Le marquis de Jouffroy d'Abbans (1751-1832), inventeur de la navigation à vapeur
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Le marquis de Jouffroy d'Abbans (1751-1832), inventeur de la navigation à vapeur
Vue aérienne de l'île de Sainte-Marguerite et du Fort royal
Le fort royal de l’île Sainte-Marguerite, sis dans l’archipel de Lérins, dans la rade de Cannes, a été tout récemment désigné lauréat départemental (Alpes-Maritimes) de la Mission patrimoine portée par Stéphane Bern et soutenue par le ministère de la Culture. Il va ainsi bénéficier de fonds récoltés cette année lors du fameux Loto du Patrimoine
Parmi les prisonniers de cette prison d'État, tels le fameux "masque de fer", Antoine Omer Talon, du "comité secret des Tuileries", l'évêque de Broglie, le maréchal Bezaine, et encore les mamelouks de la Garde impériale de Naploléon Ier, nous retrouvons un certain...
Portrait présumé du marquis de Jouffroy d'Abbans
Anonyme
Image : Commons Wikimedia
Claude-François-Dorothée de Jouffroy d'Abbans (1751-1832)
Claude-François de Jouffroy d'Abbans, né le 30 septembre 1751 à Roches-sur-Rognon (actuel Roches-Bettaincourt) en Champagne et mort le 18 juillet 1832 à Paris, est un architecte naval, ingénieur, industriel et franc-maçon français.
À peine cent ans après le perfectionnement du principe de la machine à vapeur par Denis Papin en 1687 et plus de dix ans avant la Révolution française de 1789, il participe à la révolution industrielle dans le domaine de la propulsion maritime, des transports fluviaux et maritime, en inventant en plusieurs étapes, les premiers bateaux à vapeur et bateaux à roues à aubes prototypes, puis de ligne régulière, en concurrence avec l'Anglais James Watt et l'Américain Robert Fulton.
Biographie
Claude-François-Dorothée de Jouffroy d'Abbans naît au château de Roches-sur-Rognon en Champagne. Membre de la famille de Jouffroy d'Abbans, il est le fils aîné du marquis Claude-Jean-Eugène de Jouffroy d'Abbans (1715-1796) et de Jeanne Henriette de Pons de Rennepont (1717-1793). Il commence ses études chez les Dominicains de Quingey près du château familial d'Abbans à Abbans-Dessus, à environ 17 km au sud-ouest de Besançon. Puis son père le fait entrer à 13 ans à la cour de France du château de Versailles, comme page au service de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe (belle fille du roi Louis XV). La mort de cette dernière en 1767 le fait revenir au château paternel.
Abbans-le-Chatel [Abbans-Dessus]. Vue du château
Marthe de Jouffroy
19e siecle
Image : Mémoire Vive patrimoine numérisé de Besançon
De même que ses amis Claude-François-Joseph d'Auxiron et Charles-François Monnin de Follenay, il est initié à la franc-maçonnerie en mai 1768 à la loge Sincérité de Besançon, constituée quelques années plus tôt à l'initiative de Charles de Lacoré (intendant de la province de Franche-Comté).
Charles-Philippe de France, comte d'Artois
d'après Antoine-François Callet
Copie d'un portrait en pied par A-F. Callet, présenté au Salon de 1779
Huile sur toile, 18e siècle
Image : Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
Devenu lieutenant au régiment de Bourbon-Infanterie, il a une altercation — pour les faveurs d'une jeune duchesse — avec le responsable de ce régiment, le comte d'Artois, petit-fils du roi Louis XV (et futur roi Charles X). Une lettre de cachet de Louis XV l'envoie au cachot en 1772, au fort royal de l'île Sainte-Marguerite, des îles de Lérins.
Musée du masque de fer et du Fort Royal, île de Sainte Marguerite
Image : Ville de Cannes, Cannes Ticket
Plan de 1775 représentant les différentes parties du fort Sainte-Marguerite
Image et légendes : Commons Wikimedia - Fort royal de Sainte-Marguerite
Fort de Sainte Marguerite vu du ciel
Image : Google Earth, 2019
Ce serait lors de ce séjour qu'il observe le passage des navires, et met son enfermement à profit pour étudier les sciences et perfectionner les machines à vapeur qu'il utilisera sur ses bateaux.
(...)
