Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
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MARIE ANTOINETTE
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: Les portraits de Marie-Antoinette :: Portraits de Marie-Antoinette :: Les peintures et les dessins :: Par et d'après Martin van Meytens
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Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Ce ne sont que des tableaux ! Et puis Marie-Thérèse avait bien d'autres chats à fouetter que de s'attendrir sur un portrait parmi tant d'autres. Le trône de Sicile par exemple, et déjà le grand mariage dynastique avec la France.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
« A la recherche d’Antoine… »
Saison 1, épisode 6
Un petit tour du côté d’Innsbruck…
Dans les épisodes précédents :
2. Le « dossier Antoine-Josèphe » de Schönbrunn :
premières observations (7 avril)
3. La redécouverte d’une collection archiducale
ou l’origine d’une réattribution clairement motivée (9 avril)
4. Un changement d’attribution motivé, quoique hâtif… (11 avril)
5. Indices en collections privées (16 avril)
Ce nouvel épisode nous entraîne à Innsbruck, au cœur d’un programme pictural parmi les plus ambitieux voulus par Marie-Thérèse. En effet, il reste utile de considérer les toiles qui nous intéressent en les rattachant aux pratiques visuelles qui dominent à la Cour de Vienne.
I – LA SALLE DES GEANTS DE LA HOFBURG D’INNSBRUCK
1). Les réaménagements d’Innsbruck sont exactement contemporains de la construction de la résidence de Klagenfurt (1769-1775). La somptueuse galerie de portraits de famille destinée à la Salle des Géants en est la modification la plus emblématique. Le projet ordonné par Marie-Thérèse vise autant à représenter l’emprise territoriale de sa progéniture que la revendication de pouvoir familial qui s’y associe.
2). Le catalogue de la collection de Marie-Anne précise que la première livraison de portraits coïncide avec le programme dynastique destiné à transformer la Salle des Géants. Le portrait de Marie-Josèphe fait partie de ce premier lot que les historiennes de la collection situent dans les années 1771-1773.
3). Nous ne connaissons pas les dates précises ni le nombre exact de peintres qui ont travaillé à la Salle des Géants. Eva Kernbauer apporte toutefois une précision importante : « en août 1771, Marie-Thérèse écrit qu'elle a arrêté le programme des portraits pour les réaménagements à faire à Innsbruck ». Il est alors décidé que la galerie de famille sera réalisée à la fois rapidement et à peu de frais, et qu’on utilisera des artistes éprouvés et des modèles picturaux existants. Nous associons Joseph Hauzinger au tableau de Marie-Antoinette, mais aucun autre nom n’est spécifiquement avancé et les historiennes soulignent avant tout un contexte d’atelier, avec des peintres issus du cercle de Meytens, lui-même disparu en 1770.
4). Le peintre chargé à Innsbruck du portrait de Marie-Josèphe reprend sans contestation possible le visage du portrait que nous connaissons dans la Salle des Enfants à Schönbrunn. Il le reprend « en laid », dessinant assez grossièrement et peignant sans aucune grâce les traits pourtant séduisants de la jeune princesse…
5). Je me suis interrogé précédemment sur la raison du choix d’une copie pour servir de modèle au tableau de Marie-Josèphe à Klagenfurt. Pourquoi une copie, en effet, quand l’original existe dans la série des archiduchesses ? Mais mon interrogation prenait pour hypothèse que cet original était la toile que nous voyons aujourd’hui. Et si, en 1771 ou 1772, le copiste avait eu sous les yeux une toile légèrement différente, une toile qu’il a en fait scrupuleusement reproduite dans son portrait pour Klagenfurt ? Une toile qui aurait donc été reproduite fidèlement deux fois, une première fois en version agrandie avec la couronne de Naples et une seconde dans la version réduite du format de la collection de Marie-Anne.
6). Si les deux peintres pour Innsbruck et Klagenfurt prennent pour original un même modèle et nous en livrent deux visages différents, n’est-ce pas parce que ce visage a évolué sur la toile d’origine elle-même ? Cette divergence, qui dépasse les talents respectifs de l’un et l’autre copistes, interroge d’autant plus que des liens très directs existent entre les programmes picturaux de Klagenfurt et d’Innsbruck. A Klagenfurt, certains des portraits de famille sont copiés directement à partir des œuvres d'Innsbruck ou s’inspirent de modèles communs. Eva Kernbauer insiste pour rappeler que les portraits sortent des mêmes ateliers et doivent être considérés dans une continuité stylistique et iconographique étroite. Or, la continuité n’est pas ce qui saute ici aux yeux :
II – LA PLACE REDUITE DE L’INDIVIDU DANS UN PROGRAMME DYNASTIQUE
1). Les dimensions personnelles et politiques exprimées par les toiles d’Innsbruck caractérisent la vision très utilitaire de Marie-Thérèse au sujet du portrait d’apparat, dont elle attend avant tout qu’il réponde à des fonctions pratiques concrètes. Les portraits de famille d'Innsbruck illustrent sa prédilection pour les grandes effigies où la répétition d’un type de représentation éprouvé joue un rôle central. Peu de place ici pour l’originalité artistique et la liberté créatrice, le peintre doit avant tout se plier à des impératifs codifiés de représentation curiale.
2). Cette approche peut avoir des conséquences surprenantes. Je quitte un instant le Tyrol pour la Slovaquie où, à Bojnice, nous avons une illustration extrême de la manière dont un peintre peut répondre aux attentes impériales. La toile est attribuée à Auerbach, elle commémore la visite de Maximilien à Versailles en février 1775. Auerbach appartient à une longue lignée de peintres de cour, il a bien compris ce qui lui est demandé. Il crée une « tête Habsbourg » très reconnaissable, dont il fait la matrice unique pour en donner une version féminine et une version masculine. Quelques inflexions de pinceau, des couleurs différentes pour les carnations et voici Maximilien et Marie-Antoinette dûment portraiturés. Qu’écrivait Marie-Thérèse déjà ? « … la figure et habillement de cour, si le visage même ne sera pas si ressemblant. (…), il me suffit que j’aie la figure et le maintien ». Le résultat parle de lui-même :
3). Avec une telle conception du portrait, il est assez illusoire de chercher une ressemblance fidèle, encore moins l’expression d’une personnalité. Ces critères prévalent d’autant moins quand le tableau s’inscrit dans une série programmatique comme à Innsbruck. Aussi les tableaux de la Salle des Géants sont-ils moins des portraits que des représentations solidaires d’individus, qui ne valent que par rapport à leur fonction dynastique et aux relations familiales qui les lient les uns aux autres. Comme l’impératrice insiste par ailleurs sur la vitesse d’exécution, il n’est pas étonnant de constater une qualité d’exécution très inférieure à celle par exemple de la Chambre des Enfants.
III – UNE MARIE-JOSEPHE TRES COMPOSITE
1) A Innsbruck, le portraitiste de Marie-Josèphe intervient solidairement avec d’autres artistes dans le cadre général que je viens de rappeler. Il compose pour la princesse une image à partir de différentes sources et fait notamment son shopping au rayon accessoires dans la série des archiduchesses. Il ne s’arrête pas en effet au seul visage de Josèphe, il reproduit aussi les colliers de Marie-Christine, ce que le dessin particulièrement maladroit de la gorge et des épaules en entonnoir a pu rendre nécessaire… Un portrait en kit, en somme, pour une adolescente parée comme une douairière. Un tableau que seule la beauté du tissu et le rendu des étoffes tente de sauver. On peut se figurer plusieurs mains de valeur inégale travaillant à une telle effigie, méthode de travail courante pour ces grands programmes picturaux.
2). Si nous faisons crédit aux deux copistes d’avoir reproduit l’original de la série des archiduchesses, je répète qu’il faut alors envisager que la toile de Marie-Josèphe a été modifiée entre le moment où les deux artistes y travaillent. Sinon, quelle autre explication ?
3). La modification aurait eu pour objectif de donner une nouvelle identité à la toile, en modifiant les traits de Marie-Josèphe pour leur donner un air de ressemblance avec Marie-Antoinette, sixième et dernière des filles survivantes de Marie-Thérèse. Une modification d’autant plus opportune qu’il serait incompréhensible que la plus jeune des filles ne figure pas dans la série, alors qu’on sait en 1768 à quelle alliance elle est promise !
4). Que l’image de Josèphe reste un temps - et peut-être même « un certain temps » - associée à cette toile est très possible. La composition si caractéristique « au bras levé » lui est associée, elle a été diffusée (copie, gravure) et reprise avec des variantes (les toiles envoyées à Caserte et Madrid). Les copistes de la maison impériale ne pouvaient qu’être familiers du modèle, peut-être même le tableau Josèphe est-il le seul de la série des archiduchesses à avoir connu une certaine diffusion du fait de l’alliance napolitaine (il faudrait vérifier ici la question de la diffusion des différents tableaux de la série par la copie et la gravure, ce que je n’ai pas fait).
5). Si la première identification peut se maintenir c’est aussi parce que le tableau n’a pas subi de grande métamorphose. Il « suffit » après tout de mettre en regard les deux visages de Schönbrunn. Si leur rapport à une même jeune femme peut poser question à certains – je suis du nombre – il n’en reste pas moins que seuls diffèrent quelques détails dans la coiffure et la parure, avec ce « je ne sais quoi » dans les traits du visage qui en donne deux expressions bien distinctes.
6). Marie-Josèphe meurt le 15 octobre 1767 et la première urgence n’est pas de modifier son tableau. Un certain « délai de décence » et d’autres préoccupations doivent alors prévaloir. En 1768, les peintres de cour échouent à donner de Marie-Antoinette un portrait susceptible d’être envoyé à Versailles. L’année suivante appartient entièrement à Ducreux qui peint une effigie appelée à faire école ainsi que les portraits d’une bonne partie de la famille. Il n’est donc pas à exclure que le portrait de Josèphe soit modifié uniquement à partir de 1770. Les historiens viennois ne précisent pas si la série complète des archiduchesses faisait dès sa création l’objet d’un accrochage spécifique susceptible de la mettre en valeur. Une décision de l’impératrice en ce sens peut avoir entraîné la décision de modifier le tableau de Josèphe pour que seules ses filles alors en vie soient alors réunies.
IV – UNE HYPOTHESE SE DESSINE
1). S’il pose question, le tableau de Josèphe à Innsbruck donne surtout un indice important quant à la chronologie d’une éventuelle modification. Si l’on retient le créneau 1771-1773, le tableau d’origine était donc modifié à cette date. Le copiste associe alors à Marie-Josèphe un tableau qui n’est plus tout à fait le sien, mais dont la proximité (à la fois stylistique et temporelle) avec l’original permet d’admettre la possibilité d’une méprise.
2). Alors méprise, négligence, ignorance, précipitation ? Il semble en tout cas que le flou autour du sixième tableau de la série des archiduchesses remonte à cette époque très lointaine des premières années 1770. Très vite ensuite, l’attribution du « sixième portrait » revient à Marie-Antoinette, ce qui explique qu’il est alors copié sous cette identité et sous cette identité seule pour des collections privées, sur toile ou ivoire.
3). Il est intéressant de s’arrêter un instant sur la modification du diadème et la tournure générale donnée à cette parure, que l’on a augmentée de quelques pierres comme pour évoquer celle que porte Marie-Antoinette sur les portraits de « type Millitz ». Cette particularité du diadème n’aura pas échappé au peintre chargé de la modification, il peut avoir souhaité s’en rapprocher alors qu’il sait qu’il ne peut modifier qu’ a minima la toile d’origine.
4). Toutes les pièces sont maintenant réunies pour conclure, ce que je ferai donc la prochaine fois en proposant un bref résumé (Ouf! ) de ces longs développements.
Je vous inviterai enfin à une réconciliation générale autour de nos deux archiduchesses !
Il existe en effet un tableau où elles apparaissent ensemble et tout le monde s’accorde sur leur identification. Pour faire bonne mesure, elles ne se ressemblent pas et s’écartent aussi (bien sûr!) des images données d’elles par ailleurs… Vous jugerez par vous-même à partir d’une reproduction couleur, pour beaucoup un dernier inédit, un inédit sans énigme aucune !
Saison 1, épisode 6
Un petit tour du côté d’Innsbruck…
Dans les épisodes précédents :
2. Le « dossier Antoine-Josèphe » de Schönbrunn :
premières observations (7 avril)
3. La redécouverte d’une collection archiducale
ou l’origine d’une réattribution clairement motivée (9 avril)
4. Un changement d’attribution motivé, quoique hâtif… (11 avril)
5. Indices en collections privées (16 avril)
Ce nouvel épisode nous entraîne à Innsbruck, au cœur d’un programme pictural parmi les plus ambitieux voulus par Marie-Thérèse. En effet, il reste utile de considérer les toiles qui nous intéressent en les rattachant aux pratiques visuelles qui dominent à la Cour de Vienne.
