis (!) et que la tête n’est plus alignée dans l’axe de l’ovale. Les traits ont été modifiés afin de masquer ce défaut, dû à une mauvaise manipulation de l’intervenant. Ensuite, pour des raisons esthétiques, de mode ou de référence, les traits pris pour modèle sont ceux inscrits dans la mémoire collective.

Au-delà de ce choix esthétique, la matière apportée ne respecte pas les carnations XVIIIe siècle.

Toute restauration est l’aboutissement d’une étude critique qui doit satisfaire, à la fois, à une exigence esthétique (qui rend nécessaire de réparer les accidents) et à une exigence historique (qui demande de laisser visibles les marques du temps). En cas de conflit entre les deux exigences, c’est la valeur authentique et historique de l’œuvre et non l’esthétique qui doit l’emporter. Telle est la doctrine dite « critique » établie par Cesare Brandi à Rome après la Seconde Guerre mondiale.

La restauration d’un tableau se présente donc toujours comme un cas particulier à résoudre, qu’il faut inscrire dans le respect des trois règles de la restauration moderne :
la lisibilité de l’œuvre,
la stabilité de l’intervention, et enfin
la réversibilité des matériaux utilisés.
Le cahier des charges mis en place à l’Atelier du Soleil répond à ces règles et fixe pour objectif principal des opérations la mise à jour de la peinture originale purifiée des ajouts postérieurs.

Il est donc prévu de passer les étapes suivantes :

1- dégagement du vernis de restauration (cet allègement a pour but d’amincir les couches de vernis, sans atteindre la pellicule picturale. L’opération est réalisée par étapes successives, suivant l’épaisseur et la qualité du vernis. Elle a le mérite de pouvoir être poursuivie – si on la juge insuffisante – sans dommage pour la couche picturale. Mais elle est nettement plus difficile à exécuter qu’un dévernissage total qui entraîne la suppression de toute patine et peut aussi faire disparaître sur certains tableaux le glacis final posé par le peintre là où il a voulu faire vibrer un dessous...) ;
2 - retrait des repeints et mastics débordants et discordants de manière chimique et mécanique
(opération longue et délicate car les repeints sont difficilement rétractables et la couche picturale originale est délicate) ;
3 - conservation des repeints non débordants qui peuvent être intégrés (sous réserve de surprises toujours possibles en cours d’assainissement de la couche picturale) ;
4 - refixage de la couche picturale ;
5 - masticage des zones de couche picturale lacunaire uniquement, dans l’imitation de la matière existante (les anciens mastics seront arasés afin de les mettre à niveau et de les intégrer visuellement sans qu’ils paraissent « rapportés ») ;
6 - intégration picturale des usures et des lacunes dans le strict respect de l’original (opération longue, étant donné la fragilité de la couche picturale originale) ;
7 - pose d’un vernis final d’aspect similaire à ceux du XVIIIe siècle (il s’agit d’un vernis garnissant, assez épais, homogène et brillant).

Le cahier des charges une fois arrêté, l’assainissement de la couche picturale pouvait commencer.
Il n’était pas écrit que cette opération serait pour autant sans surprises...  Eventaille

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Atelier du Soleil, 24 juillet 2019
image royale, image de charme, image en quête d’authenticité...
(source de l’image : Atelier du Soleil, DR)

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Message par Mr ventier Mar 05 Oct 2021, 08:27

Juste fabuleuse lecture. Juste une question. Le tableau est restauré ou en court de restauration ?
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Message par Mme de Sabran Mar 05 Oct 2021, 09:23

C'est fascinant, mon cher Bonnefoy, fascinant ! Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3841196894
Je découvre la technique de la transposition .

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Message par Bonnefoy du Plan Mar 05 Oct 2021, 09:28

Mr Ventier a écrit:Le tableau est restauré ou en court de restauration ?

Restauré, restauré, cher Monsieur Ventier! D'ailleurs nous tournons autour en tête de chapitre, depuis le début de la série... La semaine prochaine vous en aurez une image "smartphone"  Shocked avant le fichier qualité musée  Laughing dans le post suivant.

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Message par Bonnefoy du Plan Mar 05 Oct 2021, 09:42

Mme de Sabran a écrit:Je découvre la technique de la transposition

Vous savez, chère Eléonore, je n'ai qu'une toute petite longueur d'avance! Eventaille
J'ai trouvé des tas de choses éclairante dans des publications très savantes dont j'ai donné les références en début de fil, en réponse à une remarque de Sa Grâce.

Je dois dire que toutes ces discussions au carrefour entre art et technique et tous les enjeux qui ont été scrupuleusement abordés en cours de restauration ont été passionnants. Vous verrez la fois prochaine que nous sommes allés aussi loin que possible pour rendre justice à l'auteur du tableau et à celle qui est représentée. Les restauratrices qui ont travaillé sur ce tableau étaient passionnantes à suivre et à écouter, ce n'est pas par effet de style que j'ai parlé dans le post de sens moral en face de l'œuvre d'art. Les questions éthiques étaient en effet tout aussi primordiales que les aspects purement techniques pour avancer dans le bon sens.

Qu'est ce que le bon sens? C'est en effet la question que nous n'avons pas arrêté de nous poser... Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 355759219

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Message par La nuit, la neige Mar 05 Oct 2021, 10:07

Article très intéressant !! Nous voici désormais mieux informés au sujet de la restauration des tableaux anciens.

Merci beaucoup, cher Bonnefoy. Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 309649167
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Message par Bonnefoy du Plan Mar 05 Oct 2021, 10:28

La nuit, la neige a écrit:Nous voici désormais mieux informés au sujet de la restauration des tableaux anciens.

... et après l'exposé théorique de ce qu'il convenait d'inclure dans le cahier des charges, les surprises de la mise en œuvre la semaine prochaine! Eventaille

Merci encore de me suivre! Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3622972399

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Message par Mr de Talaru Mar 05 Oct 2021, 12:13

Merci très cher ami.
Pour ma part ayant beaucoup travaillé avec des restaurateurs du C2RMF (restaurateurs en charges des œuvres de musées Versailles Le Louvre etc) je retrouve ces moments extraordinaires où la toile nous parlait et de sa conception mais aussi de son histoire. Et Dieu sait si tous les tableaux en ont.
Comme il est important de connaître les mises en œuvre des tableaux. Supports bois et couches picturales sans parler des glacis. Et surtout l'effet de rétractabilité de la restauration pour x raisons. Sécheresse ou au contraire trop d'humidité. Mauvaise condition de conservation. Trop de lumière pas trop gênant pour les œuvres à l'huile mais peloton d'exécution pour les aquarelles, dessins, marqueterie.
Mais ce que j'appréciais le plus était le moment où, à l'allègement du vernis ou d'une couche de saleté, apparaissait la peau ou les couleurs originales qu’avait mises l'artiste. Pour un instant magique; les siècles disparaissaient et on se trouvait en communion avec l'auteur de la toile.
Merci de me faire revivre ces instants.

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Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Empty Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)

Message par Bonnefoy du Plan Jeu 07 Oct 2021, 12:44

En attendant mardi 12 octobre et le SIXIÈME CHAPITRE (7ème post) : La parole est aux Experts !  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3222732414

Une introduction un peu longuette  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3236493444  pour un chapitre aussi très long, au cœur de la série...
Alors, pour ne pas alourdir le post de la semaine prochaine, je vous la livre dès aujourd’hui pour démarrer mardi directement dans le vif du sujet.

J'y résumerai dans une première partie les principales péripéties de la restauration du tableau. Vous découvrirez notamment les images scientifiques qui ont permis de définir quels projets pouvaient être envisagés et lequel devait être retenu pour rester cohérent avec l’objectif visant à rechercher la plus grande authenticité du portrait.
Spécial dédicace Mr de Talaru!

Ensuite, vous prendrez connaissance de l’avis d’un expert, historien allemand, spécialiste de Jean-Laurent Mosnier à l’époque de sa longue émigration entre Londres, Hambourg et Saint Pétersbourg. Il s’est prononcé à distance, mais sur la base d’une image en très haute définition.

Je n’ai pas identifié d’historien pour le Mosnier des années 1770 et seuls les spécialistes de la miniature s’expriment à son sujet pour cette décennie. Or, nous avons vu qu’en 1780 ce miniaturiste très couru fait de la princesse de Lamballe un tableau qui n’a rien d’une œuvre de débutant. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce miracle… Le passage d’une technique à l’autre est bien sûr concevable, mais comment accepter sans questionnement l’idée qu’un artiste passe directement d’un modeste 5 x 7cm, où il excelle, à un format 206 x 145cm, pour lequel il livre d’emblée un chef-d’œuvre ? D’un coup d’un seul !  scratch La probabilité que le peintre se soit exercé à l’huile pour des projets de moindre envergure dans les années 1770 me semble évidente, je l'ai indiqué précédemment (et vous sembliez d'accord avec moi, chère Madame de Sabran)! Je me rends aux raisons invoquées par un spécialiste incontestable de Mosnier quand il s’exprime par rapport à ce qu’il connaît de la manière de cet artiste à l’époque où il est principalement peintre de chevalet. Mais je reste sur ma faim quand le même spécialiste avance qu’il n’y aurait rien à attendre d’une meilleure connaissance de la pratique du peintre dans les années 1770. Je pense au contraire que la question de Mosnier en tant que peintre de chevalet dans les années 1770 reste posée, elle est même au cœur de l’interrogation que nous avons avec ce tableau.

Lorsque j’ai inscrit ce chapitre parmi les brouillons en attente de publication, je savais que j’étais susceptible de revoir quelques paragraphes en fonction des images que j’attendais alors du Royal Collection Trust et d’une information que j’avais demandée en Mairie de Lamballe.

1. Je vous rappelle que la Reine (The Queen !) conserve dans ses collections un exemplaire de l'édition de luxe d'un catalogue de 1906-1908, limité à seulement 20 exemplaires, où les mille miniatures (ou presque !) de la mythique Collection Pierpont-Morgan sont toutes reproduites, certaines en couleur, en facsimile à l'aquarelle. Que celle où Mosnier cite Gautier-Dagoty en 1776 figure en noir et blanc ou en couleur dans ce prestigieux catalogue Williamson (information que je ne connaissais pas en commandant les images), je pensais qu'un fichier numérique haute définition permettrait de meilleurs agrandissements que l’image de référence sur Gallica. En effet, aller plus loin dans la comparaison entre cette miniature et notre tableau pour examiner la façon dont le visage y est traité valait la peine d’être tenté.
Les images ont bien été livrées, il y a quelques jours, comme annoncé.
Ont-elles été pour autant concluantes?   Question

2. La deuxième interrogation portait sur un « dossier » conservé en mairie de Lamballe, qui indiquerait que la commande du portrait de la princesse à Mosnier pourrait être due à la reine elle-même. C’est ce que rapporte Sarah Grant dans son ouvrage sur le mécénat culturel de la princesse (« Female Portraiture and Patronage in Marie-Antoinette’s Court – The Princesse de Lamballe », Routledge, 2019). Page 48, elle écrit : « The choice of Mosnier, official miniaturist to Marie-Antoinette from 1776 onwards, was an understandable one and anecdotally, the portrait is thought to have been commissioned by the queen ». Cette information n’est pas reprise dans le catalogue publié chez Snoeck conjointement par le Musée d’Art de Nantes et le Musée des Beaux-Arts de Rennes en 2019 sur le thème « Eloge du sentiment et de la sensibilité – Peintures françaises du XVIIIe siècle des collections de Bretagne ».  A l’évidence, si cette information était sérieusement documentée, j’y verrais bien plus qu’une simple anecdote ! Car il faudrait en déduire que la reine connaissait Mosnier non seulement comme peintre de miniatures mais aussi – et à cette époque ! – comme peintre de chevalet et qu’elle le jugeait suffisamment capable pour exécuter une commande aussi ambitieuse. Une connaissance qu’elle pourrait avoir eue – par exemple – parce que Mosnier avait eu l’occasion de la peindre elle-même, ou bien quelqu’un de son entourage (?). Même en suivant Madame Campan pour considérer que Marie-Antoinette ne comprenait rien à rien à la peinture (je vous ai dit ce qu’en j’en pensais... Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3236493444 ), on a du mal à la croire assez distraite pour commander un tableau de 2m par 1,50m à son miniaturiste. Ne croyez-vous pas ? La note à laquelle renvoie l’assertion de Sarah Grant se borne à faire référence à un « dossier » en mairie de Lamballe (« documentation for the portrait on file with the Mairie de Lamballe », note 68, page 77). Je me suis donc à nouveau mis en contact avec Lamballe où très aimablement la secrétaire des élus est allée interroger une ancienne collègue désormais en retraite qui était en fonction à l'époque de l'achat en 1978! Contre toute attente, la piste ouverte par Sarah Grant ne mène à rien, il n'y a pas de dossier constitué sur le tableau, tout au plus quelques notes éparses et rien de concluant pour appuyer l'idée d'une commande ou d'une recommandation royale.

