Guillaume du Tillot, de valet à ministre

Méconnu, Guillaume du Tillot n'en est pas moins un homme politique brillant du XVIIIème siècle.

Né à Bayonne en 1711, il est le fils d'un valet du roi d'Espagne Philippe V.
Après des études réussies à Paris, il revient en Espagne pour y devenir le valet de l'Infant Charles. Puis il devient le secrétaire particulier de Philippe de Bourbon qui règne sur le duché de Parme et qui est le gendre de Louis XV. A la demande de ce dernier, Guillaume part pour la cour de Parme, officiellement comme conseiller, officieusement comme observateur. Sur place, notre homme a la haute main sur la cassette de Philippe, ses propriétés, ses jardins, ses théâtres et palais, y organisant de somptueuses fêtes.
Les deux hommes s'entendent bien et, preuve de sa confiance, Philippe nomme Guillaume ministre de l'Economie, ministre des Affaires Etrangères puis Premier Ministre. Il le fait également marquis de Felino, lui donnant les terres qui vont avec. A partir de là, Guillaume prend son envol.

Sous sa gestion efficace, le petit duché va devenir florissant. Ministre éclairé, Guillaume fait venir des ouvriers qualifiés de France et de Suisse, offre des locaux pour les industriels venant s'installer à Parme et pensionne les artisans afin de former de nouveaux élèves. Dans le même temps, il favorise la culture de la pomme de terre, améliore routes, ponts et canaux, encourage les industries locales réputées pour leur production.
Il crée l’académie des Beaux Arts, le musée de l’Antiquité, l’imprimerie ducale, le journal La Gazzetta di Parma et réorganise l’université de Parme, l’une des plus anciennes d’Europe, créée au XIème siècle. Intellectuel, il se constitue une imposante bibliothèque personnelle sur les étagères de laquelle trône l'Encyclopédie, s'entoure d'écrivains, d'artistes et d'architectes qui vont remodeler Parme, y édifiant de nombreux monuments.

La mort de Philippe cause à Guillaume le chagrin que l'on imagine mais ne fait que renforcer son pouvoir, le fils du défunt, Ferdinand, n'ayant que 14 ans. Homme des Lumières, Guillaume s'attaque alors à l'Eglise, affirme la suprématie de l'état, s'oppose au Saint Siège et va jusqu'à confisquer des biens religieux, abolir l'Inquisition et supprimer les tribunaux ecclésiastiques.

Un "règne" efficace et brillant qui va prendre fin avec l'arrivée de Marie-Amélie d'Autriche, sœur de Marie-Antoinette...
Marie-Amélie est en rupture avec sa famille. Longtemps éclipsée par ses aînées plus brillantes, elle s'est vue refuser par sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse, d'épouser l'homme qu'elle aimait et on l'a finalement mariée au falot Ferdinand, faute de mieux. Femme libre, déterminée, Marie-Amélie envoie valser le protocole, danse des nuits entières, joue gros jeu et s'endette, prend de la bouteille et en vide beaucoup. Un style de vie qui ne l'empêche pas d'être populaire et aimée de ses sujets. Très vite, elle domine complètement son époux et se retrouve donc face au brillant et puissant Guillaume.

Le duché devient trop petit pour ces deux-là. Marie-Amélie rassemble autour d'elle tous les opposants du ministre, dont de nombreux religieux et finit par obtenir son renvoi, malgré les efforts de la France et de l'Espagne pour le maintenir en poste. Entretemps, Marie-Amélie rompt définitivement tout lien avec sa mère mais reste proche de ses cadettes, Marie-Caroline reine de Naples et Marie-Antoinette, reine de France (cette dernière lui écrira jusqu'au bout).
Du Tillot est d'abord envoyé en résidence surveillée mais, craignant pour sa vie, il décide de fuir et se réfugie en Espagne en 1771, Charles III lui offrant l'hospitalité assortie d'une coquette pension. Il revient finalement en France et y meurt d'apoplexie en 1774.

Merci, cher Calonne, pour la présentation de ce personnage de premier plan, et que je ne connaissais pas . J'imagine que je ne suis pas la seule.
Son ascension fulgurante force l'admiration !
Drôle de coiffure ! Il ressemble à un mouton échappé de la ferme du Hameau.

Oui, c'est vrai, je n'avais pas remarqué. Son valet a dû se faire plaisir.
- Moi, quand on me dit de boucler, je boucle !

Pour revenir à l'œuvre de Guillaume, il faut quand-même rendre à César ce qui est à César : il était puissamment soutenu par Philippe de Bourbon et n'aurait pas tant fait sans son appui.


Ce dernier avait épousé Elisabeth de France, fille de Louis XV.
Les deux hommes étaient nettement favorables à la France et reçurent à Parme des invités prestigieux comme le futur cardinal de Bernis, alors ambassadeur de Venise (qui, lors de son passage, se lia d'une vive amitié avec Elisabeth), le philosophe Condillac, le sculpteur Boudard, l'architecte Petitot ou encore le peintre Goya.

Mais aussi Auguste de Keralio, militaire qui sera le sous-gouverneur de l'Infant Ferdinand, qui succèdera à Philippe et épousera Marie-Amélie. Mais le courant passe mal entre le professeur et son élève et, après le mariage de ce dernier, Keralio rentre en France où il est officiellement présenté à Louis XV avant de toucher 10 000 livres de pension et 10 000 autres livres de Charles III, roi d'Espagne. Louis XV lui offre également un appartement en viager au palais du Luxembourg, notre homme devenant ainsi voisin du comte de Provence.
Homme éclairé, Keralio aide Condorcet dans ses travaux sur les mathématiques et devient même son secrétaire.

Emprisonné aux Carmes sous la Terreur, il ne doit la vie sauve qu'à sa nièce, Louise Félicité : cette dernière était parvenue à arracher du livre d'écrou la page où figurait le nom de son oncle, ce dernier ne fût donc jamais convoqué devant le Tribunal Révolutionnaire. Auguste de Keralio meurt en 1805, à 90 ans.

Merci cher ami d’avoir créé un sujet pour ce personnage fort intéressant !!!

Du Tillot à Parme, Tanucci à Naples… deux brillants hommes d’Etat issus du peuple, ouverts aux Lumières, fidèles aux Bourbon… et perdus tous deux par l’arrivée d’une archiduchesse dans le lit de leur maître

Oui, Marie-Amélie avait beau être en rupture avec sa famille, elle était décidée à substituer une influence autrichienne à l'influence française défendue par Philippe et Guillaume.

Notre archiduchesse faisait la gueule à Madame Maman mais en attendant, elle servait quand-même sa politique...

Le renvoi de Du Tillot fut une grave erreur politique pour l'avenir de Parme.
Compétent et zélé, il s'était dévoué corps et âme pour ce petit État italien qui occupa une place non négligeable sur l'échiquier européen. Il avait commencé à doter Parme de structures modernes et ouvert le duché à la politique des Lumières. Or, dès son renvoi en 1771, le duché retomba dans une léthargie politique et internationale très préjudiciable pour son développement et sa reconnaissance auprès des grandes puissances.