I – LA SALLE DES GEANTS DE LA HOFBURG D’INNSBRUCK
1). Les réaménagements d’Innsbruck sont exactement contemporains de la construction de la résidence de Klagenfurt (1769-1775). La somptueuse galerie de portraits de famille destinée à la Salle des Géants en est la modification la plus emblématique. Le projet ordonné par Marie-Thérèse vise autant à représenter l’emprise territoriale de sa progéniture que la revendication de pouvoir familial qui s’y associe.
2). Le catalogue de la collection de Marie-Anne précise que la première livraison de portraits coïncide avec le programme dynastique destiné à transformer la Salle des Géants. Le portrait de Marie-Josèphe fait partie de ce premier lot que les historiennes de la collection situent dans les années 1771-1773.
3). Nous ne connaissons pas les dates précises ni le nombre exact de peintres qui ont travaillé à la Salle des Géants. Eva Kernbauer apporte toutefois une précision importante : « en août 1771, Marie-Thérèse écrit qu'elle a arrêté le programme des portraits pour les réaménagements à faire à Innsbruck ». Il est alors décidé que la galerie de famille sera réalisée à la fois rapidement et à peu de frais, et qu’on utilisera des artistes éprouvés et des modèles picturaux existants. Nous associons Joseph Hauzinger au tableau de Marie-Antoinette, mais aucun autre nom n’est spécifiquement avancé et les historiennes soulignent avant tout un contexte d’atelier, avec des peintres issus du cercle de Meytens, lui-même disparu en 1770.
4). Le peintre chargé à Innsbruck du portrait de Marie-Josèphe reprend sans contestation possible le visage du portrait que nous connaissons dans la Salle des Enfants à Schönbrunn. Il le reprend « en laid », dessinant assez grossièrement et peignant sans aucune grâce les traits pourtant séduisants de la jeune princesse…
5). Je me suis interrogé précédemment sur la raison du choix d’une copie pour servir de modèle au tableau de Marie-Josèphe à Klagenfurt. Pourquoi une copie, en effet, quand l’original existe dans la série des archiduchesses ? Mais mon interrogation prenait pour hypothèse que cet original était la toile que nous voyons aujourd’hui. Et si, en 1771 ou 1772, le copiste avait eu sous les yeux une toile légèrement différente, une toile qu’il a en fait scrupuleusement reproduite dans son portrait pour Klagenfurt ? Une toile qui aurait donc été reproduite fidèlement deux fois, une première fois en version agrandie avec la couronne de Naples et une seconde dans la version réduite du format de la collection de Marie-Anne.
6). Si les deux peintres pour Innsbruck et Klagenfurt prennent pour original un même modèle et nous en livrent deux visages différents, n’est-ce pas parce que ce visage a évolué sur la toile d’origine elle-même ? Cette divergence, qui dépasse les talents respectifs de l’un et l’autre copistes, interroge d’autant plus que des liens très directs existent entre les programmes picturaux de Klagenfurt et d’Innsbruck. A Klagenfurt, certains des portraits de famille sont copiés directement à partir des œuvres d'Innsbruck ou s’inspirent de modèles communs. Eva Kernbauer insiste pour rappeler que les portraits sortent des mêmes ateliers et doivent être considérés dans une continuité stylistique et iconographique étroite. Or, la continuité n’est pas ce qui saute ici aux yeux :
II – LA PLACE REDUITE DE L’INDIVIDU DANS UN PROGRAMME DYNASTIQUE
1). Les dimensions personnelles et politiques exprimées par les toiles d’Innsbruck caractérisent la vision très utilitaire de Marie-Thérèse au sujet du portrait d’apparat, dont elle attend avant tout qu’il réponde à des fonctions pratiques concrètes. Les portraits de famille d'Innsbruck illustrent sa prédilection pour les grandes effigies où la répétition d’un type de représentation éprouvé joue un rôle central. Peu de place ici pour l’originalité artistique et la liberté créatrice, le peintre doit avant tout se plier à des impératifs codifiés de représentation curiale.
2). Cette approche peut avoir des conséquences surprenantes. Je quitte un instant le Tyrol pour la Slovaquie où, à Bojnice, nous avons une illustration extrême de la manière dont un peintre peut répondre aux attentes impériales. La toile est attribuée à Auerbach, elle commémore la visite de Maximilien à Versailles en février 1775. Auerbach appartient à une longue lignée de peintres de cour, il a bien compris ce qui lui est demandé. Il crée une « tête Habsbourg » très reconnaissable, dont il fait la matrice unique pour en donner une version féminine et une version masculine. Quelques inflexions de pinceau, des couleurs différentes pour les carnations et voici Maximilien et Marie-Antoinette dûment portraiturés. Qu’écrivait Marie-Thérèse déjà ? « … la figure et habillement de cour, si le visage même ne sera pas si ressemblant. (…), il me suffit que j’aie la figure et le maintien ». Le résultat parle de lui-même :
3). Avec une telle conception du portrait, il est assez illusoire de chercher une ressemblance fidèle, encore moins l’expression d’une personnalité. Ces critères prévalent d’autant moins quand le tableau s’inscrit dans une série programmatique comme à Innsbruck. Aussi les tableaux de la Salle des Géants sont-ils moins des portraits que des représentations solidaires d’individus, qui ne valent que par rapport à leur fonction dynastique et aux relations familiales qui les lient les uns aux autres. Comme l’impératrice insiste par ailleurs sur la vitesse d’exécution, il n’est pas étonnant de constater une qualité d’exécution très inférieure à celle par exemple de la Chambre des Enfants.
III – UNE MARIE-JOSEPHE TRES COMPOSITE
1) A Innsbruck, le portraitiste de Marie-Josèphe intervient solidairement avec d’autres artistes dans le cadre général que je viens de rappeler. Il compose pour la princesse une image à partir de différentes sources et fait notamment son shopping au rayon accessoires dans la série des archiduchesses. Il ne s’arrête pas en effet au seul visage de Josèphe, il reproduit aussi les colliers de Marie-Christine, ce que le dessin particulièrement maladroit de la gorge et des épaules en entonnoir a pu rendre nécessaire… Un portrait en kit, en somme, pour une adolescente parée comme une douairière. Un tableau que seule la beauté du tissu et le rendu des étoffes tente de sauver. On peut se figurer plusieurs mains de valeur inégale travaillant à une telle effigie, méthode de travail courante pour ces grands programmes picturaux.
2). Si nous faisons crédit aux deux copistes d’avoir reproduit l’original de la série des archiduchesses, je répète qu’il faut alors envisager que la toile de Marie-Josèphe a été modifiée entre le moment où les deux artistes y travaillent. Sinon, quelle autre explication ?
3). La modification aurait eu pour objectif de donner une nouvelle identité à la toile, en modifiant les traits de Marie-Josèphe pour leur donner un air de ressemblance avec Marie-Antoinette, sixième et dernière des filles survivantes de Marie-Thérèse. Une modification d’autant plus opportune qu’il serait incompréhensible que la plus jeune des filles ne figure pas dans la série, alors qu’on sait en 1768 à quelle alliance elle est promise !
4). Que l’image de Josèphe reste un temps - et peut-être même « un certain temps » - associée à cette toile est très possible. La composition si caractéristique « au bras levé » lui est associée, elle a été diffusée (copie, gravure) et reprise avec des variantes (les toiles envoyées à Caserte et Madrid). Les copistes de la maison impériale ne pouvaient qu’être familiers du modèle, peut-être même le tableau Josèphe est-il le seul de la série des archiduchesses à avoir connu une certaine diffusion du fait de l’alliance napolitaine (il faudrait vérifier ici la question de la diffusion des différents tableaux de la série par la copie et la gravure, ce que je n’ai pas fait).
5). Si la première identification peut se maintenir c’est aussi parce que le tableau n’a pas subi de grande métamorphose. Il « suffit » après tout de mettre en regard les deux visages de Schönbrunn. Si leur rapport à une même jeune femme peut poser question à certains – je suis du nombre – il n’en reste pas moins que seuls diffèrent quelques détails dans la coiffure et la parure, avec ce « je ne sais quoi » dans les traits du visage qui en donne deux expressions bien distinctes.
6). Marie-Josèphe meurt le 15 octobre 1767 et la première urgence n’est pas de modifier son tableau. Un certain « délai de décence » et d’autres préoccupations doivent alors prévaloir. En 1768, les peintres de cour échouent à donner de Marie-Antoinette un portrait susceptible d’être envoyé à Versailles. L’année suivante appartient entièrement à Ducreux qui peint une effigie appelée à faire école ainsi que les portraits d’une bonne partie de la famille. Il n’est donc pas à exclure que le portrait de Josèphe soit modifié uniquement à partir de 1770. Les historiens viennois ne précisent pas si la série complète des archiduchesses faisait dès sa création l’objet d’un accrochage spécifique susceptible de la mettre en valeur. Une décision de l’impératrice en ce sens peut avoir entraîné la décision de modifier le tableau de Josèphe pour que seules ses filles alors en vie soient alors réunies.
IV – UNE HYPOTHESE SE DESSINE
1). S’il pose question, le tableau de Josèphe à Innsbruck donne surtout un indice important quant à la chronologie d’une éventuelle modification. Si l’on retient le créneau 1771-1773, le tableau d’origine était donc modifié à cette date. Le copiste associe alors à Marie-Josèphe un tableau qui n’est plus tout à fait le sien, mais dont la proximité (à la fois stylistique et temporelle) avec l’original permet d’admettre la possibilité d’une méprise.
2). Alors méprise, négligence, ignorance, précipitation ? Il semble en tout cas que le flou autour du sixième tableau de la série des archiduchesses remonte à cette époque très lointaine des premières années 1770. Très vite ensuite, l’attribution du « sixième portrait » revient à Marie-Antoinette, ce qui explique qu’il est alors copié sous cette identité et sous cette identité seule pour des collections privées, sur toile ou ivoire.
3). Il est intéressant de s’arrêter un instant sur la modification du diadème et la tournure générale donnée à cette parure, que l’on a augmentée de quelques pierres comme pour évoquer celle que porte Marie-Antoinette sur les portraits de « type Millitz ». Cette particularité du diadème n’aura pas échappé au peintre chargé de la modification, il peut avoir souhaité s’en rapprocher alors qu’il sait qu’il ne peut modifier qu’ a minima la toile d’origine.
4). Toutes les pièces sont maintenant réunies pour conclure, ce que je ferai donc la prochaine fois en proposant un bref résumé (Ouf! ) de ces longs développements.
Je vous inviterai enfin à une réconciliation générale autour de nos deux archiduchesses !
Il existe en effet un tableau où elles apparaissent ensemble et tout le monde s’accorde sur leur identification. Pour faire bonne mesure, elles ne se ressemblent pas et s’écartent aussi (bien sûr!) des images données d’elles par ailleurs… Vous jugerez par vous-même à partir d’une reproduction couleur, pour beaucoup un dernier inédit, un inédit sans énigme aucune !
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Encore un tableau inédit ?
Que nous sommes gâtés !!!
Ainsi donc, cher Bonnefoy, l'explication de Marie-Jeanne serait juste et Josephe, à peine disparue, devenue politiquement quantité négligeable, serait tout simplement passée à la trappe ?! Cela se tient.
Mais alors, dites donc, Marie-Thérèse ne s'embarrassait pas de sentiments ...
Avec plaisir !
Que nous sommes gâtés !!!
Ainsi donc, cher Bonnefoy, l'explication de Marie-Jeanne serait juste et Josephe, à peine disparue, devenue politiquement quantité négligeable, serait tout simplement passée à la trappe ?! Cela se tient.
Mais alors, dites donc, Marie-Thérèse ne s'embarrassait pas de sentiments ...
Marie-Jeanne a écrit:Si la série des filles en vie a bien été commandée en 1767-68, le portrait de Maria-Josepha (si c'est elle) était vraisemblablement terminé avant sa mort en octobre 1767.
Si celui de Maria-Antonia ne l'était pas, l'impératrice a peut-être tout simplement arrêté le projet en attribuant le portrait de la défunte à la cadette. D'où pour le coup l'ancienneté de la confusion.
Bonnefoy a écrit:Je vous inviterai enfin à une réconciliation générale autour de nos deux archiduchesses !