C'est regrettable, mais il vaut mieux donc oublier cette idée pour le moment (je ne désespère pas pour autant de réussir à contacter Sarah Grant au Victoria and Albert Museum ou de le faire par l'intermédiaire de son éditeur, cela vaudrait la peine de savoir plus précisément ce à quoi elle faisait référence...).
Regrettable aussi de n'avoir pu obtenir à cette source un fichier haute définition du portrait de la princesse (différent de celui qui traîne sur Internet et devient vite flou...). Ce fichier doit pourtant bien exister si j'en juge par la netteté de l'image en couverture d'un livre à paraître chez Tallandier le 4 novembre prochain.
Au moins les crédits photographiques de cet ouvrage apporteront-ils une information précise!

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Lambal11

Arrow  La princesse de Lamballe, par Emmanuel de Valicourt (Tallandier, 4 novembre 2021)

Personnellement, cela m’intéresse et m'amuse de chercher à savoir si l’attribution à Mosnier est recevable ou non. La question est en effet posée puisque ce peintre est associé au tableau depuis plus de 150 ans! Mais cela ne change pas grand chose que le portrait soit de lui ou de Tartempion. Je ne défends pas par ailleurs ici l’idée d’un chef-d’œuvre, ce tableau n’en est pas un. Je n'écris pas non plus une notice pour un catalogue de vente aux enchères et n'ai rien à vendre. Le portrait vaut plus à mon sens par le récit qu’il tient, sur un personnage que nous nous plaisons à mieux connaître, que par le pinceau qui l’a peint. C’est d’ailleurs ce que nous verrons dans les derniers chapitres, ceux que j'ai eu le plus de plaisir à écrire.

Rappelons-nous enfin que ce tableau n’est aujourd’hui que le reflet de ce qu’il fut et qu’il faut en juger – expert ou pas – en tenant compte des péripéties qui expliquent aujourd’hui sa matérialité altérée.

Cette série ne s’appelle pas enquête par hasard. J’essaye de comprendre ce que disent les experts et les historiens d'art et je confronte toutes les informations à ma portée. C’est à ces conditions que je risque une hypothèse. Car au bout du compte, c’est bien d’une hypothèse dont il sera question.

Je la crois solidement assise, mais elle restera une interprétation car je n’ouvrirai pas de tiroir mystère pour en retirer à la dernière minute l’enveloppe avec la clé de l’énigme. CQFD  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 4099329125

A mardi !

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3622972399

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Message par Gouverneur Morris Jeu 07 Oct 2021, 17:35

Bonnefoy du Plan a écrit:Regrettable aussi de n'avoir pu obtenir à cette source un fichier haute définition du portrait de la princesse (différent de celui qui traîne sur Internet et devient vite flou...). Ce fichier doit pourtant bien exister si j'en juge par la netteté de l'image en couverture d'un livre à paraître chez Tallandier le 4 novembre prochain.

Je ne trouve moi-même que ce fichier :

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Mosnie11

Source : Portraits de la princesse de Lamballe
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Message par Bonnefoy du Plan Mar 12 Oct 2021, 00:19

SIXIÈME CHAPITRE (7ème post) : La parole est aux Experts!   Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2145836206

Je renvoie à mon post du jeudi 7 octobre pour l'introduction à ce long chapitre:
Arrow Introduction au 6ème chapitre

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Forum_17


VII – CHRONIQUE D’UNE RESTAURATION DÉLICATE ET MINUTIEUSE


1. une première surprise

Le catalogue de la vente Houssaye en 1896 fait mention pour le lot 77 d’une torsade de perles dans la chevelure et d’un collier de perles au cou. Ces deux éléments ne sont plus visibles sur le tableau que nous voyons aujourd’hui. Il évoque de même des roses au corsage, là où nous n’en voyons qu’une seule (à moins qu’un bouton où affleure un peu de rose ne soit considéré comme une seconde fleur...).

La signature n’est pas déchiffrable, pourtant elle fait partie des quatre signatures autographes données sans réserve et avec la date dans le même catalogue Drouot (voir notre 4ème article). Lors du premier examen à l’Atelier du Soleil, la signature semble usée et engluée dans la couche de vernis et la date n’est plus lisible. L’emplacement est aussi des plus inhabituels, presque au milieu du tableau, sur la droite, alors que Mosnier – quand il signe et date – inscrit généralement son nom à gauche et vers le bas (à certaines exceptions près, comme le portrait de Bailly, en 1789, ou encore celui de William Petty, comte de Shelburne, en 1791 ; dans l’un et l’autre cas, la signature est à droite, à mi-buste pour le scientifique et au-dessus du coude pour l’aristocrate). L’assainissement de la couche picturale devra établir si la signature y est présente ou si elle appartient à une autre strate du tableau.

Mais quelque chose d’ordre plus général étonne aussi, comme une sensation qu’il manquerait ici quelque chose et que le tableau ne serait pas vraiment « fini ». Pour une telle signature, qui plus est pour un portrait royal – même d’ordre privé – la toile devrait présenter une finition plus « soignée », avec notamment des glacis plus présents pour donner toute son expression au visage, ou plus de modelé à certaines parties. Ce portrait, où le visage de la reine est baigné de lumière, semble offrir la meilleure des illustrations aux propos de Madame Vigée Le Brun quand elle évoque le teint éblouissant de Marie-Antoinette dans ses Mémoires : « (...) ce qu’il y avait de plus remarquable dans son visage, c’était l’éclat de son teint. Je n’en ai jamais vu d’aussi brillant, et brillant est le mot ; car sa peau était si transparente qu’elle ne prenait point d’ombre. Aussi ne pouvais-je en rendre l’effet à mon gré : les couleurs me manquaient pour peindre cette fraîcheur, ces tons si fins qui n’appartenaient qu’à cette charmante figure et que je n’ai retrouvés chez aucune autre femme. »

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 20_ale10

Le portrait en cours de restauration : dégagement du vernis, retrait des repeints et mastics
Atelier du Soleil, Versailles, le 31 août 2019
(source de l’image : Atelier du Soleil, DR)

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 30_20110

détail du tableau en cours de restauration : présence d’une figure de fillette dans la couche picturale
Atelier du Soleil, Versailles, novembre et décembre 2019
(source des images : Atelier du Soleil, DR)

De plus près, aux Infrarouge:

Plus qu’un défaut d’exécution ou une faiblesse chez le peintre, sans doute faut-il évoquer une fois encore – sans pour autant pouvoir les mesurer – les conséquences probables d’une transposition mal maîtrisée. Hélas, nous ne disposerons probablement jamais d’éléments visuels pour juger ce qui distingue le tableau que nous voyons aujourd’hui de celui qu’Arsène Houssaye pouvait regarder il y a cent cinquante ans.

Avant de soumettre la toile aux analyses scientifiques, les vernis de restauration et les repeints débordants ont été dégagés conformément au cahier des charges. Une surprise des plus curieuses attendait alors les restauratrices : la présence sur la couche d’origine d’une petite tête d’enfant, en bas à gauche, parfaitement étrangère au portrait. Si ce petit sujet préexistait à l’image de la reine, fallait-il en déduire que le support d’origine était par conséquent une toile de réemploi ?

Le reste de la composition recouvrait-il aussi d’autres éléments qui appartiendraient à cette première utilisation de la toile, à un tableau sous le tableau ?

Retrouverait-on également la trace formelle des perles aujourd’hui disparues, qu’un simple examen en lumière rasante permettait déjà de deviner ?



2. les révélations de l’imagerie scientifique : fluorescence d’UV et réflectographie IR

Seules les analyses pouvaient mettre à jour ce que cachait – peut-être – le portrait et reconstituer sa genèse.

Pour une toile rapportée, le recours aux rayons X perdait de sa pertinence. Aussi, seuls des examens de fluorescence d’ultraviolets (UV) et de réflectographie infrarouge (IR) ont-ils été effectués auprès d’un laboratoire spécialisé dans l’étude des œuvres d’art, équipé des instruments d’imagerie et d’analyses de dernière génération.

La fluorescence d’ultraviolets permet de voir l’état de surface, d’examiner le vernis, de retracer les différentes étapes de la construction et de localiser les restaurations. La réflectographie infrarouge renseigne sur les dessins sous-jacents, les repentirs, les manques et les retouches, les inscriptions et signatures. Ces deux examens conjugués ont permis de répondre à des points de questionnement et de confirmer certaines hypothèses.

Tout d’abord – et de façon vraiment inattendue – nous sommes bien en présence d’une toile de réemploi ! La petite intruse au regard fixe et obsédant (qui semble nous dire avec aplomb : « vous ne saurez rien !») est toutefois le seul détail étranger au portrait de la reine. L’imagerie ne révèle en effet aucune anomalie sous-jacente pour les autres parties de la toile. Détail important : la stratigraphie de ce petit personnage est équivalente à la composition originale du portrait de Marie-Antoinette. Ceci implique nécessairement deux stratigraphies successives, peu espacées dans le temps. On peut en déduire qu’à peine le projet d’un premier tableau abandonné, alors que seule une toute petite partie de la surface avait été utilisée, cette toile est alors employée pour un autre projet. Les matériaux coûtent cher et puisque la toile était prête à servir...

En observant par ailleurs l’usure importante inhérente à la transposition sur le côté senestre du portrait, il est possible que cette partie ait également été affaiblie par un autre dégât, du type brûlure, humidité, attaque bactérienne et /ou mycologique.

L’imagerie scientifique permet en outre de visualiser très clairement la trace de l’agrandissement de l’image pour que le tableau corresponde au nouveau châssis. Les bords rajoutés sont par ailleurs de même niveau stratigraphique que les détails qui ont modifié l’iconographie au niveau du voile, des perles et des traits physiques de Marie-Antoinette. Toutes ces modifications du portrait initial ont ainsi eu lieu dans une même temporalité ou à des moments très proches.  

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 40_dsc10

Laboratoire Artanalysis, 9 janvier 2020
ci-dessous : réflectographie IR (à gauche) et image sous fluorescence d’UV (à droite)
les analyses laissent bien apparaître les traces d’un collier de perles et d’un rang de perles dans les cheveux
Laboratoire Artanalysis, Paris, 9 janvier 2020
(source des images : Artanalysis, DR)
Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 50_inf10

De plus près, analyse Infrarouge:

De plus près, analyse UV:


Il y a bien eu un collier et des perles dans les cheveux, les détails en sont particulièrement visibles sous Infrarouge. Mais ces perles ont été retirées et les traces de leur emplacement camouflées pour homogénéiser la surface. Quelles ont pu être ici les raisons du restaurateur ? Était-il en présence d’une détérioration irréversible de la matière picturale ? A-t-il au contraire répondu à une considération esthétique ou de goût ? Conformément à la déontologie en matière de restauration, il a été décidé de ne pas rétablir ces perles.

La signature n’est pas authentique, elle est emprise dans le vernis, c’est la confirmation de l’observation faite à l’œil nu. Aucune autre présence de signature n’a été détectée, ni de date. Pas de conclusion hâtive pour autant, tous les tableaux ne sont pas signés. Par ailleurs, la spéculation sur le nom du peintre n’entrant pour rien dans le projet, l’information n’est pas vécue comme un drame car c’est le patrimoine visuel autour du personnage de Marie-Antoinette qui prime ici et justifie tout l’exercice.

