Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
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Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Très beau tableau en effet cher Ostrogoth , aujourd'hui exposé au Musée des Beaux-Arts de Montréal :
On notera que la marquise tient dans ses mains une... Histoire des vestales
Les scénographes du musée ont placé juste en dessous, peut-être par malice, deux des pièces du service a à cassolettes et gurilandes de la Du Barry
Clichés personnels - novembre 2015
On notera que la marquise tient dans ses mains une... Histoire des vestales
Les scénographes du musée ont placé juste en dessous, peut-être par malice, deux des pièces du service a à cassolettes et gurilandes de la Du Barry
Clichés personnels - novembre 2015
Dernière édition par Gouverneur Morris le Jeu 21 Oct 2021, 00:28, édité 1 fois
Gouverneur Morris- Messages : 11696
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
C'est quand même assez gonflé pour une maîtresse royale de se faire représenter en vestale... même si l'on sait que la Pompa n'était pas très portée sur la chose.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3205
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Oui, ce portrait est vraisemblablement postérieur à sa fameuse "conversion" suite à laquelle elle ne fut plus que "l'amie nécessaire" du souverain
Gouverneur Morris- Messages : 11696
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Lady Bess a écrit:Cher, cher Bonnefoy... Quelle lecture passionnante, quelle enquête rigoureuse !! Mille fois merci, car j'apprends tant de choses hyper intéressantes (n'etant pas experte d'art).
Le portrait restauré en mars 2021 est (à mon avis) très réussi et je l'aime beaucoup. Je ne comprends pas du tout ce monsieur allemand qui le trouve plat et terne. Ne voit-il pas ce petit sourire un peu moqueur et espiègle de la Reine (c'est lèse-majesté de parler d'une Marie-Antoinette "plate"!) .
Vite, vite, je me dépêche avant notre prochain épisode de rebondir sur l'impression qu'a Lady Bess d'un sourire un peu moqueur, impression que je partage . Ce ne sont pas seulement les commissures de la bouche, un peu plus retroussées que d'habitude, mais aussi les yeux de Marie-Antoinette qui se plissent imperceptiblement et donnent à l'ensemble du visage une expression un tantinet narquoise, non ?
Pour un peu, la reine nous décocherait un clin d'oeil comme pour nous dire : " Cette restauration me plaît. Pour une fois, je suis tout à fait satisfaite . "
Ce portrait est splendide.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Demain, notre rendez-vous !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
HUITIÈME CHAPITRE (9ème post) : Ô malheureuse Iphigénie!...
Tout d'abord merci de vos commentaires tout au long de la semaine passée !
Je fais suite aujourd'hui aux considérations autour de la musique et de l'importance qu'elle a jouée dans la vie de Marie-Antoinette pour proposer mon hypothèse de représentation du tableau "attribué à Mosnier", que nous connaissons tous désormais dans sa version restaurée.
Il faut avancer très vite maintenant car il n'y aura bientôt plus d'autre sujet de débat sur ce Forum qu'une certaine correspondance dont les Archives nationales viennent de publier une nouvelle édition...
Nouvelle ? Définitive? A qualifier, sans aucun doute...
Nos spécialistes ont commencé à se prononcer sur le sujet, cela promet de beaux développements sur ce Forum !
IX. HYPOTHÈSE DE REPRÉSENTATION
1. Ô malheureuse Iphigénie !
J'ai suggéré précédemment que le portrait pouvait avoir pour objet de rappeler une circonstance à laquelle Marie-Antoinette aurait pris une part suffisante pour qu’elle lui soit immédiatement associée dans l’opinion publique. Un épisode retentissant, qui aurait traversé les frontières de la Cour pour s’imposer aussi à la Ville. Un événement assez plaisant et valorisant enfin pour que Marie-Antoinette souhaitât le commémorer.
Ces considérations, ajoutées à celles qui précèdent sur le rapport de Marie-Antoinette à la musique et à nos interrogations sur le costume, conduisent presque naturellement au personnage d’Iphigénie.
C’est ainsi que la reine me semble en effet apparaître sur le tableau attribué à Mosnier.
Une figuration de Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie soulignerait opportunément la part qu’elle joue alors – avec succès – dans le grand débat musical qui agite les milieux cultivés de la capitale autour de Gluck et sa réforme de l’opéra.
La création d’Iphigénie en Aulide à l’Académie royale de Musique fait figure de véritable événement. La première est donnée le 19 avril 1774, quelques jours à peine avant l’avènement de Louis XVI. Il est inexact de répéter que c’est à l’initiative de Marie-Antoinette que Gluck serait alors à Paris pour y imposer une réforme de l’art lyrique. La reine joue certes un rôle véritable dans l’épisode majeur que constitue pour la musique en France le séjour de Gluck à Paris, mais il ne saurait se résumer à ce raccourci. Un tel voyage a bien sûr été préparé de longue date et la jeune dauphine n’avait ni les moyens d’action ni le pouvoir pour l’organiser.
Gluck séjourne à Paris presqu’en permanence de 1774 à 1779, période pendant laquelle le compositeur bénéficie du soutien bienveillant – mais non exclusif, loin s’en faut ! – et de l’activisme fervent de son ancienne élève. Il y crée quatre opéras qui rencontrent un retentissement inédit et surtout durable... Après la première Iphigénie, l’Académie royale de Musique voit ainsi la création d’Armide en 1777, Iphigénie en Tauride en 1779 puis Echo et Narcisse la même année. Gluck donne également les versions françaises d’Orphée et Eurydice et d’Alceste, respectivement en 1774 et 1776.
Il est presqu’impossible aujourd’hui d’imaginer l’intensité du débat autour de la réforme de l’opéra en France pendant le règne de Louis XVI. La récurrence des articles de fond dans les revues et correspondances culturelles (Le Mercure de France, la Correspondance littéraire de Grimm, les Mémoires secrets...) signale l’extrême sensibilité des enjeux et illustre la grande vivacité des opinions. La reine entend bien intervenir dans cette querelle comme autorité agissante. Mais s’exposer et prendre parti n’est pas sans risque... Surtout lorsque la reine de France entend défendre une vision cosmopolite de la musique et met en œuvre une politique que le jargon actuel qualifierait d’inclusive.
Mais sachons ici patienter jusqu’à l’enquête tout-à-fait passionnante de Patrick Barbier dont j'ai annoncé la sortie du livre "Marie-Antoinette et la musique" début janvier 2022 chez Grasset !
La recherche d’éventuels points de rencontre entre Iphigénie et Marie-Antoinette au tout début du règne conduit à quelques découvertes édifiantes.
Dans l’iconographie de la reine, une gouache montre le couple royal à l’époque du couronnement en 1775. Une partition d’opéra est ouverte aux pieds de Marie-Antoinette. Ce n’est pas une partition quelconque mais celle d’Iphigénie en Aulide et l’on peut lire distinctement : « Iphigénie, Opéra » ...
Il est très significatif de trouver une telle citation sur une œuvre anonyme, sans caractère officiel et à simple but commémoratif.
Elle témoigne du fait que – dans l’opinion qui s’informe – Marie-Antoinette a déjà su imposer l’idée de son influence au service de conceptions musicales novatrices. Iphigénie apparaît comme « une grande bataille gagnée » pour la reine dès la première année du règne. La gouache suggère que son ambition d’être la protectrice de la musique, et plus particulièrement de l’opéra, est passée dans l’opinion. La mention spécifique d’une œuvre et non la simple reproduction de portées musicales confirme l’identification de la reine à un événement particulier, suffisamment important pour être ici distingué. Notons que l’auteur appelle la protection du couple royal sur tous les arts et qu’à la partition s’ajoutent la palette d’un peintre, le buste d’un sculpteur et le chapiteau corinthien d’un architecte. Favoriser les beaux-arts fait partie de la bonne manière d’être roi et reine en France. Dans ce catalogue de bonnes intentions prêtées à Louis XVI et Marie-Antoinette (ou rappelées à leur zèle...), retenons toutefois que seule la musique reçoit ici une illustration tangible, puisée au cœur même d’une actualité qui renvoie à la reine et à elle seule.
A l’inverse, les détracteurs de Marie-Antoinette – en embuscade et rangs serrés dès 1774 – trouvent dans le triomphe d’Iphigénie un prétexte pour attaquer la princesse d’origine autrichienne. Un des tout premiers pamphlets contre la reine, l’année même de l’avènement, s’intitule « Dissertation extraite d’un plus grand ouvrage, ou Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers, et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI ». Les attaques visent à dénigrer l’Alliance et à compromettre le parti autrichien de la Cour en jetant le soupçon sur la conduite de la reine. L’auteur alerte sur les conséquences de la stérilité du couple royal et les ruses prévisibles de la reine pour y remédier. On peut y lire une description édifiante de Marie-Antoinette à la mort de Louis XV : « Et bientôt, toute la France a passé sous les yeux de sa femme, devenue reine à l’instant et cachant sous un air augustement affligé, sous un maintien étudié d’après le rôle d’Iphigénie de Gluck représenté par la nymphe Arnould, qu’elle avait vu depuis peu, cachant, dis-je, sous des larmes feintes, la joie d’être enfin arrivée au terme de ses désirs. »
2. Iphigénie, figure d’actualité aux XVIIe et XVIIIe siècles
Le nom d’Iphigénie posé, le tableau s’éclaire car certains détails font soudain sens avec l’iconographie contemporaine et traditionnelle de l’infortunée princesse sur le point d’être sacrifiée.
Le mythe d’Iphigénie garde une actualité tout au long de l’âge classique. C’est vrai au théâtre où Racine ouvre la voie en 1674 en écrivant sa tragédie basée sur les événements d’Aulis. Goethe, cent ans plus tard et en allemand cette fois, donne aussi une pièce pour l’épisode en Tauride.
C’est vrai surtout à l’opéra, à la fois en France (Campra en 1704 ; Gluck en 1774, puis en 1779 ; Piccinni en 1781) et en Italie (pas moins de quatre compositeurs, parmi lesquels Jommelli, entre 1763 et 1771). Piccinni, compositeur protégé de la reine et rival de Gluck, crée donc à Paris sa propre version d’Iphigénie en Tauride, là-même où Gluck a présenté la sienne, deux ans à peine auparavant ! Une manifestation très caractéristique de l’ébullition qui caractérise alors le monde de la musique à Paris !
En peinture, de grandes signatures comme celles de François Le Moyne (en 1728) ou Carle Van Loo (en 1757) s’emparent au XVIIIe siècle d'un thème qu'avait déjà traité Charles de la Fosse en 1680.
Une telle abondance de références contribue à créer un répertoire visuel facilement reconnaissable des élites cultivées. Le voile (toujours) et des festons de fleurs dans les cheveux (le plus souvent) en sont les caractéristiques principales. C’est aussi le sacrifice à Aulis qui est généralement représenté en raison des possibilités dramatiques qu’il offre. Iphigénie s’est laissée attirer dans cette ville par son père Agamemnon sous le prétexte d’y épouser Achille. C’est parée pour la cérémonie qu’elle se présente alors, avant de découvrir que l’autel auquel on la conduit est celui du sacrifice :
« De festons odieux ma fille couronnée
Tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés »
Clytemnestre, mère d’Iphigénie, dans la pièce de Racine (Acte V, Scène IV)
Image qui devient, dans le livret du bailli Du Roullet pour l’opéra de Gluck et sous la voix d’Agamemnon cette fois (Acte II, Scène VII) :
« Ma fille ? Je frémis !
Iphigénie, ô ciel !
de festons couronnée
A l’homicide acier
Présentera son sein
Je verrai tout son sang couler »
3. un costume qui fait sens, plus du tout un accoutrement...
La singularité du costume de Marie-Antoinette peut alors s’expliquer et ce voile si curieux est en réalité le voile d’Iphigénie. L’accessoire devient d’ailleurs vite une appellation durable pour la mode féminine, on le retrouve encore en juillet 1798 sur une gravure du Journal des Dames et des Modes. Les perles qui passaient dans les cheveux de la reine dans la version originale du tableau compliquaient l’ajout de roses en festons, c’est donc au corsage que s’accroche ici la fleur évocatrice.