Le Palmipède
Libéré en 1774, privé des perspectives d'une carrière militaire, il rejoint Paris et s'intéresse à la fois à la construction des navires et à l'avenir de la machine à vapeur. À une époque où la propulsion navale (maritime et fluviale) est assurée par la force naturelle des courants, le halage des bateaux depuis la rive par la traction animale voire humaine en rivières et canaux, ou les rames et voiles, il entre dans une société formée par Claude d'Auxiron de Quingey, les frères Périer (banquiers), et Monnin de Follenay dont le projet est de faire naviguer un bateau à vapeur.
Un ecclésiastique du canton de Berne nommé Genevois avait publié à Londres en 1760 "Quelques découvertes pour l'amélioration de la navigation" où il développait l'invention de rames articulées et palmées, qui s'ouvrent en s'appuyant sur l'eau pour imprimer un mouvement de progression en avant, et se referment quand cet effet a été produit.
Peu soutenu par son père, c'est sa sœur aînée Marie-Élisabeth, chanoinesse de l'abbaye de Baume-les-Dames, qui intercède auprès de l'abbesse Angélique-Henriette de Damas-Crux, cette dernière convainquant les dames du monastère de le subventionner.
Le palmipède
Maquette moderne de M. Meneur
Image : Vosges Matin
En 1776, avec l'aide du chaudronnier baumois Pourchot, Jouffroy d'Abbans construit sa première embarcation, le Palmipède, dont une machine à vapeur actionne des rames en forme de palme. Il parvient à naviguer avec succès pour la première fois de l'histoire de la navigation sur le bassin de Gondé, là ou le Cusancin se jette dans le Doubs, à Baume-les-Dames, aux mois de juin et juillet 1776. Les deux paires de rames de chaque côté du bateau empêchent le passage aux écluses, et ce relatif échec du procédé de propulsion incite son inventeur à abandonner ce projet.
Monument commémoratif à Baume-les-Dames, département du Doubs
Image : Commons Wikimedia
Le Pyroscaphe
Brouillé avec ses associés, et renié par sa famille, Claude-François de Jouffroy d'Abbans se retire dans son château d'Abbans près de Besançon, pour étudier une évolution de son bateau à vapeur. En 1781, il crée une société à Lyon, alors seconde ville de France, pour exploiter le Pyroscaphe, premier bateau à roues à aubes de 46 m le long, et 182 tonneaux, muni de nouvelles pales montées sur des aubes. Il est construit à Lyon avec le concours du maître de forges Antoine Frerejean.
Le 15 juillet 1783, il réalise, au nord de Lyon, une spectaculaire démonstration publique devant 10 000 spectateurs en remontant la Saône sur plusieurs kilomètres, de la cathédrale Saint-Jean de Lyon à l'Île Barbe, durant environ un quart d'heure, ce qui est plutôt rapide et peut faire douter de la véracité du témoignage. En effet, cela correspond à une vitesse de 24 km/h (il y a 6 kilomètres de l'ïle Barbe à la cathédrale Saint-Jean) ce qui est très rapide en rivière, surtout à contre-courant (la Saône n'est pas encore équipée de barrages éclusés qui ralentissent le courant).
Le 15 juillet 1783, Claude François Dorothée de Jouffroy d'Abbans fait naviguer le premier bateau à vapeur sur la Saône.
Image : Commons Wikimedia
Le Charles-Philippe
Pour obtenir un brevet, la bateau doit naviguer à Paris, devant les commissaires de l'Académie des sciences, mais ruiné et poussé à l'exil par la Révolution française et la Terreur, il interrompt ses travaux, pour ne revenir en France qu'en 1795, en refusant de travailler pour l'empereur Napoléon Ier.
Brevet d'invention et de perfectionnement du premier bateau propulsé déposé le 11 avril 1816
Claude-François-Dorothée de Jouffroy, marquis d'Abbans
Image : INPI, Courbevoie
À la suite de la chute du Premier Empire et de la Restauration de la monarchie française des rois Louis XVIII, puis Charles X, il reprend ses travaux en 1816 sous la protection de ces derniers, fonde le chantier naval Jouffroy d'Abbans, et inaugure son bateau à vapeur Charles-Philippe le 20 août 1816, premier service de navigation à vapeur sur la Seine, sur le territoire de Bercy, pour desservir en ligne régulière le trajet fluvial entre Paris et Montereau en Île-de-France (son concurrent américain Robert Fulton a lancé en 1807 le premier service de navigation régulier à vapeur sur l'Hudson (fleuve) entre New York et Albany).
