Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
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Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
Si le XVIIIème siècle voit l'essor de la "traite des nègres", le trafic d'esclaves venus essentiellement d'Afrique et déportés vers d'autres continents, il est un phénomène moins connu mais non négligeable : la traite des esclaves blancs. Deux grands faits y ont concouru :
Elle débute au Moyen-Age pour se terminer vers le XVIIIème siècle.
Il s'agit du commerce organisé de slaves, déportés et vendus comme esclaves à travers l'Europe et jusqu'en Orient. Un commerce si important que le mot "slave" deviendra synonyme d'esclave. La langue anglaise utilisera d'ailleurs le même mot : slave. Du VIIème siècle au XIIème siècle, des centaines de milliers de Slaves ont été vendus et déportés par des marchands varègues, tarakans, francs, hispaniques, khazars, mizrahites ou radhanites, tant vers le monde chrétien que vers le monde musulman.
Deux routes concentraient en grande partie ce trafic :
L'une partait de la Baltique et de la Bohême pour aller jusqu'à Verdun, puis Lyon, Arles et Narbonne. À Verdun, de nombreux Slaves étaient alors castrés avant d'être vendus comme ennuques aux seigneurs orientaux. La seconde route, de Cordoue à Bagdad, longeait la côte méditerranéenne par Tortosa et passait par Narbonne puis vers Marseille, où la "marchandise" était embarquée vers Tripoli, Beyrouth, Acre et Jaffa.
L'Espagne musulmane était très friande de ces esclaves : au Moyen-Age, le palais du calife de Cordoue en comptait 3000...
En France, on recherchait surtout des femmes, vendues à Marseille, Montpellier et Perpignan. Les chroniqueurs de l'époque nous indiquent que ces femmes dites "russes" coûtaient le double des esclaves hommes.
Au XVIIIème siècle, ce commerce est encore prospère en Europe orientale. Vers 1700, le Khanat de Crimée vend plus de 10 000 esclaves russes, polonais ou moldaves chaque année à l'Empire Ottoman. Le coup d'arrêt est donné par la Russie lors de l'annexion de la Crimée en 1783. Les circassiens poursuivront le trafic avec les ottomans jusqu'en 1864.
Plus au sud, en mer Méditerranée, le commerce d'esclaves blancs bat son plein jusqu'à la fin du XVIIIème siècle également.
Il commence dès l'Antiquité, se poursuit au Moyen-Age puis avec l'Empire Ottoman. Alger, Tunis, Tripoli, deviennent des plaques tournantes majeures du trafic et le point de départ des raids barbaresques.
Le comble ? Certains de ces pirates sont des européens renégats : citons le Calabrais Uluç Ali Paşa au XVIème siècle ou encore le Vénitien Ali Bitchin, l’Anglais Jack Ward et le Néerlandais Jan Janszoon au XVIIème siècle. On trouve des rapports d'attaques barbaresques et d'enlèvements/disparitions de ressortissants européens en Italie, Espagne, France, Portugal, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, Écosse et jusqu’en Islande. Entre 1680 et 1800, on compte environ 175 000 esclaves européens au Maghreb. Les raids sont si redoutables que le littoral entre Venise et Malaga est "déconseillé" et que même les tout jeunes Etats-Unis paient un tribut aux pirates pour épargner leurs navires... La Corse était également régulièrement visée par des raids, les femmes enlevées pour être déportées dans des bordels ou harems. Conséquence : les habitants de l'île fuyaient les rivages pour s'installer dans les montagnes, hors de portée. Au XVIIIème siècle, naviguer en Méditerranée reste un réel danger.
Certains des européens capturés sont restés célèbres.
Nous avons évoqué par ailleurs la mystérieuse Aimée du Buc de Rivery qui, capturée et envoyée à Istanbul dans les années 1780, serait devenue la Validé Naksh-I-Dil, mère du sultan Mahmoud II.
On peut aussi citer Marthe Francheschini (1755-1799), femme corse d'une grande beauté, enlevée, envoyée au Maroc et devenue sous le nom de Davia "impératrice du Maroc", "la plus belle rose du harem", favorite et épouse du sultan.
Il y a également James Leander Cathcart :
Irlandais, né en 1767, capturé en 1785 et vendu comme esclave à Alger. Il y restera 11 ans, s'occupant d'abord des jardins, des lions et tigres apprivoisés du Dey, puis gravissant tous les échelons jusqu'à devenir greffier du Dey avant de retrouver sa liberté.
Hark Olufs est lui danois.
Né en 1708, il est capturé à 16 ans et envoyé à Alger. Il devient trésorier du Dey de Constantine puis commandant de la garde du palais, amasse les richesses avant de retrouver sa liberté et d'écrire son autobiographie une fois rentré au pays.
Pour contrer les raids barbaresques, certains ordres religieux se sont implantés en Méditerranée. Parmi eux, l'ordre de Malte, basé à la Valette.
Mais aussi d'autres, composés de religieux ou/et de laïcs, qui pouvaient tenter de racheter les européens capturés.
Les deux plus fameux étaient l'Ordre de la Très-Sainte Trinité ou Ordre des Trinitaires, fondé en 1194 par Jean de Matha et approuvé par le pape Innocent III quatre ans plus tard, et l'Ordre de Notre-Dame de la Merci ou Ordre des Mercédaires, fondé par Pierre Nolasque en 1218.
Leurs membres servaient d'intermédiaires entre les barbaresques et les familles des captifs et pouvaient ainsi avancer l'argent pour les racheter ou faire transiter la rançon demandée en échange de la libération des prisonniers. Ils collectaient des fonds par la quête ou le démarchage auprès des notables et institutions. Bien que rivaux, les deux ordres savaient s'entendre quand il le fallait, comme à Marseille où ils coopérèrent jusqu'au XVIIIème siècle.
A noter également que lors de la vente, les consuls ou ambassadeurs occidentaux pouvaient être présents et racheter les captifs (surtout ceux de grande famille ou de famille qui avait les moyens...).
La menace barbaresque commença à sérieusement décliner à la fin du XVIIIème siècle.
En 1793, 12 navires américains furent arraisonnés, leur cargaison et passagers vendus comme esclaves. En réaction, les Etats-Unis créèrent une puissante flotte de guerre, l'US NAVY. Une flotte qui permît de mettre fin au tribut payé aux barbaresques et qui se montait quand-même à 20% des revenus du pays.
En 1816, le bombardement d'Alger par les anglais sonna le glas de la piraterie barbaresque, le Dey proclamant l'abandon officiel de l'esclavage des chrétiens. En 1830, la conquête de l'Algérie par la France met un terme définitif au trafic.
La traite des Slaves
Elle débute au Moyen-Age pour se terminer vers le XVIIIème siècle.
Il s'agit du commerce organisé de slaves, déportés et vendus comme esclaves à travers l'Europe et jusqu'en Orient. Un commerce si important que le mot "slave" deviendra synonyme d'esclave. La langue anglaise utilisera d'ailleurs le même mot : slave. Du VIIème siècle au XIIème siècle, des centaines de milliers de Slaves ont été vendus et déportés par des marchands varègues, tarakans, francs, hispaniques, khazars, mizrahites ou radhanites, tant vers le monde chrétien que vers le monde musulman.
Deux routes concentraient en grande partie ce trafic :
L'une partait de la Baltique et de la Bohême pour aller jusqu'à Verdun, puis Lyon, Arles et Narbonne. À Verdun, de nombreux Slaves étaient alors castrés avant d'être vendus comme ennuques aux seigneurs orientaux. La seconde route, de Cordoue à Bagdad, longeait la côte méditerranéenne par Tortosa et passait par Narbonne puis vers Marseille, où la "marchandise" était embarquée vers Tripoli, Beyrouth, Acre et Jaffa.
L'Espagne musulmane était très friande de ces esclaves : au Moyen-Age, le palais du calife de Cordoue en comptait 3000...
En France, on recherchait surtout des femmes, vendues à Marseille, Montpellier et Perpignan. Les chroniqueurs de l'époque nous indiquent que ces femmes dites "russes" coûtaient le double des esclaves hommes.
Au XVIIIème siècle, ce commerce est encore prospère en Europe orientale. Vers 1700, le Khanat de Crimée vend plus de 10 000 esclaves russes, polonais ou moldaves chaque année à l'Empire Ottoman. Le coup d'arrêt est donné par la Russie lors de l'annexion de la Crimée en 1783. Les circassiens poursuivront le trafic avec les ottomans jusqu'en 1864.
La piraterie barbaresque
shz.de
Plus au sud, en mer Méditerranée, le commerce d'esclaves blancs bat son plein jusqu'à la fin du XVIIIème siècle également.