Que penser maintenant de l’apparente désinvolture du peintre qui fait le choix d’une toile déjà utilisée pour peindre... la reine de France ?

Parmi les hypothèses à envisager, il est possible que le tableau soit un travail d’atelier : étude préalable ou image concomitante à un portrait définitif. La présence d’une toile de réemploi pourrait alors plus facilement se justifier, de même que l’aspect non parfaitement achevé – que nous avons relevé plus tôt – dans la composition, le rendu de la carnation ou encore la coiffure.

Il est aussi possible que ce tableau ait été laissé à l’état d’ébauche, avant d’être ensuite repris et modifié à une date ultérieure, par un suiveur de Mosnier ou un restaurateur averti à ce style. La signature aurait alors été imitée à ce moment-là et ajoutée pour en « faire un Mosnier » ...

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Signat10

la signature apocryphe, devenue illisible
prisonnière du vernis dans lequel elle a été rajoutée
(source de l’image : Bukowskis, Stockholm)



3. un projet de restauration conforté, qui va de l’avant en 2020

Sans apporter de réponses toutes faites, les images scientifiques ont alimenté utilement les questionnements d’ordre esthétique, historique et déontologique posés par le portrait.

Sur un point essentiel, leur contribution a été capitale : les examens ont en effet répondu aux interrogations sur l’intégrité de la couche picturale d’origine. Certes fragile, celle-ci reste de belle qualité pour toutes les parties essentielles du tableau, c'est presque providentiel !

Ce constat justifie le bien-fondé du projet de restauration entrepris pour retrouver – autant que faire se peut – l’aspect original de l’œuvre. C’est le parti de l’authenticité qui est ainsi confirmé, aux dépens du portrait mis en vente en juin 2019, dont l’image – séduisante, certes, mais largement arrangée – ne présentait qu’un intérêt secondaire pour l’iconographie de Marie-Antoinette.

Le travail des restauratrices peut alors se poursuivre tout au long de l’année 2020, en observant à chaque étape les temps de pause nécessaires à la consolidation de leurs interventions successives.

En mars 2021, la restauration du tableau s’achève ! Le portrait restitué dévoile bien une œuvre différente de ce qu’elle était à son arrivée à l’Atelier du Soleil : l’ensemble est nettement plus raffiné après restauration, il est aussi bien plus fort. La reine y apparaît plus présente, le visage est plus plein et le sourire plus expressif.
Certains visiteurs de l’Atelier semblent aussi la trouver moins séduisante...

Le cadre en bois doré de la vente était une reprise XIXe d’un modèle caractéristique de style Louis XVI, avec rais-de-cœur et ruban de perles enroulées autour de l’ovale.

Un cadre du XVIIIe siècle lui a été substitué, en chêne sculpté et doré, avec une belle patine et le même répertoire ornemental. Sculptées individuellement, les perles présentent de menues irrégularités qui donnent du charme et confèrent plus de dynamisme à la bordure. Ici et là, quelques manques laissent apparaître l’assiette et le nouveau cadre est lui aussi restauré dans les règles de l’art.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 6_fzov12

à gauche : 6 février 2020
le parti est pris de restituer le tableau au plus près de l’original
en conservant les traits du visage tels qu’ils ont été révélés par les analyses scientifiques ;
le trait rouge visualise les dimensions d’origine du portrait, avant son agrandissement suite à la transposition ;
un cadre sculpté du XVIIIe a été identifié, il doit également être restauré
à droite : 2 mars 2021
la restauration du tableau est terminée, en voici la version « Smartphone »...
il ne manque plus que l’intervention du photographe professionnel pour la prise de vue « qualité musée »
(source des images : DR)

De plus près, tableau restauré, en attendant l'image HD:



4. Mosnier, ou pas Mosnier : parole d’expert

Une fois la restauration achevée, l’image haute définition du portrait a été soumise à un expert, spécialiste de Jean-Laurent Mosnier, qui fait autorité pour la période d’exil du peintre.

Cet expert réside en Allemagne, il est historien d’art et professeur d’université. Gerrit Walczak est également rédacteur en chef du « Zeitschrift für Kunstgeschichte », trimestriel de référence dans le domaine artistique outre-Rhin. Il a écrit plusieurs articles de fond sur Jean-Laurent Mosnier, notamment les séjours du peintre à Londres (« Jean-Laurent Mosnier in der Londoner Emigration », 2006) et à Hambourg (« Jean-Laurent Mosnier in Hamburg », 2002), les deux premières étapes d’un exil qui conduit ensuite Mosnier à Saint-Pétersbourg. C’est dans cette dernière ville qu’il meurt en 1808, au fait de la gloire, auréolé de ses titres de professeur à l’Académie des Beaux-Arts et de premier peintre de la Cour impériale.

En 2019, Gerrit Walczak revient à Mosnier dans un épais volume intitulé « Artistische Wanderer » (« Artistes en errance » ; Deutscher Kunstverlag) où il suit les pérégrinations des artistes français émigrés pendant la Révolution. Avec Danloux, Mosnier y tient une place prépondérante parmi les peintres qui parcourent l’Europe après 1789. Précédemment, Walczak avait signé en 2004 un essai sur Madame Vigée Le Brun, toujours sur la période d’émigration de l’artiste, entre 1789 et 1802.

Toute cette littérature est en allemand, bien sûr, sans projet connu de traduction française.

Le Professeur Walczak s’est aimablement prêté à une expertise à distance et sur écran. En s’excusant pour son « manque d’enthousiasme », il a immédiatement répondu que le tableau n’avait – selon lui – « rien à voir avec Mosnier » (« I do not think it has anything to do with Mosnier »).

Il a motivé son avis en insistant sur la technique éprouvée du peintre et le panache dont il fait preuve pour certains détails très caractéristiques, comme la douceur des carnations ou le rendu des étoffes. Mosnier peint les tissus en véritable virtuose, il est sans rival pour les plissés et les effets de lumière sur la soie, le satin ou le velours. Les fichus à moitié transparents, qui reviennent de façon récurrente dans ses portraits de femmes, sont comme une signature et aussi la meilleure démonstration de sa manière et de son savoir-faire. Quand bien même le voile porté par Marie-Antoinette n’est pas précisément un fichu, le rendu qu’on peut observer sur cette étoffe n’a rien de commun avec celui des portraits autographes de Mosnier.  

Gerrit Walczak conclut en écrivant, que « en comparaison de ces œuvres où l'étalage de maîtrise technique devient presque fastidieux, votre portrait est plutôt sommaire, plat et terne » (« Compared to these works with their almost tiresome display of technical mastery, your portrait looks rather pedestrian, flat and dull”).

« Sommaire » est une traduction des plus neutres pour l’adjectif « pedestrian », dont l’usage – vous aviez compris ! – équivaut à un rejet formel...

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Elisab10

Jean-Laurent Mosnier (1743-1808), ou l’art du fichu...
1. Elisabeth Hudtwalcker, huile sur toile, 1798 ? (69,0x57,5cm), Hambourg, Kunsthalle
2. portrait d’une jeune femme, huile sur toile, v. 1790 (65,1x54,3cm), Hambourg, Kunsthalle
3. la marquise de Grécourt, née de La Fresnaye, huile sur toile, 1790 (72,7x58,7cm), vente publique 8 déc. 2005
4. Lady Caroline Mackenzie, comtesse de Melfort, huile sur toile, 1787, collection Lord Berkeley of Knighton
(source des images : 1 et 2 : Kunsthalle Hambourg ; 3 : Galerie Smaragdine www.smaragine.fr ; 4 : DR)
Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 7-lady10


Cette expertise rapide s’est donc effectuée hors présence du tableau mais l’image était de grande qualité et l’avis du professeur n’aurait sans doute pas été très différent face au portrait. Les vicissitudes liées à la transposition du tableau ont pu en altérer la qualité mais les dégradations subies ont sans doute une moindre incidence (?) pour les points sur lesquels Gerrit Walczak a mis l’accent, à savoir le style propre du peintre, sa façon d’appliquer la peinture sur la toile et de traiter les matières.

Une autre remarque a concerné le côté indéfinissable de la robe portée par Marie-Antoinette. Cette observation est très juste, mais nous savons que cette robe est le fait du restaurateur. Pour peindre les bords du portrait agrandi, il a inventé quelque chose qui ne ressemble effectivement à rien. L’auteur du portrait original ne saurait en être blâmé, cette partie de la toile n’existait tout simplement pas.

Sans chercher à contredire l’expert, j’observe sur diverses toiles de Mosnier que la trace de son pinceau peut aussi rester très visible et qu’il ne donne pas systématiquement un aspect léché à l’excès à tous ses portraits. Je pense par exemple à la cravate de Bailly ou à celle de William Petty, ou même – chez les dames – au voile et à la robe de Margaret Callander dans le grand portrait en pied où Mosnier la représente avec son fis James Kearney...  Ce dernier tableau date de 1795, période de son exil londonien pendant lequel Mosnier cherche aussi à adapter sa manière au goût anglais, qui veut précisément qu’un tableau ne paraisse pas trop apprêté. Et pourtant, ses efforts restent insuffisants aux yeux de certains critiques... Voici par exemple ce qu’écrit John Williams au sujet de ce tableau mère-fils : « Il s'agit d'un effort des plus élaborés mais sans aucune trace de goût : cet artiste a prêté l’attention la plus rigoureuse à la gestion de bagatelles, ce qui est la caractéristique de l'Ecole française pendant la plus grande partie de ce siècle. (...) Les attitudes sont presque aussi raides et disgracieuses que l'ingéniosité perverse des hommes peut les concevoir. Qu'il est pitoyable que tant de travail soit gaspillé pour des points si inopérants ! Pourtant il est possible que le tableau plaise au vulgaire, dans la mesure où il est absurdement construit. M. Mosnier est fautif, mais avec correction. » (A critical Guide to the Exhibition of the Royal Academy, for 1796).

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 21044910

Jean-Laurent Mosnier (1743-1808)
Margaret Callander et son fils James Kearney, huile sur toile, 1795, (253x168cm)
Yale Center for British Art, New Haven, Connecticut
(source de l’image : Google Art Project)

De plus près...:

A son arrivée à Londres, un autre critique avait déjà exprimé sa réserve devant la manière trop policée du peintre français : « Monsieur Mosnier possède des talents extraordinaires dans un style de peinture particulier. Un style très inférieur à celui de la peinture de portrait dans ce pays. (...) Ce portrait se caractérise par un très haut degré de finition et un aspect doucereux incompatible pour traduire l'expression et l'esprit. Le portrait doit être une ressemblance. » (St James Chronicle, 12-14 Mai 1791). La différence fondamentale entre les deux écoles de peinture trouve son meilleur observateur dans les propos de Reynolds lui-même, en 1788 : « Un portrait consiste plus à exprimer l'effet général d’une physionomie qu'à en proposer les traits minutieusement reproduits ou tout autre détail spécifique. » (Joshua Reynolds, Discourses of Art, Discourse XIV).

Pour la période à laquelle correspond le portrait de Marie-Antoinette, de 1776 à 1781 pour faire consensuel, nous manquons de points de comparaison pour observer Mosnier en sa qualité de peintre de chevalet. Son plus ancien portrait à l’huile connu date de 1779, le deuxième étant celui de la princesse de Lamballe l’année suivante, nous l’avons écrit précédemment. Gerrit Walczak estime qu’une meilleure connaissance des premières années de Mosnier comme peintre sur toile ne contribuerait pas utilement à l’étude du portrait de la reine. Cette remarque est pour le moins inattendue. Il suffit en effet d’avoir parcouru quelques rétrospectives de peintres pour observer une évolution assez fréquente dans la technique et le style d’un artiste pendant sa carrière. Il est peut-être expéditif, faute d’informations disponibles, de conclure que Mosnier aurait – presque par définition – toujours peint de la même manière. Rappelons qu’à l’époque où le portrait de Marie-Antoinette est sensé avoir été réalisé, Mosnier est avant tout miniaturiste et il reste encore inconnu dans l’art du portrait à l’huile. S’il peint la reine ces années-là pour en faire un portrait sur toile, il n’est pas interdit de penser qu’il n’a pas encore atteint la maîtrise que donne une pratique régulière.