Les sculpteurs au temps de Louis XVI ont donné de très grandes œuvres sur le thème d’Iphigénie. En 1775, Sophie Arnould, créatrice du rôle-titre d’Iphigénie en Aulide, est immortalisée par Houdon qui signe un de ses chefs d’œuvre, gravé en couleur juste avant la Révolution par Janinet. Sophie Arnould a quelques roses dans les cheveux, un long voile est fixé à l’arrière de la coiffure. En 1784, c’est Montigny, élève de Pigalle, qui donne de la Saint-Huberty un buste torturé en plâtre. Une couronne de lauriers remplace les roses dans les cheveux de la cantatrice qui conserve « ces voiles qu’on ne doit pas effleurer », ainsi que l’avait écrit Euripide.
Dans la version à Aulis, Iphigénie incarne le drame de l’innocence sacrifiée, le personnage touchant d’une jeune fille qui se présente confiante pour épouser son fiancé.
En Tauride, celle qui est devenue grande prêtresse de Diane est un personnage plus équivoque, à qui il revient parfois de pratiquer elle-même le sacrifice des étrangers échoués sur les rives de cette lointaine contrée qui ne s’appelle pas encore la Crimée.
C’est très vraisemblablement à la première des deux Iphigénie de Gluck que se rattache notre tableau, indice supplémentaire – peut-être – pour désigner les trois années 1776 à 1778 comme étant les plus probables dans la fourchette proposée précédemment (1776 à 1781).
Quelques images encore pour évoquer de possibles sources d’inspiration pour la tenue que porte la reine. La BNF conserve plus de 800 dessins de Louis-René Boquet qui sont autant de maquettes de costumes pour les spectacles de l’Académie royale de Musique. Grand merci à Marie-Jeanne de m'avoir orienté vers ce fonds aussi fascinant que séduisant, qui donne des artistes une vision très précise et le plus souvent allègre dans leur habillement de scène.
Boquet est proche des milieux de Cour, il est d’ailleurs Inspecteur Général des Menus-Plaisirs du Roi. Avec le danseur et chorégraphe Jean-Georges Noverre, Boquet fait évoluer le style des costumes pour faciliter l’expression dramatique des personnages. C’est Marie-Antoinette qui fait revenir Noverre de Vienne en 1775 car elle souhaite l’imposer comme Maître des Ballets de l’Opéra. Il y a chez la reine une grande cohérence à soutenir des compositeurs comme Gluck, dont la réforme valorise l’action dramatique, et à défendre dans le même temps Noverre dans sa promotion du ballet d’action et ses réformes fondatrices pour le ballet moderne. Noverre et Gluck se connaissent d’ailleurs très bien, ils ont étroitement collaboré pendant le séjour viennois du chorégraphe, à partir de 1767. Gluck, Noverre et Boquet partagent une communauté de vision et leur collaboration, sous la haute protection de la reine, opère un alignement de planètes très fécond pour l’opéra en France.
Les dessins qui terminent ce chapitre ne constituent pas à proprement parler des modèles pour la robe portée par la reine. Mais certains détails s’y remarquent, comme les bouillons de gaze - rayée le plus souvent – qui habillent le corsage (un choix fréquent chez Louis-René Boquet) et les bustiers ensuite très ajustés. Ou encore cette idée qu’un ornement de tête puisse ensuite descendre le long du buste et s’intégrer au passage au corsage.
Le plus souvent les dessins de la BNF correspondent à des spectacles non identifiés et peu de dessins sont annotés. Le costume d’Iphigénie n’y est pas formellement distingué et, à parcourir la collection accessible sur Gallica, il ne semble pas avoir été conservé.
Il ne faudrait pas que les choses soient trop faciles...
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Bonus en musique :
Maria Callas, une Iphigénie qui a su garder toutes ses perles...
Ecoutons la en 1957 dans l'interprétation du rôle en italien (O sventurata Ifigenia...), dans une captation LIVE
à la Scala de Milan.
(Direction Nono Sanzogno, mise en scène Luchino Visconti).
Notons au passage que le livret en français de Guillard a été adapté pour la langue italienne par Lorenzo da Ponte en personne...
En 1963, Maria Callas enregistrera la version originale de l'air en français, sous la direction de Georges Prêtre.
C'est le premier air à figurer sur son second album "Callas à Paris".
Plus récemment, retenons aussi la version de Stéphanie d'Oustrac lors du spectacle musical
"C'était Marie-Antoinette" mis en scène par Jean-Paul Scarpitta en 2009, sous la direction de Fabio Biondi
(Création le 29 juillet 2009 au Festival de Radio France et Montpelier Languedoc-Roussillon,
avec Natacha Régnier dans le rôle de Marie-Antoinette).
Interprétation très habitée, et un bien beau voile...
Tout d'abord merci de vos commentaires tout au long de la semaine passée !
Je fais suite aujourd'hui aux considérations autour de la musique et de l'importance qu'elle a jouée dans la vie de Marie-Antoinette pour proposer mon hypothèse de représentation du tableau "attribué à Mosnier", que nous connaissons tous désormais dans sa version restaurée.
Il faut avancer très vite maintenant car il n'y aura bientôt plus d'autre sujet de débat sur ce Forum qu'une certaine correspondance dont les Archives nationales viennent de publier une nouvelle édition...
Nouvelle ? Définitive? A qualifier, sans aucun doute...
Nos spécialistes ont commencé à se prononcer sur le sujet, cela promet de beaux développements sur ce Forum !
Détail du portrait restauré (DR)
IX. HYPOTHÈSE DE REPRÉSENTATION
1. Ô malheureuse Iphigénie !
J'ai suggéré précédemment que le portrait pouvait avoir pour objet de rappeler une circonstance à laquelle Marie-Antoinette aurait pris une part suffisante pour qu’elle lui soit immédiatement associée dans l’opinion publique. Un épisode retentissant, qui aurait traversé les frontières de la Cour pour s’imposer aussi à la Ville. Un événement assez plaisant et valorisant enfin pour que Marie-Antoinette souhaitât le commémorer.
Ces considérations, ajoutées à celles qui précèdent sur le rapport de Marie-Antoinette à la musique et à nos interrogations sur le costume, conduisent presque naturellement au personnage d’Iphigénie.
C’est ainsi que la reine me semble en effet apparaître sur le tableau attribué à Mosnier.
Une figuration de Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie soulignerait opportunément la part qu’elle joue alors – avec succès – dans le grand débat musical qui agite les milieux cultivés de la capitale autour de Gluck et sa réforme de l’opéra.
La création d’Iphigénie en Aulide à l’Académie royale de Musique fait figure de véritable événement. La première est donnée le 19 avril 1774, quelques jours à peine avant l’avènement de Louis XVI. Il est inexact de répéter que c’est à l’initiative de Marie-Antoinette que Gluck serait alors à Paris pour y imposer une réforme de l’art lyrique. La reine joue certes un rôle véritable dans l’épisode majeur que constitue pour la musique en France le séjour de Gluck à Paris, mais il ne saurait se résumer à ce raccourci. Un tel voyage a bien sûr été préparé de longue date et la jeune dauphine n’avait ni les moyens d’action ni le pouvoir pour l’organiser.
Gluck séjourne à Paris presqu’en permanence de 1774 à 1779, période pendant laquelle le compositeur bénéficie du soutien bienveillant – mais non exclusif, loin s’en faut ! – et de l’activisme fervent de son ancienne élève. Il y crée quatre opéras qui rencontrent un retentissement inédit et surtout durable... Après la première Iphigénie, l’Académie royale de Musique voit ainsi la création d’Armide en 1777, Iphigénie en Tauride en 1779 puis Echo et Narcisse la même année. Gluck donne également les versions françaises d’Orphée et Eurydice et d’Alceste, respectivement en 1774 et 1776.
Il est presqu’impossible aujourd’hui d’imaginer l’intensité du débat autour de la réforme de l’opéra en France pendant le règne de Louis XVI. La récurrence des articles de fond dans les revues et correspondances culturelles (Le Mercure de France, la Correspondance littéraire de Grimm, les Mémoires secrets...) signale l’extrême sensibilité des enjeux et illustre la grande vivacité des opinions. La reine entend bien intervenir dans cette querelle comme autorité agissante. Mais s’exposer et prendre parti n’est pas sans risque... Surtout lorsque la reine de France entend défendre une vision cosmopolite de la musique et met en œuvre une politique que le jargon actuel qualifierait d’inclusive.
Mais sachons ici patienter jusqu’à l’enquête tout-à-fait passionnante de Patrick Barbier dont j'ai annoncé la sortie du livre "Marie-Antoinette et la musique" début janvier 2022 chez Grasset !
La recherche d’éventuels points de rencontre entre Iphigénie et Marie-Antoinette au tout début du règne conduit à quelques découvertes édifiantes.
Dans l’iconographie de la reine, une gouache montre le couple royal à l’époque du couronnement en 1775. Une partition d’opéra est ouverte aux pieds de Marie-Antoinette. Ce n’est pas une partition quelconque mais celle d’Iphigénie en Aulide et l’on peut lire distinctement : « Iphigénie, Opéra » ...
anonyme, école française (ci-dessus, avec détail ci-dessous)
le couronnement de Louis XVI, accompagné de Marie-Antoinette
gouache, vers 1775 (40,0x32,5cm)
Vente Christie’s Paris, 2 novembre 2015, Lot 13
(source de l’image : Christie’s)
le couronnement de Louis XVI, accompagné de Marie-Antoinette
gouache, vers 1775 (40,0x32,5cm)
Vente Christie’s Paris, 2 novembre 2015, Lot 13
(source de l’image : Christie’s)
Il est très significatif de trouver une telle citation sur une œuvre anonyme, sans caractère officiel et à simple but commémoratif.
Elle témoigne du fait que – dans l’opinion qui s’informe – Marie-Antoinette a déjà su imposer l’idée de son influence au service de conceptions musicales novatrices. Iphigénie apparaît comme « une grande bataille gagnée » pour la reine dès la première année du règne. La gouache suggère que son ambition d’être la protectrice de la musique, et plus particulièrement de l’opéra, est passée dans l’opinion. La mention spécifique d’une œuvre et non la simple reproduction de portées musicales confirme l’identification de la reine à un événement particulier, suffisamment important pour être ici distingué. Notons que l’auteur appelle la protection du couple royal sur tous les arts et qu’à la partition s’ajoutent la palette d’un peintre, le buste d’un sculpteur et le chapiteau corinthien d’un architecte. Favoriser les beaux-arts fait partie de la bonne manière d’être roi et reine en France. Dans ce catalogue de bonnes intentions prêtées à Louis XVI et Marie-Antoinette (ou rappelées à leur zèle...), retenons toutefois que seule la musique reçoit ici une illustration tangible, puisée au cœur même d’une actualité qui renvoie à la reine et à elle seule.
A l’inverse, les détracteurs de Marie-Antoinette – en embuscade et rangs serrés dès 1774 – trouvent dans le triomphe d’Iphigénie un prétexte pour attaquer la princesse d’origine autrichienne. Un des tout premiers pamphlets contre la reine, l’année même de l’avènement, s’intitule « Dissertation extraite d’un plus grand ouvrage, ou Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers, et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI ». Les attaques visent à dénigrer l’Alliance et à compromettre le parti autrichien de la Cour en jetant le soupçon sur la conduite de la reine. L’auteur alerte sur les conséquences de la stérilité du couple royal et les ruses prévisibles de la reine pour y remédier. On peut y lire une description édifiante de Marie-Antoinette à la mort de Louis XV : « Et bientôt, toute la France a passé sous les yeux de sa femme, devenue reine à l’instant et cachant sous un air augustement affligé, sous un maintien étudié d’après le rôle d’Iphigénie de Gluck représenté par la nymphe Arnould, qu’elle avait vu depuis peu, cachant, dis-je, sous des larmes feintes, la joie d’être enfin arrivée au terme de ses désirs. »
2. Iphigénie, figure d’actualité aux XVIIe et XVIIIe siècles
Le nom d’Iphigénie posé, le tableau s’éclaire car certains détails font soudain sens avec l’iconographie contemporaine et traditionnelle de l’infortunée princesse sur le point d’être sacrifiée.
Le mythe d’Iphigénie garde une actualité tout au long de l’âge classique. C’est vrai au théâtre où Racine ouvre la voie en 1674 en écrivant sa tragédie basée sur les événements d’Aulis. Goethe, cent ans plus tard et en allemand cette fois, donne aussi une pièce pour l’épisode en Tauride.