Avec plaisir !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55498
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
cher Bonnefoy. Et pour l'expression « en entonnoir » si parlante pour qualifier la gorge et les épaules de Marie-Joseph sur le portrait en pied. Je la resservirai si vous le permettez !
Quant à Marie-Thérèse, ne l'accablons pas. On ne peut juger avec nos yeux d'aujourd'hui ce qui répondait alors à un contexte bien particuliers, difficile à aborder avec nos mentalités actuelles.
Quant à Marie-Thérèse, ne l'accablons pas. On ne peut juger avec nos yeux d'aujourd'hui ce qui répondait alors à un contexte bien particuliers, difficile à aborder avec nos mentalités actuelles.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Marie-Jeanne a écrit:
Quant à Marie-Thérèse, ne l'accablons pas. On ne peut juger avec nos yeux d'aujourd'hui ce qui répondait alors à un contexte bien particuliers, difficile à aborder avec nos mentalités actuelles.
Tout de même !
La couronne d'Autriche avait les moyens de s'offrir un portrait de plus sans squeezer la malheureuse Josephe ...
Pauvre petiote, la voilà doublement morte : morte et oubliée.
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Mme de Sabran- Messages : 55498
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Que voulez-vous, chère Marie-Jeanne, il fallait bien décrire au plus juste, sans trop accabler... On pardonne volontiers au peintre de ne pas être Van Dyck, on comprend plus difficilement qu'il ne sache pas dessiner.Marie-Jeanne a écrit:... l'expression « en entonnoir » si parlante pour qualifier la gorge et les épaules de Marie-Joseph sur le portrait en pied
Pour l'anecdote j'avais d'abord écrit "cône renversé", influencé sans doute par la description en "forme de cône" pour le grand corps du grand habit de cour, dans cet ouvrage indispensable pour votre bibliothèque: "Marie-Antoinette, l'affranchie" sous la plume de Sylvie Le Bras-Chauvot.
J'y relève aussi des descriptions superbes, qui en peu de mots rassemblent les meilleurs témoignages : " ... les traits pris séparément n'étaient pas parfaits tout en confinant à la beauté dans leur ensemble" (page 97), ou encore "elle faisait partie de ces femmes dont le charme et l'aisance éclipsent la beauté parfaite" (page 104).
Quelle belle définition du magnétisme de Marie-Antoinette nous trouvons là!
Faîtes, je vous en prie! Un entonnoir pour un cône, je vous dois bien ça!Marie-Jeanne a écrit:Je la resservirai si vous le permettez !
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Un de mes oncles disait des épaules « en bouteille de Saint-Galmier ». C'est pas mal non plus à condition de visualiser cette boisson quelque peu désuète.
À propos, je me demande quel âge avait cet artiste ? Car cette manière de peindre les carrures féminines est typique du XVIIe siècle et d'une partie du suivant. Hélas ! Ces vilaines épaules tombantes feront à nouveau recette sous le Second Empire.
À propos, je me demande quel âge avait cet artiste ? Car cette manière de peindre les carrures féminines est typique du XVIIe siècle et d'une partie du suivant. Hélas ! Ces vilaines épaules tombantes feront à nouveau recette sous le Second Empire.
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Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
« A la recherche d’Antoine… »
Saison 1, épisode 7
Le moment de conclure
I – CONCLUSION ET HYPOTHESE : VERSION BREVE
1). Le tableau de Marie-Josèphe à Schönbrunn est sans contestation possible celui que met en œuvre le Maître des archiduchesses pour représenter cette princesse dans la célèbre série.
2). Entre 1768 et 1773, et plus vraisemblablement après 1770, le tableau est modifié pour être transformé en portrait de Marie-Antoinette.
3). Les modifications se limitent à quelques points de détail et à un changement d’expression du visage, aussi le portrait retouché évoque-t-il plus le souvenir que Marie-Antoinette laisse à son départ de Vienne qu’il n’en donne une image vraiment fidèle.
4). L’intérêt de cette effigie se trouve d’ailleurs moins dans une ressemblance scrupuleuse que dans la justesse de son identification au modèle. Cette allure expressive et spontanée, cette vivacité qui frise l’espièglerie caractérisent le charme bien particulier de Marie-Antoinette, tel qu’il est décrit par de nombreux témoignages.
5). Connue en Autriche par des copies (toile et miniatures), cette image reste associée au seul nom de Marie-Antoinette jusqu’en 2009, date à laquelle elle retrouve l’identité de son premier modèle.
Plus de dix ans après cette réattribution, la référence à Marie-Antoinette continue de prévaloir et la justesse d’une identification à la future reine de France résonne toujours. Qu’un tableau aussi emblématique d’un personnage iconique change d’attribution sans qu’un dossier solide soit présenté fragilise la position officielle, à plus forte raison lorsque de nombreuses questions restent posées.
L’étude des faits appelle à des recherches complémentaires, que seules les autorités de Schönbrunn peuvent engager. Cette série y encourage et invite ceux qui la lisent à pratiquer le doute constructif. Et pour ceux qui reconnaissent Marie-Antoinette, à défaut d’une justification incontestable, elle apporte suffisamment d’éléments factuels pour leur permettre de défendre cette position en toute sérénité.
Pour l’heure, il me semblerait prudent et avisé de modifier ainsi le cartel :
portrait de l’archiduchesse Marie-Josèphe, vraisemblablement modifié après 1770 pour figurer sa sœur Marie-Antoinette alors dauphine de France
Maître des Archiduchesses huile sur toile, vers 1767-1773
73,5x91,5cm, Vienne
Château de Schönbrunn, Kinderzimmer
Photo KHM Vienne
II – CONCLUSIONS ET HYPOTHESE : VERSION DETAILLEE
1). Le tableau attribué à Marie-Josèphe dans la Salle des Enfants à Schönbrunn est sans conteste celui mis en œuvre par le « Maître des archiduchesses » pour représenter cette princesse. La composition originale « au bras levé » se retrouve en effet sur deux copies pour lesquelles le doute n’est pas permis. La première, dans un format légèrement agrandi, est présentée à Schönbrunn dans la Salle des Gardes. C’est l’image d’une princesse promise en mariage, la couronne de Naples bien visible à côté de celle des archiducs et archiduchesses d’Autriche. L’autre copie, plus petite, est conservée à Klagenfurt dans la collection de l’archiduchesse Marie-Anne. Le nom de Marie-Josèphe figure en toutes lettres sur cette toile. Ces deux copies attestent de l’existence d’un original commun, qui ne peut être que celui du « Maitre des archiduchesses ».
2). Très vite cependant le portrait subit des altérations bien visibles à certains détails de la coiffure. Les traits du visage sont également suffisamment modifiés pour qu’il soit permis d’y lire une expression générale différente. Cette deuxième version du portrait, celle que nous voyons aujourd’hui, est passée à la postérité comme l’image de référence de Marie-Antoinette, juste avant son départ de Vienne. Une image copiée à l’huile et sur ivoire, que l’on retrouve au XIXe siècle en Autriche dans les collections de grands dignitaires impériaux où elle a toujours été associée à Marie-Antoinette, et à elle seule. Il existe une exception dans la Salle des Géants de la Hofburg à Innsbruck. Le visage de Marie-Josèphe y est en effet la copie maladroite du visage de Schönbrunn, après la modification. Cette méprise reste explicable dans un contexte temporel très serré et dans un cadre où les copistes de la Cour, rompus aux impératifs qui prévalent pour un programme dynastique, font parfois preuve de flexibilité dans la composition de leurs images. Méprise ou négligence, l’enseignement essentiel d’Innsbruck reste cependant que le visage de Josèphe est déjà modifié sur l’original alors qu’avancent les travaux de décoration de cette galerie.
3). Après 2009 et la redécouverte du tableau de Klagenfurt, le nom de Marie-Josèphe se justifie entièrement dans la Salle des Gardes. Mais il reste contestable dans celle des Enfants où la parenté entre les deux toiles ne suffit pas pour admettre la même attribution par simple analogie. Les questions soulevées dans cette série ne sont pas même posées à Schönbrunn, il est donc inutile à ce stade d’en attendre les réponses ou les justifications susceptibles de rallier les sceptiques à la nouvelle vulgate.
4). Le rapprochement des toiles de Klagenfurt et Innsbruck et la prise en compte des dates avancées pour leur achèvement permettent de situer la modification du tableau de Josèphe au tout début des années 1770, dans un créneau allant de 1770 à 1773 au plus tard. Les changements sont faits a minima, le peintre ne reprend pas l’ensemble du visage et ne modifie les traits de Josèphe qu’à la marge, tout en réussissant à conférer au visage une expression générale différente.
5). Il ressort de cette hypothèse deux conséquences :
- tout d’abord, si le tableau ne représente plus Josèphe, il n’est pas pour autant l’image exacte de Marie-Antoinette !
- ensuite, même à supposer que le peintre ait pu faire des croquis sur le vif de Marie-Antoinette, la retouche du portrait intervient probablement après son départ et donc en l’absence du modèle…
A quoi bon toutes ces recherches, me direz-vous, si le portrait n’est finalement ni l’une, ni l’autre des archiduchesses ou – si vous préférez – s’il est l’une et l’autre à la fois ?
6). Au-delà de la part de mystère qu’il conserve, l’intérêt du tableau tient à ce que le « maitre des archiduchesses » (ou le peintre anonyme qui modifie ensuite le tableau) parvient à nous dire de la personnalité du modèle. Quelque chose qui gardait suffisamment de force à Vienne, après le départ de Marie-Antoinette, pour qu’on y trouve les traits essentiels du caractère de la jeune princesse, des traits qui lui sont propres et ne parlent pas de sa sœur ! Il existe différents portraits de Marie-Josèphe dans ces mêmes années. Aucun n’est sans mérite, mais pas un ne montre l’étincelle qui caractérise la toile de Schönbrunn. D’un côté, pour Josèphe, la réserve, la mesure et une distinction presque déjà fatiguée ; de l’autre, avec Marie-Antoinette, des échos de bavardage, une rumeur de désobéissance et des soupçons d’espièglerie…
C’est en faisant briller cette étincelle que le tableau modifié de Schönbrunn nous souffle qu’il figure bien Marie-Antoinette. Bien au-delà de l’image de convenance, c’est un portrait, un vrai, assurément le meilleur de toute la série des archiduchesses.
III – ALLER PLUS LOIN ? QUELQUES PISTES…
1). La science : Le KHM dispose de toute la technologie nécessaire pour examiner ce tableau, interroger la genèse de la toile et rechercher les modifications éventuelles qu’elle a subies. Photographie sous fluorescence d’UV, réflectographie infrarouge, spectrométrie de fluorescence X…, la panoplie est suffisamment étendue pour qu’il soit permis d’en attendre des indices importants.
2). Les comptes de la maison impériale : que disent-ils sur les commandes de tableaux, qu’y trouve-t-on au sujet de la galerie d’Innsbruck, de la collection de Klagenfurt et bien sûr de la série des archiduchesses ? Le vague des indications, même chez les historiens, surprend pour les attributions et les datations. Les registres sont-ils à ce point muets ou n’ont-ils pas été vraiment exploités ?
3). Les multiples correspondances impériales entre Marie-Thérèse et ses enfants ou encore avec ses conseillers les plus proches. Des indications temporelles liées aux travaux d’Innsbruck et à leur déroulement sont à y rechercher.
4). Le prince Jean-Joseph Khevenhüller-Metsch, Grand Maîtres des Cérémonies de l’impératrice, a tenu un journal de 1742 à 1780, couvrant ainsi tout le règne de l’impératrice… Il existe 7 ou 8 volumes. J’y avais renoncé en ne trouvant qu’une édition XIXe siècle en gothique ancien. Je viens de récupérer quelques volumes avec caractères modernes mais je cours encore derrière ceux pour les années 1767 à 1774, dans lesquels j’espère trouver des indications sur la fameuse commande des archiduchesses…
4) les archives familiales des princes Kinsky pourraient nous éclairer sur le tableau de Marie-Antoinette de leurs (anciennes) collections et qui est la reprise de celui de la Chambre des Enfants.
5) … et bien sûr tous ces livres en allemand et anglais publiés sur le règne de Marie-Thérèse à l’occasion de son tricentenaire.
IV – CLAP DE FIN, RECONCILIATION GENERALE
1). A Schönbrunn un tableau longtemps considéré comme un double portrait de Marie-Josèphe et Marie-Antoinette m’a toujours semblé bizarre en raison du peu de différence d’âge apparent entre les deux princesses. Le cartel a été revu, il invite aujourd’hui à reconnaître Gabrielle et Josèphe sous le pinceau de Pierre Benevault des Mares « vers 1760 ». Les deux candidates malheureuses au trône de Naples n’ont qu’un an de différence, au lieu de presque cinq pour Josèphe et Antonia, et l’attribution semble plus juste en effet.