Plus le tableau aurait été peint à une date proche de 1775 et plus l’interrogation qui porte sur l’évolution éventuelle du style de Mosnier garde de sa pertinence.

Peut-être Mosnier peignait-il sur toile en 1775 comme il le fera en Russie ?
Ou pas...
Peut-être la connaissance de ses jeunes années conduirait-elle alors à des conclusions identiques ?
Ou non...

Dans tous les cas, l’illustration de ses premiers portraits sur toile apporterait des éléments d’appréciation qui font défaut dans cette expertise. Ces interrogations trouveront peut-être un jour réponse ! Pour l’heure elles n’empêchent pas de reconnaître que la balance penche dans le sens indiqué par Gerrit Walczak dont la compétence n’est évidemment pas en question.

Mais avant de pouvoir réfuter définitivement une attribution à Mosnier, il faudrait – au moins – que l’expert puisse examiner le tableau pour apprécier ce qu’il a pu perdre en qualité après le transfert.



5. En attendant ...

En attendant ...

... il existe des correspondances assez frappantes entre le tableau et la miniature signée de Mosnier en 1776 qui fut vendue en 1935 avec le reste de la Collection Pierpont Morgan. Rappelons que Mosnier l’a peinte en suivant le modèle donné par Gautier-Dagoty dans son grand portrait en pied, après la (les) séance(s) de pose que la reine lui a accordée(s) à l’été 1775.

Les visages ne regardent pas du même côté et leur inclinaison n’est pas tout à fait identique, mais en retournant les fichiers, au-delà des différences d’échelle entre les deux images et de support (donc de technique), la manipulation permet de distinguer une proximité réelle entre les deux figures. C’est vrai pour la morphologie générale, ça l’est encore plus pour l’expression que dégagent les deux visages, au point que les images se superposent parfaitement l’une sur l’autre.

Cette proximité est d’autant plus étonnante à constater que le rapport d’échelle entre les deux va de 1 à 15
(82mm contre 12cm) !

La miniature représentant Marie-Antoinette et signée « Mosnier 1776 » est reproduite dans le catalogue de la Collection Pierpont-Morgan par G. C. Williamson, dont la reine Elizabeth II possède un des vingt exemplaires de l’édition la plus prestigieuse sur vélin (quatre volumes, 1906-1908). Près de 1 000 miniatures y sont photographiées en noir et blanc, une grande partie est en outre reproduite en couleur à l’aquarelle en facsimile. Des quatre miniatures de Marie-Antoinette dans cette collection, seule celle de Mosnier n’est pas donnée en couleurs et la photographie qui vient d’être faite à ma demande de la page où elle est reproduite ne répond qu'incomplètement aux attentes.

En effet, les fichiers du Royal Collection Trust ne proposent pas une image de qualité très supérieure à celle de Gallica. Il est d’ailleurs évident que la source des deux images est identique. Le catalogue de Vinck le laissait entendre à la lecture de la notice N° 5623, voici un fait désormais vérifié ! Même de piètre définition, l’image Gallica offrait le tirage d’une photographie de la miniature elle-même, alors que la nouvelle prise de vue des collections royales anglaises n’est qu’une image de cette même photographie. La reproduction inédite du Catalogue de G.C. Williamson ne permet pas même de lire distinctement la signature « Mosnier 1776 », confirmée pourtant dans la notice mais vraiment visible dans la seule version sépia de Gallica.  

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 10498810

Jean-Laurent Mosnier (1743-1808)
miniature sur ivoire, 1776 (6,4x4,8cm), vente Christie’s Londres (Collection Pierpont-Morgan), 24-27 juin 1935 lot #615, localisation actuelle inconnue (Vinck n° 5623)
reproduction dans le Catalogue de G.C. Williamson dans son édition de luxe sur vélin, (1906-1908, 4 volumes)
n° 523 du catalogue, Volume III, page 151
(source de l’image : Royal Collection Trust, Her Majesty Queen Elizabeth II, DR)


De plus près...:


La nouvelle image illustre tout de même un détail d’importance : la miniature est orientée dans le sens opposé à celui de l’image du fonds Gallica. D’ailleurs, la notice 5623 du Catalogue de Vinck indique clairement que la photographie reproduit en effet l’original « en sens inverse » ! Curieuse inversion, dont il n'existe pas d'autre exemple dans les archives photographiques de la Collection de Vinck... Même en cas d’erreur initiale de tirage à Londres, le sens pouvait facilement être rétabli en inversant à nouveau le tirage de la planche faite par la BNF (?). A plus forte raison si le baron était conscient de l’erreur, comme il apparaît bien que c’était le cas à la lecture de la notice...

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Vinck_20

Page 440 du Tome III de la Collection De Vinck, Bibliothèque Nationale, 1921
l’inversion du sens de l’image y est clairement mentionnée...

Autre bizarrerie, dans le Catalogue Williamson cette fois, la signature est annoncée en bas à droite alors qu’elle se trouve en réalité en bas à gauche. C’est à cette seule condition que l’on peut déchiffrer – avec difficulté – « Mosnier 1776 ».

Bien que décevant, le nouveau fichier soutient tout de même mieux les agrandissements mais l’image, réalisée à partir de la surface granuleuse d’un beau vélin, manque très vite de définition et semble tout aussi ancienne que celle de 1908 ! Difficile dans ces conditions d’affirmer sans réserve qu’il existerait une parenté entre le tableau et la miniature, encore moins de soutenir que les deux pourraient être de la même main. Retenons simplement les points de convergence que chacun peut observer. Ils sont suffisamment frappants pour être relevés, d’autant plus que miniature et tableau regardent en réalité dans la même direction. Différents par l’échelle et le support, les deux semblent partir d’une source d’inspiration proche, peut-être commune...

Impossible d’en dire plus cependant et seul l’accès à la miniature elle-même pourrait – un jour peut-être – confirmer l’intuition initiale ou au contraire la faire tomber.

Sans attendre cet hypothétique dénouement, je vous propose de considérer les rapprochements entre le tableau et l’image Gallica d’une part, puis le tableau et l’image des collections royales de l’autre. Serons-nous nombreux à déceler des similitudes entre ces deux visages ? Ou bien ai-je tant regardé ces images que j’en ai désormais une perception totalement brouillée ?

Rapprochement sur la base de l'image Gallica:

Rapprochement sur la base de la nouvelle image du Royal Collection Trust:

Une parenté avérée entre les deux conduirait à des réflexions plus qu’intéressantes sur la piste de Mosnier. Elle permettrait en effet d'instruire l’hypothèse d’une source commune aux deux images. Faudrait-il considérer pour autant qu’un peintre de chevalet serait allé chercher son modèle chez le miniaturiste pour peindre le visage "en grand" ? Ne faudrait-il pas plutôt imaginer le peintre et le miniaturiste partir d'une même esquisse et travailler chacun selon sa pratique ? Mais que penser alors de la manière presque identique des « deux artistes » de rendre les traits et l’expression du visage ? N’aurait-on pas alors plutôt à faire à un artiste polyvalent, capable de peindre sur deux supports différents qu'il maîtriserait d'égale manière (déduction tentante dans le cas de Mosnier, aussi habile dans une technique que dans l'autre...) ? Les hypothèses pourraient ainsi se multiplier, elles se recouperaient cependant autour de l’idée d’une parenté plus que probable entre les deux œuvres.

En d'autres termes, l’attribution à Mosnier serait toujours impossible à attester, mais il serait plus que probable que le portrait de notre enquête se rattache d’une manière ou d’une autre à cette belle miniature que ce peintre a véritablement signée en 1776. Qu’il soit de lui ou d’une autre main très capable, le tableau y gagnerait en intérêt sur le plan iconographique, puisque les traits reproduits seraient alors bien ceux que Mosnier a pu observer lors de sa ou ses séance(s) de pose chez la reine l’année précédente.



Et puis ...

... il y a aussi les roses ! Celles du tableau de la Surintendante de Marie-Antoinette, à l’Hôtel de Ville de Lamballe, sont des roses anciennes de variété rosa centifolia (rose à cent feuilles), tout comme la fleur accrochée au corsage de la reine, qui est peut-être même une centifolia bullata (à cent feuilles de laitue... Laughing ). Dans la pénombre, sur la droite de la toile, ou à la lumière dans le vase, les roses de Lamballe sont peintes dans un style étonnamment proche de celui du portrait de Marie-Antoinette.

Madame Vigée Le Brun et Wertmüller ont choisi la même variété – ou une très proche – pour leurs portraits de la reine. Les monographies de portraitistes comme Vestier, Roslin, Boze, Vigée Le Brun, Labille-Guiard, Wertmüller, Ducreux et quelques autres, attestent de la popularité de ces roses anciennes superbes, parfois aussi opulentes et généreuses qu’une pivoine. Tous ces artistes sont loin d’en donner pour autant la même traduction picturale ou d’accorder au détail des fleurs un soin identique. Plus ou moins travaillées et stylisées par des portraitistes qui ne sont pas des peintres en nature morte, les roses ne valent pas toujours par elles-mêmes en tant que morceau de peinture.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 La_ros11

en haut, détail de la rose accrochée au corsage de la reine
en bas, à gauche, Rosa centifolia, aquarelle de Joseph Redouté (Les Roses, parues entre 1817 et 1824).
à droite, détails de roses sur le tableau de la princesse de Lamballe,
montrant un traitement de la fleur très proche de celui observable sur le portrait de Marie-Antoinette
(qualité d'image hélas très médiocre; j'invite à aller sur place, notamment pour voir de plus près les fleurs dans la pénombre sur la droite du tableau que la qualité d'image disponible trop médiocre ne permet pas de reproduire ici...)
(source des images : Artanalysis, DR ; bibliothèque de l’image ; Mairie de Lamballe, DR)


A Lamballe, Mosnier utilise le pinceau de manière très caractéristique pour former la fleur et suggérer par des touches concentriques successives le grand nombre de pétales imbriqués qui composent la variété centifolia.   Le cœur de la fleur est d’un rose très vif alors que les pétales se terminent par une touche plus pale bien distincte. C’est un traitement similaire que l’on peut observer avec la fleur ronde et globuleuse sur le tableau qui représente Marie-Antoinette. La proximité de de ces roses est suffisamment saisissante pour être au moins relevée.

De tels constats autour d'une allure générale partagée et des roses presque identiques restent sans doute insuffisants pour dicter à eux seuls la conclusion. Mais ces intuitions, nées d'une observation très attentive, s’appuient sur des indices matériels véritables et précis qui soufflent l’idée qu’il n’est pas totalement absurde de continuer à se poser ici la question de Mosnier.

Et si Mosnier n’entrait finalement pour rien dans le tableau, comme l’expert nous invite à le penser, il faut tout de même reconnaître que l’artiste qui peint le portrait donne du visage de Marie-Antoinette une interprétation vraiment proche de la sienne et que ses pinceaux trouvent aux roses exactement le même genre de beauté...

Tout bien considéré, si Mosnier n’a rien à voir avec ce portrait, c’est alors plutôt bien observé pour le collectionneur peu scrupuleux et/ou le faussaire d’être allé s'inventer une signature chez cet artiste !

Et d’avoir qui plus est ajouté 1776, l’année-même où Jean-Laurent Mosnier prend – tout le monde est ici d’accord – le titre de « peintre de la reine » ...

Bien observé et malin!  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 309649167

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3622972399

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Message par Mme de Sabran Mar 12 Oct 2021, 10:57

Nous sommes suspendus à votre clavier, cher Bonnefoy.  Saperlotte !  Le mystère s'épaissit avec la disparition des perles.    L'apparition de la frimousse enfantine est un nouveau coup de théâtre.  Cette enfant ne pouvait s'ennuyer ainsi, toute seulâbre, en bas à gauche du tableau. II y a probablement d'autres personnages autour d'elle.
Je trouve comme vous très singulier de "recycler " une vieille toile pour fraîchement peindre un portrait de la reine de France. Shocked  limite peu respectueux. Cela semble pourtant être le cas. scratch  Le petit visage ne se sera montré furtivement que pour vous signifier cette incongruité, avant de re-disparaître dans les limbes de l'oubli.