C’est vrai surtout à l’opéra, à la fois en France (Campra en 1704 ; Gluck en 1774, puis en 1779 ; Piccinni en 1781) et en Italie (pas moins de quatre compositeurs, parmi lesquels Jommelli, entre 1763 et 1771). Piccinni, compositeur protégé de la reine et rival de Gluck, crée donc à Paris sa propre version d’Iphigénie en Tauride, là-même où Gluck a présenté la sienne, deux ans à peine auparavant ! Une manifestation très caractéristique de l’ébullition qui caractérise alors le monde de la musique à Paris !
En peinture, de grandes signatures comme celles de François Le Moyne (en 1728) ou Carle Van Loo (en 1757) s’emparent au XVIIIe siècle d'un thème qu'avait déjà traité Charles de la Fosse en 1680.
- Charles de La Fosse (1680):
- François Le Moyne (1728):
- Carle Van Loo (1757):
Une telle abondance de références contribue à créer un répertoire visuel facilement reconnaissable des élites cultivées. Le voile (toujours) et des festons de fleurs dans les cheveux (le plus souvent) en sont les caractéristiques principales. C’est aussi le sacrifice à Aulis qui est généralement représenté en raison des possibilités dramatiques qu’il offre. Iphigénie s’est laissée attirer dans cette ville par son père Agamemnon sous le prétexte d’y épouser Achille. C’est parée pour la cérémonie qu’elle se présente alors, avant de découvrir que l’autel auquel on la conduit est celui du sacrifice :
« De festons odieux ma fille couronnée
Tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés »
Clytemnestre, mère d’Iphigénie, dans la pièce de Racine (Acte V, Scène IV)
Image qui devient, dans le livret du bailli Du Roullet pour l’opéra de Gluck et sous la voix d’Agamemnon cette fois (Acte II, Scène VII) :
« Ma fille ? Je frémis !
Iphigénie, ô ciel !
de festons couronnée
A l’homicide acier
Présentera son sein
Je verrai tout son sang couler »
Joseph Siffred Duplessis (1725-1802)
portrait de Christoph Willibald Gluck, 1775
huile sur toile (99,5 x 80,5cm), Vienne, Kunsthistorisches Museum
(source de l’image : Wikimédia, Google Art Project)
Le peintre a représenté l’artiste au lendemain de sa création
de l’Iphigénie en Aulide à Paris, en avril 1774
portrait de Christoph Willibald Gluck, 1775
huile sur toile (99,5 x 80,5cm), Vienne, Kunsthistorisches Museum
(source de l’image : Wikimédia, Google Art Project)
Le peintre a représenté l’artiste au lendemain de sa création
de l’Iphigénie en Aulide à Paris, en avril 1774
- De plus près...:
frontispice de la première édition imprimée de la partition d’Iphigénie en Tauride, « dédiée à la reine »
(source de l’image : Wikipédia, page Iphigénie en Tauride de Gluck)
(source de l’image : Wikipédia, page Iphigénie en Tauride de Gluck)
3. un costume qui fait sens, plus du tout un accoutrement...
La singularité du costume de Marie-Antoinette peut alors s’expliquer et ce voile si curieux est en réalité le voile d’Iphigénie. L’accessoire devient d’ailleurs vite une appellation durable pour la mode féminine, on le retrouve encore en juillet 1798 sur une gravure du Journal des Dames et des Modes. Les perles qui passaient dans les cheveux de la reine dans la version originale du tableau compliquaient l’ajout de roses en festons, c’est donc au corsage que s’accroche ici la fleur évocatrice.
Les sculpteurs au temps de Louis XVI ont donné de très grandes œuvres sur le thème d’Iphigénie. En 1775, Sophie Arnould, créatrice du rôle-titre d’Iphigénie en Aulide, est immortalisée par Houdon qui signe un de ses chefs d’œuvre, gravé en couleur juste avant la Révolution par Janinet. Sophie Arnould a quelques roses dans les cheveux, un long voile est fixé à l’arrière de la coiffure. En 1784, c’est Montigny, élève de Pigalle, qui donne de la Saint-Huberty un buste torturé en plâtre. Une couronne de lauriers remplace les roses dans les cheveux de la cantatrice qui conserve « ces voiles qu’on ne doit pas effleurer », ainsi que l’avait écrit Euripide.
Dans la version à Aulis, Iphigénie incarne le drame de l’innocence sacrifiée, le personnage touchant d’une jeune fille qui se présente confiante pour épouser son fiancé.
En Tauride, celle qui est devenue grande prêtresse de Diane est un personnage plus équivoque, à qui il revient parfois de pratiquer elle-même le sacrifice des étrangers échoués sur les rives de cette lointaine contrée qui ne s’appelle pas encore la Crimée.
Sophie Arnould dans le rôle d’Iphigénie en Aulide
à gauche et au centre, buste en marbre de Jean-Antoine Houdon, 1775 (H. 67cm), Paris, Musée du Louvre
à droite, estampe de Jean-François Janinet (d’après Houdon), 1787 (19,2x13,2cm), Paris, Musée Carnavalet,
(source des images : site du Musée du Louvre pour Houdon ; Paris Musées Collections pour Janinet)
à gauche et au centre, buste en marbre de Jean-Antoine Houdon, 1775 (H. 67cm), Paris, Musée du Louvre
à droite, estampe de Jean-François Janinet (d’après Houdon), 1787 (19,2x13,2cm), Paris, Musée Carnavalet,
(source des images : site du Musée du Louvre pour Houdon ; Paris Musées Collections pour Janinet)
Antoinette Clavel, dite la Saint-Huberty, dans le rôle d’Iphigénie
buste en plâtre de Lucas de Montigny, 1784 (H. 61,5cm), Bordeaux, Musée des Beaux-Arts
(source des images : Galerie Kugel (Paris) à gauche, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux à droite)
buste en plâtre de Lucas de Montigny, 1784 (H. 61,5cm), Bordeaux, Musée des Beaux-Arts
(source des images : Galerie Kugel (Paris) à gauche, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux à droite)
C’est très vraisemblablement à la première des deux Iphigénie de Gluck que se rattache notre tableau, indice supplémentaire – peut-être – pour désigner les trois années 1776 à 1778 comme étant les plus probables dans la fourchette proposée précédemment (1776 à 1781).
Quelques images encore pour évoquer de possibles sources d’inspiration pour la tenue que porte la reine. La BNF conserve plus de 800 dessins de Louis-René Boquet qui sont autant de maquettes de costumes pour les spectacles de l’Académie royale de Musique. Grand merci à Marie-Jeanne de m'avoir orienté vers ce fonds aussi fascinant que séduisant, qui donne des artistes une vision très précise et le plus souvent allègre dans leur habillement de scène.
Boquet est proche des milieux de Cour, il est d’ailleurs Inspecteur Général des Menus-Plaisirs du Roi. Avec le danseur et chorégraphe Jean-Georges Noverre, Boquet fait évoluer le style des costumes pour faciliter l’expression dramatique des personnages. C’est Marie-Antoinette qui fait revenir Noverre de Vienne en 1775 car elle souhaite l’imposer comme Maître des Ballets de l’Opéra. Il y a chez la reine une grande cohérence à soutenir des compositeurs comme Gluck, dont la réforme valorise l’action dramatique, et à défendre dans le même temps Noverre dans sa promotion du ballet d’action et ses réformes fondatrices pour le ballet moderne. Noverre et Gluck se connaissent d’ailleurs très bien, ils ont étroitement collaboré pendant le séjour viennois du chorégraphe, à partir de 1767. Gluck, Noverre et Boquet partagent une communauté de vision et leur collaboration, sous la haute protection de la reine, opère un alignement de planètes très fécond pour l’opéra en France.
Louis-René Boquet (1717-1814), maquettes de costumes de scène pour l’Académie royale de Musique
dessin, mine de plomb et encre métallogallique, Paris, BNF
(source des images : Gallica)
dessin, mine de plomb et encre métallogallique, Paris, BNF
(source des images : Gallica)
L’aimable dessinateur, né au lendemain de la mort de Louis XIV,
vécut presque centenaire pour s’éteindre à l’époque de la Première Restauration !
vécut presque centenaire pour s’éteindre à l’époque de la Première Restauration !
Louis-René Boquet (1717-1814)
maquette d’un costume de prêtresse de Diane pour Iphigénie en Tauride à l’Académie royale de Musique
dessin, mine de plomb et encre métallogallique (242x160mm), 1779, Paris, BNF
(contrairement à la notice de la BNF, j’opte pour 1779 et non 1774
car il n’y a pas de prêtresses de Diane dans Iphigénie en Aulide...)
(source de l’image : Gallica)
maquette d’un costume de prêtresse de Diane pour Iphigénie en Tauride à l’Académie royale de Musique
dessin, mine de plomb et encre métallogallique (242x160mm), 1779, Paris, BNF
(contrairement à la notice de la BNF, j’opte pour 1779 et non 1774
car il n’y a pas de prêtresses de Diane dans Iphigénie en Aulide...)
(source de l’image : Gallica)
Les dessins qui terminent ce chapitre ne constituent pas à proprement parler des modèles pour la robe portée par la reine. Mais certains détails s’y remarquent, comme les bouillons de gaze - rayée le plus souvent – qui habillent le corsage (un choix fréquent chez Louis-René Boquet) et les bustiers ensuite très ajustés. Ou encore cette idée qu’un ornement de tête puisse ensuite descendre le long du buste et s’intégrer au passage au corsage.
Le plus souvent les dessins de la BNF correspondent à des spectacles non identifiés et peu de dessins sont annotés. Le costume d’Iphigénie n’y est pas formellement distingué et, à parcourir la collection accessible sur Gallica, il ne semble pas avoir été conservé.
Il ne faudrait pas que les choses soient trop faciles...
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Bonus en musique :
Maria Callas, une Iphigénie qui a su garder toutes ses perles...
Erio Piccagliani, photographe officiel de la Scala de Milan (Maria Callas en 1957, dans le rôle d'Iphigénie en Tauride)
Ecoutons la en 1957 dans l'interprétation du rôle en italien (O sventurata Ifigenia...), dans une captation LIVE
à la Scala de Milan.
(Direction Nono Sanzogno, mise en scène Luchino Visconti).
Notons au passage que le livret en français de Guillard a été adapté pour la langue italienne par Lorenzo da Ponte en personne...
En 1963, Maria Callas enregistrera la version originale de l'air en français, sous la direction de Georges Prêtre.
C'est le premier air à figurer sur son second album "Callas à Paris".
Plus récemment, retenons aussi la version de Stéphanie d'Oustrac lors du spectacle musical
"C'était Marie-Antoinette" mis en scène par Jean-Paul Scarpitta en 2009, sous la direction de Fabio Biondi
(Création le 29 juillet 2009 au Festival de Radio France et Montpelier Languedoc-Roussillon,
avec Natacha Régnier dans le rôle de Marie-Antoinette).
Interprétation très habitée, et un bien beau voile...
Ô malheureuse Iphigénie,
ta famille est anéantie!
Vous n'avez plus de rois,
je n'ai plus de parents.
Mêlez vos cris plaintifs
à mes gémissements.
Vous n'avez plus de rois,
je n'ai plus de parents...
(Acte 2, Scène VI, Iphigénie en Tauride)
ta famille est anéantie!
Vous n'avez plus de rois,
je n'ai plus de parents.
Mêlez vos cris plaintifs
à mes gémissements.
Vous n'avez plus de rois,
je n'ai plus de parents...
(Acte 2, Scène VI, Iphigénie en Tauride)
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Minuit et une minute ! L'exactitude est la politesse des rois : seriez-vous d'extraction royale, cher Bonnefoy ?
Avec Iphigénie vous touchez à l'un de mes mythes favoris, c'est dire si cet avant-dernier épisode de notre feuilleton m'a passionnée.
Mille mercis !
Marie-Antoinette se croit promise par mariage au plus beau trône d'Europe. Elle n'est en réalité qu'offerte en sacrifice sur l'autel de la Révolution. Comment ne pas penser à Iphigénie ? J'ai déjà eu cette conversation avec Notre Grâce. C'était au sujet du portrait attribué à Charles Leclercq. Dans le tableau, peut-être de Jean-Laurent Mosnier, les cheveux sont déjà couverts de l'emblématique voile de gaze rayée, toutefois Marie-Antoinette ne porte pas encore la robe blanche immaculée de vestale : une Iphigénie en quelque sorte à mi-chemin entre Aulide et Tauride.
