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Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges .

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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 17:49



J'écrivais, le vendredi 30 Oct 2009 - dans le C.D.B.

La nuit du 4 août, où l'on voit dans un élan de patriotique générosité maints gentilshommes réclamer l'abolition de leurs propres privilèges ( je pense par exemple à ce film remarquable des années lumières et terribles ) , cette nuit donc, tout le monde
était fin saoûl ( pour ne pas dire complètement pétés !!! ) .

Ecoutons Montjoye :

..... Les ducs d'Aiguillon et de Liancourt se partagèrent un nombre de députés suffisant pour qu'il pût composer la forte majorité de l'Assemblée . Ces députés, ainsi divisés en deux branches, se rendirent, les uns chez le duc d'Aiguillon, les autres chez le duc de Liancourt . Ces deux gentilshommes leur donnèrent un festin splendide et tel que Louis XVI dans les jours de sa plus grande munificence n'en donna pas de semblables . Toutes les sortes de vins y furent versés avec une telle profusion qu'on ne compta que par tonnes la consommation qui en fut faite .... L'orgie dura jusqu'à neuf heures du soir et ce fut à cette heure, qu'on peut bien appeler indue, que l'Assemblée nationale commença une séance qui dura toute la nuit.

Et Bertrand de Molleville :

Le pétulant patriotisme des jeunes législateurs à la mode était exalté par les fumées du vin et la digestion d'un long dîner .


L'abbé de Vallet:

La plupart des députés ayant bu du vin de champagne au Palais-Royal, la séance n'en fut que plus orageuse .


Le marquis de Ferrières rapporte aussi que l'Assemblée est une troupe de gens ivres .

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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 17:56



Cocasse, isn't it ?  Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 3826491292


Dernière édition par Mme de Sabran le Mar 29 Avr - 17:58, édité 1 fois
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Message par Gouverneur Morris Mar 29 Avr - 17:57

Une vraie douma :Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 2028181902 
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:02




Au lendemain matin de cette nuit ( sans neige ) noyée de vapeurs euphoriques  :3895:  , nos héros ouvrent un œil vitreux et se massent douloureusement le cuir chevelu : c'est dur la gueule de bois !  boudoi32 
Le vicomte de Noailles, endetté jusqu'au cou, n'avait paraît-il pas grand chose à perdre en proposant l'égalité devant l'impôt, l'abolition des droits féodaux et la suppression des corvées ...... mais notre Ordure nationale, la pauvrette, une fois dégrisée, comprend qu'elle a perdu en une nuit plus de quinze cent mille livres de rentes, soit un bon sixième de ses revenus annuels !

 :129fs916747: 

Voilà ce que c'est que de jouer avec le feu !

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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:04



Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 0111210
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Message par Gouverneur Morris Mar 29 Avr - 18:05

Voici le décrêt qui fut adopté en conséquence de cette nuit d'ivresse :

Décret du 11 août 1789

Article 1 - L’assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront fixés par l’assemblée nationale. Ceux des dits droits qui ne seront point supprimés par ce décret, continueront à être perçus jusqu’au remboursement.

Article 2 - Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés ; durant ce temps, ils seront regardés comme gibiers, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

Article 3 - Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique.
Toute capitainerie, même royale, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du roi.
M. le Président sera chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l’élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l’abolition des procédures existantes à cet égard.

Article 4 - Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité ; et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire.

Article 5 - Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelque dénomination qu’elles soient connues et perçues, même par abonnement ; possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous gens de main-morte, même par l’ordre de Malte, et autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïcs, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la dépense du culte divin, à l’entretien des ministères des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l’entretien desquels elles sont actuellement affectées.
Et cependant jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l’assemblée nationale ordonne que les dites dîmes continueront d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée.
Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu’elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l’assemblée ; et jusqu’au règlement à faire à ce sujet, l’assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

Article 6 - Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu’elles soient dues, gens de main-morte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations, le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l’assemblée. Défenses seront faites de plus à l’avenir créer aucune redevance non remboursable.