Il commence dès l'Antiquité, se poursuit au Moyen-Age puis avec l'Empire Ottoman. Alger, Tunis, Tripoli, deviennent des plaques tournantes majeures du trafic et le point de départ des raids barbaresques.
Le comble ? Certains de ces pirates sont des européens renégats : citons le Calabrais Uluç Ali Paşa au XVIème siècle ou encore le Vénitien Ali Bitchin, l’Anglais Jack Ward et le Néerlandais Jan Janszoon au XVIIème siècle. On trouve des rapports d'attaques barbaresques et d'enlèvements/disparitions de ressortissants européens en Italie, Espagne, France, Portugal, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, Écosse et jusqu’en Islande. Entre 1680 et 1800, on compte environ 175 000 esclaves européens au Maghreb. Les raids sont si redoutables que le littoral entre Venise et Malaga est "déconseillé" et que même les tout jeunes Etats-Unis paient un tribut aux pirates pour épargner leurs navires... La Corse était également régulièrement visée par des raids, les femmes enlevées pour être déportées dans des bordels ou harems. Conséquence : les habitants de l'île fuyaient les rivages pour s'installer dans les montagnes, hors de portée. Au XVIIIème siècle, naviguer en Méditerranée reste un réel danger.
Certains des européens capturés sont restés célèbres.
Nous avons évoqué par ailleurs la mystérieuse Aimée du Buc de Rivery qui, capturée et envoyée à Istanbul dans les années 1780, serait devenue la Validé Naksh-I-Dil, mère du sultan Mahmoud II.
On peut aussi citer Marthe Francheschini (1755-1799), femme corse d'une grande beauté, enlevée, envoyée au Maroc et devenue sous le nom de Davia "impératrice du Maroc", "la plus belle rose du harem", favorite et épouse du sultan.
Il y a également James Leander Cathcart :
Irlandais, né en 1767, capturé en 1785 et vendu comme esclave à Alger. Il y restera 11 ans, s'occupant d'abord des jardins, des lions et tigres apprivoisés du Dey, puis gravissant tous les échelons jusqu'à devenir greffier du Dey avant de retrouver sa liberté.
Hark Olufs est lui danois.
Né en 1708, il est capturé à 16 ans et envoyé à Alger. Il devient trésorier du Dey de Constantine puis commandant de la garde du palais, amasse les richesses avant de retrouver sa liberté et d'écrire son autobiographie une fois rentré au pays.
Les ordres religieux et le rachat
Pour contrer les raids barbaresques, certains ordres religieux se sont implantés en Méditerranée. Parmi eux, l'ordre de Malte, basé à la Valette.
Mais aussi d'autres, composés de religieux ou/et de laïcs, qui pouvaient tenter de racheter les européens capturés.
Les deux plus fameux étaient l'Ordre de la Très-Sainte Trinité ou Ordre des Trinitaires, fondé en 1194 par Jean de Matha et approuvé par le pape Innocent III quatre ans plus tard, et l'Ordre de Notre-Dame de la Merci ou Ordre des Mercédaires, fondé par Pierre Nolasque en 1218.
Leurs membres servaient d'intermédiaires entre les barbaresques et les familles des captifs et pouvaient ainsi avancer l'argent pour les racheter ou faire transiter la rançon demandée en échange de la libération des prisonniers. Ils collectaient des fonds par la quête ou le démarchage auprès des notables et institutions. Bien que rivaux, les deux ordres savaient s'entendre quand il le fallait, comme à Marseille où ils coopérèrent jusqu'au XVIIIème siècle.
A noter également que lors de la vente, les consuls ou ambassadeurs occidentaux pouvaient être présents et racheter les captifs (surtout ceux de grande famille ou de famille qui avait les moyens...).
La menace barbaresque commença à sérieusement décliner à la fin du XVIIIème siècle.
En 1793, 12 navires américains furent arraisonnés, leur cargaison et passagers vendus comme esclaves. En réaction, les Etats-Unis créèrent une puissante flotte de guerre, l'US NAVY. Une flotte qui permît de mettre fin au tribut payé aux barbaresques et qui se montait quand-même à 20% des revenus du pays.
En 1816, le bombardement d'Alger par les anglais sonna le glas de la piraterie barbaresque, le Dey proclamant l'abandon officiel de l'esclavage des chrétiens. En 1830, la conquête de l'Algérie par la France met un terme définitif au trafic.
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1174
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
Intéressant. Merci Calonne pour cet article.
