Praskovia Kovalyova, la diva russe
2 participants
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les femmes du XVIIIe siècle
Page 1 sur 1
Praskovia Kovalyova, la diva russe
De son nom complet Praskovia Kovalyova Zhemchugova, cette artiste a été l'une des plus grandes actrices et sopranos d'opéra russes au XVIIIème siècle.
Née en 1768, notre artiste a des origines très modestes puisqu'elle est fille de serf, son père étant forgeron sur les terres de son maître, le comte Sheremetev. Elle devient rapidement la femme de chambre d'une riche comtesse, amie de son seigneur. Ce dernier, découvrant la finesse et la pureté de sa voix décide de la placer en apprentissage auprès d'une troupe d'opéra formée par ses propres serfs. Elle débute ainsi sur les planches du théâtre privé de son maître en 1779, dans un rôle de servante dans une pièce d'André Grétry. C'est un succès et la jeune femme enchaîne les rôles, surnommé "la perle" au sein de la troupe.
Notre artiste est lancée et va de succès en succès. Dans le même temps, elle affine son éducation, comble ses lacunes : elle parle et écrit français et italien couramment, joue de la harpe et du clavecin. S'ouvre devant elle une carrière qui va s'étaler sur 20 ans au cours de laquelle elle jouera dans une douzaine d'opéras, dont plusieurs en français. En 1787, elle joue devant Catherine II. Impressionnée par sa voix et sa prestation, l'impératrice demande à la rencontrer et lui offre une bague en diamants.
Au milieu des années 1780, Praskovia devient la maîtresse de Nikolaï Sheremetev, le fils de son maître.
Ils se connaissent depuis longtemps, Nikolaï ayant géré la petite troupe des débuts et ayant toujours soutenu et encouragé la jeune femme. A la mort de son père, il s'installe avec elle dans une maison discrète où ils vivent comme mari et femme. Mais la Russie de l'époque n'accepte pas une relation entre une serve (féminin de serf) et un homme libre, noble de surcroît. Le couple doit affronter médisance et désapprobation et renoncer à paraître en public. Dans le même temps, l'artiste suscite la jalousie des autres serfs de la troupe.
En 1795, Praskovia tombe malade, probablement de la tuberculose et doit se reposer. L'année suivante, la petite troupe est demandée à Saint-Pétersbourg par Paul Ier et s'installe dans la capitale. Sheremetev bataille alors pour affranchir sa compagne et y parvient, non sans difficultés, affranchissant au passage la totalité de sa famille. Sachant sa compagne fatiguée et malade, il ferme le théâtre et met fin aux activités de la petite troupe. L'état de Praskovia s'aggrave, le temps presse : en 1801, le couple se marie en grand secret. Nikolaï n'hésite pas à produire un arbre généalogique trafiqué qui fait de sa compagne la descendante d'une noble famille polonaise. On raconte même qu'il achète, très cher, le témoignage d'une famille polonaise noble mais ruinée pour appuyer ses dires.
Peu de temps après, Praskovia tombe enceinte.
Début février 1803, elle met au monde un fils, Dimitri. Mais l'accouchement difficile a raison de ses forces, déjà minées par la maladie : Praskovia meurt le 23 février, dans le palais des Sheremetev. Juste avant sa mort, Nikolaï avait informé l'empereur Alexandre Ier de son mariage et lui avait demandé une reconnaissance officielle, que le souverain promît. La désapprobation est générale et Nikolaï doit affronter la colère de ses neveux, les frères Razumovsky, qui étaient jusque là ses héritiers et n'acceptent pas de perdre leur héritage au profit d'un fils issu d'une telle union. Il est même dit qu'ils auraient tenté de faire tuer l'enfant.
Praskovia est enterrée avec faste au monastère Alexandre Nevsky, la cérémonie assurée par le clergé et toute la maisonnée des Sheremetev. Toute la noblesse invitée refusa de venir.
Nikolaï trouva le réconfort en exauçant le vœu de sa bien-aimée, secourir les pauvres et les malades. En sa mémoire, il fonda à Moscou un grand hospice destiné aux pauvres, malades et orphelins, institution qui dura jusqu'à la Révolution de 1917. Nikolaï meurt en 1809.
Son fils Dimitri échappe à un funeste destin grâce à la protection de l'impératrice Marie, femme de Paul Ier, qui le met en sécurité et lui fait intégrer l'école des pages de la cour. Il devient page lui-même en 1820 et hérite de l'immense fortune de son père. En mémoire de sa mère, il fait construire un asile d'aliénés et dépense sans compter pour fonder et entretenir lycées, orphelinats et hôpitaux. En 1856, alors qu'Alexandre II est en route pour son couronnement avec son épouse, il s'arrête chez le comte pour le saluer et lui témoigner son respect.