Article 7 - La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins, les officiers pourvus de ces offices, continueront d’exercer leurs fonctions, et d’en percevoir les émoluments, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

Article 8 - Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d’être payés aussitôt qu’il aura été pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires ; et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.

Article 9 - Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d’effectuer le paiement proportionnel de tous les contributions, même pour les six derniers mois de l’année d’imposition courante.

Article 10 - Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuse aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

Article 11 - Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, et nulle profession utile n’emportera dérogeance.

Article 12 - A l’avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d’Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annates ou pour quelque autre cause que ce soit ; mais les diocésains s’adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois ; toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

Article 13 - Les déports, droits de cote-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres de même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs, et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu’il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et archiprêtrés, qui ne seraient pas suffisamment dotés.

Article 14 - La pluralité des bénéfices n’aura plus lieu à l’avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire, excéderont la somme de trois mille livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l’on possède déjà, excède la même somme de trois mille livres.

Article 15 - Sur le compte qui sera rendu à l’assemblée nationale sur l’état des pensions, grâce et traitements, elle s’occupera, de concert avec le roi, de la suppression de celles qui n’auraient pas été méritées, et de la réduction de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer pour l’avenir une somme dont le roi pourra disposer pour cet objet.

Article 16 - L’assemblée nationale décrète qu’en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d’être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu’il sera chanté en action de grâces un Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume.

Article 17 - L’assemblée nationale proclame solennellement le roi Louis XVI restaurateur de la liberté française.

Article 18 - L’assemblée nationale se rendra en corps auprès du roi, pour présenter à sa majesté l’arrêté qu’elle vient de prendre, lui porter l’hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d’y assister elle-même.

Article 19 - L’assemblée nationale s’occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu’elle a fixé par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié, même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:10