Le sujet est sérieux, mais je ne peux m'empêcher de songer au film La folie des grandeurs : Don Salluste et son domestique, condamnés par le roi d'Espagne, sont "envoyés aux Barbaresques"...
Le sujet est sérieux, mais je ne peux m'empêcher de songer au film La folie des grandeurs : Don Salluste et son domestique, condamnés par le roi d'Espagne, sont "envoyés aux Barbaresques"...
La nuit, la neige- Messages : 18191
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
Et moi de songer au rachat raté d’Angélique par l’ordre de Malte dans Indomptable Angélique :
Et merci beaucoup Calonne pour cet article !
Gouverneur Morris- Messages : 11874
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
J'avais bien pensé à "Angélique et le sultan" mais pas à "La folie des grandeurs"...
C'est vrai qu'on l'oublie souvent mais même encore au XVIIIème, à l'époque où l'on minaudait en perruque poudrée et dentelles, naviguer en Méditerranée restait un réel danger. Et la scène d'Angélique vendue, au-delà du côté "romanesque" du film, était une réalité.
Les chevaliers de l'ordre de Malte
Ils étaient redoutés des pirates barbaresques.
Issus de l’ordre des Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, les chevaliers de Malte s'installèrent en 1530, l'archipel leur étant cédé par Charles Quint avec la bénédiction du pape Clément VII. Ils organisèrent alors la défense de l’endroit en édifiant plusieurs fortifications (fort Saint-Ange, fort Saint-Elme, fort Saint-Michel...) afin de lutter contre les Turcs ottomans. Tous ses membres, de naissance noble et ayant de grands moyens, étaient revêtus d'une cape noire ornée d'une croix blanche. On pouvait cependant accéder à l'ordre exceptionnellement, "par grâce".
Au fil du temps, l'ordre devînt un véritable état autonome, avec son armée, ses finances, sa flotte, frappant même sa propre monnaie. Il avait également ses représentants auprès des cours européennes. Dans les grandes familles, placer un fils au sein de l'ordre conférait un grand prestige. Le prétendant, une fois sa candidature acceptée, devait alors accomplir sa "caravane" : sous le nom complet de "caravane hospitalière", il s'agissait d'une expédition maritime contre les barbaresques et turcs ottomans, baptême du feu et rite de passage pour prononcer ses vœux et intégrer l'ordre. Cette "caravane" était autrefois terrestre avant de devenir maritime. Plus tard, les règles se firent plus strictes : il fallait pouvoir justifier de trois caravanes pendant cinq ans pour être maintenu au sein de l'ordre. Les chevaliers de Malte formèrent ainsi une véritable police des mers en Méditerranée. Comme dans le film Angélique, ils pouvaient également tenter de racheter des prisonniers chrétiens. Parmi ses membres célèbres au XVIIIème siècle, le comte de Saint-Priest.
Devenu trop puissant, trop autonome, l'ordre est mis à terre en 1798 par Napoléon puis expulsé de Malte par les anglais en 1802.
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Calonne- Messages : 1174
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
" J'ai le bagne le plus mondain du Sahara . "
... et Angélique, plus indomptable tu meurs !
( Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny, envoie-moi au ciel !!!! )
Merci, les amis, pour ces petites vidéos, c'est si bon de rire !
Nous en avons tous grand besoin...
Et merci, à toi, mon cher Calonne, pour ce sujet vraiment passionnant.
... et Angélique, plus indomptable tu meurs !
( Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny, envoie-moi au ciel !!!! )
Merci, les amis, pour ces petites vidéos, c'est si bon de rire !
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Et merci, à toi, mon cher Calonne, pour ce sujet vraiment passionnant.
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55736
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
Mais au fait, pourquoi Bonaparte s'est-il opposé à l'ordre, en dépit des services que rendait ce dernier ?
Petit retour en arrière...
En 1792, la Révolution fait main basse sur tous les avoirs des ordres religieux du pays. L'ordre de Malte y perd au passage les trois quarts de ses revenus en France. L'année suivante, une révolte fomentée par des agents au service de la Convention est réprimée de justesse.
En 1798, Bonaparte quitte Toulon pour aller visiter les pyramides et esquive de justesse les navires de l'amiral Nelson. Arrivé devant Malte, il demande à pouvoir débarquer pour se réapprovisionner en eau. L'ordre, qui depuis les évènements cités plus haut n'apprécie pas trop les touristes français, l'envoie bouler. Furieux, Bonaparte envoie lui aussi ses boulets, s'empare de l'île et fout l'ordre dehors. La flotte repart ensuite pour Alexandrie, laissant 3000 hommes sur place.