Propriétaire d'environ 150 000 serfs, l'émancipation du servage réduit considérablement sa fortune mais il préfère réduire son train de vie, plutôt que de renoncer à ses œuvres de charité.
Il meurt en 1871.
_________________
J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1147
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Praskovia Kovalyova, la diva russe
Merci, mon cher Calonne.
Quelle belle et émouvante histoire d'amour ! Hélas, tant de femmes à l'époque mouraient des suites de couches difficiles ...
Dimitri fut le digne de ses parents !
Calonne a écrit:
Son fils Dimitri échappe à un funeste destin grâce à la protection de l'impératrice Marie, femme de Paul Ier, qui le met en sécurité et lui fait intégrer l'école des pages de la cour. Il devient page lui-même en 1820 et hérite de l'immense fortune de son père. En mémoire de sa mère, il fait construire un asile d'aliénés et dépense sans compter pour fonder et entretenir lycées, orphelinats et hôpitaux. En 1856, alors qu'Alexandre II est en route pour son couronnement avec son épouse, il s'arrête chez le comte pour le saluer et lui témoigner son respect.
Propriétaire d'environ 150 000 serfs, l'émancipation du servage réduit considérablement sa fortune mais il préfère réduire son train de vie, plutôt que de renoncer à ses œuvres de charité.
Si j'en juge par l'opulence des propriétés de la famille, Dimitri avait tout de même de quoi voir venir sans trop d'inquiétude .
Le palais de Saint-Petersbourg était fastueux et le petit cabanon d'été moscovite, Kouskovo, pas mal du tout !
( pour ne citer que ces deux-là )
Le palais de Sheremetev, également connu sous le nom de Fountain House
à l'embouchure de la rivière Fontanka à Saint-Pétersbourg.
... auquel Kouskovo n'a rien à envier !
Vois plutôt !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55609
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Praskovia Kovalyova, la diva russe
Ha oui quand-même...
La "maison italienne" me suffirait.
Dimitri a eu la chance d'être protégé par l'impératrice Maria Féodorovna, épouse de Paul Ier. Elle était veuve et lui orphelin de six ans quand elle le prît sous son aile. Apparemment, Nikolaï et Paul Ier s'étaient liés d'amitié et c'est en souvenir de cette amitié que l'impératrice intervînt, sauvant peut-être la vie du garçon.
Ce dernier donnait tant d'argent pour ses œuvres qu'une expression devînt courante dans la Russie de l'époque : "vivre au compte de Sheremetev"...
Son père fît graver, sur une plaque de marbre dans le parc où Praskovia aimait se promener : " Je veux voir son ombre insaisissable, errant autour de la maison. Je m'approche, mais tout à coup cette ombre se dissipe, disparaît à jamais, me rendant à ma douleur ".
La "maison italienne" me suffirait.
Dimitri a eu la chance d'être protégé par l'impératrice Maria Féodorovna, épouse de Paul Ier. Elle était veuve et lui orphelin de six ans quand elle le prît sous son aile. Apparemment, Nikolaï et Paul Ier s'étaient liés d'amitié et c'est en souvenir de cette amitié que l'impératrice intervînt, sauvant peut-être la vie du garçon.
Ce dernier donnait tant d'argent pour ses œuvres qu'une expression devînt courante dans la Russie de l'époque : "vivre au compte de Sheremetev"...
Son père fît graver, sur une plaque de marbre dans le parc où Praskovia aimait se promener : " Je veux voir son ombre insaisissable, errant autour de la maison. Je m'approche, mais tout à coup cette ombre se dissipe, disparaît à jamais, me rendant à ma douleur ".
_________________
J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1147
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Praskovia Kovalyova, la diva russe
Il y a aussi la Maison hollandaise, mais je la trouve toute bête .Calonne a écrit:Ha oui quand-même...
La "maison italienne" me suffirait.
.
Hein, franchement !
Elle a été construite dans le style hollandais du XVIIe siècle, avec la cuisine au rez-de-chaussée et la chambre au rez-de-chaussée, conçue pour ressembler à une petite résidence sur les rives d’un lac. Elle était utilisée pour divers événements de divertissement.
Calonne a écrit:
Son père fît graver, sur une plaque de marbre dans le parc où Praskovia aimait se promener : " Je veux voir son ombre insaisissable, errant autour de la maison. Je m'approche, mais tout à coup cette ombre se dissipe, disparaît à jamais, me rendant à ma douleur ".
C'était un amour véritable, un veuf inconsolable et romantique...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55609
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les femmes du XVIIIe siècle
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum