Le château et la Tapisserie de Pirou
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Le château et la Tapisserie de Pirou
Le château fort de Pirou, construit dans la seconde partie du XIIe siècle par les premiers seigneurs de Pirou, au centre d'un étang marécageux du Cotentin, sur l'emplacement d'un retranchement viking, impressionne par sa silhouette très massive. Il a dû subir les dommages de la guerre de Cent Ans : quelques éléments sont du XVe siècle. Le logis n'a pas conservé son intégrité médiévale ; il a été en partie démoli avant la Révolution. L'ensemble, presque ruiné, couvert de mauvaise ardoise ou de chaume et de tôle sur les communs, est totalement restauré au XXe siècle sous la direction de l'abbé Lelégard, qui dote la demeure de la fameuse « Tapisserie de Pirou », pendant de la Tapisserie de Bayeux, qui conte la conquête de l'Italie du sud par les Normands.
Pour la petite histoire ...
Selon la tradition, le fils aîné de Tancrède de Hauteville, Serlon, épouse la fille du seigneur de Pirou , comme nous voyons ci-dessus.
La vie n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, pour les seigneurs de Pirou !
Quand les Normands, nos pères, vinrent faire la conquête de ce pays, ceux d’entre eux qui s’emparèrent de cette contrée furent longtemps arrêtés par le Château-Fort de Pirou. Le jugeant imprenable, ils renoncèrent à l’enlever d’assaut et, pour le réduire par la famine, ils en entreprirent le blocus.
Après un siège interminable, ils constatèrent qu’un silence de mort régnait dans le château fort. Craignant un stratagème ils laissèrent passer un jour entier, puis le lendemain tentèrent l’escalade. Le château fort était désert. Ils ne trouvèrent qu’un vieillard grabataire auquel ils promirent la vie sauve s’il leur disait ce qu’étaient devenus le Sire de Pirou, sa famille et sa garnison. Le vieillard leur expliqua alors qu’à l’aide d’un grimoire le Seigneur et toute sa maison s’étaient changés en oies sauvages pour échapper à leurs assaillants. Les Normands se rappelèrent en effet qu’ils avaient vu, la veille, au lever du jour, une quantité d’oies cendrées prendre leur essor au-dessus des remparts.
Au bout d’un certain temps, les oies sauvages revinrent donc pour retrouver le grimoire qui leur permettrait de « délire » la formule de leur goublinage. Hélas, les Normands avaient brûlé le château fort et avec lui le livre de magie. Force leur fut donc de rester oies sauvages… Mais, depuis lors, elles reviennent chaque année au printemps avec l’espoir de retrouver le grimoire, et, sans l’avoir trouvé, elles repartent à l’automne.
https://www.chateau-pirou.fr/legende-chateau-fort-pirou-forteresse-medievale-tapisserie-historique-broderie-visite-culturelle-restauration-sauvegarde-patrimoine-normand-granville-mont-st-michel-sortie-famille-manche-normandie/
Dans d'autres temps troublés, la marquise de Pirou accueillit au château son cousin, Georges de Scudéry, exilé pour avoir pris part à la Fronde.
Compromis pour s'être avisé « de cabaler pour M. le Prince », Scudéry avait été « contraint de se sauver en Normandie»
Georges de Scudéry (1601 - 1667 ) romancier, dramaturge et poète français.
Gravure de Charles Devrits
J'ai trouvé belle cette rampe d'escalier en bois.
Je n'en avais jamais vu de telle.
mais euh ...
J'imagine que le mobilier des marquis de Pirou était moins rustique, pour ne pas dire moins rudimentaire .
Le marquisat, après un procès au Parlement de Normandie (1677-1679) revint finalement à la famille de Vassy qui remania profondément le château et le conserva jusqu'à la Révolution française. En 1789, le comte Alexandre de Vassy était seigneur de Pirou et d'Anneville. Il avait épousé Sophie Victoire Alexandrine de Girardin, la fille du marquis de Girardin, chez qui Jean-Jacques Rousseau décède à Ermenonville. Le comte de Vassy périt à Quiberon.
Veuve depuis 1795, Sophie Victoire Alexandrine remariée sous le Consulat au comte de Bohm, diplomate prussien, vendit son château de Pirou.