Malheureusement, Artémis ne sauvera pas Marie-Antoinette du couteau de Sanson comme Iphigénie de celui de Calchas...
Merci, cher Bonnefoy, pour cette conclusion musicale de Marias Callas ( avec le craquement caractéristique de nos microsillons d'antan ) .
Pour la ( toute ) petite histoire:
Avec Iphigénie vous touchez à l'un de mes mythes favoris, c'est dire si cet avant-dernier épisode de notre feuilleton m'a passionnée.
Mille mercis !
Oups, pardon !Bonnefoy du Plan a écrit:
Il faut avancer très vite maintenant car il n'y aura bientôt plus d'autre sujet de débat sur ce Forum qu'une certaine correspondance dont les Archives nationales viennent de publier une nouvelle édition...
Marie-Antoinette se croit promise par mariage au plus beau trône d'Europe. Elle n'est en réalité qu'offerte en sacrifice sur l'autel de la Révolution. Comment ne pas penser à Iphigénie ? J'ai déjà eu cette conversation avec Notre Grâce. C'était au sujet du portrait attribué à Charles Leclercq. Dans le tableau, peut-être de Jean-Laurent Mosnier, les cheveux sont déjà couverts de l'emblématique voile de gaze rayée, toutefois Marie-Antoinette ne porte pas encore la robe blanche immaculée de vestale : une Iphigénie en quelque sorte à mi-chemin entre Aulide et Tauride.
Malheureusement, Artémis ne sauvera pas Marie-Antoinette du couteau de Sanson comme Iphigénie de celui de Calchas...
Merci, cher Bonnefoy, pour cette conclusion musicale de Marias Callas ( avec le craquement caractéristique de nos microsillons d'antan ) .
Pour la ( toute ) petite histoire:
- Spoiler:
- "Après un séjour enchanteur à Bel-Œil, écrit Gaston Maugras, Mme de Sabran regagna Paris et reprit le cours ordinaire de sa vie. Elzéar et Delphine poursuivirent leurs succès dramatiques, et ils jouèrent chez leur mère et chez plusieurs de ses amies, Mme de Champcenetz, Mme de Clermont-Gallerande, etc. Partout ils triomphèrent. "
La Reine ayant entendu parler de ces petits prodiges , voulut les voir et les entendre . Un théâtre fut monté exprès chez Madame de Polignac, et les jeunes artistes y jouèrent " Iphigénie en Tauride " : mademoiselle de Sabran faisait Iphigénie et M. de Sabran remplissait le rôle d'Oreste . Les autres acteurs étaient Jules de Polignac, les deux demoiselles d'Andlau, depuis mesdames d'Orglande et de Rosambo.
Le succès fut complet; on avait préparé un souper pour les jeunes acteurs : on les fit mettre à table, où le Roi et la Reine les servirent et se tinrent debout, l'un derrière Oreste, l'autre derrière Iphigénie .
( Duchesse d'Abrantès, extrait des Histoires des Salons de Paris )
" Iphigénie " fut pour Elzéar et sa sœur un véritable triomphe; la Reine, attendrie jusqu'aux larmes, applaudissait sans cesse. ( ... ) le Roi, ravi, voulut servir lui-même les jeunes acteurs au souper qui suivit ; il donna un cadeau à Elzéar et il lui demanda s'il avait eu bien peur en entrant en scène.» Et pourquoi peur. Sire? » répondit fièrement Elzéar.
( Pierre de Croze-Lemercier : Le comte Elzéar et ses papiers )
« La Reine a trouvé Elzéar sur son passage et elle l'a embrassé sur ses deux petites joues couleur de rose. Ce matin elle m'a dit : " Savez-vous que j'ai embrassé un monsieur hier? » — « Madame, je le sais, car il s'en vante. » Elle s'est mise à rire et elle m'a dit qu'elle l'avait trouvé grandi et embelli étonnamment, qu'elle l'avait montré la veille à l'archiduchesse à la Comédie où je l'avais mené voir jouer Didon. »
( Mme de Sabran au chevalier de Boufflers )
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
À la fin du deuil de Louis XV (6 mois), une coiffure à l« l'Iphigénie constituée d'un voile blanc couronné de fleurs noires fut à la mode à Paris. L'étiquette très codifiée des deuils à Versailles n'aurait pas permis à Marie-Antoinette de la porter.
Sur le Mosnier, le voile est à mon avis un " clin d'œil " musical à l'œuvre de Gluck que la dauphine avait applaudi et que la reine continuait à soutenir, plutôt qu'à la tragédie du personnage d'Iphigénie. Le tableau n'est pas dans l'univers des vestales allégoriques.
Sur le Mosnier, le voile est à mon avis un " clin d'œil " musical à l'œuvre de Gluck que la dauphine avait applaudi et que la reine continuait à soutenir, plutôt qu'à la tragédie du personnage d'Iphigénie. Le tableau n'est pas dans l'univers des vestales allégoriques.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Mais quel plaisir pour moi, ce chapitre 9 ! Toute cette année à travers le spectacle de ma compagnie que l'on a présenté dans divers châteaux, je me suis efforcé de montrer l'importance culturelle et politique de l'opéra par rapport à la Reine. Et bien-sûr ses cantatrices, Sophie Arnould, ses danseuses comme Mlle Guimard ou Dervieux, ses actrices aussi.
J'adore ces divas car c'est l'âme culturelle du 18ème et Marie Antoinette n'en est jamais loin..
De plus le clin d'œil à Iphigénie par rapport au tableau de la Reine me conforte dans l'idée que j'ai eu de la mise en scène. Oui quelle joie ces moments musicaux, ces écrits sur ce post. On a plus de roi, plus de parents, comme dit Iphigenie, mais ici on en garde l'âme.....
Pour finir une petite phrase de Sophie Arnould.
Un soir où elle ne chantait pas, une autre cantatrice (j'ai oublié le nom) était sur scène passablement éméchée. Et c'est que dire, cette chanteuse était bien de la bouteille. Un gentilhomme arrivé en retard sans programme demanda à Sophie:
Ce soir c'est Iphigenie en Aulide ou Iphigenie en Tauride?
A non, dit Sophie ce soir c'est Iphigenie en Champagne.
Il ne manquerait plus que sur le tableau de la Reine retrouvée, le peintre y est glissé une bouteille vide pour donner un petit clin d'œil à cette anecdote, cher Bonnefoy du Plan.
J'adore ces divas car c'est l'âme culturelle du 18ème et Marie Antoinette n'en est jamais loin..
De plus le clin d'œil à Iphigénie par rapport au tableau de la Reine me conforte dans l'idée que j'ai eu de la mise en scène. Oui quelle joie ces moments musicaux, ces écrits sur ce post. On a plus de roi, plus de parents, comme dit Iphigenie, mais ici on en garde l'âme.....
Pour finir une petite phrase de Sophie Arnould.
Un soir où elle ne chantait pas, une autre cantatrice (j'ai oublié le nom) était sur scène passablement éméchée. Et c'est que dire, cette chanteuse était bien de la bouteille. Un gentilhomme arrivé en retard sans programme demanda à Sophie:
Ce soir c'est Iphigenie en Aulide ou Iphigenie en Tauride?
A non, dit Sophie ce soir c'est Iphigenie en Champagne.
Il ne manquerait plus que sur le tableau de la Reine retrouvée, le peintre y est glissé une bouteille vide pour donner un petit clin d'œil à cette anecdote, cher Bonnefoy du Plan.
Mr ventier- Messages : 1126
Date d'inscription : 18/11/2020
Age : 58
Localisation : Rouen normandie
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
A nouveau merci, cher Bonnefoy, pour cet article qui enrichit nos connaissances du sujet (assez ignoré) de " Marie-Antoinette et la musique ".
La nuit, la neige- Messages : 18055
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Mme de Sabran a écrit:La Reine ayant entendu parler de ces petits prodiges , voulut les voir et les entendre . Un théâtre fut monté exprès chez Madame de Polignac, et les jeunes artistes y jouèrent " Iphigénie en Tauride " ...
Merci Madame de Sabran, je trouve l’anecdote charmante, comme tout ce qui apporte un supplément de fraicheur et de vie à ce que racontons ici. Merci aussi d’avoir sorti cet inédit de votre album de famille !
Marie-Jeanne a écrit:Sur le Mosnier, le voile est à mon avis un " clin d'œil " musical à l'œuvre de Gluck que la dauphine avait applaudi et que la reine continuait à soutenir, plutôt qu'à la tragédie du personnage d'Iphigénie.
Tout-à-fait d’accord avec vous, vous anticipez d’ailleurs ce que j’écris au début de ma conclusion du 2 novembre. C’est un clin d’œil et pas un message subliminal (il faut dire que Bonnefoy n’a pas Aurore pour prénom...).
Mr Ventier a écrit:Il ne manquerait plus que sur le tableau de la Reine retrouvée, le peintre y est glissé une bouteille vide pour donner un petit clin d'œil à cette anecdote, cher Bonnefoy du Plan.
Ah, cher Monsieur Ventier, les facéties de Sophie sont décidément une source inépuisable pour nourrir votre imagination ! Je vous laisse celle-ci pour égayer une de vos mises en scène, je conserve pour ma part l'énigmatique tête de petite fille – je l’ai appelée Greta, elle me fait penser à quelqu’un, en brune... – seul élément de ce « tableau sous le tableau ».
Une bouteille, mais voyons, vous n’y pensez pas !
La nuit, la neige a écrit:... cet article qui enrichit nos connaissances du sujet (assez ignoré) de " Marie-Antoinette et la musique "
Le sujet assez ignoré n’aura bientôt plus aucune raison de le rester... J’ai passé hier une charmante journée avec Patrick Barbier, l’auteur de « Marie-Antoinette et la musique ». Il vient de consacrer quelques semaines très denses aux commémorations du bicentenaire de Pauline Viardot, dont il a écrit une biographie de référence chez Grasset en 2009. Amusant télescopage à vrai dire entre la reine Marie-Antoinette, soutien sans faille de Gluck, et Pauline Viardot – cantatrice républicaine convaincue – qui a ressuscité le répertoire de Gluck au milieu du XIXe siècle, avec la complicité active de Berlioz et Saint-Saëns.
Nous aurons je l’espère l’occasion d’organiser quelque chose avec cet auteur l’année prochaine... Je vous tiendrai en tout cas informés des différentes manifestations auxquelles il participera au moment de la promotion de son livre. Certaines s’annoncent très intéressantes, notamment une conférence où il partagera la tribune avec Emmanuel de Waresquiel, dont un nouveau livre est également attendu au printemps prochain.
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Bonnefoy du Plan a écrit:
Nous aurons je l’espère l’occasion d’organiser quelque chose avec cet auteur l’année prochaine... Je vous tiendrai en tout cas informés des différentes manifestations auxquelles il participera au moment de la promotion de son livre. Certaines s’annoncent très intéressantes, notamment une conférence où il partagera la tribune avec Emmanuel de Waresquiel, dont un nouveau livre est également attendu au printemps prochain.
La nuit, la neige- Messages : 18055
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
NEUVIÈME CHAPITRE (10ème et dernier post) : la conclusion!
Dans ce dernier post, deux inédits pour un deux novembre ! :
- une image de qualité correcte pour un tableau bien connu du Forum mais dont nous n'avions jusqu'ici que des reproductions très médiocres, et
- une deuxième image, de qualité très approximative, pour une miniature de belle apparence, aujourd'hui non localisée, due soi-disant - je n'invente pas ! - au talent d'un certain... Jean-Laurent Mosnier !
Full circle...
X - VALEUR PATRIMONIALE - CONCLUSION
1. un récit dévoilé pour des origines toujours à éclaircir
Pour interpréter ce tableau, pour l’apprécier et en comprendre l’importance, il faut connaître le rapport de Marie-Antoinette à la musique et mesurer les circonstances exceptionnelles qui placent la jeune reine au cœur d’une de ces polémiques très françaises qui, depuis la Querelle des Anciens et des Modernes, agitent régulièrement le monde intellectuel et artistique.