Mosnier ou pas Mosnier ?  Nous voici dans l'attente anxieuse ( Wink  ) de votre verdict, car je ne doute pas que, le 2 novembre, vous nous mettriez les points sur les i. J'opte pour Mosnier car sinon vous seriez sans doute un peu déçu ...

En attendant, avec un grand merci pour ce nouveau chapitre, voici quelques roses que vous reconnaîtrez pour être celles du portrait et que j'incline à croire des Pierre de Ronsard.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Pierre10

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Message par Marie-Jeanne Mer 13 Oct 2021, 14:27

Malgré la robe jugée « indéfinissable » par l'expert, on retrouve plusieurs codes vestimentaires du grand portrait de Gautier-Dagoty sur le tableau présumé de Mosnier : le bleu, le bouillon de gaze rayée habillant le décolleté, et les perles dans les cheveux disparues par la suite. Et également la rose posée sur le coussin.

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Message par Bonnefoy du Plan Sam 16 Oct 2021, 19:38

Mme de Sabran a écrit:Mosnier ou pas Mosnier ?  Nous voici dans l'attente anxieuse  Wink  de votre verdict, car je ne doute pas que, le 2 novembre, vous nous mettriez les points sur les i. J'opte pour Mosnier car sinon vous seriez sans doute un peu déçu

A vrai dire, je ne reviendrai plus sur Mosnier et je n’ai pas d’autre élément de dernière minute à produire. J’ai enregistré l’avis de l’expert, je le conserve comme tel. Mais je continue à poser la question de Mosnier peintre de chevalet dans les années 1770, espérant qu’un jour les connaissances progressent sur le sujet.  Mon sentiment personnel reste celui d’un très fort « cousinage » entre le portrait et la miniature et je reste troublé par certains détails, parmi lesquels le traitement des roses. Cela ne suffit pas pour autant à jouer les experts à mon tour.
Introduire un doute motivé par certains faits objectifs me suffit, vous vous souviendrez d’un certain portrait d’archiduchesse et d’une autre série à laquelle il avait donné lieu...

Il y aurait bien encore deux pistes complémentaires à considérer pour qui voudrait s’acharner.  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 62600062

Les archives d’Arsène Houssaye conservent peut-être les factures de ses achats de tableaux, de même que des indications précieuses sur leur provenance. Elles permettraient alors peut-être de remonter jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, à une époque où le souvenir des origines du portrait pouvait encore s’être transmis de bouche à oreille au sein d’une même famille. Rappelons qu’à l’époque de Houssaye, la signature était suffisamment claire et distincte pour être relevée en l’état par Drouot dans le catalogue de vente. Une des quatre seules signatures pour un tableau dans cette collection ! Était-ce déjà la même que celle de 2019, avant qu’une dégradation progressive à l’intérieur de la couche de vernis ne la rende illisible ? En était-ce une autre, peut-être authentique celle-là, probablement positionnée à un autre emplacement du tableau, et dans ce cas plutôt en bas à gauche, là où les arrachements de la matière picturale ont été les plus conséquents ? Ou peut-être encore n’y a-t-il jamais eu de signature si le portrait est une esquisse ou une version à l’état de projet et non le tableau peint pour la reine elle-même (ce qui expliquerait aussi l’utilisation d’une toile de réemploi) ?

La deuxième piste concerne les notes manuscrites d’Albert Vuaflart et Henri Bourin conservées à l’INHA dans le Fonds Doucet, en préparation aux volumes 3 à 5 de leur étude. Les deux auteurs écrivent moins de quinze ans après la vente de 1896, mais il n’est pas certain qu’ils aient pu voir la toile chez Houssaye ou à l’Hôtel Drouot, ou même que l’iconographie de Marie-Antoinette les intéressait déjà à l’époque de la vente (Vuaflart est né en 1871, Bourin en 1873). En introduction à leur premier volume sur les portraits de l’archiduchesse, publié en 1909, ils indiquent en effet avoir consacré trois années à leur étude. Ils n’y auraient donc travaillé qu’à partir des années 1905-1906. Leur fonds documentaire reprenait exclusivement des images issues des archives photographiques réunies par le baron de Vinck, aujourd’hui disponibles sur Gallica : « toutes les images photographiques que nous mettrons sous les yeux du lecteur, toutes celles même qui nous ont servi au cours de notre travail, font partie de sa Collection et lui resteront annexées au Cabinet des Estampes » (introduction au volume « Les portraits de Marie-Antoinette, l’archiduchesse », page XIV). Le tableau de la Collection Houssaye ne figure pas dans ce fonds, il serait donc improbable qu’ils l’aient commenté et cette piste n’est sans doute pas vraiment pertinente. En effet, au Tome III de La Collection de Vinck (« La Législative et la Convention »), la consultation de la liste complète des « Portraits originaux de Marie-Antoinette » (Chapitre XIV, numéros 5523 à 5747) ne permet pas non plus d’identifier un seul portrait qui figurerait dans la liste sans pour autant avoir été photographié.
Reste cependant à lire ce que les deux érudits ont pu écrire sur Mosnier et sa production de portraits pour Marie-Antoinette quand ils ont commenté les miniatures de 1775 et 1776. A quoi on pourrait rajouter d'éventuelles notes en bas de page chez Marguerite Jallut (version 1936), elle qui parle de Mosnier comme "un des miniaturistes souvent choisis". Un jour peut-être...

Pour paraphraser Marie-Antoinette au sujet des peintres « les experts me tuent et désespèrent » ...  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2145836206

J’avais compté sur le regard d’un universitaire américain que j’apprécie beaucoup et qui a fait sa thèse de doctorat sur « Marie-Antoinette et ses portraits » en 2000. Boursier en France, il avait alors bénéficié de portes grandes ouvertes à Versailles, y compris pour l’accès à la thèse de Marguerite Jallut (dont la Conservation détient bien évidemment une copie...). Cet expert m’a simplement fait part de ses doutes quant à l’identité du personnage représenté. Il ne voyait apparemment pas de front suffisamment bombé, de nez assez crochu ou de lèvre correctement tombante pour y reconnaître la reine... Je voulais parler Mosnier, il cherchait Boze!
Je fais comme Madame Campan, je ne cite pas le nom de ce « misérable »  cyclops auquel je garde par ailleurs toute mon estime tant son travail (inconnu en France) est rigoureux et remarquable. J’espère d’ailleurs y revenir un jour sur ce Forum.

Je passe aussi sur une autre attribution, à Ducreux cette fois, sur la page Facebook d’un auteur qui fait référence dès lors qu’il est question de Marie-Antoinette en vente publique. Cet autre expert présente le tableau (dans sa version non restaurée, barbouillée de repeints et de vernis jaunis) comme « Un des plus beaux portraits de Marie-Antoinette (attribué à Ducreux) ». C’est plutôt mieux que le portrait « sommaire, plat et terne » vu par le confrère allemand (« pedestrian, flat and dull » ... je ne m’en lasse pas !  Laughing ), mais là encore l’expertise se fait en dehors de l’objet et dans la méconnaissance de sa matérialité...  scratch Suit alors une démonstration que je qualifie « à la Proantic ». Sur ce site bien connu, il arrive en effet qu’en l’absence d’informations factuelles sur les tableaux qu’ils mettent en vente, certains antiquaires font de longs développements sur les auteurs auxquels ils attribuent - sans toujours grand fondement - les tableaux qu’ils présentent. Sur cette page Facebook, nous avons ainsi droit à une biographie en règle de Ducreux et à ce seul commentaire pour le tableau : « Portrait de la reine Marie-Antoinette vers 1782 comme en témoignent la coiffure "basse" et le voile transparent (collection particulière). » De cette phrase, seule la « collection particulière » est à retenir. Pour ce qui est de la coiffure, nous en débattons ici, c’est un sujet moins simple qu’il y parait. Quant au voile, en quoi sa présence justifient-elle la date de 1782 ? Mystère et boule de gomme, comme on disait au XXe siècle.
(Merci à Marie-Jeanne de m'avoir conduit jusqu'à cette page Facebook!)

Plus intéressant que l'auteur du tableau est pour moi ce que le portrait peut avoir à nous dire sur Marie-Antoinette, « sa vie, son siècle »...
C’est ce que nous verrons mardi prochain et la semaine suivante.

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Message par Mme de Sabran Sam 16 Oct 2021, 23:34

Bonnefoy du Plan a écrit:
C’est ce que nous verrons mardi prochain et la semaine suivante.

Oui, car en effet la date du 2 novembre approche à grands pas. Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 1123740815 Marie-Antoinette n'est morte aujourd'hui que pour mieux renaître dans deux semaines par la magie de ce beau portrait, de quelque peintre qu'il soit.
Merci, mon cher Bonnefoy ! Very Happy

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Message par Bonnefoy du Plan Sam 16 Oct 2021, 23:52

Mme de Sabran a écrit: la date du 2 novembre approche à grands pas...

Chère Eléonore, vous n'attendrez pas le 2 novembre pour l'image du portrait "attribué à Mosnier" Eventaille , vous l'aurez dès ce mardi, avec cadre, sans cadre, en gros plan etc...

Et d'ailleurs, pour faire le buzz, je vous promets mine de rien  Eventaille , dans ce prochain post :
2 inédits ("le" tableau restauré + un autre)
1 annonce inédite d'un livre majeur à paraître... (avec ou sans la couverture, cela dépendra si l'éditeur fait son annonce lundi 18)
2 livres qui viennent de paraître cette année et que les amateurs de musique et les fervents de Marie-Antoinette aimeront également parcourir
Je ne garantis pas de pouvoir faire aussi bien la semaine suivante... drunken

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Message par Duc d'Ostrogothie Dim 17 Oct 2021, 08:35

On attend ton post de mardi avec impatience, mon cher Bonnefoy. Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2523452716

Merci pour le reportage détaillé et imagé de l'analyse et de la restauration de ce portrait, c'est passionnant. Tu ne fais pas les choses à moitié, mazette !

La présence de la fillette à l'arrière-plan est incroyable. Bravo encore.
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Message par Lady Bess Dim 17 Oct 2021, 13:46

Cher, cher Bonnefoy... Quelle lecture passionnante, quelle enquête rigoureuse !! Mille fois merci, car j'apprends tant de choses hyper intéressantes (n'etant pas experte d'art).

Le portrait restauré en mars 2021 est (à mon avis) très réussi et je l'aime beaucoup. Je ne comprends pas du tout ce monsieur allemand qui le trouve plat et terne. Ne voit-il pas ce petit sourire un peu moqueur et espiègle de la Reine (c'est lèse-majesté de parler d'une Marie-Antoinette "plate"!) 😊. Je m'interroge sur le boucle d'oreille, qui peut-être correspond à quelque chose sur la liste des bijoux de Marie-Antoinette envoyés à Bruxelles en 1791?🤔

J'ai grande hâte de lire la suite et bien sûr j'ai également hâte d'acquérir le livre annoncé.

Mais pour le moment, bravissimo! 👏 👏 👏
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Message par Bonnefoy du Plan Mar 19 Oct 2021, 00:06

SEPTIÈME CHAPITRE (8ème post) : C'est le jour!  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2523452716

Dans le chapitre précédent, je suis allé aussi loin qu'il me semble actuellement possible de le faire sur la piste de Jean-Laurent Mosnier, peintre auquel le tableau reste attribué en 2019 au moment de la vente Bukowskis en Suède. Tout en retenant l'avis - magnanime  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 1439450838  - des experts, j'ai formulé un certain nombre d'interrogations autour de l'étrange cousinage entre ce portrait et une miniature de Mosnier représentant Marie-Antoinette à la même époque, autour de 1776. Nous voici maintenant débarrassés de ces questions.
Restons-en là, faute d'éléments supplémentaires à analyser...