2). Benevault des Mares reprend la même veine mythologique « vers 1765 », pour représenter cette fois Josèphe en Minerve et Antonia en Diane. Le peintre ne semble pas s’être beaucoup embarrassé pour Marie-Antoinette, il reprend presque à l’identique le visage de Josèphe sur le tableau précédent… Quant à Josèphe, elle ne se ressemble pas vraiment ! Mais peu importe, les voici enfin toutes deux rassemblées, tout le monde est content et tout le monde est d’accord sur leur identité (pour l’instant !... ) . Le tableau est visible dans la galerie des portraits de famille à la Hofburg d’Innsbruck. Si les personnages sont bien ceux qu’on nous propose, retenons que Josèphe et Antonia se ressemblaient beaucoup à l’âge de 9-10 ans ! Pas étonnant dans ces conditions que cette ressemblance continue de brouiller les pistes quelques années plus tard !
Pierre Benevault des Mares
les archiduchesses Marie-Josèphe en Minerve et Marie-Antoinette en Diane
huile sur toile, vers 1765
164x246cm, Hofburg, Innsbruck
Photo Hofburg, Innsbruck[
Cherry on the cake, j’ajoute l’incroyable cartel qui accompagne cette toile, illustration par l’absurde d’une certaine difficulté à faire des recherches au pays natal de Marie-Antoinette…
Voilà, c’est fini !
Saison 1, épisode 7
Le moment de conclure
I – CONCLUSION ET HYPOTHESE : VERSION BREVE
1). Le tableau de Marie-Josèphe à Schönbrunn est sans contestation possible celui que met en œuvre le Maître des archiduchesses pour représenter cette princesse dans la célèbre série.
2). Entre 1768 et 1773, et plus vraisemblablement après 1770, le tableau est modifié pour être transformé en portrait de Marie-Antoinette.
3). Les modifications se limitent à quelques points de détail et à un changement d’expression du visage, aussi le portrait retouché évoque-t-il plus le souvenir que Marie-Antoinette laisse à son départ de Vienne qu’il n’en donne une image vraiment fidèle.
4). L’intérêt de cette effigie se trouve d’ailleurs moins dans une ressemblance scrupuleuse que dans la justesse de son identification au modèle. Cette allure expressive et spontanée, cette vivacité qui frise l’espièglerie caractérisent le charme bien particulier de Marie-Antoinette, tel qu’il est décrit par de nombreux témoignages.
5). Connue en Autriche par des copies (toile et miniatures), cette image reste associée au seul nom de Marie-Antoinette jusqu’en 2009, date à laquelle elle retrouve l’identité de son premier modèle.
Plus de dix ans après cette réattribution, la référence à Marie-Antoinette continue de prévaloir et la justesse d’une identification à la future reine de France résonne toujours. Qu’un tableau aussi emblématique d’un personnage iconique change d’attribution sans qu’un dossier solide soit présenté fragilise la position officielle, à plus forte raison lorsque de nombreuses questions restent posées.
L’étude des faits appelle à des recherches complémentaires, que seules les autorités de Schönbrunn peuvent engager. Cette série y encourage et invite ceux qui la lisent à pratiquer le doute constructif. Et pour ceux qui reconnaissent Marie-Antoinette, à défaut d’une justification incontestable, elle apporte suffisamment d’éléments factuels pour leur permettre de défendre cette position en toute sérénité.
Pour l’heure, il me semblerait prudent et avisé de modifier ainsi le cartel :
portrait de l’archiduchesse Marie-Josèphe, vraisemblablement modifié après 1770 pour figurer sa sœur Marie-Antoinette alors dauphine de France
Maître des Archiduchesses huile sur toile, vers 1767-1773
73,5x91,5cm, Vienne
Château de Schönbrunn, Kinderzimmer
Photo KHM Vienne
II – CONCLUSIONS ET HYPOTHESE : VERSION DETAILLEE
1). Le tableau attribué à Marie-Josèphe dans la Salle des Enfants à Schönbrunn est sans conteste celui mis en œuvre par le « Maître des archiduchesses » pour représenter cette princesse. La composition originale « au bras levé » se retrouve en effet sur deux copies pour lesquelles le doute n’est pas permis. La première, dans un format légèrement agrandi, est présentée à Schönbrunn dans la Salle des Gardes. C’est l’image d’une princesse promise en mariage, la couronne de Naples bien visible à côté de celle des archiducs et archiduchesses d’Autriche. L’autre copie, plus petite, est conservée à Klagenfurt dans la collection de l’archiduchesse Marie-Anne. Le nom de Marie-Josèphe figure en toutes lettres sur cette toile. Ces deux copies attestent de l’existence d’un original commun, qui ne peut être que celui du « Maitre des archiduchesses ».
2). Très vite cependant le portrait subit des altérations bien visibles à certains détails de la coiffure. Les traits du visage sont également suffisamment modifiés pour qu’il soit permis d’y lire une expression générale différente. Cette deuxième version du portrait, celle que nous voyons aujourd’hui, est passée à la postérité comme l’image de référence de Marie-Antoinette, juste avant son départ de Vienne. Une image copiée à l’huile et sur ivoire, que l’on retrouve au XIXe siècle en Autriche dans les collections de grands dignitaires impériaux où elle a toujours été associée à Marie-Antoinette, et à elle seule. Il existe une exception dans la Salle des Géants de la Hofburg à Innsbruck. Le visage de Marie-Josèphe y est en effet la copie maladroite du visage de Schönbrunn, après la modification. Cette méprise reste explicable dans un contexte temporel très serré et dans un cadre où les copistes de la Cour, rompus aux impératifs qui prévalent pour un programme dynastique, font parfois preuve de flexibilité dans la composition de leurs images. Méprise ou négligence, l’enseignement essentiel d’Innsbruck reste cependant que le visage de Josèphe est déjà modifié sur l’original alors qu’avancent les travaux de décoration de cette galerie.
3). Après 2009 et la redécouverte du tableau de Klagenfurt, le nom de Marie-Josèphe se justifie entièrement dans la Salle des Gardes. Mais il reste contestable dans celle des Enfants où la parenté entre les deux toiles ne suffit pas pour admettre la même attribution par simple analogie. Les questions soulevées dans cette série ne sont pas même posées à Schönbrunn, il est donc inutile à ce stade d’en attendre les réponses ou les justifications susceptibles de rallier les sceptiques à la nouvelle vulgate.
4). Le rapprochement des toiles de Klagenfurt et Innsbruck et la prise en compte des dates avancées pour leur achèvement permettent de situer la modification du tableau de Josèphe au tout début des années 1770, dans un créneau allant de 1770 à 1773 au plus tard. Les changements sont faits a minima, le peintre ne reprend pas l’ensemble du visage et ne modifie les traits de Josèphe qu’à la marge, tout en réussissant à conférer au visage une expression générale différente.
5). Il ressort de cette hypothèse deux conséquences :
- tout d’abord, si le tableau ne représente plus Josèphe, il n’est pas pour autant l’image exacte de Marie-Antoinette !
- ensuite, même à supposer que le peintre ait pu faire des croquis sur le vif de Marie-Antoinette, la retouche du portrait intervient probablement après son départ et donc en l’absence du modèle…
A quoi bon toutes ces recherches, me direz-vous, si le portrait n’est finalement ni l’une, ni l’autre des archiduchesses ou – si vous préférez – s’il est l’une et l’autre à la fois ?
6). Au-delà de la part de mystère qu’il conserve, l’intérêt du tableau tient à ce que le « maitre des archiduchesses » (ou le peintre anonyme qui modifie ensuite le tableau) parvient à nous dire de la personnalité du modèle. Quelque chose qui gardait suffisamment de force à Vienne, après le départ de Marie-Antoinette, pour qu’on y trouve les traits essentiels du caractère de la jeune princesse, des traits qui lui sont propres et ne parlent pas de sa sœur ! Il existe différents portraits de Marie-Josèphe dans ces mêmes années. Aucun n’est sans mérite, mais pas un ne montre l’étincelle qui caractérise la toile de Schönbrunn. D’un côté, pour Josèphe, la réserve, la mesure et une distinction presque déjà fatiguée ; de l’autre, avec Marie-Antoinette, des échos de bavardage, une rumeur de désobéissance et des soupçons d’espièglerie…
C’est en faisant briller cette étincelle que le tableau modifié de Schönbrunn nous souffle qu’il figure bien Marie-Antoinette. Bien au-delà de l’image de convenance, c’est un portrait, un vrai, assurément le meilleur de toute la série des archiduchesses.
III – ALLER PLUS LOIN ? QUELQUES PISTES…
1). La science : Le KHM dispose de toute la technologie nécessaire pour examiner ce tableau, interroger la genèse de la toile et rechercher les modifications éventuelles qu’elle a subies. Photographie sous fluorescence d’UV, réflectographie infrarouge, spectrométrie de fluorescence X…, la panoplie est suffisamment étendue pour qu’il soit permis d’en attendre des indices importants.
2). Les comptes de la maison impériale : que disent-ils sur les commandes de tableaux, qu’y trouve-t-on au sujet de la galerie d’Innsbruck, de la collection de Klagenfurt et bien sûr de la série des archiduchesses ? Le vague des indications, même chez les historiens, surprend pour les attributions et les datations. Les registres sont-ils à ce point muets ou n’ont-ils pas été vraiment exploités ?
3). Les multiples correspondances impériales entre Marie-Thérèse et ses enfants ou encore avec ses conseillers les plus proches. Des indications temporelles liées aux travaux d’Innsbruck et à leur déroulement sont à y rechercher.
4). Le prince Jean-Joseph Khevenhüller-Metsch, Grand Maîtres des Cérémonies de l’impératrice, a tenu un journal de 1742 à 1780, couvrant ainsi tout le règne de l’impératrice… Il existe 7 ou 8 volumes. J’y avais renoncé en ne trouvant qu’une édition XIXe siècle en gothique ancien. Je viens de récupérer quelques volumes avec caractères modernes mais je cours encore derrière ceux pour les années 1767 à 1774, dans lesquels j’espère trouver des indications sur la fameuse commande des archiduchesses…
4) les archives familiales des princes Kinsky pourraient nous éclairer sur le tableau de Marie-Antoinette de leurs (anciennes) collections et qui est la reprise de celui de la Chambre des Enfants.
5) … et bien sûr tous ces livres en allemand et anglais publiés sur le règne de Marie-Thérèse à l’occasion de son tricentenaire.
IV – CLAP DE FIN, RECONCILIATION GENERALE
1). A Schönbrunn un tableau longtemps considéré comme un double portrait de Marie-Josèphe et Marie-Antoinette m’a toujours semblé bizarre en raison du peu de différence d’âge apparent entre les deux princesses. Le cartel a été revu, il invite aujourd’hui à reconnaître Gabrielle et Josèphe sous le pinceau de Pierre Benevault des Mares « vers 1760 ». Les deux candidates malheureuses au trône de Naples n’ont qu’un an de différence, au lieu de presque cinq pour Josèphe et Antonia, et l’attribution semble plus juste en effet.
image Internet
2). Benevault des Mares reprend la même veine mythologique « vers 1765 », pour représenter cette fois Josèphe en Minerve et Antonia en Diane. Le peintre ne semble pas s’être beaucoup embarrassé pour Marie-Antoinette, il reprend presque à l’identique le visage de Josèphe sur le tableau précédent… Quant à Josèphe, elle ne se ressemble pas vraiment ! Mais peu importe, les voici enfin toutes deux rassemblées, tout le monde est content et tout le monde est d’accord sur leur identité (pour l’instant !... ) . Le tableau est visible dans la galerie des portraits de famille à la Hofburg d’Innsbruck. Si les personnages sont bien ceux qu’on nous propose, retenons que Josèphe et Antonia se ressemblaient beaucoup à l’âge de 9-10 ans ! Pas étonnant dans ces conditions que cette ressemblance continue de brouiller les pistes quelques années plus tard !
Pierre Benevault des Mares
les archiduchesses Marie-Josèphe en Minerve et Marie-Antoinette en Diane
huile sur toile, vers 1765
164x246cm, Hofburg, Innsbruck
Photo Hofburg, Innsbruck[
Cherry on the cake, j’ajoute l’incroyable cartel qui accompagne cette toile, illustration par l’absurde d’une certaine difficulté à faire des recherches au pays natal de Marie-Antoinette…
Voilà, c’est fini !