Représenter une reine sous les traits d’une victime sacrificielle n’est pas image simple à faire comprendre de l’opinion publique ! Or, ce n’est pas tant le personnage d’Iphigénie en lui-même qu’il faut interroger ici, que la place qu’il occupe dans le débat sur la musique qui agite le règne de Louis XVI. Un tableau aussi éloigné des codes du portrait de cour ne semble d’ailleurs pas destiné à franchir le cercle intime et nous avons cru y voir plus volontiers une image de composition, à caractère vraisemblablement commémoratif, destinée à la seule souveraine ou à un proche.
En dépit d’une transposition traumatisante, le portrait est suffisamment beau et éloquent pour qu’on y reconnaisse la main sûre d’un artiste très capable. L’expertise à distance concluant au rejet du nom de Mosnier est fondée sur des critères objectifs mais applicables au peintre de la grande maturité, celle des années 1790 et au-delà. Elle nous semble insuffisamment motivée pour un tableau des années 1770, période où sa production à l’huile est mal connue et reste au mieux exceptionnelle.
Mais plutôt que de spéculer vainement sur le nom de Mosnier, il est apparu prioritaire de reconstituer le récit autour du tableau. Car le nom du peintre s’efface devant la scène narrative qui a été restituée et qui – elle – présente un intérêt majeur pour une meilleure connaissance de la personnalité de Marie-Antoinette.
Faute de pièces d’archives irréfutables, le tableau garde pour l’heure le mystère de ses origines. Un jour peut-être, d’autres éléments... Pour l’heure, et sur la base des informations connues, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’il fait partie de la catégorie des portraits posés, dans laquelle nous espérions pouvoir l’inscrire.
2. un jalon significatif dans l’iconographie de Marie-Antoinette
Le portrait apparaît comme un jalon entre deux périodes dominées par Gautier-Dagoty d’une part et Madame Vigée Le Brun de l’autre. Nous avons relevé sa grande proximité avec la miniature de Mosnier qui est une citation directe du grand portrait en pied de Jean-Baptise-André. Mais le tableau donne aussi du visage de Marie-Antoinette une lecture qui préfigure celle que Madame Le Brun imposera. Le portrait de notre étude n’est d’ailleurs pas sans points communs avec celui que la reine envoie à Darmstadt en 1781, où la portraitiste peine encore à donner sa pleine mesure et cherche toujours la bonne manière.
Beaucoup de portraits de jeunesse de Marie-Antoinette sont difficiles à relier les uns aux autres tant ces images de peintres aux capacités inégales sont différentes, voire contradictoires. Il est intéressant de relever ici au contraire que le portrait s’intègre avec facilité dans une vraie continuité.
Il reste à noter que le thème d’Iphigénie ressurgira une dizaine d’années plus tard et qu’il n’est pas limité à cette seule image où la jeune reine semble toiser le spectateur avec la plus grande satisfaction alors que triomphe son compositeur favori.
La miniature de Dumont montre Marie-Antoinette en pied sous les traits d’Iphigénie au tout début des années 1790. La tradition rapporte que la gouache figurait sur le bureau de Louis XVI aux Tuileries, cette nouvelle image était donc une fois encore destinée au cercle le plus privé. Dans le premier tome de l’inventaire analytique de la collection de Vinck (1909), François-Louis Bruel révèle que le comte de Vieil-Castel, qui était le neveu de Mirabeau, avait offert à l’impératrice Eugénie en 1854 le dessin ébauché de cette miniature. Vieil Castel écrit dans ses mémoires (T. III, p. 41) : « Je lui ai fait envoyer il y a huit jours le portrait de Marie-Antoinette dessiné d’après nature par Dumon (sic) son peintre en miniature. La Reine est représentée en pied dans le petit Temple du jardin de Trianon, tenant un vase sur lequel est le médaillon de Louis XVI (21 juillet 1854) ». Curieuse information, au passage, puisque le profil de Louis XVI ne figure pas sur la miniature mais seulement sur le tableau à l'huile. Vieil Castel aurait-il fait une confusion entre la miniature et le tableau? Si ce dessin est parfaitement inconnu et peut-être aujourd’hui perdu, la miniature figure depuis de nombreuses générations dans les collections du Château de Mouchy. Le duc actuel en a autorisé la reproduction en couleur pour la première fois en 2021, à l’occasion de l’exposition du Château de Rambouillet sur le thème « Vivre à l’antique ».
Près d’un quart de siècle plus tard, le même François Dumont donnera de sa miniature une version en grand, sur toile, dont les variantes souligneront le thème, avec un vase Médicis à l’arrière-plan dont la panse raconte très précisément le sacrifice d’Iphigénie.
La même iconographie se retrouve enfin sur la version gravée de la toile de Dumont, que Tardieu termine en 1815. A l’époque du retour des Bourbons, ce n’est plus le lointain souvenir de la querelle autour des formes de l’opéra qui prévaut. C’est le personnage même d’Iphigénie qui revient alors au premier plan avec toute la symbolique d’une princesse sacrifiée, abandonnée à la raison d’état... A constater la fréquence avec laquelle cette belle gravure dédiée à la duchesse d’Angoulême se rencontre encore aujourd’hui, il est vraisemblable qu’elle fut très populaire auprès de certaines classes et largement répandue.
3. une valeur patrimoniale certaine
Si le tableau « attribué à Mosnier » ne peut prétendre au rang de chef d’œuvre de la peinture, il n’en présente pas moins le plus grand intérêt.
L’importance de ce portrait dans le patrimoine visuel lié à Marie-Antoinette tient en effet à plusieurs facteurs très précis :
- le portrait est unique par son mode de représentation ;
- le récit qu’il tient touche au plus intime de la sensibilité artistique de la reine ;
- il permet d’approfondir un thème central dans la vie de Marie-Antoinette, le plus souvent pourtant négligé, celui de la musique. Les considérations auxquelles invite la lecture de ce portrait révèlent chez la reine des traits de caractère peu connus, qui vont à l’encontre des traditions simplificatrices qui ou bien l’accablent ou bien l’idéalisent.
Marie-Antoinette a vécu la musique comme une véritable passion. La suivre sur ce terrain, c’est accéder à une compréhension plus fine de son personnage intime, au point qu’on ne saurait dresser de la reine un portrait convaincant sans parler de la musique.
Cette passion fut pour la vie et le livre à paraître de Patrick Barbier montre à chaque chapitre qu’elle fut une passion active et de mieux en mieux informée. « Ce qui séduit dans ce rapport de la reine avec la harpe, le pianoforte et le chant est précisément qu’il n’est ni une manière de paraître, ni un plaisir mondain pouvant flatter son ego. Il est sincèrement un besoin aussi profond que l’air qu’on respire » (Patrick Barbier).
Certaines anecdotes sont ainsi très révélatrices. Dans l’édition de la correspondance entre Marie-Antoinette et Mercy-Argenteau qu’elle a publiée en intégralité en 2019, Catriona Seth cite un billet de la reine jusqu’ici ignoré car a priori bien anodin. En deux lignes Marie-Antoinette écrit : « La reine prie Monsieur de Mercy de dire à Salieri qu’il fasse copier quelques morceaux de son opéra, nommément le duo, et qu’il les lui porte samedi à midi. Elle sera bien aise [de] faire de la musique avec lui » (printemps 1784, avant la création des Danaïdes le 26 avril, partition « dédiée à la reine »). Voici qui est très caractéristique d’une attitude générale chez Marie-Antoinette. Quand elle fait passer ce mot, elle ne cherche pas une occasion de briller face à public dont elle appellerait les suffrages, elle laisse tout simplement libre-cours à son désir et à sa curiosité.
Car pour atteindre un niveau correct dans les disciplines qu’elle pratique, qu’il s’agisse de la harpe, du pianoforte, du chant ou de la comédie, Marie-Antoinette est prête à des efforts qui montrent chez elle une constance et une force de concentration très éloignées de son image convenue.
Dans le domaine de la musique, Marie-Antoinette se révèle en effet toute sa vie capable de l’inverse de ce qu’on lui reproche habituellement : de la curiosité intellectuelle et une véritable ouverture d’esprit, de l’assiduité et de la concentration, du discernement, de la bienveillance et de l’empathie, du courage et de la ténacité, et aussi beaucoup d’esprit de suite, jouant habilement des rapports de force, ne reculant que lorsque ceux-ci lui sont trop défavorables.
Ce portrait est comme le souvenir d’un moment heureux dans la vie de Marie-Antoinette, l’expression d’une satisfaction personnelle non feinte, celle d’un but atteint en tant que reine, peut-être même d’un devoir accompli par rapport à elle-même en favorisant activement le succès d'un compositeur admiré.
D’ailleurs, ne lit-on pas dans le regard et l’attitude de Marie-Antoinette, une forme de contentement et même d’assurance, que l’on ne remarque que rarement sur ses autres portraits, où pointent tantôt la réserve, tantôt une forme de mélancolie native ?
Pour toutes ces raisons, ce tableau original présente un intérêt patrimonial de premier ordre, car il donne de Marie-Antoinette, la reine musicienne, une image qui parle de son ambition au service d'un art qu’elle associe non seulement à un plaisir personnel mais aussi au rayonnement du pays dont elle est la souveraine.
La conclusion de cette série est comme une introduction au livre de Patrick Barbier, qui revient avec précision sur tous les aspects du rapport étonnamment fort et multiforme que Marie-Antoinette entretient avec la musique.
Nous ne ferons jamais aimer Marie-Antoinette de tout le monde et sans doute n’en demande-t-elle pas tant...
Soyons satisfaits si - sur ce Forum - modestement et patiemment, nous pouvons contribuer à la faire mieux connaître de celles et ceux qui font preuve de curiosité et consultent nos pages avec un esprit ouvert.
Ceux qui se crispent sur de vieilles certitudes ou trouvent rassurant de se bercer aux poncifs d’une histoire militante continueront à faire de Marie-Antoinette un personnage de bouc émissaire presque idéal. Nous n'y changerons rien. Mais au moins pouvons-nous dire à tous ceux-là, peut-être même avec ce brin de hauteur et cette nuance d'ironie qui colorent ici l'expression de la reine :
Oui, peut-être...
Oui, sans doute...
Oui, il est vrai...
Pour autant, il y eut la musique !
Bon anniversaire, Marie-Antoinette!
Je termine en rappelant que, sans l'annonce de la vente de Stockholm en juin 2019 par La nuit, la neige sur le Forum de Marie-Antoinette, le tableau ne serait sans doute pas revenu en France. Il n'aurait alors probablement pas reçu les mêmes soins pour redonner à Marie-Antoinette le visage qu'avait observé le peintre, auteur de ce portrait.
Ce tableau "retrouvé" est donc un peu "celui du Forum"
Allez, une toute dernière fois?
THE END !
Dans ce dernier post, deux inédits pour un deux novembre ! :
- une image de qualité correcte pour un tableau bien connu du Forum mais dont nous n'avions jusqu'ici que des reproductions très médiocres, et
- une deuxième image, de qualité très approximative, pour une miniature de belle apparence, aujourd'hui non localisée, due soi-disant - je n'invente pas ! - au talent d'un certain... Jean-Laurent Mosnier !
Full circle...
X - VALEUR PATRIMONIALE - CONCLUSION
(source des images : Nationalmuseum Stockholm (1965) ; Bukowskis Stockholm (1993 et 2019) ; DR)
1. un récit dévoilé pour des origines toujours à éclaircir
Pour interpréter ce tableau, pour l’apprécier et en comprendre l’importance, il faut connaître le rapport de Marie-Antoinette à la musique et mesurer les circonstances exceptionnelles qui placent la jeune reine au cœur d’une de ces polémiques très françaises qui, depuis la Querelle des Anciens et des Modernes, agitent régulièrement le monde intellectuel et artistique.
Représenter une reine sous les traits d’une victime sacrificielle n’est pas image simple à faire comprendre de l’opinion publique ! Or, ce n’est pas tant le personnage d’Iphigénie en lui-même qu’il faut interroger ici, que la place qu’il occupe dans le débat sur la musique qui agite le règne de Louis XVI. Un tableau aussi éloigné des codes du portrait de cour ne semble d’ailleurs pas destiné à franchir le cercle intime et nous avons cru y voir plus volontiers une image de composition, à caractère vraisemblablement commémoratif, destinée à la seule souveraine ou à un proche.