Le Charles-Philippe, premier bateau à vapeur lancé sur la Seine
Philibert-Louis Debucourt
Estampe, 19e siecle
Image : Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Maquette de bateau à vapeur
maquettiste anonyme, 19e siècle
Image : Musée national de la Marine
Note du musée : ce modèle n'est pas celui du Pyroscaphe, mais celui d'un prototype ultérieur construit par Jouffroy d'Abbans sur une coque différente en vue de l'obtention d'un brevet. L'appareil moteur, commencé fin 1801, fut achevé en février 1802. La coque est postérieure à la machine : la présence de nombreuses fleurs de lis tend à prouver qu'elle n'a pas pu être réalisée avant 1814.
Il perd son épouse et soutien en 1829, et ruiné par ses travaux de recherche, il est hospitalisé à l'hôtel des Invalides en tant qu’ancien officier militaire. Il disparaît un an plus tard, le 18 juillet 1832, victime à Paris, de la deuxième pandémie de choléra. Son corps est enseveli dans une fosse commune.
Dessin de Claude-François Jouffroy d'Abbans par l'artiste Levalet. Il est situé à l'angle de la rue de Tocqueville et la rue Jouffroy d'Abbans à Paris.
Image : Bmazerolles / Commons Wikimedia
Postérité
L'Empire britannique suivait avec attention les développements des inventions françaises qui terrifiaient le tout nouveau premier ministre William Pitt le Jeune : canons de Gribeauval, poudres de Lavoisier, calculs de Belidor, navires de Sané, ballons des Montgolfier et, pire que tout, le navire à vapeur de Jouffroy d'Abbans.
Pitt avec méthode et détermination suit les recommandations du dernier discours de son père (William Pitt l'Ancien) de 1777 et fait tout pour « régler » le problème français, seule menace possible à la toute-puissance de l'Angleterre. Cette même année 1783, Louis-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, futur Philippe Égalité, offre la fortune à Jouffroy d'Abbans en lui proposant de présenter son invention à ses amis d'Angleterre, offre refusée par Jouffroy par attachement à son pays.
William Pitt the Younger (1759-1806)
John Hoppner
Oil on canvas, after 1806, copy of a original of 1804
Image : Bohnams / Commons Wikimedia
Jouffroy d'Abbans subit par ailleurs la jalousie des frères Périer, qu’il considérait comme des amis et des associés : ceux-ci lui volent les plans de ses inventions et s'opposent à sa demande de brevet. En dépit de la réussite de ses démonstrations à Baume-les-Dames, Lyon et Paris, Jouffroy d'Abbans reste méconnu et n’a que sa sœur et son épouse pour le soutenir. L'inventeur américain Robert Fulton, également pionnier de la navigation à vapeur, a admis que Jouffroy d'Abbans était l’inventeur du bateau à vapeur.
L'invention du marquis de Jouffroy d'Abbans a inauguré l'ère de la navigation fluviale à vapeur qui a permis le transport de milliers de voyageurs et de millions de tonnes de marchandises pendant tout le 19e siècle, avant d'être remplacée par le train à vapeur, plus performant, à partir de 1840.
Monument au marquis Jouffroy d'Abbans
Jean Jegou, 1946
Promenade de l'Helvétie au bord du Doubs, à Besançon
Image : Arnaud 25 / Commons Wikimedia
Source texte (extraits) et infos complémentaires : Wikipedia - Claude de Jouffroy d'Abbans
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le marquis de Jouffroy d'Abbans (1751-1832), inventeur de la navigation à vapeur
C'était une captivité drôlement bien employée que celle du marquis de Jouffroy ! Bravo !!!
A quoi tiennent parfois les découvertes ...
Et dis-moi ( personne n'écoute ) qui était la jeune duchesse ? Sans indiscrétion, nous la connaissons ?
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55259
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Jouffroy d'Abbans (1751-1832), inventeur de la navigation à vapeur
Le « Charles-Philippe », c’est qu’en bon courtisan assagi par l’âge et le besoin de financement, il voulait faire oublier sa bévue 40 ans après
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le marquis de Jouffroy d'Abbans (1751-1832), inventeur de la navigation à vapeur
Je l'ignore...Mme de Sabran a écrit:Et dis-moi qui était la jeune duchesse ? Sans indiscrétion, nous la connaissons ?
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
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