Nous découvrons aujourd'hui le tableau restauré avec une nouvelle image "qualité musée" et nous allons pouvoir réfléchir au récit qu'il nous tient.
Tel qu'il est - de Mosnier ou non - j'espère que ce portrait vous plaira! Very Happy

Nous pouvons maintenant nous concentrer sur l'essentiel, à, savoir ce que ce tableau nous raconte sur la reine, condition préalable - à mes yeux - pour juger de l'intérêt qu'il pourrait prendre dans son iconographie de référence.

Vu sous cet angle, notre portrait apparaitra-t-il toujours aussi "sommaire, plat et terne",
tout juste bon pour un prochain vide-grenier? Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 340670520
A vous maintenant de me le dire...  



VIII. UN PORTRAIT RESTAURÉ EN QUÊTE DE RÉCIT

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Artana10

Jean-Laurent Mosnier (1743-1808), attr.
portrait de la reine Marie-Antoinette, huile sur toile (49x61cm), vers 1776
cadre sculpté en bois doré, XVIIIe siècle
France, collection particulière
tableau restauré en 2019-2021 à l’Atelier du Soleil, Versailles
(source de l’image : Artanalysis)

De plus près...:


1. une image retrouvée, désormais préservée

Le récit des traumatismes subis par ce tableau pouvait faire douter de sa capacité à intégrer le corpus de référence des portraits exécutés du vivant de Marie-Antoinette.
 
Certes, nous ne voyons plus tout-à-fait ce qui est sorti d’atelier dans les années 1770. Mais l’expertise des restauratrices a permis d’obtenir un résultat concluant, malgré les effets d’une transposition invasive et mal conduite. Ce qui a été brillamment sauvegardé est aussi proche que possible de l’état d’origine. Au terme d’un long parcours, le tableau apparaît non seulement comme une œuvre de qualité mais il conserve aussi l’essentiel, à savoir sa capacité à tenir un récit sur Marie-Antoinette.

Si le portrait affiche aujourd’hui une vraie séduction, il faut imaginer quelles qualités supérieures il devait présenter avant les dommages dont il a souffert ! Sans une main « très sûre » pour l’exécuter – et quelle que soit cette main – il est presque certain qu’il n’aurait pas pu être sauvé.

Il aurait alors manqué un tableau très original dans l’iconographie de Marie-Antoinette, un portrait qui trouve une vraie place entre l’épisode Gautier-Dagotyà ne pas sous-estimer, nous l’avons vuet la période qui voit ensuite Madame Vigée Le Brun affirmer sa primauté. C’est à cette grande artiste qu’il reviendra en effet de trouver l’équilibre qui séduira Marie-Antoinette, heureuse de se reconnaitre « en beau » sur des portraits où – tel un bon photographe aujourd’hui – l’artiste saura choisir le meilleur angle et trouver la bonne lumière pour mettre en valeur son modèle. (Quoi qu’on dise par ailleurs, toutes les caractéristiques physiques de la reine se retrouvent chez sa portraitiste préférée, parfois même jusqu’à la gaucherie pour les premières toiles...).

Ce tableau qui ne répond en rien aux codes iconographiques d’un portrait de cour appartient selon toute vraisemblance au registre des représentations privées. Sans doute n’a-t-il jamais été envisagé qu’il soit copié ou diffusé d’une manière quelconque. Ce n’est pas un des portraits entrepris pour Vienne, puis ensuite écartés faute d’avoir été agréés par Marie-Antoinette. Il n’aurait en rien donné satisfaction à l’impératrice qui demandait avant tout le portrait de sa fille en « reine de France ». A l’inverse, c’est une image que Marie-Antoinette a pu souhaiter pour elle-même (à supposer bien sûr qu’elle ait passé directement commande, ce que rien ne dit) ou encore un tableau qui a été réalisé sur initiative personnelle de l’artiste pour donner de la reine une représentation susceptible de lui plaire.

Dans l’un ou l’autre cas, Marie-Antoinette semble littéralement « mise en scène », peut-être pour rappeler un événement remarquable, ou encore évoquer une situation dans laquelle elle s’était distinguée et dont le souvenir lui serait agréable.
 
Voilà bien l’essentiel, en effet, car la question de l’auteur devient tout-à-fait secondaire au regard du récit que tient le portrait et qu’il faut maintenant décoder. Rien n’étant fait au hasard, une explication existe pour cette image bien peu conventionnelle de la reine de France ! Il nous faut la retrouver...

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Marie-22

Jean-Laurent Mosnier, 1743-1808 (attr.)
portrait de la reine Marie-Antoinette, huile sur toile (49x61cm), vers 1776
France, collection particulière – tableau restauré en 2019-2021 à l’Atelier du Soleil, Versailles

Pour que la boucle d’oreille soit perpendiculaire à l’axe, il faut incliner le portrait
que le manipulateur n’a pas remonté droit sur son nouveau châssis...

(source de l’image : Artanalysis)



2. une scène narrative à identifier

Comme tout bon portrait, celui-ci raconte une histoire. Pas d’accessoires symboliques de la monarchie avec mise en scène palatiale savamment orchestrée comme dans le grand tableau de Gautier-Dagoty hier ou ceux de Vigée Le Brun demain. Le récit touche ici quelque chose de personnel, qui ne concerne pas la fonction mais bien la personne qui l’exerce et ce qui l’anime. Quelque chose de suffisamment spécifique aussi pour que Marie-Antoinette soit représentée non pas avec les atours que nous lui connaissons sur les autres portraits, mais dans cette tenue improbable, laquelle défie – même avant l’agrandissement du tableau et l’allongement regrettable du buste – toutes les références que nous pouvons avoir de la reine en représentation à la Cour ou dans l’intimité de ses cabinets privés.  

Ce n’est pas le portrait d’une élégante, telle que Louise-Elisabeth Vigée Le Brun la représentera si bien. Pas non plus la revendication d’une forme d’autonomie vestimentaire qui viendrait avant celle de la robe en chemise. De prime abord, le costume fait plus penser à un accoutrement qu’à quelque chose de clairement identifiable : quelle raison la reine pouvait-elle avoir de se faire représenter de la sorte ?

C’est bien parce qu’il ne ressemble à rien de connu dans la garde-robe de Marie-Antoinette que ce « costume » nous met en fait sur la voie...

Avant d’interpréter les indices qu’il nous tend, il faut chercher à resserrer la temporalité dans laquelle s’inscrit le tableau. La coiffure de la reine apporte ici des informations essentielles pour tenter de la définir au plus juste. Les chapitres précédents ont montré de quelle manière le portrait cousine avec l’iconographie établie par Gautier-Dagoty dans la seconde moitié des années 1770. La reine n’est pas ici coiffée en hérisson, comme sur le grand portrait, mais les dragonnes – très longues – vont bien de pair avec les hautes coiffures réalisées en pommadant les cheveux vers le haut. Nous sommes dans une période qui semble précéder l’adoption de la coiffure à l’enfant, à la toute fin des années 1770. C’est en effet dès l’époque de sa première grossesse que Marie-Antoinette fait couper ses cheveux et non pas après la naissance du dauphin, comme il est généralement écrit.

Dès juin 1780, les Mémoires secrets peuvent ainsi observer (Tome XV, page 204) : « Depuis la couche de la Reine, les cheveux de S.M. tombent, et l'art est continuellement occupé à réparer les vides qui se forment sur cette tête auguste. Cette princesse lasse de contrarier la nature, semble vouloir s'y abandonner entièrement. Elle n'a plus qu'un chignon plat, terminé par une boucle en boudin, à-peu-près comme les perruques d'abbé, et déjà différentes femmes de la cour, empressées de se conformer au goût de leur souveraine, ont sacrifié leur superbe chevelure. On appelle cette coiffure à l’enfant ». A suivre ce témoignage, le tableau de notre étude serait donc à dater au plus tard en 1779 puisque la reine n’y apparaît pas coiffée à l’enfant !

Ce n’est pas si simple pour autant et certains commentaires depuis le début de ce fil montrent bien la complexité du sujet, même parmi les mieux préparés... Lorsque Marie-Antoinette envoie à Darmstadt son portrait par Madame Vigée Le Brun, en 1781, la coiffure est très voisine de celle du portrait attribué à Mosnier. C’est l’époque où la coiffure à l’enfant connaît pourtant un véritable engouement, dont le portrait de la comtesse du Barry par Vigée le Brun – toujours en 1781 – offre un des premiers témoignages. La datation du portrait de Darmstadt n’apparait pas contestable. C’est en effet le 27 septembre 1781 que la reine écrit à son amie d’enfance la princesse héréditaire de Hesse-Darmstadt : « Je vous fais un véritable sacrifice, Madame, en cédant à l’occasion que me propose M. de Nassau pour vous faire passer mon portrait. Je le trouve fort peu ressemblant, et il ne peut servir qu’à vous prouver ma bonne volonté à vous satisfaire. » Oublié dans le fonds des archives photographiques de la Collection de Vinck (N° 5671), ce tableau est aujourd’hui mieux connu depuis sa reproduction en couleur au moment de la rétrospective Vigée Le Brun de 2015-2016 au Grand Palais. Le cou démesuré, les yeux mal alignés, la poitrine et le corsage bizarrement dessinés pourraient faire douter de l’authenticité de ce tableau pourtant signé et daté ! Mais son histoire est parfaitement documentée et il est resté dans la même famille princière depuis que la reine en a fait cadeau.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 322_sc10

Louise-Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842)
huile sur toile (dimensions inconnues), 1781 ; Darmstadt, Schlossmuseum
(source de l’image : Internet, site du Forum de Marie-Antoinette)


Que faut-il en déduire quant à la coiffure de la reine et ses évolutions successives avant que ne soit parfaitement reconnaissable cette fameuse coiffure à l’enfant à compter des tableaux de Madame Vigée Le Brun en 1783 ? Voici un autre sujet dont l’exercice de datation autour de ce tableau souligne aussi la complexité... Ces réflexions nous conduisent à élargir prudemment la période de référence et à considérer 1776 et 1781 comme les bornes les plus probables à la réalisation du portrait. Cette fourchette élargie devient ainsi compatible avec l’opinion de celles et ceux qui voient ici l’image d’une jeune mère comblée et non plus celle d’une épouse en attente de maternité.
 
Le vêtement de la reine ne correspond à aucune robe portée à la Cour ou dans l’intimité, il reste donc deux éventualités à envisager : le costume de théâtre et la représentation mythologique.

Pour le théâtre, la Troupe des Seigneurs s’est produite à quatre reprises en août et septembre 1780. Pas moins de sept pièces et opéras ont été représentés et Marie-Antoinette a interprété six rôles ! Pourrait-elle porter ici le costume de Gotte (La Gageure imprévue, de Sedaine), de Jenny (Le Roi et le Fermier, de Sedaine et Monsigny), de Lise (On ne s’avise jamais de tout, de Sedaine et Monsigny), ou d’Agathe (Le Sorcier, de Poinsinet et Philidor), ou bien de Rose (Rose et Colas, de Sedaine et Monsigny) ou peut-être encore de Colette (le Devin de Village, de Jean-Jacques Rousseau) ? Les rôles d’ingénues et de soubrettes auxquels correspond cette liste s’accordent assez mal avec un costume tout de même plutôt grande dame. Il est assez difficile d’imaginer l’aimable Agathe du Sorcier, habillée de la sorte pour repasser son linge... Et puis ce serait décréter d’emblée que le tableau date au plus tôt de la fin de l’année 1780 (!). Marie-Antoinette est aussi montée sur scène occasionnellement avant l’été 80, bien sûr, mais elle était alors très jeune et il serait curieux que la reine épanouie – et peut-être déjà mère – soit allée chercher chez la dauphine un costume de scène pour se faire peindre.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Triano10

le Petit Trianon, domaine de prédilection pour Marie-Antoinette et sa Troupe des Seigneurs
de 1780 à 1785, la reine y multiple les rôles à contre-emploi de soubrettes et d’ingénues
l’entrée du théâtre érigé par Mique se devine sur la gauche de l’image
(source de l’image : Internet, site du Forum de Marie-Antoinette)


La mythologie ouvre-t-elle une voie plus favorable ? La mode du portrait mythologique est passée depuis longtemps, mais il arrive pourtant assez régulièrement que Marie-Antoinette soit représentée sous les traits d’une divinité ou d’une héroïne de l’antiquité. C’est d’abord Hébé (Drouais) en 1773, puis Diane (Boizot) en 1775, Minerve (Boizot) en 1779, Minerve encore (Gautier-Dagoty) toujours à la fin des années 1770. La représentation la plus fréquente par le nombre des versions connues semble avoir été une Vestale (Leclercq), toujours dans la deuxième partie de la décennie 1770. La veine se tarit ensuite (encore faudrait-il pouvoir prendre en compte la production de miniatures, dont seule une petite partie est connue...). Mais elle réapparaît à fin des années 1780 avec Erato (Guttenbrunn, 1788) et Iphigénie (Dumont, vers 1790), cette dernière représentation étant promise à un bel avenir sous la Restauration.