En dépit d’une transposition traumatisante, le portrait est suffisamment beau et éloquent pour qu’on y reconnaisse la main sûre d’un artiste très capable. L’expertise à distance concluant au rejet du nom de Mosnier est fondée sur des critères objectifs mais applicables au peintre de la grande maturité, celle des années 1790 et au-delà. Elle nous semble insuffisamment motivée pour un tableau des années 1770, période où sa production à l’huile est mal connue et reste au mieux exceptionnelle.
Mais plutôt que de spéculer vainement sur le nom de Mosnier, il est apparu prioritaire de reconstituer le récit autour du tableau. Car le nom du peintre s’efface devant la scène narrative qui a été restituée et qui – elle – présente un intérêt majeur pour une meilleure connaissance de la personnalité de Marie-Antoinette.
Faute de pièces d’archives irréfutables, le tableau garde pour l’heure le mystère de ses origines. Un jour peut-être, d’autres éléments... Pour l’heure, et sur la base des informations connues, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’il fait partie de la catégorie des portraits posés, dans laquelle nous espérions pouvoir l’inscrire.
2. un jalon significatif dans l’iconographie de Marie-Antoinette
Le portrait apparaît comme un jalon entre deux périodes dominées par Gautier-Dagoty d’une part et Madame Vigée Le Brun de l’autre. Nous avons relevé sa grande proximité avec la miniature de Mosnier qui est une citation directe du grand portrait en pied de Jean-Baptise-André. Mais le tableau donne aussi du visage de Marie-Antoinette une lecture qui préfigure celle que Madame Le Brun imposera. Le portrait de notre étude n’est d’ailleurs pas sans points communs avec celui que la reine envoie à Darmstadt en 1781, où la portraitiste peine encore à donner sa pleine mesure et cherche toujours la bonne manière.
Beaucoup de portraits de jeunesse de Marie-Antoinette sont difficiles à relier les uns aux autres tant ces images de peintres aux capacités inégales sont différentes, voire contradictoires. Il est intéressant de relever ici au contraire que le portrait s’intègre avec facilité dans une vraie continuité.
Il reste à noter que le thème d’Iphigénie ressurgira une dizaine d’années plus tard et qu’il n’est pas limité à cette seule image où la jeune reine semble toiser le spectateur avec la plus grande satisfaction alors que triomphe son compositeur favori.
La miniature de Dumont montre Marie-Antoinette en pied sous les traits d’Iphigénie au tout début des années 1790. La tradition rapporte que la gouache figurait sur le bureau de Louis XVI aux Tuileries, cette nouvelle image était donc une fois encore destinée au cercle le plus privé. Dans le premier tome de l’inventaire analytique de la collection de Vinck (1909), François-Louis Bruel révèle que le comte de Vieil-Castel, qui était le neveu de Mirabeau, avait offert à l’impératrice Eugénie en 1854 le dessin ébauché de cette miniature. Vieil Castel écrit dans ses mémoires (T. III, p. 41) : « Je lui ai fait envoyer il y a huit jours le portrait de Marie-Antoinette dessiné d’après nature par Dumon (sic) son peintre en miniature. La Reine est représentée en pied dans le petit Temple du jardin de Trianon, tenant un vase sur lequel est le médaillon de Louis XVI (21 juillet 1854) ». Curieuse information, au passage, puisque le profil de Louis XVI ne figure pas sur la miniature mais seulement sur le tableau à l'huile. Vieil Castel aurait-il fait une confusion entre la miniature et le tableau? Si ce dessin est parfaitement inconnu et peut-être aujourd’hui perdu, la miniature figure depuis de nombreuses générations dans les collections du Château de Mouchy. Le duc actuel en a autorisé la reproduction en couleur pour la première fois en 2021, à l’occasion de l’exposition du Château de Rambouillet sur le thème « Vivre à l’antique ».
Iphigénie sous les traits d’Antoinette Clavel (la Saint-Huberty) et de Marie-Antoinette
illustration XIXe siècle pour Antoinette Clavel
miniature de Dumont, vers 1790, Collection du Château de Mouchy, pour la reine
(source des images : internet ; Gallica, Vinck N° 5669)
illustration XIXe siècle pour Antoinette Clavel
miniature de Dumont, vers 1790, Collection du Château de Mouchy, pour la reine
(source des images : internet ; Gallica, Vinck N° 5669)
- De plus près...:
François Dumont (1751-1831)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
aquarelle et gouache sur ivoire (20x15cm), vers 1790
collection Château de Mouchy
(source de l’image : catalogue de l’exposition Vivre à l’antique, Château de Rambouillet, 2021)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
aquarelle et gouache sur ivoire (20x15cm), vers 1790
collection Château de Mouchy
(source de l’image : catalogue de l’exposition Vivre à l’antique, Château de Rambouillet, 2021)
Près d’un quart de siècle plus tard, le même François Dumont donnera de sa miniature une version en grand, sur toile, dont les variantes souligneront le thème, avec un vase Médicis à l’arrière-plan dont la panse raconte très précisément le sacrifice d’Iphigénie.
François Dumont (1751-1831)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
(reprise avec variantes de sa propre miniature du début des années 1790)
huile sur toile (68,0x54,5cm), 1815
Sworders, Londres, 29 juin 2021, Lot #12
(source de l’image : Sworders, Londres)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
(reprise avec variantes de sa propre miniature du début des années 1790)
huile sur toile (68,0x54,5cm), 1815
Sworders, Londres, 29 juin 2021, Lot #12
(source de l’image : Sworders, Londres)
- De plus près...:
- le détail du sacrifice d'Iphigénie est bien visible sur la panse du vase...Quant au voile, qui a conduit certaines imaginations fertiles à désigner le personnage de Salomé (!),
pourquoi ne pas y reconnaître plus simplement l'attribut de la Fortune, au sens ancien de "destin", pour symboliser dans cette représentation posthume les revers parfois tragiques des existences les plus brillantes...
La même iconographie se retrouve enfin sur la version gravée de la toile de Dumont, que Tardieu termine en 1815. A l’époque du retour des Bourbons, ce n’est plus le lointain souvenir de la querelle autour des formes de l’opéra qui prévaut. C’est le personnage même d’Iphigénie qui revient alors au premier plan avec toute la symbolique d’une princesse sacrifiée, abandonnée à la raison d’état... A constater la fréquence avec laquelle cette belle gravure dédiée à la duchesse d’Angoulême se rencontre encore aujourd’hui, il est vraisemblable qu’elle fut très populaire auprès de certaines classes et largement répandue.
Pierre-Alexandre Tardieu (1756-1844)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
(d’après la toile de François Dumont)
gravure à l’eau-forte et au burin (43,6x32,4cm), 1792-1815, Vinck n° 504
France, collection particulière
(source de l’image : Coutau-Bégarie, DR)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
(d’après la toile de François Dumont)
gravure à l’eau-forte et au burin (43,6x32,4cm), 1792-1815, Vinck n° 504
France, collection particulière
(source de l’image : Coutau-Bégarie, DR)
« Mosnier » (?) après Iphigénie
attribution ancienne et vraisemblablement erronée à Jean-Laurent Mosnier (ancienne collection David Weill)
(source de l’image : revue « La Renaissance de l’Art français et des industries de luxe » (1921),
article de Denis Roche : « Jean-Laurent Mosnier et ses portraits à l’huile »
attribution ancienne et vraisemblablement erronée à Jean-Laurent Mosnier (ancienne collection David Weill)
(source de l’image : revue « La Renaissance de l’Art français et des industries de luxe » (1921),
article de Denis Roche : « Jean-Laurent Mosnier et ses portraits à l’huile »
Iphigénie (?) après « Mosnier »
à gauche : miniature sur ivoire, anonyme, diamètre 6,2cm
ancienne collection Alain Bancel (avec une attribution à J.B. Augustin)
à droite : miniature sur ivoire, anonyme, vente Coutau-Bégarie Paris, 6 novembre 2018, lot 22bis
le voile et les roses dans les cheveux peuvent aussi faire penser ici à l’iconographie d’Iphigénie
(source des images : Piasa ; Coutau-Bégarie)
à gauche : miniature sur ivoire, anonyme, diamètre 6,2cm
ancienne collection Alain Bancel (avec une attribution à J.B. Augustin)
à droite : miniature sur ivoire, anonyme, vente Coutau-Bégarie Paris, 6 novembre 2018, lot 22bis
le voile et les roses dans les cheveux peuvent aussi faire penser ici à l’iconographie d’Iphigénie
(source des images : Piasa ; Coutau-Bégarie)
3. une valeur patrimoniale certaine
Si le tableau « attribué à Mosnier » ne peut prétendre au rang de chef d’œuvre de la peinture, il n’en présente pas moins le plus grand intérêt.
L’importance de ce portrait dans le patrimoine visuel lié à Marie-Antoinette tient en effet à plusieurs facteurs très précis :
- le portrait est unique par son mode de représentation ;
- le récit qu’il tient touche au plus intime de la sensibilité artistique de la reine ;
- il permet d’approfondir un thème central dans la vie de Marie-Antoinette, le plus souvent pourtant négligé, celui de la musique. Les considérations auxquelles invite la lecture de ce portrait révèlent chez la reine des traits de caractère peu connus, qui vont à l’encontre des traditions simplificatrices qui ou bien l’accablent ou bien l’idéalisent.
Marie-Antoinette a vécu la musique comme une véritable passion. La suivre sur ce terrain, c’est accéder à une compréhension plus fine de son personnage intime, au point qu’on ne saurait dresser de la reine un portrait convaincant sans parler de la musique.
Cette passion fut pour la vie et le livre à paraître de Patrick Barbier montre à chaque chapitre qu’elle fut une passion active et de mieux en mieux informée. « Ce qui séduit dans ce rapport de la reine avec la harpe, le pianoforte et le chant est précisément qu’il n’est ni une manière de paraître, ni un plaisir mondain pouvant flatter son ego. Il est sincèrement un besoin aussi profond que l’air qu’on respire » (Patrick Barbier).
Certaines anecdotes sont ainsi très révélatrices. Dans l’édition de la correspondance entre Marie-Antoinette et Mercy-Argenteau qu’elle a publiée en intégralité en 2019, Catriona Seth cite un billet de la reine jusqu’ici ignoré car a priori bien anodin. En deux lignes Marie-Antoinette écrit : « La reine prie Monsieur de Mercy de dire à Salieri qu’il fasse copier quelques morceaux de son opéra, nommément le duo, et qu’il les lui porte samedi à midi. Elle sera bien aise [de] faire de la musique avec lui » (printemps 1784, avant la création des Danaïdes le 26 avril, partition « dédiée à la reine »). Voici qui est très caractéristique d’une attitude générale chez Marie-Antoinette. Quand elle fait passer ce mot, elle ne cherche pas une occasion de briller face à public dont elle appellerait les suffrages, elle laisse tout simplement libre-cours à son désir et à sa curiosité.
Car pour atteindre un niveau correct dans les disciplines qu’elle pratique, qu’il s’agisse de la harpe, du pianoforte, du chant ou de la comédie, Marie-Antoinette est prête à des efforts qui montrent chez elle une constance et une force de concentration très éloignées de son image convenue.
Dans le domaine de la musique, Marie-Antoinette se révèle en effet toute sa vie capable de l’inverse de ce qu’on lui reproche habituellement : de la curiosité intellectuelle et une véritable ouverture d’esprit, de l’assiduité et de la concentration, du discernement, de la bienveillance et de l’empathie, du courage et de la ténacité, et aussi beaucoup d’esprit de suite, jouant habilement des rapports de force, ne reculant que lorsque ceux-ci lui sont trop défavorables.
Ce portrait est comme le souvenir d’un moment heureux dans la vie de Marie-Antoinette, l’expression d’une satisfaction personnelle non feinte, celle d’un but atteint en tant que reine, peut-être même d’un devoir accompli par rapport à elle-même en favorisant activement le succès d'un compositeur admiré.
D’ailleurs, ne lit-on pas dans le regard et l’attitude de Marie-Antoinette, une forme de contentement et même d’assurance, que l’on ne remarque que rarement sur ses autres portraits, où pointent tantôt la réserve, tantôt une forme de mélancolie native ?