Des Origines de la Révolution française,
de William Doyle

Quelles furent les causes de la Révolution française ? Voilà une question qui resta longtemps un sujet de controverse. On vit toutefois, un peu avant le milieu du XXe siècle, s'établir un large consensus qui prit valeur de dogme. Les spécialistes français qui faisaient autorité en la matière s'inscrivaient dans un courant de pensée marxiste et donnaient donc beaucoup d'importance à la notion de lutte des classes. Ils affirmaient ainsi que le développement du capitalisme dans la société française avait provoqué l'affaiblissement d'une aristocratie féodale arc-boutée sur ses privilèges et incapable de rivaliser avec une bourgeoisie montante ; la pensée des Lumières ne faisant que traduire, sur le plan des idées, ces transformations économiques et sociales.
Pourtant, à partir des années cinquante, des historiens anglo-saxons commencèrent à déconstruire cette thèse, à commencer par l'idée que la bourgeoisie, à la différence de la noblesse, fondait sa puissance sur une économie capitaliste. Puis d'autres historiens, prenant la relève, bouleversèrent de fond en comble les idées que l'on avait des événements survenus en France peu avant 1789. Ainsi certains n'hésitèrent pas à affirmer que l'Ancien Régime avait été mis à bas par une paysannerie différant l'avènement d'une économie capitaliste au lieu de la promouvoir ; d'autres, que l'esprit des Lumières était plus répandu au sein de la noblesse que chez les bourgeois. Le « mythe de la Révolution française » qu'avaient forgé les historiens français n'allait pas survivre à ces attaques. Restait à faire le bilan de ce combat historiographique. C'est à quoi se consacre William Doyle dans la première partie de ce livre revigorant. Il peut ensuite, dans une seconde partie, avancer une interprétation de la genèse révolutionnaire où l'on comprend que la Révolution n'a pas été faite par des révolutionnaires, mais que, au contraire, c'est elle qui les fit tels.
Les spécialistes français distinguaient entre 1787 et 1789 plusieurs mouvements révolutionnaires. Ce fut d'abord l'aristocratie qui, pour récupérer la prépondérance dont Louis XIV l'avait privée, ébranla l'Ancien Régime en faisant barrage à toute réforme proposée par le gouvernement pour éviter la banqueroute financière qui menaçait l'État. Puis ce furent les bourgeois qui, s'inspirant du succès de l'entreprise aristocratique, réclamèrent à leur tour une plus juste répartition des pouvoirs. Ainsi lorsqu'en septembre 1788, le parlement de Paris, fer de lance de la réaction aristocratique, déclara que les états généraux, dont le gouvernement avait promis la convocation pour 1789, seraient constitués de la même façon qu'en 1614 (date de leur dernière réunion), c'est-à-dire d'une façon qui garantissait la prépondérance de la noblesse, la bourgeoisie exigea et obtint du gouvernement qu'il accrût le nombre de ses représentants. Issue des Lumières, cette aspiration à plus d'égalité civile aboutit, en juin 1789, à la création de l'Assemblée nationale. Puis quand le Roi tenta de dissoudre cette dernière en juillet, les bourgeois, voulant sauvegarder leurs acquis, en appelèrent au soulèvement de la population parisienne ; le haut fait de cet épisode fut la prise de la Bastille. Cette mobilisation du peuple, en proie à une misère croissante, ne faisait que répondre à l'espoir qu'avait suscité l'idée d'un ordre nouveau. Enfin, craignant que les récoltes ne soient saccagées par une réaction aristocratique, le monde paysan se souleva contre les seigneurs et entreprit de détruire les archives où étaient consignés les droits féodaux.
Cette révolte ne s'apaisa que par l'abolition, dans la nuit du 4 août 1789, du régime féodal. C'était la fin de l'Ancien Régime.
Les premières attaques contre ce « mythe de la Révolution française » vinrent, comme nous l'avons dit, d'historiens anglophones. D'abord fut remise en cause l'idée que la Révolution correspondait à la substitution d'un régime bourgeois capitaliste à un régime féodal. Il apparut en effet indu d'appeler féodal le système de droits et de devoirs aboli durant la nuit du 4 août 1789 puisque de nombreux bourgeois de l'Assemblée nationale possédaient eux aussi de tels privilèges et répugnaient à y renoncer. Si l'on persistait à voir dans le système de droits seigneuriaux de l'époque un système féodal, il fallait de toute façon reconnaître que c'étaient les paysans et non la bourgeoisie qui s'y étaient opposés et qui avaient contraint les seconds à l'abolir. Il y avait aussi quelque légèreté à considérer que la bourgeoisie des états généraux était la représentante du capitalisme, c'est-à-dire d'une richesse mobilière, industrielle et commerciale. Deux tiers des bourgeois élus aux états généraux de 1789 étaient en effet des hommes de loi, et près de cinquante pour cent étaient des détenteurs de petits offices et des fonctionnaires du gouvernement. On fit même remarquer que les bourgeois adeptes du capitalisme ne s'étaient guère intéressés à la politique, tant avant que pendant la Révolution, sinon pour y chercher un éventuel moyen de protéger leurs propres privilèges commerciaux et industriels. Et entre ces bourgeois et ceux qui étaient propriétaires terriens, rentiers ou fonctionnaires, il y avait de fortes dissensions. L'image d'une bourgeoisie unie contre l'Ancien Régime est donc difficile à accepter.
Tout aussi difficile à conserver était l'image d'une noblesse dépassée par le développement d'une économie capitaliste. On montra en effet dans un premier temps que les aristocrates savaient en effet tout aussi bien gérer leurs biens que les bourgeois et qu'eux aussi jouaient un rôle important dans les activités capitalistes. Quant aux privilèges fiscaux de l'aristocratie, ils n'étaient pas aussi importants qu'on l'avait prétendu. En revanche, les exemptions dont jouissait la bourgeoisie commerçante des grandes villes marchandes étaient conséquentes. De toute façon, on mit ensuite en évidence que la richesse de tous les groupes sociaux dans la France prérévolutionnaire était principalement de nature non capitaliste : c'était davantage une richesse de propriétaires qu'une richesse de commerciaux et d'industriels. Il fallait en conclure que le capitalisme n'était devenu le mode de production dominant de l'économie française qu'après 1789, et que nobles et bourgeois, loin d'être deux classes antagonistes, se ressemblaient par la source de richesse commune : la propriété immobilière. Cette difficulté à établir un contraste flagrant entre la noblesse et la bourgeoisie était aussi accentuée par l'absence de rigidité de la structure sociale prérévolutionnaire : l'aristocratie n'était pas une caste fermée. On estime ainsi qu'au moins un quart de toutes les familles nobles de 1789 avaient été anoblies depuis le début du XVIIIe siècle. Et tout semble indiquer qu'on était, à la veille de la Révolution, non en présence d'une bourgeoisie hostile à la noblesse mais de bourgeois qui aspiraient à devenir nobles.
Considérer que la Révolution avait été causée par le développement de la bourgeoisie permettait aussi de penser que son accession au pouvoir avait accéléré une modification profonde de la structure économique du pays. La Révolution s'était produite à la suite de mauvaises récoltes au cours des années précédant 1789, ce qui avait entraîné une grave crise économique (forte augmentation du prix du pain, diminution des salaires, chômage massif...). Crise qui reflétait aux yeux de beaucoup d'historiens l'archaïsme du système agricole français. Il était donc tentant de voir la Révolution comme le moment où la France avait, tant sur le plan économique que sur le plan social, changé de cap pour se diriger vers le monde moderne ; on parlait alors d'événement unique et sans précédent. Or, à partir de 1960, l'analyse et la comparaison de la production agricole entre le dix-huitième et les premières décennies du dix-neuvième siècle infirma ces idées. Certains historiens défendirent ainsi la thèse que le XVIIIe siècle n'avait pas vu de changement structurel important et que ce n'était qu'avec l'avènement du chemin de fer au dix-neuvième siècle que la modernisation de l'agriculture avait commencé. Si la Révolution s'était produite lors d'une crise économique celle-ci fut donc loin d'avoir été l'écroulement final d'une structure économique : c'était tout simplement le résultat d'une série d'accidents météorologiques. En tout cas, la colère du peuple au cours de l'été de 1789 ne témoignait pas d'une volonté de soumettre l'économie aux lois du marché. En manifestant de nouveau comme il l'avait fait de façon récurrente au cours du siècle contre la hausse des prix, il soulignait au contraire son attachement au contrôle étatique de l'économie. Les événements de 1789 ne marquaient donc ni la fin d'un régime économique ni la volonté de se tourner vers une économie capitaliste. Ce n'était que la dernière grande crise d'un type d'économie qui allait se modifier silencieusement au cours du siècle suivant.
L'attaque contre le « mythe de la Révolution » ne concerna pas uniquement les aspects socio-économiques, mais se concentra aussi sur la vision de la situation idéologique et politique d'avant 1789. Certes, la recherche de causes économiques de la Révolution, pendant la première moitié du XXe siècle, avait succédé à l'analyse purement politique des historiens du XIXe siècle. Les historiens français des années cinquante n'attachaient en effet pas une grande importance aux facteurs autres que socio-économiques. Ils ne s'appuyaient pas moins sur une vision des enjeux idéologiques et politiques qui allait elle aussi être révisée à partir de 1960.
Commençons par le rôle des Lumières. Le dix-huitième siècle avait vu se développer toute une critique de la religion et des institutions où plus rien n'était sacré et où tout était sujet à discussion. On considérait que ce mouvement de contestation de l'ordre établi avait débuté dans les milieux instruits mais qu'il s'était ensuite largement propagé aux couches inférieures de la société. Il y aurait eu ainsi à la veille de la Révolution tout un courant d'opinions profondément insatisfait de la plupart des aspects de l'Ancien Régime et prompt à réclamer des réformes radicales. On admettait aussi que l'idéologie des Lumières représentait l'idéologie bourgeoise. Les notions d'utilité, de raison, d'individualisme et de mérite n'étaient-elles pas le produit d'une mentalité bourgeoise ? Il fallait donc se rendre à l'évidence qu'en prétendant agir pour le bien de l'humanité, les philosophes ne défendaient en réalité que les privilèges d'une classe. Certes, les Lumières n'avaient pas provoqué la Révolution, mais on disait qu'elles étaient la référence de ceux qui l'avaient déclenchée, en l'occurrence, des bourgeois. Or, outre que la diffusion des Lumières semble avoir été très faible en dehors des élites, une analyse précise des cahiers de doléances permit de mettre à mal cette interprétation. On montra en effet que les cahiers du tiers état reflétaient un profond conservatisme et que, paradoxalement, c'étaient les cahiers de la noblesse qui étaient tout imprégnés des Lumières par leur massive adhésion à l'idéologie du mérite. Aussi fallait-il reconnaître que beaucoup d'aristocrates n'étaient pas les défenseurs inconditionnels de l'Ancien Régime, et que les acteurs de la Révolution ne s'étaient inspirés des idées des Lumières qu'une fois la Révolution commencée.
Quant à l'aspect purement politique, la thèse largement admise était que la monarchie avait voulu introduire des réformes qui auraient pu éventuellement désarmorcer le déclenchement de la Révolution mais qu'elle avait été mise en échec par une noblesse jalouse de ses prérogatives, et particulièrement la noblesse de robe qui siégeait dans les parlements. Après les années 1960, ce point de vue fut lui aussi contesté. Les parlements n'apparurent plus comme uniquement constitués d'une oligarchie égoïste et réactionnaire. On montra en effet qu'ils n'avaient pas empêché le gouvernement d'entreprendre des réformes quand celui-ci en avait eu la ferme volonté. Il faut en conclure que l'Ancien Régime ne fut pas renversé par l'opposition de la noblesse, mais qu'il s'écroula de lui-même en raison de l'incapacité des gouvernements successifs à mettre en place une politique cohérente de réformes pour résoudre la crise financière.
Toute l'approche des origines de la Révolution a donc été profondément modifiée au cours de ces dernières décennies. En retraçant ce combat historiographique dans la première partie de ce livre de référence, William Doyle nous apprend ainsi à nous méfier des visions trop simplistes de l'histoire. Resterait à rendre compte de la seconde partie du livre où, en analysant les différentes composantes de la société et les moments clefs qui ont précédé la Révolution, William Doyle montre que cette Révolution n'était envisagée par personne et qu'elle surprit ceux qui la firent. Si la monarchie s'effondra au mois d'août 1788, elle ne fut renversée ni par l'opposition des parlements à sa politique, ni par des révolutionnaires, lesquels n'existaient pas encore. Elle tomba en raison de ses propres contradictions internes, incapable qu'elle était de résoudre la crise financière qui la conduisait à la banqueroute. Ce fut ensuite pendant la préparation des états généraux et les premières réunions des élus que l'esprit de réforme se radicalisa : de petites oppositions s'exacerbèrent, la discussion se bloqua ; il fallait sortir de la crise ; des options radicales l'emportèrent. Puis la colère récurrente du peuple des villes et des paysans se fit entendre. La nouvelle Assemblée fut alors contrainte de prendre des mesures auxquelles elle n'avait pas songé. Venus pour réformer la société, les élus des états généraux firent la Révolution...

Thomas Lepeltier, Revue de livres, mai 1999.
http://thomas.lepeltier.free.fr/cr/doyle.html

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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:13

Gouverneur Morris a écrit:

Article 2 - Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés ; durant ce temps, ils seront regardés comme gibiers, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

.

Qu'est-ce que les fuies ?  Hop! 
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:17




Fichtre ! Pas le moindre petit privilège qui soit passé au travers des mailles du filet !
La noblesse se retrouve en chemise ...  Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 3826491292 
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Message par Gouverneur Morris Mar 29 Avr - 18:20

Mme de Sabran a écrit:Qu'est-ce que les fuies ?  Hop! 

Bonne question et merci Google !  Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 3826491292 

Le Colombier est le lointain héritier du « Columbarium » romain. Depuis le 18ème siècle, le vocable fréquemment utilisé est pigeonnier vérifiant l’obsolescence du mot colombier.
Ce mot désigne les édifices de la Renaissance et du début des Temps Modernes.
Une variante de petite taille annexée à une tour ou à une construction s’est appelée en latin « fuga » qui a donné « fua » puis « fuie » au XIIIème siècle. Nous avons relevé d’autres écritures : « fuye »–« fue ».
L’évolution gasconne de fuga, sous la forme de hune désigne un colombier à pied.


Source : http://adld.wikispot.org/Les_fuies
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Message par Gouverneur Morris Mar 29 Avr - 18:22

Mme de Sabran a écrit:Fichtre ! Pas le moindre petit privilège qui soit passé au travers des mailles du filet !
La noblesse se retrouve en chemise ...  Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 3826491292 

Mais on respecte encore un minimum Sa Majesté !

Toute capitainerie, même royale, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du roi.

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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:23

Gouverneur Morris a écrit:
Une variante de petite taille annexée à une tour ou à une construction s’est appelée en latin « fuga » qui a donné « fua » puis « fuie » au XIIIème siècle. Nous avons relevé d’autres écritures : « fuye »–« fue ».
L’évolution gasconne de fuga, sous la forme de hune désigne un colombier à pied.[/i]

Source : http://adld.wikispot.org/Les_fuies

Ah d'accord, merci !  Very Happy 
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:30




Tiens ! Je n'ai pas lu qu'il soit question de girouettes ?

La girouette était un signe nobiliaire et marquait la possession d'un fief .
C'est une marque de prééminence, un privilège réservé essentiellement à la Noblesse en général une distinction pour services rendus.
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 18:34



Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . ______12


Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . ______13

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Message par Gouverneur Morris Mar 29 Avr - 18:44

Mme de Sabran a écrit:Tiens ! Je n'ai pas lu qu'il soit question de girouettes ?

La girouette était un signe nobiliaire et marquait la possession d'un fief .
C'est une marque de prééminence, un privilège réservé essentiellement à la Noblesse en général une distinction pour services rendus.

Lu dans le Dictionnaire Féodal de Jacques Albin Simon Collin de Plancy, publié en 1819 :

GIROUETTE : Anciennement il n'etait permis qu'aux nobles de mettre des girouettes sur leurs maisons on prétend même que dans l'origine il fallait avoir monté des premiers à l'assaut de quelque ville et avoir planté sa bannière ou son pennon sur le rempart. Les girouettes étaient peintes, armoriées et représentaient les bannières ou les pennons de la noblesse. Mais l'honneur des girouettes accordées à la bravoure ne fut en usage que pendant très peu de temps, et tous les nobles en eurent bientôt sans distinction. Ces usages subsistaient encore en partie dans le dernier siècle. A la vérité les seigneurs ne pouvaient plus empêcher leurs vassaux et sujets de mettre des girouettes sur leurs bàtiments. Mais les vassaux et sujets n'avaient point de girouettes carrées, celles-ci étant la marque exclusive honorifique et distinctive des seigneurs, parce qu'elles étaient en forme de bannières.

Source : http://books.google.lu/books?id=lgRCAAAAcAAJ&pg=PA262&lpg=PA262&dq=droit+f%C3%A9odal+girouette&source=bl&ots=WQmecfPIaa&sig=XSU--nhJyUR2NiTmxLJzxt5itDM&hl=en&sa=X&ei=6fBfU7nYGsa_O-qjgIAP&ved=0CC0Q6AEwATgK#v=onepage&q=droit%20f%C3%A9odal%20girouette&f=false
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Message par Mme de Sabran Mar 29 Avr - 19:00




Ah, je me disais bien aussi !  Wink 
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Message par Mme de Sabran Mer 30 Avr - 12:52




...   un petit extrait du décret :

Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 1-l-1_10


Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . Monume11


Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . F1_hig27




Spoiler:

Ne bougez pas, je connais la sortie ...  :Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 2028181902 :Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 2028181902 :Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 2028181902 

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Message par Mme de Sabran Mar 4 Aoû - 12:39

.

Fichtre ! Smileàè-è\':
C'est cette nuit que nous perdons nos privilèges !!!



“La révolution ne supprime pas les privilèges, elle se borne à changer les privilégiés.”


( Philippe Bouvard )

.
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Message par Comte d'Hézècques Mar 4 Aoû - 13:19

J'ai ce livre sur le 4 août 1789, pas mal :

Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 89e3dc10

_________________
« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
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Message par Vicq d Azir Mar 4 Aoû - 20:07

Ne conviendrait-il pas mieux de parler d'"abandon" des privilèges, plutot que d'"abolition" ?
C'est en tout cas sous ce vocable que sont frappées les médailles de l'époque, semblant indiquer par là que la Noblesse avait pris sa part à l'événement (ce qui est vrai), faisant preuve ainsi de générosité, et peut-etre aussi d'inconséquence...
Il est vrai que les privilèges visés n'étaient pas seulement, loin s'en faut,les privilèges nobiliaires, mais aussi les monopoles des corporations, les droits divers (comme celui d'éditer,par exemple).

Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 069_310

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Message par Mme de Sabran Ven 25 Mai - 8:42

En cette nuit mémorable, le morceau de bravoure de Guy-Gabriel-François-Marie LE GUEN DE KERANGAL   marchand de toiles et de négociant en vins dans la ville de Landivisiau ( Finistère ) :

« Soyons justes, Messieurs  Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . 010105ooo_thats_bad_cut ,  qu’on nous apporte ici les titres qui outragent non seulement la pudeur mais l’humanité même. Qu’on nous apporte ces titres qui humilient l’espèce humaine, en exigeant que les hommes soient attelés à une charrette comme les animaux du labourage. Qu’on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs. ». « Qui de nous, Messieurs, dans ce siècle de lumières, ne ferait pas un bûcher expiatoire de ces infâmes parchemins, et ne porterait pas le flambeau pour en faire un sacrifice sur l’autel du bien public ? ».

Nuit du 4 août 1789, l'abolition des privilèges . Captu239

La Biographie bretonne dit que Le Guen, dans la nuit du 4 août 1789, reproche à l'Assemblée de ne pas avoir prévenu l'incendie des châteaux en détruisant elle-même les titres de servitude, et demande, le premier, l'abolition immédiate des titres féodaux. « Montant à la tribune dans son costume breton,  prit corps à corps les privilèges, avec sa rude éloquence, et déchaîna l'enthousiasme des renonciations féodales ».

Mais d'après les procès-verbaux de la séance, le vicomte de Noailles se présente le premier à la tribune pour proposer l'abandon des privilèges suivi par le duc d'Aiguillon, Le Guen de Kerangal prenant la parole après eux. Son discours, très applaudi, décide des sacrifices consentis dans cette séance .

Il est arrêté pendant le Terreur et emprisonné pendant un an.   Mais, sauvé par le 9 thermidor, il retourne dans sa Bretagne, ne se mêle plus de politique et finit paisiblement ses jours à Landivisiau .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Le_Guen_de_Kerangal

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Message par Vicq d Azir Ven 25 Mai - 17:16

J’apprécie, chère amie, que vous évoquiez « l’abandon des privilèges », et non, comme on le dit trop souvent « l’ abolition des privilèges ». La première formule est le terme consacré, celle qui apparaît d’ailleurs sur les médailles commémoratives...
Ceci a le mérite de rappeler le caractère (relativement) volontaire de la démarche initiée par une noblesse, en tout cas sa jeune génération, qui n’était pas dépourvue de générosité et de désir de changement.
Pour certains, ça peut aussi s’appeler: « scier la branche sur laquelle on est assis... » Mais ceci est une autre histoire...
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Message par Mme de Sabran Sam 9 Juin - 10:43

On dit que cette dépossession du titre coûta tant aux femmes, que les maris députés qui votèrent ce sacrifice égalitaire, furent menacés d’une conspiration d’oreillers. Un instant fut prise la résolution héroïque qu’Aristophane prête aux Athéniennes de son Assemblée de femmes. Un instant les femmes, pour faire révoquer cette nouvelle loi Appia, menacèrent de laisser la France s’éteindre. Mais force resta à la loi.

( les Goncourt )

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