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Eh ! ce n'est pas faux !Bonnefoy du Plan a écrit:
A quoi bon toutes ces recherches, me direz-vous, si le portrait n’est finalement ni l’une, ni l’autre des archiduchesses ou – si vous préférez – s’il est l’une et l’autre à la fois ?
Se peut-il ? Je suis conquise et presque convaincue .
Car bien-sûr une part de doute subsiste toujours...
Si quelqu'un a une autre explication qu'il parle à présent ou se taise à jamais .
A moins qu'au contraire l'aventure ne fasse que commencer, cher Bonnefoy, et que vous réussissiez à sensibiliser les autorités compétentes, là-bas, à Vienne. Peut-être se résoudraient-elles à reconsidérer la question et pourriez-vous finalement avoir gain de cause ?Bonnefoy du Plan a écrit:
Voilà, c’est fini !
Personnellement j'en serais ravie .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55498
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Comme je m’intéresse d’avantage aux portraits d’après nature, le changement d’identité de ce portrait ne m’avait pas spécialement bouleversée.
À mon sens, vos intéressantes conclusions relancent le débat sous l’angle de l’histoire de l’art plutôt que des personnes.
Des recherches approfondies dans les Archives Autrichiennes pourraient peut être inciter les conservateurs à utiliser la technologie d’aujourd’hui ; sous réserve d’être fructueuses bien entendu.
À mon sens, vos intéressantes conclusions relancent le débat sous l’angle de l’histoire de l’art plutôt que des personnes.
Des recherches approfondies dans les Archives Autrichiennes pourraient peut être inciter les conservateurs à utiliser la technologie d’aujourd’hui ; sous réserve d’être fructueuses bien entendu.
_________________
« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Je suis très en retard dans la lecture de vos messages, cher Bonnefoy, mais je tâche cependant de vous suivre du mieux que je le peux...
En attendant de revenir sur vos intéressantes recherches concernant " le " portrait, pourriez-vous poster une image du portrait ci-dessus dans ce sujet :
Portrait de Marie-Antoinette par Johann Karl Auerbach
Celle que nous présentions n'est pas géniale...On ne voit rien !
Bonnefoy du Plan a écrit:
(...) La toile est attribuée à Auerbach, elle commémore la visite de Maximilien à Versailles en février 1775. Auerbach appartient à une longue lignée de peintres de cour, il a bien compris ce qui lui est demandé. Il crée une « tête Habsbourg » très reconnaissable, dont il fait la matrice unique pour en donner une version féminine et une version masculine. Quelques inflexions de pinceau, des couleurs différentes pour les carnations et voici Maximilien et Marie-Antoinette dûment portraiturés.
En attendant de revenir sur vos intéressantes recherches concernant " le " portrait, pourriez-vous poster une image du portrait ci-dessus dans ce sujet :
Portrait de Marie-Antoinette par Johann Karl Auerbach
Celle que nous présentions n'est pas géniale...On ne voit rien !
La nuit, la neige- Messages : 18133
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
C'est consternant et en même temps je trouve cela génial.
On ne s’embarrasse pas de principe et on refile le portrait à moitié fini d'une archiduchesse morte pour parer au plus pressé. Économie de moyen et d'argent pour le trésor autrichien. C'est plutôt pragmatique en somme.
Cependant même si je suis convaincu par votre hypothèse, et par votre décortication de ces méandres stylistiques si brillants, je reste malgré tout bien marri quant à cette pauvre archiduchesse. C'est vraiment un marché au bestiau que cette progéniture féminine. Pauvres femmes de ces temps heureusement révolus.
On ne s’embarrasse pas de principe et on refile le portrait à moitié fini d'une archiduchesse morte pour parer au plus pressé. Économie de moyen et d'argent pour le trésor autrichien. C'est plutôt pragmatique en somme.
Cependant même si je suis convaincu par votre hypothèse, et par votre décortication de ces méandres stylistiques si brillants, je reste malgré tout bien marri quant à cette pauvre archiduchesse. C'est vraiment un marché au bestiau que cette progéniture féminine. Pauvres femmes de ces temps heureusement révolus.
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Mr de Talaru a écrit:
C'est consternant et en même temps je trouve cela génial.
On ne s’embarrasse pas de principe et on refile le portrait à moitié fini d'une archiduchesse morte pour parer au plus pressé. Économie de moyen et d'argent pour le trésor autrichien. C'est plutôt pragmatique en somme.
Ah tout de même, je ne suis pas la seule à penser ainsi .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55498
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
M'enfin quoi !!!!!! Comme dirait Gaston, je suis certain qu'il y en a d'autres
_________________
Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Un grand merci, cher Bonnefoy, pour cette étude détaillée des portraits des deux archiduchesses.
L'hypothèse selon laquelle l'un des portraits de Marie-Josèphe aurait été retouché pour devenir celui de Marie-Antoinette est séduisante.
Elle expliquerait que le 7ème portrait (celui présumé de Marie-Antoinette) n'est pas manquant.
Mais en ce cas, personnellement, j'avancerais encore plus tôt que vous ne le faîtes cette " retouche " (vous dîtes vers 1770).
Peut-être 1768, dès après la mot de Marie-Josèphe ? Par économie, en somme.
Sinon comment expliquer que le portrait de Marie-Antoinette manquerait à la série (achevée, dites-vous vers 1768) ?
Sauf à dire qu'elle ne faisait pas partie de la commande initiale. Car trop jeune ?
Pour quelle raison aurait-on repris, encore plus tard, le visage d'une archiduchesse si ce portrait n'était pas destiné à quitter l'Autriche ?
Cependant pourquoi une reprise si " légère ", si peu convaincante ? Car il faut bien le dire : la jeune fille de ce portrait ressemble davantage aux autres portraits de Marie-Josèphe qu'à ceux de Marie-Antoinette.
Aussi, j'avoue que " ça bloque " pour le grand portrait d'Innsbruck.
Je ne comprends pas vraiment pourquoi son peintre serait aller chercher l'inspiration dans un portait " traficoté " de l'archiduchesse ? Si tel avait été le cas, comment l'aurait-il ignoré, à peine quelques mois ou années après ?
N'y avait-il décidément plus aucune autre représentation de l'archiduchesse de laquelle il pouvait s'inspirer pour réaliser un portrait architecturale de cette taille ?
L'hypothèse selon laquelle l'un des portraits de Marie-Josèphe aurait été retouché pour devenir celui de Marie-Antoinette est séduisante.
Elle expliquerait que le 7ème portrait (celui présumé de Marie-Antoinette) n'est pas manquant.
Mais en ce cas, personnellement, j'avancerais encore plus tôt que vous ne le faîtes cette " retouche " (vous dîtes vers 1770).
Peut-être 1768, dès après la mot de Marie-Josèphe ? Par économie, en somme.
Sinon comment expliquer que le portrait de Marie-Antoinette manquerait à la série (achevée, dites-vous vers 1768) ?
Sauf à dire qu'elle ne faisait pas partie de la commande initiale. Car trop jeune ?
Pour quelle raison aurait-on repris, encore plus tard, le visage d'une archiduchesse si ce portrait n'était pas destiné à quitter l'Autriche ?
Cependant pourquoi une reprise si " légère ", si peu convaincante ? Car il faut bien le dire : la jeune fille de ce portrait ressemble davantage aux autres portraits de Marie-Josèphe qu'à ceux de Marie-Antoinette.
Aussi, j'avoue que " ça bloque " pour le grand portrait d'Innsbruck.
Je ne comprends pas vraiment pourquoi son peintre serait aller chercher l'inspiration dans un portait " traficoté " de l'archiduchesse ? Si tel avait été le cas, comment l'aurait-il ignoré, à peine quelques mois ou années après ?
N'y avait-il décidément plus aucune autre représentation de l'archiduchesse de laquelle il pouvait s'inspirer pour réaliser un portrait architecturale de cette taille ?
La nuit, la neige- Messages : 18133
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
« A la recherche d’Antoine… »
Saison 1, épisode 8
Les bonus !
Toute série qui se respecte ayant ses bonus, je me conforme aux usages!
Et je choisis ce 7 mai 2020 pour vous les communiquer, car c'est aujourd'hui le jour anniversaire de l’arrivée de Marie-Antoinette en France, à Strasbourg, il y a très exactement deux-cent cinquante ans…
A quoi ressemblait Madame la Dauphine ce jour-là ?
C’est le dernier message de La nuit, la neige qui me sert de fil conducteur.
Je vous préviens d’avance, c’est long, même très long…
1 -
Car enfin, quelle que soit l’hypothèse retenue, il y a décidément toujours quelque chose qui cloche dans ce dossier pour qu’on puisse affirmer avec une absolue évidence que c’est l’une ou bien l’autre des deux sœurs. Je l’ai déjà écrit, c’est la certitude affichée à Schönbrunn qui me pose problème, comme le manque apparent d’intérêt pour une série qui pourtant se distingue de la production dynastique habituelle à la cour de Marie-Thérèse. Liotard a peint les archiduchesses (toutes !) et Ducreux le fera aussi après ce mystérieux « Maître des archiduchesses ». Pour ces séries dévolues à un seul artiste, nous avons beaucoup d’informations, mais le plus grand mystère continue d’entourer ce « Maître des archiduchesses ». Quel étrange anonymat tout de même, quand ce peintre avait toutes les raisons de se prévaloir d’une vraie réussite ! Parmi les premières questions à se poser, il serait intéressant de savoir à quel moment apparaît le vocable de « Maitre des archiduchesses », qui indique par lui-même que l’on distingue bien cette série des productions plus « ordinaires » sorties des ateliers de la Cour de Vienne.
2 -
En 1765-1766, elle pourrait n’avoir concerné que les seules filles de Marie-Thérèse devenues adultes, ou ayant l’âge de se marier. Il serait alors encore admissible de ne pas y trouver Marie-Antoinette. Mais si la commande est passée en 1767, alors que se dessine son destin français, l’absence de Marie-Antoinette ne se comprend plus. Et alors, cher LNLN, je vous passe le relais pour retrouver ce fameux septième tableau (j’ai déjà assez à faire sur la piste de Millitz…) !
Un septième tableau n’est pas à exclure par principe, le décès d’une princesse ou d’un prince en âge de se marier ne les excluant pas nécessairement d’un programme dynastique. Nous le constatons dans la Salle des Géants d’Innsbruck où Jeanne-Gabrielle et Marie-Josèphe se font face, alors que Charles-Joseph, mort lui aussi à 16 ans, prend également toute sa place. Si on a traficoté un portrait de Josèphe pour en faire Marie-Antoinette, plutôt que de passer commande d’un septième portrait, c’est ou bien par mesure de basse économie, ou bien parce que le mystérieux peintre n’était plus sur place ou qu’il avait disparu. Ce dernier point expliquerait par ailleurs que le traficotage en question soit plus vraisemblablement attribuable à un peintre ordinaire de l’atelier plutôt qu’au Maître lui-même, nous y reviendrons.
3 -
Mon hésitation pour cette thèse tenait d’abord à l’âge de la jeune fille. Courant 1768, Marie-Antoinette n’a que 12 ans et le tableau montre – me semblait-il – plutôt une adolescente de 14-15 ans. Ensuite, en 1768, Marie-Thérèse cherche en vain un bon portrait de Marie-Antoinette pour l’envoyer à Versailles. Elle aurait pu choisir celui-ci, s’il représentait déjà Marie-Antoinette, ou une copie du même. Or, elle n’en fait rien. Vuaflart et Bourin ont suggéré que les qualités un peu trop brillantes de ce tableau avaient pu l’écarter, car il était plus susceptible de flatter un roi « aimant les plaisirs et la société des femmes » que de plaire à un dauphin « au caractère indolent et timoré (…) dont il risquait d’alarmer l’excessive timidité » (Les portraits de Marie-Antoinette, Tome 1, L’archiduchesse, page 27). Une autre explication, peut-être moins alambiquée, serait tout simplement que le portrait avait été créé pour Josèphe et que, déjà reproduit sous diverses formes et donc connu, il n’avait pas le caractère d’exclusivité que le roi de France était en droit d’attendre…
Même sans le projet d’un envoi ou d’une copie pour Versailles, le tableau peut donc très bien avoir été modifié dès 1768. Un nouvel examen des images de l’enfance de Marie-Antoinette, que je vous expose plus bas, me fait revenir à cette première date, même si l’une et l’autre restent compatibles avec mon hypothèse de transformation du 6ème tableau.