Voici donc sans aucun doute une piste féconde à suivre...

L’examen préalable des représentations visuelles de la reine au début du règne nous guide vers une hypothèse. En relevant les accessoires et symboles les plus récurrents dans l’iconographie de Marie-Antoinette, une image se dessine en effet, délibérément construite pour influencer l’opinion publique en faveur de sa souveraine. Faire connaître les vertus publiques et privées de la jeune femme pour en dresser un portrait moral édifiant sont autant de stratégies pensées pour rallier l’opinion publique à cette nouvelle souveraine en attente de maternité.

Les anglo-saxons ont un mot pour décrire la capacité pour un personnage d’agir sur son image publique. Il s’agit du mot « agency », pour lequel aucun équivalent français n’existe véritablement dans le langage courant. Le mot anglais implique une action délibérée entreprise par la personne concernée dans un but bien précis et clairement défini. Il s’agit à la fois de fabriquer l’image et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour en garder la maîtrise (ou du moins tenter de le faire...). En matière « d’agency » le portrait et son usage sont bien entendu essentiels. Les images créées répondent à des besoins immédiats, elles intéressent aussi la postérité. Elles fournissent des modèles aux graveurs, qui – agréés ou non – font connaître à l’opinion publique en éveil les traits et qualités du protagoniste. Dans un langage moderne, on pourrait ajouter qu’elles renseignent aussi sur les « centres d’intérêt » du personnage représenté, qui choisit à dessein ce qu’il veut mettre en avant.

L’étude des portraits de la jeune reine conduit ainsi à identifier quels centres d’intérêt lui sont le plus chers. Un constat d’autant plus éloquent qu’il s’appuie à la fois sur des œuvres destinées à l’opinion publique comme au cercle privé : sur l’ensemble des représentations, c’est la référence à la musique qui est omniprésente en ce printemps du règne. Marie-Antoinette donne d’elle-même l’image d’une jeune femme qui pratique la musique (la harpe n’est pas qu’un élément du décor ; les partitions soutiennent un exercice concret du chant) et défend celles et ceux qui la font. Chercher à comprendre Marie-Antoinette, c’est aussi interroger le rapport constant et très informé qu’elle entretient sa vie durant avec la musique.



3. l’iconographie d’une reine musicienne et reconnue comme telle

Nous ne connaissons qu’une petite partie des miniatures de Marie-Antoinette, et parfois seulement à partir de reproductions très anciennes que les propriétaires n’ont pas fait actualiser. Des parutions de référence, comme les catalogues de la Fondation Tansey, utilisent encore des images du fonds iconographique du baron de Vinck, au début du XXe siècle, pour des miniatures anciennement référencées, dont les meilleurs spécialistes eux-mêmes ne retrouvent pas la localisation. Le calendrier des ventes publiques offre parfois de belles surprises, ce fut le cas par exemple en 2010 chez Christie’s, à Paris, avec la miniature de Mosnier pour laquelle la reine avait posé en 1775. Mais beaucoup reste à (re)découvrir...

Ces petites images sont précieuses pour exprimer l’intime, elles abondent de détails en résonnance avec la personnalité du modèle. C’est particulièrement le cas pour Marie-Antoinette. Destinées le plus souvent à des présents pour des proches, les miniatures qu’elle commande – en abondance, nous dit-on – s’affranchissent des codes du portrait de cour. Elles sont comme le Trianon de son iconographie, l’espace où elle peut le plus être et se montrer elle-même.

Les miniatures de la reine dans les premières années du règne la montrent confortablement installée dans des intérieurs plus ou moins de fantaisie. Elle peut apparaitre une partition à la main ou surprise alors qu’elle écrit à un bureau. Il est fréquent qu’une harpe fasse partie du décor, bien visible en arrière-plan. Parfois, le nom de la partition que tient Marie-Antoinette est même identifiable, comme pour Campana et l’opéra Roland que le compositeur italien Piccinni dédie à la reine en 1778.  Au cœur même de son environnement le plus privé, la reine se met ainsi régulièrement en scène pour bien illustrer le goût très marqué qu’elle a pour la musique.  

Cette revendication ne reste pas privée, Marie-Antoinette l’affiche clairement dans le grand portrait qu’elle commande à Gautier-Dagoty et dont elle arrête le programme iconographique avec le peintre. Elle se sent d’autant plus libre de le faire que Jean-Baptiste André ne répond pas à une commande des Bâtiments du Roi mais à sa sollicitation directe, comme nous l’avons vu ! L’extravagance de la robe et le côté too much de l’ensemble ont relégué au second plan certains détails qui nous intéressent au contraire. Ce que la reine laisse voir sur les petites miniatures intimes qu’elle distribue se retrouve ici, de façon ostentatoire, avec – au premier plan ! la harpe et le livre ouvert d’une partition d’opéra.

Tout comme pour Madame de Pompadour sur le grand pastel de La Tour, la partition ouverte souligne que la protagoniste pratique elle-même la musique et que le livre n’est pas qu’un simple accessoire de peintre destiné à équilibrer sa composition. Sur ce tableau, Marie-Antoinette parle de ce qu’elle aime et entend privilégier en tant que reine, c’est presque un manifeste ! Elle fait comprendre que la promotion de la musique sera pour elle un marqueur important du règne et que la pratique de la harpe et celle du chant sont constitutives de l’univers raffiné auquel elle souhaite être identifiée.  

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Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty
détail du tableau de Marie-Antoinette en pied (1775)
(source de l’image : site des Musées de Versailles et Trianon)

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miniatures où la reine est représentée avec un instrument de musique ou une partition dans les années 1770
1.gravure colorisée, reproduisant une miniature sur ivoire, de Dumont, fin des années 1770, original non localisé
(début XXe siècle, la miniature se trouve dans la collection Mme Francis de Croisset)
2.miniature sur ivoire, de Dumont, fin des années 1770  (6,3x10,3cm), non localisée
(début XXe siècle, collection Sir John Murray Scott)
3.miniature sur ivoire, de Campana, 1778, non localisée ;  la reine tient une partition de Roland, de Piccinni
(début XXe siècle, collection baron Jean de Bourgoing)
4. miniature sur ivoire, de Mosnier, 1775 (11,5x9,6cm), vente Christie’s Paris, 23 juin 2010, lot #66
(ancienne collection Veil-Picard ; collection particulière)
(source des images : DR pour 1 ; BNF, archives photographiques pour 2 et 3 ; Christie’s pour 4)

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De plus près...:


Le rapport de Marie-Antoinette à la musique va très au-delà du soutien bienveillant affiché par d’autres reines dans le passé. Son rôle et l’influence qu’elle a exercés n’ont d’ailleurs pas cessé d’être réévalués ces dernières années, notamment dans plusieurs écrits du Centre de Musique baroque de Versailles (CMBV). Les Editions Grasset annoncent pour janvier 2022 la parution d’un ouvrage très complet sur ce thème. Il sera signé de Patrick Barbier, historien de la musique et italianiste, spécialiste du baroque et auteur de nombreux ouvrages sur la musique et la société. Chez Grasset, il a notamment publié l’Histoire des Castrats (1989), Farinelli (1994), La Maison des Italiens (1998) et une trilogie sur les trois grandes villes baroques d’Italie :  La Venise de Vivaldi (2002), Naples en fête (2012) et Voyage dans la Rome baroque (2016). Il est tout à fait révélateur de l’intérêt que suscite aujourd’hui le mécénat musical de Marie-Antoinette, qu’un historien extérieur au cercle de celles et ceux qui font profession d’écrire sur la reine, publie un ouvrage de référence de 450 pages sur un thème que ces derniers ont à peine abordé !

C’est un livre important que j’annonce, il comptera dans l’historiographie de Marie-Antoinette et nous aurons à en reparler en détail lors de sa publication.


Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Couver11

« LE » livre sur Marie-Antoinette, la reine musicienne, à paraître chez Grasset le 10 janvier 2022, 448 pages

Bien qu'annoncé par diverses librairies en ligne, l'annonce officielle n'a pas encore été faite par l'éditeur.
Je réserve donc la publication de la couverture (que j'ai sous les yeux...  Eventaille)
pour l'ouverture d'un sujet spécifique sur ce livre important, dès que Grasset aura levé l'embargo.

Je remplace ici l'illustration par le texte de la 4ème de couverture déjà accessible ailleurs depuis quelques jours...


Deux titres récents de l’année 2021 s’intéressent déjà à la personnalité musicale de la reine, étudiée sinon dans le détail du moins abordée pour souligner les conditions propices que Marie-Antoinette a su favoriser pour soutenir en France un élan nouveau et faire de Paris un lieu d’échanges et de création incontournables de la scène européenne à la fin du XVIIIe siècle.

Le premier tome de l’ouvrage collectif sur l’ « Histoire de l’opéra français », sous la direction d’Hervé Lacombe (Fayard) situe très haut le rôle et l’influence de la reine. Hervé Lacombe évoque les trois grands actes de l’opéra français dans ce premier volume intitulé « Du Roi-Soleil à la Révolution ». Ils correspondent à trois règnes, trois personnalités de haut rang et trois compositeurs dominants. Les trois personnalités sont Louis XIV, le Régent et Marie-Antoinette « qui exerce une sorte de ministère officieux des arts, encourage l’opéra italien et soutient certains compositeurs comme Gluck et Grétry » (page 34). Dans ce cadre, la reine pratique « une forme d’activité culturelle de premier plan [et] contribue puissamment à remodeler la musique et la danse en France » (page 40).

Julia Doe, professeure de musicologie à l’université de Columbia signe ensuite l’article « Au temps de Marie-Antoinette et de Gluck » au Chapitre 11. Elle poursuit (Chapitre 11-1, pages 577 à 585) : « Marie-Antoinette a été l’une des plus importantes mécènes musicales de la fin du XVIIIe siècle. » Elle souligne que la reine bousculera les traditions du spectacle à la cour des Bourbons « pour qu’elles répondent à ses préférences tournées vers l’avenir, plutôt qu’attachées à la reprise de vieilles formules, et cosmopolites, en soutenant la modernisation de la tragédie lyrique et du ballet, en élevant le statut de la comédie lyrique, et plus largement en remettant en cause les attentes cérémonielles qui définissent la production musicale de la cour française. »

L’article souligne l’impact des goûts et des choix de la reine sur la capitale : « Si Marie-Antoinette fait preuve d’un intérêt pour les courants musicaux progressistes dans sa vie privée, ses préférences ont également un impact sur les représentations publiques des théâtres soutenus par la Couronne, tant à la Cour que dans la capitale. (...) Dès la fin des années 1770, Marie-Antoinette joue un rôle plus décisif dans le choix du répertoire en choisissant « les spectacles qu’elle désire » (Journal de Papillon de La Ferté) pour chaque saison théâtrale. Si les compagnies royales se voient accorder une relative autonomie pour leurs productions à Paris, la reine est néanmoins tenue informée de leur gouvernance. Les représentants de la Couronne discutent souvent de la possibilité de placer les règlements « sous les yeux de la reine » avant leur approbation ; ces intermédiaires reçoivent également le calendrier des représentations des théâtres de la Couronne à l’avance, afin que Marie-Antoinette puisse planifier ses visites dans la capitale autour de ces événements. »

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 97822110

deux livres publiés en 2021, où l'action et l’influence de la reine sur la scène musicale sont abordées
le premier chez Fayard, Paris, le 14 avril 2021, 1 272 pages
le second chez McFarland & Co, Jefferson (Caroline du Nord, USA), 241 pages


En l’espace d’à peine quinze ans, le bilan est là : « Au début de la Révolution, la cohorte d’artistes parrainés par Marie-Antoinette a produit une transformation radicale du paysage lyrique français. (...) La reine ne joue pas seulement un rôle dans la rénovation de la tragédie lyrique, elle intervient aussi dans la modernisation du ballet français » pour lequel elle parvient à faire nommer Noverre Maître de ballet à l’Opéra en 1776.