Il fut acquis à cette époque par Charles-Louis Huguet de Sémonville (1759-1839), ce qui fait de lui le dernier seigneur de Pirou. Huguet de Sémonville a joué un rôle politique à l'époque de Louis XVI, pendant l'Empire et la Restauration.
Nous le connaissons bien pour l'avoir vu parmi les Français, prisonniers de l'Autriche, échangés contre Madame Royale, fille de Louis XVI, le 16 décembre 1795, après vingt-neuf mois d'une captivité éprouvante et accueilli triomphalement au Conseil des Cinq-Cents.
Nous en parlions dans ce sujet-ci :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t5609-helene-de-montgeroult-pianiste-1764-1836
Quoi qu'il en soit, Sémonville résidait habituellement à Bouray-sur-Juine, dans son château de Frémigny, Pirou n'étant plus qu'une ferme.
La « basse-cour » abrite toujours une série de bâtiments : pressoir, charreterie, boulangerie, mais aussi la chapelle seigneuriale Saint-Laurent, reconstruite au XVIIe siècle . Elle est ornée de statues des XVe et XVIe siècles ...
Cependant, la salle des plaids constitue le clou de notre visite : la « Tapisserie de Pirou » y est exposée !
Cette broderie en laine sur toile de lin, à l'imitation de celle de Bayeux, est une réalisation du dernier quart du XXe siècle, relatant la conquête de l'Italie du Sud et de la Sicile par les Normands du Cotentin. Elle est l’œuvre de la manchoise Thérèse Ozenne, qui y consacra 16 ans, à raison de 3 heures par jour, d'après des esquisses de l'abbé Lelégard. La « tapisserie », inachevée, mesure pourtant 58 mètres. C'est une merveille !!!
Comme sa devancière de Bayeux illustre la conquête de l'Angleterre par Guillaume, la tapisserie ( ou broderie, pour les puristes ) de Pirou nous raconte la conquête normande de l'Italie du Sud ! Cette conquête trop peu connue, me semble-t-il, au contraire de celle de l'Angleterre que Guillaume règle en trois coups de cuiller à pot, une bataille, Hastings ! et hop emballé, c'est pesé, cette conquête donc de l'Italie du sud se fait progressivement au XIe siècle et, pour ce qui est de la prise de Naples, au XIIe siècle. Elle est l'œuvre d'aventuriers et mercenaires normands, initialement au service des Lombards ou des Byzantins, qui obtiennent au fil des batailles divers territoires et fiefs pour leur propre compte, et acquièrent leur autonomie et indépendance politique dans les cinquante années qui suivent leur arrivée, mettant fin aux dernières possessions byzantines d'Italie.
C'est seulement dans un second temps que se constitue en une entité unique : le royaume de Sicile, qui comprend non seulement l'île du même nom, mais aussi tout le tiers sud de la péninsule italienne (sauf le Bénévent, qui ne fut tenu que momentanément à deux reprises) ainsi que l'archipel de Malte et des territoires en Afrique du Nord. Cette conquête n'a pas été planifiée ni organisée, au contraire de celle de l'Angleterre, et se fait sur une période beaucoup plus longue, mais elle n'en devient pas moins durable et les îles reprises aux Sarrasins ne retombent plus entre leurs mains.
Cette conquête est menée sur une longue durée, plusieurs générations, par de petits seigneurs normands, et n'est ni dirigée ni même inspirée par le duc de Normandie. Il s’agit au départ de groupes de mercenaires indépendants au service de princes indigènes.
Petit seigneur normand de la région de Coutances, Tancrède possède un fief de dix chevaliers, assis à Hauteville dans la Manche. Il s'illustre dans sa jeunesse en tuant d'un seul coup d'épée enfoncée dans le front jusqu'à la garde, un gros sanglier qui avait chargé le duc Richard Ier de Normandie ( grand-père de Guillaume ) , lors d'une partie de chasse. Pour le récompenser, le duc lui donne l'une de ses filles et la direction de la garde ducale.
De ses deux épouses successives, Murielle et Frédésende, Tancrède a une quinzaine d'enfants dont au moins douze fils. Ne pouvant pas fournir à ses enfants des apanages suffisants, la quasi-totalité de ses fils, hormis celui qui hérite du fief de Hauteville, partent à partir des années 1030 s'illustrer en Méditerranée, à la recherche de gloire, de fortune et de terres : ces guerriers ambitieux créent le futur royaume de Sicile (1130–1816).