Va donc pour 1768, plutôt que 1770 ou après…
4 -
Il a été suggéré que le mystérieux peintre aurait pu être de passage. Si c’est le cas, il lui était en effet impossible de peindre le portrait de la future reine de France, une fois celui-ci devenu indispensable pour compléter et couronner la série. Les fourchettes données pour la livraison de la commande vont de 2 à 3 ans, ce qui est bien vague et surtout trop long (!) pour 6 ou 7 toiles. A plus forte raison si le peintre est de passage…
A vrai dire, je crois peu à cette idée d’un artiste en itinérance. Quelle excessive modestie faudrait-il en effet lui reconnaître pour n’avoir jamais par la suite revendiqué cette commande impériale, qui ne pouvait que contribuer à favoriser sa carrière ! Je pencherais plutôt pour un des peintres des ateliers de la Cour d’Autriche, à qui une formation peut-être plus internationale que celle de ses confrères avait donné cette manière souple et aimable qui n’est pas la caractéristique principale des Meytens & Co... Dans un cadre d’atelier, il n’avait évidemment aucune vocation à sortir de l’anonymat. Cela ne veut pas dire qu’il soit impossible à retrouver, il doit bien exister à Vienne l’équivalent de nos Bâtiments du Roi et leurs comptes détaillés, avec des noms et des informations sur les gages perçus… En l’absence d’autres informations, je privilégie donc l’idée d’un praticien de Cour, quelque peu en avance sur les codes de représentation habituels de l’atelier impérial.
5 -
Je pense qu’en 1768, la priorité reste au mariage de Caroline, à la préparation de celui de Marie-Antoinette et aux représentations de ces deux archiduchesses. Josèphe, comme Gabrielle avant elle, est vite oubliée et, dès la semaine suivant sa mort (je l’ai lu mais n’ai pas pu rechercher la source), Marie-Thérèse a résolu de marier Caroline à Ferdinand de Naples en avril 1768. Le tableau de Josèphe dans la salle des Gardes pourrait d’ailleurs nous donner un indice supplémentaire. On peut penser qu’il a été voulu pour garder en Autriche le souvenir de celle qui venait de mourir au moment de monter sur le trône de Naples. La date de 1767 semble alors la plus juste, je conçois mal en effet qu’on puisse l’avoir peint en 1768 - et avec de tels attributs - alors que c’est Caroline qui se marie à Ferdinand et s’installe à Naples cette année-là. Si 1767 est la bonne date, cela laisse le champ libre dès 1768 pour une modification de l’original en Marie-Antoinette, puisque les traits de Josèphe étaient déjà sauvegardés par ailleurs… C’est l’hypothèse retenue un peu plus haut.
Si j’ai la patience de lire un jour le journal du prince de Khevenhüller, je ne désespère pas y trouver quelques informations utiles, ne serait-ce qu’au détour d’une phrase. Mais c’est beaucoup d’allemand à lire en perspective…
6 -
A défaut, l’étude sur image à laquelle je me suis livré avant de vous répondre me permet de préciser ce que je vois dans cette transformation a minima. En regardant attentivement, on voit bien où les modifications ont été faites. A ce tableau si charmant, il est difficile de donner le premier prix de dessin pour le visage. C’est un peu bâclé… et en tout cas le modelé est beaucoup moins pur et régulier que pour les autres visages de la série. Tout semble indiquer que l’ovale de départ, tel que nous le voyons encore dans la Salle des Gardes et à Klagenfurt, a été repris avec l’idée de redonner un peu d’enfance à ce visage qui était déjà celui d’une jeune fille. Le rapport entre la hauteur et la largeur du visage n’est plus le même entre les toiles de la Kinderzimmer et de Klagenfurt, alors qu’il est rigoureusement identique entre la Salle des Gardes et Klagenfurt. Sur le visage modifié, les joues sont plus remplies ; le dessin de la mâchoire ne fusionne pas dans l’ovale et il reste bien visible ; la bouche est également descendue, les proportions du bas du visage sont modifiées et le menton est comme écrasé. L’idée d’une reprise d’un tableau de Josèphe plutôt qu’un portrait initial avec Marie-Antoinette pour modèle naît du constat de ces imperfections qui n’existent pas ailleurs dans la série.
A gauche le 6ème portrait de la Kinderzimmer, à droite Marie-Josèphe à Klagenfurt.
Détails des mêmes ci-dessous (Klagenfurt est à gauche) :
un ovale qui n’en garde plus que le nom à Innsbruck (Marie-Josèphe, à gauche) ou dans la Collection Bourgoing (Marie-Antoinette, à droite). Et on n’insistera pas non plus sur ces vilains yeux…
Tous ces constats sont encore amplifiés si l’on regarde les toiles de la Collection Bourgoing (Marie-Antoinette) et d’Innsbruck (Marie-Josèphe), qui toutes les deux « confinent à la laideur » …
La première observation, c’est que le rajeunissement du modèle plaide pour une modification rapide du tableau après la mort de Marie-Josèphe. Marie-Antoinette est une enfant, l’ovale du visage n’est pas encore ce qu’il deviendra et la forme de ce visage modifié est tout à fait compatible avec l’iconographie des année 1762-1767. Elle est même frappante pour certains exemples, nous le verrons. Ce n’est qu’avec Ducreux en 1769 que l’ovale s’affirme pour devenir ensuite la règle. C’est la raison pour laquelle, je préfère revenir à l’année 1768, comme je l’ai déjà indiqué par deux fois dans ce « bonus », ce qui veut dire que le peintre peut aussi avoir fait poser Marie-Antoinette et qu’il n’est pas dit qu’il se soit uniquement inspiré de portraits existants.
La deuxième observation, en raison même des maladresses de la modification, c’est qu’il est difficile d’y revoir la main de notre très capable Maître des archiduchesses. S’il était intervenu lui-même, n’aurait-il pas en effet mieux soigné son dessin ? C’est une nouvelle difficulté, si l’on garde l’hypothèse d’un peintre de cour auteur de la série. Car étant sur place, pourquoi n’aurait-il pas pu lui-même retravaillé la toile ? Ou alors la logique d’atelier a-t-elle tout simplement prévalu avec un autre intervenant pour modifier un détail "comme un autre" d’une série à laquelle on n’accorde sur le moment aucune forme de distinction particulière ? Ou bien encore, est-ce un indice pour soutenir l’idée que le peintre était bien de passage et déjà « reparti » dès 1767 ?
L’étude des miniatures de la collection impériale fournit d’autres exemples de reprises légères pour des princesses différentes, représentées strictement dans les mêmes poses et avec les mêmes vêtements. Les deux inventaires de référence datent de 1905 et de 1999. Les changements sont nombreux entre les deux parutions, sans pour autant que la valse des étiquettes soit toujours convaincante pour les personnages que nous connaissons le mieux (ainsi la miniature faite à partir du portrait de Ducreux est-t-elle attribuée en 1999 à Marie-Elisabeth, après l’avoir été à Marie-Caroline en 1905…La pauvre Madame-Clotilde, dans une réplique du pastel de Ducreux, n’est plus qu’une quelconque « dame française » …). Bref tout cela suggère une grande imprécision des archives impériales. A noter que la miniature faite à partir du 6ème tableau de la série des archiduchesses, dans sa version Josèphe, est affichée au tableau de 1905 comme étant Marie-Antoinette et le reste en 1999, comme d’ailleurs sur la version en ligne en 2020…
Modifier un portrait pour lui donner le visage d’un autre membre de la famille est une pratique qui semble tout à fait admise, voire courante, et qui ne choque apparemment personne à la Cour de Vienne. On observe encore ces bonnes manières dans les années 1770 avec le peintre Pencini, envoyé à Paris par l’impératrice pour y passer une année. Le séjour de Pencini est documenté dans la correspondance de Mercy, qui nous apprend que le peintre a fait deux portraits de Marie-Antoinette entre août 1773 et avril 1774. Vuaflart et Bourin reproduisent celui des deux qu’ils ont retrouvé à Vienne dans le deuxième volume de leur iconographie de Marie-Antoinette (planche XXXI ; voir aussi Vinck 5591 dans Gallica). Le petit tableau n’est pas signé, il est bien inventorié au KHM sous le nom de Marie-Antoinette, et Vienne l’a d’ailleurs prêté pour l’exposition « Marie-Antoinette et son temps » en 1894. Mais le plus curieux, c’est qu’il reprend presque trait pour trait, dans un plan plus resserré, un modèle viennois daté « autour de 1765 » (dixit le KHM), sans attribution particulière d’auteur. Incroyable ! Comment est- ce possible que le peintre ait choisi un « modèle » vieux de presque 10 ans, sans correspondance avec les vêtements portés à Versailles (lisez ce que Marie-Jeanne nous a indiqué sur l’usage de la mantille à la Cour de France) ou la coiffure (si peu à la mode en ce mois d’avril 1774 à Versailles, où l’on nous dit que le portrait a été fait…)? A noter que nos deux chercheurs ne font pas allusion à un modèle qui aurait pu inspirer Pencini, ils ne connaissaient sans doute pas cette toile de 1765. Seraient-ils alors revenus sur leur attribution, que pourtant le KHM confirme toujours aujourd’hui ? A noter encore la description que donne du tableau le catalogue de l’exposition de 1894 au numéro 101. Elle vaut par sa grande précision : « Portrait de Marie-Antoinette jeune (buste). La princesse porte une robe bleue et les cheveux relevés ».
Au fait, vous avez compris – je pense – qui était représentée sur ce portrait ?
Je vous le donne en mille, c’est bien sûr Josèphe…
Y aurait-il une deuxième énigme ? Ce couple d’archiduchesses est décidément un véritable cauchemar…
Nous connaissons déjà ce tableau par la reproduction qu’en donne le catalogue du tricentenaire de Marie-Thérèse et que notre ami Leos a postée en 2017 :
A gauche, Marie-Josèphe archiduchesse, vers 1765, 67x54cm, peintre de Cour anonyme, Garde-meuble national, Vienne
A droite, Marie-Antoinette dauphine, avril 1774, 49,5x30,0cm, Antonio Pencini (attr.), Musée d’Art et d’Histoire (KHM), Vienne
Et puisqu’aujourd’hui c’est fête à Strasbourg, le voici en couleurs ce tableau (supposé) de Marie-Antoinette en avril 1774 ! Je vous fais remarquer que c’est le sixième inédit de la série, je ne me moque pas de vous…
7 -
Faisons et refaisons donc des comparaisons en jouant avec les images disponibles…
Personnellement, j’ai beaucoup moins de mal à insérer le tableau de Schönbrunn dans l’iconographie de Marie-Antoinette que dans celle de Marie-Josèphe.
A vrai dire, je n’ai aucun mal du tout et je vais vous montrer pourquoi.
Comme à mon habitude, je me suis amusé à tourner tous les portraits de ma sélection dans le même sens pour faciliter les comparaisons.
Voyons d’abord Josèphe (à noter qu’aucun portrait n’est ici retourné) :
Le visage de Josèphe est allongé dès l’enfance, c’est une constante pour tous les portraits de cette princesse à la mine le plus souvent tristounette. Dans un tel corpus, la version du 6ème tableau des archiduchesses à l’ovale si différent peut surprendre, vous ne trouvez pas ?
De gauche à droite, de haut en bas, détail du visage de Marie-Josèphe sur les œuvres suivantes :
miniature de Johann Christian von Reisperger, 1760 (9,8x12,0cm), Chancellerie de la Présidence, Hofburg de Vienne
huile sur toile d’Aleksey Petrovitch Antropov, 1758 (92x72cm), Galerie nationale Tretyakov, Moscou
huile sur toile de Meytens ou atelier, 1765 (202x196cm), Schönbrunn, Vienne
huile sur toile de Pierre Benevault des Mares, vers 1765 (164x246cm), Hofburg, Innsbruck
huile sur toile de Meytens, vers 1765, Hofburg, Innsbruck
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1765 (67x54cm), Garde-Meuble national, Vienne
huile sur toile de Francesco Liani, vers 1767, Musée de Caserte
huile sur toile d’Anton Raphaël Mengs, vers 1767 (98x128cm), Musée du Prado, Madrid
huile sur toile des ateliers impériaux, vers 1771-1773 (80,5x61,0cm), Couvent des Elisabéthaines, Klagenfurt
huile sur toile du Maître des archiduchesses, vers 1767-1768 (73,5x91,5cm), Schönbrunn, Vienne
… puis Marie-Antoinette (les images 5, 7, 9 et 10 sont inversées, en partant du haut à gauche) :
Au contraire, Marie-Antoinette offre un visage où l’ovale ne s’impose que plus tard, au début de l’adolescence (elle a 13 ans et demi sur le fameux pastel de Ducreux, et l’ovale continuera à s’affirmer encore avec les premières années à Versailles. Voyez par exemple le tableau de Pencini ci-dessus).