L’article évoque aussi, parmi « les goûts sophistiqués et progressistes de la reine », sa grande passion pour l’opéra-comique : « L’investissement de Marie-Antoinette dans la réforme du répertoire de l’Opéra a attiré l’attention des chercheurs sur ses activités musicales. Mais il faut souligner que la reine aimait aussi beaucoup l’opéra-comique et que son influence s’est fait sentir avec acuité dans le domaine de la comédie. En effet, le soutien de Marie-Antoinette au genre représenté à la Comédie Italienne peut être considéré comme plus important et plus radical que son parrainage de la scène tragique. »

A partir de très nombreuses citations des Mémoires Secrets, de la Correspondance littéraire de Grimm et des lettres de Mercy-Argenteau à l’impératrice, « The musical world of Marie-Antoinette » est moins un livre sur la reine que l’essai érudit d’un musicologue autour de l’effervescence parisienne à la fin du XVIIIe siècle. Marie-Antoinette est y présente, mais de manière plutôt lointaine, et il ne s’agit pas d’une enquête approfondie sur le rapport de la reine à la musique et sur sa pratique de cet art.

Revenons un instant sur l’Hommage des Arts, gravure à l’eau-forte de Benoît-Louis Prevost en 1776, sur le dessin de Charles-Nicolas Cochin, présentée page 16 dans le premier chapitre de cette étude.

Nous sommes passés un peu vite en qualifiant de « flatterie d’usage » ou de « morceau de circonstance » cette belle estampe au curieux destin, devenue sous la République un diplôme de distribution de prix pour un institution de jeunes filles de Rouen en 1793 (dans la partie supérieure, le médaillon de la reine était alors remplacé par une République tenant à la main droite des couronnes de roses et de la gauche une bannière surmontée d’un bonnet phrygien...). Morceau de circonstance, peut-être, mais avant tout pièce pour un usage très précis puisqu’on la retrouve en frontispice à un recueil de musique pour harpe de l’abbé Boilly. Cet abbé, musicien de la Chapelle du Roi et maître de harpe de la comtesse d’Artois était l’auteur de plusieurs recueils de musique pour cet instrument alors en plein développement, grâce notamment à la reine. Parmi ces ouvrages figurent des Recueils d’ariettes. Le IVe Recueil d’airs choisis avec accompagnement de harpe dédié à la Reine est annoncé en juillet 1776 par le Mercure de France (ci-dessous), qui précise que l’estampe servait de frontispice à l'ouvrage qui a été remis à la reine en personne :


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Hommage des Arts à Marie-Antoinette
eau-forte de Benoît-Louis Prévost d’après Charles-Nicolas Cochin, 1776 (35,7x24,8cm)
Bibliothèque nationale de France, Collection Hennin, N° 9588
(source de l’image : Gallica)


La primauté accordée à la musique parmi tous les arts réunis est ici évidente. Les instruments de musique occupent en effet toute la partie inférieure gauche alors que les autres arts (dessin, peinture, architecture) se partagent la partie droite. Tous les instruments de l’orchestre sont convoqués et s’organisent précisément autour de la harpe, qui est au cœur de la composition.

Autre exemple qui souligne que la protection accordée par la reine à cet instrument est de notoriété publique dès le printemps du règne et que sa présence est ici comme une évidence.

Parmi les auteurs les plus joués dans le répertoire de l’opéra-comique, Modeste Grétry jouit d’une protection particulière et d’une vraie proximité auprès de la reine, dont il est le directeur musical personnel. Marie-Antoinette accepte aussi d’être marraine de sa deuxième fille, Antoinette. A Liège, le Musée Grétry expose depuis cette année un tableau de Joseph Dreppe, de 1782 ou après, où le peintre liégeois a représenté une « Apothéose de Grétry ». Il est révélateur de la relation qui s’est construite entre compositeur et mécène qu’un buste de Marie-Antoinette (citation de Boizot, en 1774) figure sur la toile comme une ombre tutélaire et bienveillante...  Il est aussi remarquable que cette protection soit reconnue au point d’apparaître ici encore comme une évidence pour un telle scène.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Frb-dr10

Joseph Dreppe (1737-1810), l’apothéose de Grétry (1782, ou après)
derrière le compositeur, le buste de la reine ; Musée Grétry, Liège
(source de l’image : Studio Philippe de Formanoir, courtoisie du Musée)

De plus près...:


Un livre de synthèse sur le rapport de Marie-Antoinette à la musique et à sa pratique de cet art manquait dans la longue liste des titres souvent redondants qui, année après année, prétendent nous donner de la reine une lecture inédite.

Ce livre-là, nous le lirons avec plaisir en 2022 sous la signature de Patrick Barbier. Tous ici, seront heureux d’y découvrir une quantité d’informations peu connues et très souvent inattendues.

Pour l’heure, ces considérations sur le rôle joué par la musique dans la vie de la reine et la prise en considération du contexte musical très spécifique à Paris, à l’époque où nous avons daté le tableau, nous permettent de formuler une hypothèse de représentation.

Ce sera l’objet du prochain chapitre.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 3622972399


Dernière édition par Bonnefoy du Plan le Jeu 07 Avr 2022, 00:07, édité 1 fois

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Message par Mme de Sabran Mar 19 Oct 2021, 16:16

Merci, mon cher Bonnefoy, pour ce nouvel épisode de notre feuilleton préféré ! Very Happy
Ainsi donc, vous levez un coin du voile sur le mystère du livre à venir ...
Certes Marie-Antoinette aimait la musique et l'opéra .  Elle a même un comportement de "groupie follette" avec le ténor basque Garat, qui sied mal à son rang. Et pourtant quelques témoignages attiédissent son image de mélomane et musicienne ...

Selon Walpole :
On dit qu'elle ne danse pas en mesure, mais alors, c'est la mesure qui a tort . Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 1123740815

... ou bien Bombelles :
Vers le soir, en allant chez Mme de Polignac, je ne m'attendais pas à l'honneur qui m'était réservé, celui d'accompagner sur le forte-piano la reine, qui a voulu chanter. Elle y a même pris assez de goût pour envoyer chercher chez elle les opéras de  Didon  de Chimène et d'Armide . Elle en a chanté plusieurs airs et des récitatifs. J'indiquais bien doucement les intonations. Je prenais sur moi les tons faux; je faisais hommage des tons justes, et Mme de Grammont, mère du duc de Guiche, déjà très desséchée, perdrait son dernier souffle à applaudir si souvent elle assistait à semblable concert. Sa belle-fille, la jolie duchesse de Guiche, soutenait avec moins de flatterie et plus de charme des duos où sa flexible voix ranimait mon talent.

Par ailleurs, en 1763, Mozart avait été fêté à Versailles et reçu en particulier par la famille de Louis XV .
Léopold, son père, écrit à un ami :
Vous pouvez facilement vous figurer l’étonnement de tout le monde lorsqu’on voit les filles du roi s’arrêter dans les passages officiels, dès qu’elles aperçoivent mes enfants, s’en approcher, les caresser et s’en faire embrasser mille et mille fois.
( Alexandre Maral, Femmes de Versailles )

En 1778, Mozart est à nouveau à Paris, Mozart pour lequel pourtant  on raconte à l'envi que Marie-Antoinette aurait eu un petit béguin à Vienne.  Il  n'est même pas reçu à la Cour.  Sad

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...    demain est un autre jour .
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Message par Marie-Jeanne Mar 19 Oct 2021, 17:02

Cher Bonnefoy,

Sur le Vigée Le Brun « peu ressemblant », comme sur le présumé Mosnier, les coiffures sont effectivement similaires, les cheveux sont coupés en dégradé, ou vergettes comme on disait alors, sur la partie avant du crâne, la partie arrière dite
« chignon » étant laissée longue. Dans cette période la coupe « à l'enfant » était accommodée de diverses manières par le coiffage, selon que les cheveux avaient plus ou moins repoussé, et selon l'envie ou les circonstances du moment « en hérisson » par exemple.

Les deux tableaux rapprochent la coiffure de la reine des toutes premières représentations de la « coiffure à l'enfant » dans la Galerie des Modes, dont voici trois exemples formellement datés de 1780.

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Galeri10  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Galeri11  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Galeri12

Pour ce qui est des gravures de modes, il faut tenir compte du décalage chronologique entre l'apparition réelle des nouveautés et leurs publications. Il est parfois important, en particuliers s'agissant des coiffures, pour beaucoup compilées plusieurs années après.

La nouvelle coupe de la reine est apparue au plus tard début 1779, immédiatement après la naissance de sa fille, mais il est très possible, et même probable, qu'elle s'amorça pendant sa grossesse.

La robe du tableau présumé de Mosnier n'est pas un modèle d'étiquette mais n'en était pas moins inexistante. Elle s'apparente à une anglaise, portée en ville dès la seconde partie dès années 1760, puis introduite à la cour par Marie-Antoinette autour de 1780, possiblement avant. Malheureusement les papiers de garde-robe de la reine sont trop lacunaires pour avancer une date plus précise.

Pour mémo, tous les modèles de robes, formels ou pas, étaient constitué d'une base, puis stylisées par des garnitures interchangeables. La robe bleue de Marie-Antoinette se rapproche de celle du Vigée Le Brun par son large décolleté, son buste et ses manches près du corps. Mais plus certainement, on en retrouve la ligne enrichies d'une collerette, sur un portrait de Mme de Polignac par Mosnier, daté de 1780 (date à vérifier).

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Mme_de11
Madame de Polignac, Jean-Laurent Mosnier, Musée des Beaux Arts et de la dentelle, Alençon.

Robes à l'anglaise, Galerie des Modes 1782 et 1784.
Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Anglai10  Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Robe_a10

Quant à la garniture de gaze rayée du décolleté, relevée en voile, il est bien possible qu'elle fasse référence à un costume théâtral, lesquels ont souvent influencé la mode autant que les peintres.

Hâte dans savoir plus sur le tableau, et sur le livre à paraître chez Grasset, je suis cliente !
Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2523452716

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Message par La nuit, la neige Mar 19 Oct 2021, 22:28

Merci, cher Bonnefoy, pour ce nouvel article tout aussi intéressant que les autres !  Very Happy

Idea Et je profite de votre message pour conseiller, en complément, la lecture de nos sujets :

Arrow Les portraits de femmes en vestales au XVIIIe siècle

Arrow Marie-Antoinette en vestale, d'après Callet ou Vigée Le Brun
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Message par Marie-Jeanne Mer 20 Oct 2021, 00:28

Pour info, sur les miniatures  ci-dessus Marie Antoinette porte :
N°1 et 2, la robe à a française "nouvelle vague"
N°3, la version primitive de la lévite, un nouveau modèle crée pendant sa première grossesse, 1778.
N° 4, une polonaise.

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Message par Duc d'Ostrogothie Mer 20 Oct 2021, 23:52

Merci pour ton post mon cher Bonnefoy, toujours très intéressant. Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 2523452716

Ton portrait est très joli, la carnation superbe, les cheveux très délicatement exécutés notamment.

Le voile que la reine arbore, qui couvre une partie de ses cheveux et tombe jusqu'en dessous de ses épaules est quelque peu "antiquisant" et me paraît faire référence à l'image traditionnelle de la vestale. V. ici : Les portraits de femmes en vestales au XVIIIe siècle

A titre d'exemple parmi beaucoup d'autres, cf par exemple le portrait de la marquise de Pompadour par Drouais :

Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776) - Page 3 Pompad10

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