Pour toutes ces raisons, ce tableau original présente un intérêt patrimonial de premier ordre, car il donne de Marie-Antoinette, la reine musicienne, une image qui parle de son ambition au service d'un art qu’elle associe non seulement à un plaisir personnel mais aussi au rayonnement du pays dont elle est la souveraine.
La conclusion de cette série est comme une introduction au livre de Patrick Barbier, qui revient avec précision sur tous les aspects du rapport étonnamment fort et multiforme que Marie-Antoinette entretient avec la musique.
Nous ne ferons jamais aimer Marie-Antoinette de tout le monde et sans doute n’en demande-t-elle pas tant...
Soyons satisfaits si - sur ce Forum - modestement et patiemment, nous pouvons contribuer à la faire mieux connaître de celles et ceux qui font preuve de curiosité et consultent nos pages avec un esprit ouvert.
Ceux qui se crispent sur de vieilles certitudes ou trouvent rassurant de se bercer aux poncifs d’une histoire militante continueront à faire de Marie-Antoinette un personnage de bouc émissaire presque idéal. Nous n'y changerons rien. Mais au moins pouvons-nous dire à tous ceux-là, peut-être même avec ce brin de hauteur et cette nuance d'ironie qui colorent ici l'expression de la reine :
Oui, peut-être...
Oui, sans doute...
Oui, il est vrai...
Pour autant, il y eut la musique !
Bon anniversaire, Marie-Antoinette!
Jean-Laurent Mosnier (1743-1808), attr.
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
huile sur toile (49x61cm), vers 1776
France, collection particulière
œuvre restaurée entre 2019 et 2021 à l’Atelier du Soleil, Versailles
La toile est ici remise à son format d’origine (45x58cm)
en suivant les marques visibles sur les analyses scientifiques aux UV et infrarouge
(source de l’image : Artanalysis)
portrait de la reine Marie-Antoinette sous les traits d’Iphigénie
huile sur toile (49x61cm), vers 1776
France, collection particulière
œuvre restaurée entre 2019 et 2021 à l’Atelier du Soleil, Versailles
La toile est ici remise à son format d’origine (45x58cm)
en suivant les marques visibles sur les analyses scientifiques aux UV et infrarouge
(source de l’image : Artanalysis)
avant et après restauration
le visage gagne en authenticité ce qu’il perd en angélisme,
le portrait retouché après transposition, à gauche, correspond à un certain visage type de la reine,
tel qu’il était imaginé au début du XXe siècle, à partir essentiellement des représentations de Madame Vigée Le Brun.
Débarrassé de ses repeints et conforme au dessin d’origine révélé par les images scientifiques,
le visage restitué montre des traits plus accusés et un ovale moins idéalement parfait.
le visage gagne en authenticité ce qu’il perd en angélisme,
le portrait retouché après transposition, à gauche, correspond à un certain visage type de la reine,
tel qu’il était imaginé au début du XXe siècle, à partir essentiellement des représentations de Madame Vigée Le Brun.
Débarrassé de ses repeints et conforme au dessin d’origine révélé par les images scientifiques,
le visage restitué montre des traits plus accusés et un ovale moins idéalement parfait.
Pas plus qu’un autre, ce portrait ne révèle « le vrai visage » de Marie-Antoinette !
Mais autant que bien d’autres, avec une place désormais assurée dans l’abondante iconographie de la reine
il nous permet de l’imaginer, appuyé par de nombreux témoignages, tel celui du comte d’Allonville,
soufflé très aimablement par notre amie Marie-Jeanne :
Mais autant que bien d’autres, avec une place désormais assurée dans l’abondante iconographie de la reine
il nous permet de l’imaginer, appuyé par de nombreux témoignages, tel celui du comte d’Allonville,
soufflé très aimablement par notre amie Marie-Jeanne :
« La Reine était-elle réellement belle ?
Non dans ses traits considérés en détail,
mais bien dans leur ensemble,
dans l’élégance de sa taille,
l’éclat de son teint,
la légèreté de sa démarche,
la dignité de son maintien,
la grâce toujours imposante de ses moindres mouvements. »
Non dans ses traits considérés en détail,
mais bien dans leur ensemble,
dans l’élégance de sa taille,
l’éclat de son teint,
la légèreté de sa démarche,
la dignité de son maintien,
la grâce toujours imposante de ses moindres mouvements. »
(mémoires du comte Armand-François d’Allonville)
Je termine en rappelant que, sans l'annonce de la vente de Stockholm en juin 2019 par La nuit, la neige sur le Forum de Marie-Antoinette, le tableau ne serait sans doute pas revenu en France. Il n'aurait alors probablement pas reçu les mêmes soins pour redonner à Marie-Antoinette le visage qu'avait observé le peintre, auteur de ce portrait.
Ce tableau "retrouvé" est donc un peu "celui du Forum"
Tel qu'il est, tel que "nous" avons pu le conserver, j'espère que ce portrait saura plaire et qu'il s'inscrira parmi les images de Marie-Antoinette que nous retiendrons.
Non parce qu'il présenterait des qualités supérieures sur le plan pictural, je n'y reviens pas, mais bien parce que le récit auquel il invite donne accès à une dimension que je crois fondamentale pour mieux approcher et entendre cette reine musicienne.
Et pour un portrait, "attraper la ressemblance" et donner de vraies clés de compréhension sur le personnage représenté, voilà qui n'est pas si mal!
Non parce qu'il présenterait des qualités supérieures sur le plan pictural, je n'y reviens pas, mais bien parce que le récit auquel il invite donne accès à une dimension que je crois fondamentale pour mieux approcher et entendre cette reine musicienne.
Et pour un portrait, "attraper la ressemblance" et donner de vraies clés de compréhension sur le personnage représenté, voilà qui n'est pas si mal!
Allez, une toute dernière fois?
- De plus près, avant...:
- De plus près, après...:
THE END !
Dernière édition par Bonnefoy du Plan le Jeu 07 Avr 2022, 00:03, édité 2 fois
_________________
" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Merci, merci, cher Bonnefoy , pour ce dénouement de notre Soap Opera autour du portrait de Marie-Antoinette figurant Iphigénie.
Je me rallie d'enthousiasme à votre interprétation si érudite, mais je ne puis m'empêcher d'en voir la continuation tragique dans le sacrifice de Marie-Antoinette sur l'autel de la raison d'Etat.
Allons ! foin de pensées morbides, nous fêtons aujourd'hui la naissance de la reine, n'est-ce pas !
Vous me comblez de plaisir avec ce cri du coeur :
Je me rallie d'enthousiasme à votre interprétation si érudite, mais je ne puis m'empêcher d'en voir la continuation tragique dans le sacrifice de Marie-Antoinette sur l'autel de la raison d'Etat.
Allons ! foin de pensées morbides, nous fêtons aujourd'hui la naissance de la reine, n'est-ce pas !
Vous me comblez de plaisir avec ce cri du coeur :
Qu'ajouter à cela ?Bonnefoy du Plan a écrit:
Je termine en rappelant que, sans l'annonce de la vente de Stockholm en juin 2019 par La nuit, la neige sur le Forum de Marie-Antoinette, le tableau ne serait sans doute pas revenu en France. Il n'aurait alors probablement pas reçu les mêmes soins pour redonner à Marie-Antoinette le visage qu'avait observé le peintre, auteur de ce portrait.
Ce tableau "retrouvé" est donc un peu "celui du Forum"
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Je peux simplement ajouter :
Révérence de Cour
Mon très cher ami, j'ai suivi avec grande attention les pérégrinations de ce tableau et du grand talent de votre travail.
C'est vrai que j'ai toujours vu une analogie entre cette princesse grecque et notre Souveraine. Mais là, vous venez de marquer des points dans cette brillante démonstration.
Je ne sais où est ce tableau aujourd’hui, mais le particulier a bien de la chance de posséder cette œuvre.
Comme Eléonore, je m'incline respectueusement devant ces semaines de suspens exaltantes, et adresse à la Reine mes vœux pour son jour de naissance.
Révérence de Cour, une nouvelle fois pour vous, cher très cher ami.
Révérence de Cour
Mon très cher ami, j'ai suivi avec grande attention les pérégrinations de ce tableau et du grand talent de votre travail.
C'est vrai que j'ai toujours vu une analogie entre cette princesse grecque et notre Souveraine. Mais là, vous venez de marquer des points dans cette brillante démonstration.
Je ne sais où est ce tableau aujourd’hui, mais le particulier a bien de la chance de posséder cette œuvre.
Comme Eléonore, je m'incline respectueusement devant ces semaines de suspens exaltantes, et adresse à la Reine mes vœux pour son jour de naissance.
Révérence de Cour, une nouvelle fois pour vous, cher très cher ami.
_________________
Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3186
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Quel beau " cadeau d'anniversaire ", cher Bonnefoy !! Encore merci pour cette étude intéressante, si bien écrite, si bien illustrée...
J'ai hâte de découvrir la prochaine !
J'ajoute ces quelques miniatures dans le thème, certes de qualités inégales, mais bon...
Nous les retrouvons ici : Divers portraits miniatures de Marie-Antoinette (XVIIIe siècle) et bien sûr ici : Portraits de Marie-Antoinette costumée à l'antique ou en vestale, par et d'après François Dumont.
J'ai hâte de découvrir la prochaine !
J'ajoute ces quelques miniatures dans le thème, certes de qualités inégales, mais bon...
Nous les retrouvons ici : Divers portraits miniatures de Marie-Antoinette (XVIIIe siècle) et bien sûr ici : Portraits de Marie-Antoinette costumée à l'antique ou en vestale, par et d'après François Dumont.
La nuit, la neige- Messages : 18055
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Merci, cher Bonnefoy aussi de ma part
Je vous remercie beaucoup pour cette intéressante étude d'un portrait qui m'est inconnu et à travers elle, vous nous êtes arrivé à la musique qui occupait une place essentielle dans la vie de la reine..
Merci pour cet hommage à notre reine .... remarquable protetrice des arts ..
Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, apprécié son originalité et
je suis aussi content d'appartenir à cette communauté..
Leos
Je vous remercie beaucoup pour cette intéressante étude d'un portrait qui m'est inconnu et à travers elle, vous nous êtes arrivé à la musique qui occupait une place essentielle dans la vie de la reine..
Merci pour cet hommage à notre reine .... remarquable protetrice des arts ..
Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, apprécié son originalité et
je suis aussi content d'appartenir à cette communauté..
Leos
Leos- Messages : 793
Date d'inscription : 29/12/2013
Age : 54
Localisation : Zlin, Tcheque
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Je me joins à tous les participants de ce forum pour vous féliciter chaudement à cette enquête si brillamment érudite, passionnante, haletante, richement illustrée et inédite. Un régal pour l'esprit et les yeux.
Vraiment vous avez rédigé et construit une somme qui fera date dans l'histoire de notre forum. Je manque de mots pour vous remercier pour le travail énorme que vous avez fourni, la science que vous maîtrisez, la passion que vous nourrissez et la constance que vous possédez.
Encore une fois, mes félicitations les plus empressés et les plus sincères très cher Bonnefoy du Plan !
Vraiment vous avez rédigé et construit une somme qui fera date dans l'histoire de notre forum. Je manque de mots pour vous remercier pour le travail énorme que vous avez fourni, la science que vous maîtrisez, la passion que vous nourrissez et la constance que vous possédez.
Encore une fois, mes félicitations les plus empressés et les plus sincères très cher Bonnefoy du Plan !
Dominique Poulin- Messages : 6942
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Compliments !
Monsieur de la Pérouse- Messages : 485
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Bonnefoy du Plan a écrit: Le portrait apparaît comme un jalon entre deux périodes dominées par Gautier-Dagoty d’une part et Madame Vigée Le Brun de l’autre.
Ce portrait est comme le souvenir d’un moment heureux dans la vie de Marie-Antoinette, l’expression d’une satisfaction personnelle non feinte,
D’ailleurs, ne lit-on pas dans le regard et l’attitude de Marie-Antoinette, une forme de contentement et même d’assurance
Oui c'est tout à fait çà, de plénitude même. Merci c'était un plaisir de vous suivre, encore bravo
_________________
« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Merci mon cher Bonnefoy pour cette très intéressante étude de ce beau portrait.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que tu ne fais pas les choses à moitié.