De gauche à droite, de haut en bas, détail du visage de Marie-Antoinette sur les œuvres suivantes :
sanguine et pierre noire de Jean-Etienne Liotard, 1762 (31,1x24,9cm), Musée d’Art et d’Histoire, Genève
huile sur toile de Pierre Benevault des Mares, vers 1765 (164x246cm), Hofburg, Innsbruck
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1762, Schönbrunn, Vienne
huile sur toile de Meytens ou atelier, 1765 (202x196cm), Schönbrunn, Vienne
miniature sur ivoire d’Eusebius Alphen, vers 1767 (8,5x6,3cm), Chancellerie de la Présidence, Hofburg de Vienne
huile sur toile de Meytens, vers 1765 (226x151cm), Musée d’Art et d’Histoire (KHM), Vienne
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1768 (70x100cm), Musée de Svätom Antone
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1771-1773 (80x61cm), Couvent des Elisabéthaines, Klagenfurt
pastel sur parchemin de Joseph Ducreux, 1769 (64,8x49,5cm), Musées de Versailles et de Trianon
huile sur toile du Maître des archiduchesses, vers 1767-1768 (73,5x91,5cm), Schönbrunn, Vienne
… et plus particulièrement ces trois-là, en 1762, 1765 et 1768 (hypothèse):
Cette forme de visage à l’ovale en devenir, nous la retrouvons à quelques années de distance, presque à l’identique, dans une toile de famille due à Meytens et/ou son atelier vers 1765. Même forme et mêmes lignes, avec ce « décrochement » caractéristique de la mâchoire. Le visage de Marie-Antoinette plus jeune, tout à gauche, vers 1762 (anonyme, Schönbrunn), montre aussi la même forme de visage et une expression générale déjà très proche.
Pour moi, ça fonctionne, en ce sens que le portrait de Josèphe, tel qu’il a été repris pour Marie-Antoinette est conforme à son iconographie d’enfant et de toute jeune fille et c’est probablement ce que le retoucheur a voulu figurer. Et c’est bien parce que le portrait est modifié dans le sens de l’enfance qu’il faut donc préférer la date de 1768 pour sa transformation.
Ce ne sont pas des preuves, tout au plus des indices. Par ailleurs, comme je soutiens l’idée que le 6ème portrait est un visage transformé, je ne m’attends pas non plus à y trouver la meilleure ressemblance pour Marie-Antoinette. Mais ces indices viennent conforter une intime conviction et me semblent apporter une justification de plus aux interrogations que j’ai formulées…
8 -
Je n’ai pas d’explication à cette incohérence que vous soulignez à Innsbruck.
Je bloque, tu bloques, il bloque, et je pense que nous allons continuer à bloquer un certain temps…
Ceci dit, ce méchant tableau nous donne un indice de taille, avec la preuve – qu’elle qu’en soit la raison – d’une transformation effective de la toile de Schönbrunn entre le moment où elle est prise comme modèle pour la Salle des Gardes / Klagenfurt et ensuite pour Innsbruck. Que la Kinderzimmer nous montre Marie-Josèphe ou Marie-Antoinette, ce simple constat me semble valider le fait que la toile a bien été modifiée. Dans quel but a-t-on alors modifié cette toile ?
C’était bien la question posée, la question que Schönbrunn élude et qui appelle encore bien des clarifications…
A ce stade, si vous ne deviez retenir qu’une chose, que ce soit donc ceci :
portrait de l’archiduchesse Marie-Josèphe, modifié vraisemblablement dès 1768 pour représenter sa sœur Marie-Antoinette et compléter la série des archiduchesses
peintre inconnu, dit « Maître des Archiduchesses », vers 1767-1769
huile sur toile, 73,5x91,5cm
Vienne, Château de Schönbrunn (Salle des Enfants, Kinderzimmer)
Photo KHM Vienne
Voilà, cette fois c’est vraiment fini !
Cette réflexion a progressé au fil des épisodes et durant tout le mois d’avril, d’où sa forme un peu heurtée parfois. Comme le peintre, j’ai fait des retouches et il y a des repentirs, le texte n’était pas rédigé d’avance ! Mais une version de synthèse sera désormais beaucoup plus facile à écrire. Merci donc à Mme de Sabran d’avoir donné l’impulsion à cette première rédaction de l’enquête !
Et maintenant, dans l’attente des prochains rebondissements, je crois qu’il est sage de laisser reposer quelque temps cette question si capitale, qu’elle intéresse tout au plus doute une dizaine de personnes au monde, dont la moitié sur ce Forum…
Saison 1, épisode 8
Les bonus !
Toute série qui se respecte ayant ses bonus, je me conforme aux usages!
Et je choisis ce 7 mai 2020 pour vous les communiquer, car c'est aujourd'hui le jour anniversaire de l’arrivée de Marie-Antoinette en France, à Strasbourg, il y a très exactement deux-cent cinquante ans…
A quoi ressemblait Madame la Dauphine ce jour-là ?
C’est le dernier message de La nuit, la neige qui me sert de fil conducteur.
Je vous préviens d’avance, c’est long, même très long…
1 -
Merci à vous de m’avoir suivi tout au long de ces épisodes ! Une petite étude initiée en 2016 après la publication du catalogue de Klagenfurt a servi de point de départ… Si la conclusion reste la même, je l’exprime de façon plus nuancée, ce petit exercice de rédaction m’ayant permis d’approfondir ma réflexion, jusque dans cet épisode de bonus.La nuit, la neige a écrit:Un grand merci, cher Bonnefoy, pour cette étude détaillée des portraits des deux archiduchesses.
Car enfin, quelle que soit l’hypothèse retenue, il y a décidément toujours quelque chose qui cloche dans ce dossier pour qu’on puisse affirmer avec une absolue évidence que c’est l’une ou bien l’autre des deux sœurs. Je l’ai déjà écrit, c’est la certitude affichée à Schönbrunn qui me pose problème, comme le manque apparent d’intérêt pour une série qui pourtant se distingue de la production dynastique habituelle à la cour de Marie-Thérèse. Liotard a peint les archiduchesses (toutes !) et Ducreux le fera aussi après ce mystérieux « Maître des archiduchesses ». Pour ces séries dévolues à un seul artiste, nous avons beaucoup d’informations, mais le plus grand mystère continue d’entourer ce « Maître des archiduchesses ». Quel étrange anonymat tout de même, quand ce peintre avait toutes les raisons de se prévaloir d’une vraie réussite ! Parmi les premières questions à se poser, il serait intéressant de savoir à quel moment apparaît le vocable de « Maitre des archiduchesses », qui indique par lui-même que l’on distingue bien cette série des productions plus « ordinaires » sorties des ateliers de la Cour de Vienne.
2 -
Une confirmation par les archives, les comptes ou les correspondances permettrait de connaître les circonstances exactes de la commande et de répondre à cette question. Les dates sont ici importantes, comme vous le soulignez aussi plus bas.La nuit, la neige a écrit:L'hypothèse selon laquelle l'un des portraits de Marie-Josèphe aurait été retouché pour devenir celui de Marie-Antoinette est séduisante.
Elle expliquerait que le 7ème portrait (celui présumé de Marie-Antoinette) n'est pas manquant.
En 1765-1766, elle pourrait n’avoir concerné que les seules filles de Marie-Thérèse devenues adultes, ou ayant l’âge de se marier. Il serait alors encore admissible de ne pas y trouver Marie-Antoinette. Mais si la commande est passée en 1767, alors que se dessine son destin français, l’absence de Marie-Antoinette ne se comprend plus. Et alors, cher LNLN, je vous passe le relais pour retrouver ce fameux septième tableau (j’ai déjà assez à faire sur la piste de Millitz…) !
Un septième tableau n’est pas à exclure par principe, le décès d’une princesse ou d’un prince en âge de se marier ne les excluant pas nécessairement d’un programme dynastique. Nous le constatons dans la Salle des Géants d’Innsbruck où Jeanne-Gabrielle et Marie-Josèphe se font face, alors que Charles-Joseph, mort lui aussi à 16 ans, prend également toute sa place. Si on a traficoté un portrait de Josèphe pour en faire Marie-Antoinette, plutôt que de passer commande d’un septième portrait, c’est ou bien par mesure de basse économie, ou bien parce que le mystérieux peintre n’était plus sur place ou qu’il avait disparu. Ce dernier point expliquerait par ailleurs que le traficotage en question soit plus vraisemblablement attribuable à un peintre ordinaire de l’atelier plutôt qu’au Maître lui-même, nous y reviendrons.
3 -
C’était ma première idée, celle que j’exprime encore dans l’épisode consacré à Klagenfurt, où je m’interroge sur la raison qui a fait copier le tableau « en reine de Naples » de la Salle des Gardes et non celui qui nous occupe. Retenir cette idée, c’était avancer l’hypothèse que le modèle était alors déjà modifié, ce dont le copiste avait manifestement connaissance.La nuit, la neige a écrit:Mais en ce cas, personnellement, j'avancerais encore plus tôt que vous ne le faîtes cette " retouche " (vous dîtes vers 1770).
Peut-être 1768, dès après la mot de Marie-Josèphe ? Par économie, en somme.
Mon hésitation pour cette thèse tenait d’abord à l’âge de la jeune fille. Courant 1768, Marie-Antoinette n’a que 12 ans et le tableau montre – me semblait-il – plutôt une adolescente de 14-15 ans. Ensuite, en 1768, Marie-Thérèse cherche en vain un bon portrait de Marie-Antoinette pour l’envoyer à Versailles. Elle aurait pu choisir celui-ci, s’il représentait déjà Marie-Antoinette, ou une copie du même. Or, elle n’en fait rien. Vuaflart et Bourin ont suggéré que les qualités un peu trop brillantes de ce tableau avaient pu l’écarter, car il était plus susceptible de flatter un roi « aimant les plaisirs et la société des femmes » que de plaire à un dauphin « au caractère indolent et timoré (…) dont il risquait d’alarmer l’excessive timidité » (Les portraits de Marie-Antoinette, Tome 1, L’archiduchesse, page 27). Une autre explication, peut-être moins alambiquée, serait tout simplement que le portrait avait été créé pour Josèphe et que, déjà reproduit sous diverses formes et donc connu, il n’avait pas le caractère d’exclusivité que le roi de France était en droit d’attendre…
Même sans le projet d’un envoi ou d’une copie pour Versailles, le tableau peut donc très bien avoir été modifié dès 1768. Un nouvel examen des images de l’enfance de Marie-Antoinette, que je vous expose plus bas, me fait revenir à cette première date, même si l’une et l’autre restent compatibles avec mon hypothèse de transformation du 6ème tableau.
Va donc pour 1768, plutôt que 1770 ou après…
4 -
Eh bien voyez-vous, je n’explique absolument pas l’absence de Marie-Antoinette d’un tel programme au moment où il s’achève, même si c’est en 1767, à, plus forte raison si c’est après… Retrouverons-nous un jour l’ordre exact passé pour cette commande, et donc enfin les bonnes dates ?La nuit, la neige a écrit:Sinon comment expliquer que le portrait de Marie-Antoinette manquerait à la série (achevée, dites-vous vers 1768) ? Sauf à dire qu'elle ne faisait pas partie de la commande initiale. Car trop jeune ?
Il a été suggéré que le mystérieux peintre aurait pu être de passage. Si c’est le cas, il lui était en effet impossible de peindre le portrait de la future reine de France, une fois celui-ci devenu indispensable pour compléter et couronner la série. Les fourchettes données pour la livraison de la commande vont de 2 à 3 ans, ce qui est bien vague et surtout trop long (!) pour 6 ou 7 toiles. A plus forte raison si le peintre est de passage…
A vrai dire, je crois peu à cette idée d’un artiste en itinérance. Quelle excessive modestie faudrait-il en effet lui reconnaître pour n’avoir jamais par la suite revendiqué cette commande impériale, qui ne pouvait que contribuer à favoriser sa carrière ! Je pencherais plutôt pour un des peintres des ateliers de la Cour d’Autriche, à qui une formation peut-être plus internationale que celle de ses confrères avait donné cette manière souple et aimable qui n’est pas la caractéristique principale des Meytens & Co... Dans un cadre d’atelier, il n’avait évidemment aucune vocation à sortir de l’anonymat. Cela ne veut pas dire qu’il soit impossible à retrouver, il doit bien exister à Vienne l’équivalent de nos Bâtiments du Roi et leurs comptes détaillés, avec des noms et des informations sur les gages perçus… En l’absence d’autres informations, je privilégie donc l’idée d’un praticien de Cour, quelque peu en avance sur les codes de représentation habituels de l’atelier impérial.