Les maltais, peu commodes, se tournent alors vers l'Angleterre, ravie de pouvoir pousser ses pions dans la région. Le capitaine Alexander Ball est envoyé à la tête d'une flotte, assiège l'île et fait se rendre la garnison française.
On murmure qu'en fait, Bonaparte cherchait à mettre la main sur le fabuleux trésor supposé de l'ordre, sans doute autant objet de phantasmes que le trésor supposé des Templiers. Mais rien, pas un kopeck...
Il faut aussi reconnaître qu'à cette époque, l'ordre est entré dans un profond déclin, se mettant à dos l'Eglise et les maltais eux-mêmes. Fini le temps des "caravanes", de la police des mers contre les barbaresques, du rachat d'esclaves chrétiens... On parlait de corruption, de luttes politiques, d'intrigues... On accusait les membres de l'ordre de passer plus de temps dans les auberges, salles de jeux et bordels de la ville qu'à sabrer de l'infidèle.
Malgré tout, la "sacrée infirmerie hospitalière" de l'île restait très réputée pour l'excellence de ses soins et de ses médicaments. Beaucoup d'équipages comptant des malades préféraient mouiller à Malte, afin de s'assurer des soins de qualité.
Petit retour en arrière...
En 1792, la Révolution fait main basse sur tous les avoirs des ordres religieux du pays. L'ordre de Malte y perd au passage les trois quarts de ses revenus en France. L'année suivante, une révolte fomentée par des agents au service de la Convention est réprimée de justesse.
En 1798, Bonaparte quitte Toulon pour aller visiter les pyramides et esquive de justesse les navires de l'amiral Nelson. Arrivé devant Malte, il demande à pouvoir débarquer pour se réapprovisionner en eau. L'ordre, qui depuis les évènements cités plus haut n'apprécie pas trop les touristes français, l'envoie bouler. Furieux, Bonaparte envoie lui aussi ses boulets, s'empare de l'île et fout l'ordre dehors. La flotte repart ensuite pour Alexandrie, laissant 3000 hommes sur place.
Les maltais, peu commodes, se tournent alors vers l'Angleterre, ravie de pouvoir pousser ses pions dans la région. Le capitaine Alexander Ball est envoyé à la tête d'une flotte, assiège l'île et fait se rendre la garnison française.
Henry William Pickersgill.jpg
On murmure qu'en fait, Bonaparte cherchait à mettre la main sur le fabuleux trésor supposé de l'ordre, sans doute autant objet de phantasmes que le trésor supposé des Templiers. Mais rien, pas un kopeck...
Il faut aussi reconnaître qu'à cette époque, l'ordre est entré dans un profond déclin, se mettant à dos l'Eglise et les maltais eux-mêmes. Fini le temps des "caravanes", de la police des mers contre les barbaresques, du rachat d'esclaves chrétiens... On parlait de corruption, de luttes politiques, d'intrigues... On accusait les membres de l'ordre de passer plus de temps dans les auberges, salles de jeux et bordels de la ville qu'à sabrer de l'infidèle.
Malgré tout, la "sacrée infirmerie hospitalière" de l'île restait très réputée pour l'excellence de ses soins et de ses médicaments. Beaucoup d'équipages comptant des malades préféraient mouiller à Malte, afin de s'assurer des soins de qualité.
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Calonne- Messages : 1174
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Piraterie barbaresque et traite des slaves : l'esclave blanc au XVIIIème siècle
Revenons un moment sur James Leander Cathcart :
Comme vu plus haut, il a connu l'esclavage (en Algérie) et s'en est sorti.
Né en Irlande en 1767, il est emmené par son père aux futurs USA alors qu'il n'a que huit ans. A douze ans à peine, il sert comme corsaire pour le compte des colons en révolte. Fait prisonnier par les anglais, il parvient à s'échapper au bout de trois ans. Trois ans qu'il a mis à profit pour apprendre, au contact de ses compagnons de cellule, le français et l'espagnol, qu'il maîtrise couramment.
C'est en 1785, alors qu'il navigue en Méditerranée à bord d'un navire marchand américain, qu'il est capturé par les barbaresques. Avec vingt de ses camarades, il est alors vendu comme esclave au palais du Dey.