Les fils, les plus illustres de Tancrède, Guillaume Bras-de-Fer, Drogon, Onfroi, Robert Guiscard, Roger Bosso, jettent peu à peu dès l’an 1042, les fondements du royaume normano-sicilien, se mêlant d’abord aux affaires d’une Italie méridionale en plein désordre, profitant des guerres intestines et des divisions qui affaiblissent toujours un peu plus les détenteurs du pouvoir local, notamment les Arabes, les Byzantins et les Lombards. Dans ce cadre, les Hauteville se font de plus en plus puissants et influents, tout en se démarquant des autres chefs normands.
Les frères de Hauteville, servant d’abord comme simples mercenaires autant des Lombards que des Byzantins, commencent en 1042 la conquête de l’Apulie. Vient par la suite la Calabre, d’où ils chassent les Byzantins en 1060, et le sud de l'Apulie, où ils chassent de nouveau les Byzantins en 1071 avec la prise de Bari. Alors que la Sicile est sous domination musulmane depuis environ deux siècles, les Hauteville réinstaurent une dynastie chrétienne. C’est ainsi que Robert Guiscard conclut en 1059 une alliance avec la papauté. Lui et ses frères comprennent vite l’importance et l’influence de l’Église, et les Hauteville avec leurs guerriers et chevaliers normands servent l’Église, qui les aide en retour à asseoir leur domination grandissante et à légitimer leurs conquêtes face à l’Empire byzantin et au Saint-Empire romain germanique.
Roger recevant les clés de Palerme (1072), par Giuseppe Patania.
Giuseppe Patania — Reproduced in "Les Normands en Sicile", Antonino Buttitta.
En 1061, le cadet des Hauteville, Roger Ier roi de Sicile se lance, au nom du pape, dans la longue et pénible conquête de la Sicile musulmane. En 1072, Palerme est conquise. La prise de Noto achève la conquête de la Sicile.
À la fin du XIe siècle, les huit frères Hauteville et leurs descendants sont bien implantés en Italie du Sud et en Sicile, occupant des postes clefs, malgré les nombreuses contestations et révoltes de la part d’autres barons normands, cherchant à supplanter les Hauteville ou à se rendre indépendants. Seule une famille rivalise encore à cette époque avec les Hauteville, c’est une puissante famille issue des cinq frères Quarrel, des Normands arrivés en Italie en 1016. Cette famille perd bientôt son importance et son influence et est décimée entre les années 1130 et 1150, quand Roger II de Sicile, après avoir proclamé le royaume de Sicile (1130), soumet tous les barons refusant son autorité. Sous son règne, les Hauteville atteignent leur apogée.
https://www.chateau-pirou.fr/tapisserie-brodee-chateau-fort-pirou-forteresse-medievale-tapisserie-historique-broderie-visite-culturelle-sauvegarde-patrimoine-normand-granville-mont-st-michel-sortie-famille-manche-normandie/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tancr%C3%A8de_de_Hauteville_(seigneur_du_Cotentin)
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55178
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château et la Tapisserie de Pirou
Très instructif. Quelle formidable épopée ! Mercichère Mme de Sabran.
Monsieur de la Pérouse- Messages : 478
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Le château et la Tapisserie de Pirou
Des descendants de Vikings, pensez donc ! Bon sang ne saurait mentir.
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Mme de Sabran- Messages : 55178
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château et la Tapisserie de Pirou
Merci pour cette découverte Éléonore !
Ah, Sémonville, le seul homme politique a avoir prêté plus de serments que Talleyrand
Ah, Sémonville, le seul homme politique a avoir prêté plus de serments que Talleyrand
Gouverneur Morris- Messages : 11617
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le château et la Tapisserie de Pirou
Oui, tu crois ?
Ce que j'avais oublié, c'est que Sémonville, eut pour fils adoptif Charles-Tristan de Montholon, celui-là même qui suivit Napoléon à Sainte-Hélène, en 1825.
Au château fort de Pirou ils préféraient celui, tellement plus riant, de Frémigny dans l'Essonne, à trente-sept kilomètres au sud de Paris.
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Mme de Sabran- Messages : 55178
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le château et la Tapisserie de Pirou
Effectivement la demeure paraît plus sympathique et confortable
Gouverneur Morris- Messages : 11617
Date d'inscription : 21/12/2013
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