Bien vu en tout cas pour Iphigénie. Je reconnais en effet que la tunique bleu de ton portrait cadre mal avec l'image de la vestale (qui est toujours en blanc, cf. à titre d'exemple le portrait de Marie-Antoinette en vestale par Charles Le Clercq ).
Dans le portrait de Marie-Antoinette réalisé par Dumont en 1815 (v. ici : Portrait de Marie-Antoinette costumée à l'antique par Dumont) , il faut donc également voir Marie-Antoinette en Iphigénie et non Marie-Antoinette en vestale, contrairement à ce qui se dit habituellement (je note cependant que lors de l'expo de Rambouillet, le portrait de Marie-Antoinette par Dumont, provenant du château de Mouchy était présenté comme étant celui de Marie-Antoinette costumée à l'antique).
Certes, dans le portrait de Dumont, Marie-Antoinette est appuyée sur un autel... mais il n'en jaillit aucun feu. Ce n'est pas la vestale qui entretient le feu sacré. On rappellera que dans l'Antiquité, si le feu sacré sur lequel la vestale veillait s'éteignait, c'était qu'elle avait perdu sa virginité. Difficile de concevoir une telle représentation de Marie-Antoinette.
Conclusion : le portrait de Marie-Antoinette par Dumont n'est pas celui de la reine "en vestale" mais celui de la reine en Iphigénie. Bravo mon cher Bonnefoy
Du coup, le seul "vrai" portrait de Marie-Antoinette en vestale est celui réalisé par Charles Le Clerq (v. ici : Portrait de Marie-Antoinette en vestale par Charles Le Clercq ).
Le moins qu'on puisse dire, c'est que tu ne fais pas les choses à moitié.
Bien vu en tout cas pour Iphigénie. Je reconnais en effet que la tunique bleu de ton portrait cadre mal avec l'image de la vestale (qui est toujours en blanc, cf. à titre d'exemple le portrait de Marie-Antoinette en vestale par Charles Le Clercq ).
Dans le portrait de Marie-Antoinette réalisé par Dumont en 1815 (v. ici : Portrait de Marie-Antoinette costumée à l'antique par Dumont) , il faut donc également voir Marie-Antoinette en Iphigénie et non Marie-Antoinette en vestale, contrairement à ce qui se dit habituellement (je note cependant que lors de l'expo de Rambouillet, le portrait de Marie-Antoinette par Dumont, provenant du château de Mouchy était présenté comme étant celui de Marie-Antoinette costumée à l'antique).
Certes, dans le portrait de Dumont, Marie-Antoinette est appuyée sur un autel... mais il n'en jaillit aucun feu. Ce n'est pas la vestale qui entretient le feu sacré. On rappellera que dans l'Antiquité, si le feu sacré sur lequel la vestale veillait s'éteignait, c'était qu'elle avait perdu sa virginité. Difficile de concevoir une telle représentation de Marie-Antoinette.
Conclusion : le portrait de Marie-Antoinette par Dumont n'est pas celui de la reine "en vestale" mais celui de la reine en Iphigénie. Bravo mon cher Bonnefoy
Du coup, le seul "vrai" portrait de Marie-Antoinette en vestale est celui réalisé par Charles Le Clerq (v. ici : Portrait de Marie-Antoinette en vestale par Charles Le Clercq ).
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3205
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Duc d'Ostrogothie a écrit:Conclusion : le portrait de Marie-Antoinette par Dumont n'est pas celui de la reine "en vestale" mais celui de la reine en Iphigénie. Bravo mon cher Bonnefoy
A vrai dire, mon cher Duc, je ne fais que reprendre / confirmer la mention apportée par la légende N°5669 du Tome III de la Collection de Vinck (page 451) qui présente la photo prise au début du XXe comme étant "Marie-Antoinette en Iphigénie". Nous pouvons retrouver cette image très facilement dans Gallica, je la redonne ici pour rappel.
Rambouillet avait choisi une forme de neutralité en effet, pour éviter peut-être de participer à un débat ou d'autres ont voulu voir Salomé (!) et non Iphigénie ou la Vestale.
La recherche de l'originalité à tout prix et la tentation d'une sur-interprétation sont les ennemis à éviter à tout prix,
foi de Bonnefoy, si j'ose dire
Pour rappel, donc :
Petite confidence, je vais envoyer le PDF de l'étude sur le portrait attribué à Mosnier au propriétaire de la miniature, je ne désespère pas du fait de récupérer ainsi une image de qualité correcte de ce beau travail de Dumont.
A suivre, peut-être...
CQFD!, Ce qui rend les petits portraits de Leclercq d'autant plus rares et précieux.Duc d'Ostrogothie a écrit:Du coup, le seul "vrai" portrait de Marie-Antoinette en vestale est celui réalisé par Charles Le Clerq
_________________
" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Bonnefoy du Plan a écrit:Duc d'Ostrogothie a écrit:Conclusion : le portrait de Marie-Antoinette par Dumont n'est pas celui de la reine "en vestale" mais celui de la reine en Iphigénie. Bravo mon cher Bonnefoy
A vrai dire, mon cher Duc, je ne fais que reprendre / confirmer la mention apportée par la légende N°5669 du Tome III de la Collection de Vinck (page 451) qui présente la photo prise au début du XXe comme étant "Marie-Antoinette en Iphigénie". Nous pouvons retrouver cette image très facilement dans Gallica, je la redonne ici pour rappel.
Comme quoi, l'information se perd au fil des siècles !... j'aimerais bien remettre la main sur la source de Marguerite Jallut, selon laquelle Louis XVI avait cette gouache sur son bureau aux Tuileries. Parfois il faut aller jusqu'au Mexique pour retrouver les sources de Marguerite (private joke avec Mme de Sabran ).
Bonnefoy du Plan a écrit:
Rambouillet avait choisi une forme de neutralité en effet, pour éviter peut-être de participer à un débat ou d'autres ont voulu voir Salomé (!) et non Iphigénie ou la Vestale.
La recherche de l'originalité à tout prix et la tentation d'une sur-interprétation sont les ennemis à éviter à tout prix,
foi de Bonnefoy, si j'ose dire
On garde foy en toi en tout cas.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3205
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Enquête sur un tableau retrouvé de Marie-Antoinette attribué à Jean-Laurent Mosnier (vers 1776)
Merci à tous pour vos derniers commentaires...
Vous avez compris que l'iconographie de Marie-Antoinette m'occupe depuis un certain temps. Le plus curieux, c'est qu'avant la réapparition de ce tableau en vente publique en 2019, je l'avais totalement écarté de ma sélection de référence, laquelle réunit tout de même plus de 600 entrées.
C'est dire si je me suis rattrapé entretemps!
Ce sont bien les ventes publiques qu'il faut continuer à surveiller pour espérer découvrir des raretés ou retrouver certains portraits référencés de longue date - parfois même photographiés - mais dont la localisation s'est perdue au XXe siècle.
Nous resterons donc aux aguets sur le Forum!
What next? Peut-être un retour en 2022 aux "notes de lecture".
Quand j'ai rédigé celle sur l'édition de la correspondance entre la reine et Mercy dans l'édition de Catriona Seth (2019), j'ai évoqué une biographie de Marie-Antoinette par le grand historien britannique John Hardman, biographe de référence de Louis XVI outre Manche. C'est une lecture à reprendre et à étudier "tranquillement", notamment parce que l'historien accorde une place inhabituelle à la correspondance entre la reine et Barnave et parce qu'il semble souvent adopter une position que je qualifierais d'originale quant aux interventions de la reine avant la Révolution.
A propos de la reine et de Barnave, je signale l'annonce toute récente d'un contrat doctoral financé et proposé par les Universités d’Oxford et Cambridge pour travailler sur une édition de la correspondance entre Marie-Antoinette et le député de Grenoble. Ce travail sera effectué sous la direction de l'excellente Catriona Seth, en collaboration avec Mathieu da Vinha et Alexandre Maral au Centre de Recherche du Château de Versailles (lequel ne semble pas avoir encore communiqué sur le sujet).
Je laisse à votre appréciation le fait qu'une université britannique porte un tel projet et non pas notre chère Sorbonne... Tout comme c'est la Voltaire Foundation qui a édité - toujours à Oxford! - la correspondance si intéressante entre Louis XVI et Vergennes, laquelle ne semble avoir intéressé personne en France.
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle initiative souligne une prise de conscience parmi les auteurs les mieux informés pour une édition scientifique de toutes ces correspondances royales que nous croyons bien connaître et dont nous avons en effet des éditions pléthoriques éditées au XIXe siècle. Mais éditées dans le respect de certains critères qui ne valent plus à notre époque et qui nous privent d'un accès au texte intégral, disponible pourtant à qui fait l'effort d'ouvrir les bons cartons. Madame Seth l'a fait pour Mercy, le résultat était édifiant, je vous renvoie à ce que nous avions commenté à l'époque:
Lettres inédites - Catriona Seth
Et, si vous voulez postuler pour le contrat doctoral d'Oxford, c'est ici :
Marie-Antoinette, a queen of letters
Voici donc une excellente nouvelle! Le Triumvir Seth-Da Vinha- Maral est gage de sérieux.
Souhaitons maintenant que des candidates et candidats de valeur postulent pour écrire cette nouvelle page dans l'approfondissement des connaissances sur et autour de Marie-Antoinette!
Vous avez compris que l'iconographie de Marie-Antoinette m'occupe depuis un certain temps. Le plus curieux, c'est qu'avant la réapparition de ce tableau en vente publique en 2019, je l'avais totalement écarté de ma sélection de référence, laquelle réunit tout de même plus de 600 entrées.
C'est dire si je me suis rattrapé entretemps!
Ce sont bien les ventes publiques qu'il faut continuer à surveiller pour espérer découvrir des raretés ou retrouver certains portraits référencés de longue date - parfois même photographiés - mais dont la localisation s'est perdue au XXe siècle.
Nous resterons donc aux aguets sur le Forum!
What next? Peut-être un retour en 2022 aux "notes de lecture".
Quand j'ai rédigé celle sur l'édition de la correspondance entre la reine et Mercy dans l'édition de Catriona Seth (2019), j'ai évoqué une biographie de Marie-Antoinette par le grand historien britannique John Hardman, biographe de référence de Louis XVI outre Manche. C'est une lecture à reprendre et à étudier "tranquillement", notamment parce que l'historien accorde une place inhabituelle à la correspondance entre la reine et Barnave et parce qu'il semble souvent adopter une position que je qualifierais d'originale quant aux interventions de la reine avant la Révolution.
A propos de la reine et de Barnave, je signale l'annonce toute récente d'un contrat doctoral financé et proposé par les Universités d’Oxford et Cambridge pour travailler sur une édition de la correspondance entre Marie-Antoinette et le député de Grenoble. Ce travail sera effectué sous la direction de l'excellente Catriona Seth, en collaboration avec Mathieu da Vinha et Alexandre Maral au Centre de Recherche du Château de Versailles (lequel ne semble pas avoir encore communiqué sur le sujet).
Je laisse à votre appréciation le fait qu'une université britannique porte un tel projet et non pas notre chère Sorbonne... Tout comme c'est la Voltaire Foundation qui a édité - toujours à Oxford! - la correspondance si intéressante entre Louis XVI et Vergennes, laquelle ne semble avoir intéressé personne en France.
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle initiative souligne une prise de conscience parmi les auteurs les mieux informés pour une édition scientifique de toutes ces correspondances royales que nous croyons bien connaître et dont nous avons en effet des éditions pléthoriques éditées au XIXe siècle. Mais éditées dans le respect de certains critères qui ne valent plus à notre époque et qui nous privent d'un accès au texte intégral, disponible pourtant à qui fait l'effort d'ouvrir les bons cartons. Madame Seth l'a fait pour Mercy, le résultat était édifiant, je vous renvoie à ce que nous avions commenté à l'époque:
Lettres inédites - Catriona Seth
Et, si vous voulez postuler pour le contrat doctoral d'Oxford, c'est ici :
Marie-Antoinette, a queen of letters
Voici donc une excellente nouvelle! Le Triumvir Seth-Da Vinha- Maral est gage de sérieux.
Souhaitons maintenant que des candidates et candidats de valeur postulent pour écrire cette nouvelle page dans l'approfondissement des connaissances sur et autour de Marie-Antoinette!
Dernière édition par Bonnefoy du Plan le Dim 07 Nov 2021, 22:31, édité 2 fois
_________________
" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
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