Notre homme restera esclave onze ans. Pendant cette période, à force de volonté, de ténacité (de corruption aussi), il parviendra à améliorer sa situation, même s'il n'échappe pas au fouet, aux coups et à la maladie (il perd ainsi ses ongles de pieds). Chargé d'entretenir les jardins du Dey mais aussi ses lions, tigres et antilopes apprivoisés, il monte rapidement en grade pour devenir greffier de la prison. Il en profite alors pour améliorer le sort de ses compagnons, leur délivrant nourriture et soins supplémentaires et pour apprendre l'arabe et le turc.
Encore plus fort : le Dey le choisit comme médiateur entre lui et l'ambassadeur américain au Portugal pour la négociation du Traité d'Alger, entre les USA et le Dey (le sultan ottoman, l'Algérie étant alors province ottomane ? On s'en fout, ce qui en dit long sur la décomposition de l'empire ottoman à l'époque...).
Bien que toujours officiellement esclave, Cathcart est désormais un homme riche, possédant maison et serviteurs et foulant avec assurance les tapis brodés du palais de ses babouches.
Mais pris par la nostalgie du pays, il décide de rentrer. Il s'achète un navire en même temps que sa liberté et embarque pour les USA avec douze de ses camarades capturés avec lui et ayant survécu.
Le voici de retour en terre musulmane en 1798 mais en tant qu'ambassadeur extraordinaire avant de s'installer comme consul des USA à Alger, Tunis et Tripoli en 1802. De 1807 à 1817, il est consul à Cadix tout en faisant du business à côté. Au cours de cette vie bien remplie et romanesque, notre homme trouve le temps de se marier, d'avoir douze enfants et d'écrire ses mémoires. C'est en 1899 qu'une de ses filles publie ces dernières sous le titre Le captif, onze ans prisonnier à Alger.
Comme vu plus haut, il a connu l'esclavage (en Algérie) et s'en est sorti.
Né en Irlande en 1767, il est emmené par son père aux futurs USA alors qu'il n'a que huit ans. A douze ans à peine, il sert comme corsaire pour le compte des colons en révolte. Fait prisonnier par les anglais, il parvient à s'échapper au bout de trois ans. Trois ans qu'il a mis à profit pour apprendre, au contact de ses compagnons de cellule, le français et l'espagnol, qu'il maîtrise couramment.
C'est en 1785, alors qu'il navigue en Méditerranée à bord d'un navire marchand américain, qu'il est capturé par les barbaresques. Avec vingt de ses camarades, il est alors vendu comme esclave au palais du Dey.
Notre homme restera esclave onze ans. Pendant cette période, à force de volonté, de ténacité (de corruption aussi), il parviendra à améliorer sa situation, même s'il n'échappe pas au fouet, aux coups et à la maladie (il perd ainsi ses ongles de pieds). Chargé d'entretenir les jardins du Dey mais aussi ses lions, tigres et antilopes apprivoisés, il monte rapidement en grade pour devenir greffier de la prison. Il en profite alors pour améliorer le sort de ses compagnons, leur délivrant nourriture et soins supplémentaires et pour apprendre l'arabe et le turc.
Encore plus fort : le Dey le choisit comme médiateur entre lui et l'ambassadeur américain au Portugal pour la négociation du Traité d'Alger, entre les USA et le Dey (le sultan ottoman, l'Algérie étant alors province ottomane ? On s'en fout, ce qui en dit long sur la décomposition de l'empire ottoman à l'époque...).
Bien que toujours officiellement esclave, Cathcart est désormais un homme riche, possédant maison et serviteurs et foulant avec assurance les tapis brodés du palais de ses babouches.
Mais pris par la nostalgie du pays, il décide de rentrer. Il s'achète un navire en même temps que sa liberté et embarque pour les USA avec douze de ses camarades capturés avec lui et ayant survécu.
Le voici de retour en terre musulmane en 1798 mais en tant qu'ambassadeur extraordinaire avant de s'installer comme consul des USA à Alger, Tunis et Tripoli en 1802. De 1807 à 1817, il est consul à Cadix tout en faisant du business à côté. Au cours de cette vie bien remplie et romanesque, notre homme trouve le temps de se marier, d'avoir douze enfants et d'écrire ses mémoires. C'est en 1899 qu'une de ses filles publie ces dernières sous le titre Le captif, onze ans prisonnier à Alger.
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Calonne- Messages : 1174
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