5 -
Il s’agissait à mon sens de garder en Autriche le souvenir d’une princesse qui n’y était plus. La décision pourrait correspondre au souhait de Marie-Thérèse de donner un accrochage spécifique aux tableaux de ses 6 filles encore en vie. Une connaissance plus générale de tous les programmes dynastiques exécutés entre 1765-1775 permettrait de mieux comprendre la place occupée par les 6 toiles du Maître des archiduchesses et leur éventuelle spécificité.La nuit, la neige a écrit:Pour quelle raison aurait-on repris, encore plus tard, le visage d'une archiduchesse si ce portrait n'était pas destiné à quitter l'Autriche ?
Je pense qu’en 1768, la priorité reste au mariage de Caroline, à la préparation de celui de Marie-Antoinette et aux représentations de ces deux archiduchesses. Josèphe, comme Gabrielle avant elle, est vite oubliée et, dès la semaine suivant sa mort (je l’ai lu mais n’ai pas pu rechercher la source), Marie-Thérèse a résolu de marier Caroline à Ferdinand de Naples en avril 1768. Le tableau de Josèphe dans la salle des Gardes pourrait d’ailleurs nous donner un indice supplémentaire. On peut penser qu’il a été voulu pour garder en Autriche le souvenir de celle qui venait de mourir au moment de monter sur le trône de Naples. La date de 1767 semble alors la plus juste, je conçois mal en effet qu’on puisse l’avoir peint en 1768 - et avec de tels attributs - alors que c’est Caroline qui se marie à Ferdinand et s’installe à Naples cette année-là. Si 1767 est la bonne date, cela laisse le champ libre dès 1768 pour une modification de l’original en Marie-Antoinette, puisque les traits de Josèphe étaient déjà sauvegardés par ailleurs… C’est l’hypothèse retenue un peu plus haut.
Si j’ai la patience de lire un jour le journal du prince de Khevenhüller, je ne désespère pas y trouver quelques informations utiles, ne serait-ce qu’au détour d’une phrase. Mais c’est beaucoup d’allemand à lire en perspective…
6 -
Une analyse scientifique est ici indispensable. Elle est facile à envisager, et c’est peut-être l’objectif de cette réflexion, une fois concentrée sur l’essentiel et reformulée, que d’en démontrer la nécessité.La nuit, la neige a écrit:Cependant pourquoi une reprise si " légère ", si peu convaincante ?
A défaut, l’étude sur image à laquelle je me suis livré avant de vous répondre me permet de préciser ce que je vois dans cette transformation a minima. En regardant attentivement, on voit bien où les modifications ont été faites. A ce tableau si charmant, il est difficile de donner le premier prix de dessin pour le visage. C’est un peu bâclé… et en tout cas le modelé est beaucoup moins pur et régulier que pour les autres visages de la série. Tout semble indiquer que l’ovale de départ, tel que nous le voyons encore dans la Salle des Gardes et à Klagenfurt, a été repris avec l’idée de redonner un peu d’enfance à ce visage qui était déjà celui d’une jeune fille. Le rapport entre la hauteur et la largeur du visage n’est plus le même entre les toiles de la Kinderzimmer et de Klagenfurt, alors qu’il est rigoureusement identique entre la Salle des Gardes et Klagenfurt. Sur le visage modifié, les joues sont plus remplies ; le dessin de la mâchoire ne fusionne pas dans l’ovale et il reste bien visible ; la bouche est également descendue, les proportions du bas du visage sont modifiées et le menton est comme écrasé. L’idée d’une reprise d’un tableau de Josèphe plutôt qu’un portrait initial avec Marie-Antoinette pour modèle naît du constat de ces imperfections qui n’existent pas ailleurs dans la série.
A gauche le 6ème portrait de la Kinderzimmer, à droite Marie-Josèphe à Klagenfurt.
Détails des mêmes ci-dessous (Klagenfurt est à gauche) :
un ovale qui n’en garde plus que le nom à Innsbruck (Marie-Josèphe, à gauche) ou dans la Collection Bourgoing (Marie-Antoinette, à droite). Et on n’insistera pas non plus sur ces vilains yeux…
Tous ces constats sont encore amplifiés si l’on regarde les toiles de la Collection Bourgoing (Marie-Antoinette) et d’Innsbruck (Marie-Josèphe), qui toutes les deux « confinent à la laideur » …
La première observation, c’est que le rajeunissement du modèle plaide pour une modification rapide du tableau après la mort de Marie-Josèphe. Marie-Antoinette est une enfant, l’ovale du visage n’est pas encore ce qu’il deviendra et la forme de ce visage modifié est tout à fait compatible avec l’iconographie des année 1762-1767. Elle est même frappante pour certains exemples, nous le verrons. Ce n’est qu’avec Ducreux en 1769 que l’ovale s’affirme pour devenir ensuite la règle. C’est la raison pour laquelle, je préfère revenir à l’année 1768, comme je l’ai déjà indiqué par deux fois dans ce « bonus », ce qui veut dire que le peintre peut aussi avoir fait poser Marie-Antoinette et qu’il n’est pas dit qu’il se soit uniquement inspiré de portraits existants.
La deuxième observation, en raison même des maladresses de la modification, c’est qu’il est difficile d’y revoir la main de notre très capable Maître des archiduchesses. S’il était intervenu lui-même, n’aurait-il pas en effet mieux soigné son dessin ? C’est une nouvelle difficulté, si l’on garde l’hypothèse d’un peintre de cour auteur de la série. Car étant sur place, pourquoi n’aurait-il pas pu lui-même retravaillé la toile ? Ou alors la logique d’atelier a-t-elle tout simplement prévalu avec un autre intervenant pour modifier un détail "comme un autre" d’une série à laquelle on n’accorde sur le moment aucune forme de distinction particulière ? Ou bien encore, est-ce un indice pour soutenir l’idée que le peintre était bien de passage et déjà « reparti » dès 1767 ?
L’étude des miniatures de la collection impériale fournit d’autres exemples de reprises légères pour des princesses différentes, représentées strictement dans les mêmes poses et avec les mêmes vêtements. Les deux inventaires de référence datent de 1905 et de 1999. Les changements sont nombreux entre les deux parutions, sans pour autant que la valse des étiquettes soit toujours convaincante pour les personnages que nous connaissons le mieux (ainsi la miniature faite à partir du portrait de Ducreux est-t-elle attribuée en 1999 à Marie-Elisabeth, après l’avoir été à Marie-Caroline en 1905…La pauvre Madame-Clotilde, dans une réplique du pastel de Ducreux, n’est plus qu’une quelconque « dame française » …). Bref tout cela suggère une grande imprécision des archives impériales. A noter que la miniature faite à partir du 6ème tableau de la série des archiduchesses, dans sa version Josèphe, est affichée au tableau de 1905 comme étant Marie-Antoinette et le reste en 1999, comme d’ailleurs sur la version en ligne en 2020…
Modifier un portrait pour lui donner le visage d’un autre membre de la famille est une pratique qui semble tout à fait admise, voire courante, et qui ne choque apparemment personne à la Cour de Vienne. On observe encore ces bonnes manières dans les années 1770 avec le peintre Pencini, envoyé à Paris par l’impératrice pour y passer une année. Le séjour de Pencini est documenté dans la correspondance de Mercy, qui nous apprend que le peintre a fait deux portraits de Marie-Antoinette entre août 1773 et avril 1774. Vuaflart et Bourin reproduisent celui des deux qu’ils ont retrouvé à Vienne dans le deuxième volume de leur iconographie de Marie-Antoinette (planche XXXI ; voir aussi Vinck 5591 dans Gallica). Le petit tableau n’est pas signé, il est bien inventorié au KHM sous le nom de Marie-Antoinette, et Vienne l’a d’ailleurs prêté pour l’exposition « Marie-Antoinette et son temps » en 1894. Mais le plus curieux, c’est qu’il reprend presque trait pour trait, dans un plan plus resserré, un modèle viennois daté « autour de 1765 » (dixit le KHM), sans attribution particulière d’auteur. Incroyable ! Comment est- ce possible que le peintre ait choisi un « modèle » vieux de presque 10 ans, sans correspondance avec les vêtements portés à Versailles (lisez ce que Marie-Jeanne nous a indiqué sur l’usage de la mantille à la Cour de France) ou la coiffure (si peu à la mode en ce mois d’avril 1774 à Versailles, où l’on nous dit que le portrait a été fait…)? A noter que nos deux chercheurs ne font pas allusion à un modèle qui aurait pu inspirer Pencini, ils ne connaissaient sans doute pas cette toile de 1765. Seraient-ils alors revenus sur leur attribution, que pourtant le KHM confirme toujours aujourd’hui ? A noter encore la description que donne du tableau le catalogue de l’exposition de 1894 au numéro 101. Elle vaut par sa grande précision : « Portrait de Marie-Antoinette jeune (buste). La princesse porte une robe bleue et les cheveux relevés ».
Au fait, vous avez compris – je pense – qui était représentée sur ce portrait ?
Je vous le donne en mille, c’est bien sûr Josèphe…
Y aurait-il une deuxième énigme ? Ce couple d’archiduchesses est décidément un véritable cauchemar…
Nous connaissons déjà ce tableau par la reproduction qu’en donne le catalogue du tricentenaire de Marie-Thérèse et que notre ami Leos a postée en 2017 :
A gauche, Marie-Josèphe archiduchesse, vers 1765, 67x54cm, peintre de Cour anonyme, Garde-meuble national, Vienne
A droite, Marie-Antoinette dauphine, avril 1774, 49,5x30,0cm, Antonio Pencini (attr.), Musée d’Art et d’Histoire (KHM), Vienne
Et puisqu’aujourd’hui c’est fête à Strasbourg, le voici en couleurs ce tableau (supposé) de Marie-Antoinette en avril 1774 ! Je vous fais remarquer que c’est le sixième inédit de la série, je ne me moque pas de vous…
7 -
C’est évidemment un vaste sujet où la subjectivité de chacun tient la plus grande place. A ce jeu-là, on peut facilement s’arracher les cheveux avec bien des modèles (Le Forum s’est apparemment bien amusé en étudiant par exemple l’iconographie de la chère princesse de Lamballe ! Pas vraiment évident non plus…).La nuit, la neige a écrit:Car il faut bien le dire : la jeune fille de ce portrait ressemble davantage aux autres portraits de Marie-Josèphe qu'à ceux de Marie-Antoinette.
Faisons et refaisons donc des comparaisons en jouant avec les images disponibles…
Personnellement, j’ai beaucoup moins de mal à insérer le tableau de Schönbrunn dans l’iconographie de Marie-Antoinette que dans celle de Marie-Josèphe.
A vrai dire, je n’ai aucun mal du tout et je vais vous montrer pourquoi.
Comme à mon habitude, je me suis amusé à tourner tous les portraits de ma sélection dans le même sens pour faciliter les comparaisons.
Voyons d’abord Josèphe (à noter qu’aucun portrait n’est ici retourné) :
Le visage de Josèphe est allongé dès l’enfance, c’est une constante pour tous les portraits de cette princesse à la mine le plus souvent tristounette. Dans un tel corpus, la version du 6ème tableau des archiduchesses à l’ovale si différent peut surprendre, vous ne trouvez pas ?
De gauche à droite, de haut en bas, détail du visage de Marie-Josèphe sur les œuvres suivantes :
miniature de Johann Christian von Reisperger, 1760 (9,8x12,0cm), Chancellerie de la Présidence, Hofburg de Vienne
huile sur toile d’Aleksey Petrovitch Antropov, 1758 (92x72cm), Galerie nationale Tretyakov, Moscou
huile sur toile de Meytens ou atelier, 1765 (202x196cm), Schönbrunn, Vienne
huile sur toile de Pierre Benevault des Mares, vers 1765 (164x246cm), Hofburg, Innsbruck
huile sur toile de Meytens, vers 1765, Hofburg, Innsbruck
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1765 (67x54cm), Garde-Meuble national, Vienne
huile sur toile de Francesco Liani, vers 1767, Musée de Caserte
huile sur toile d’Anton Raphaël Mengs, vers 1767 (98x128cm), Musée du Prado, Madrid
huile sur toile des ateliers impériaux, vers 1771-1773 (80,5x61,0cm), Couvent des Elisabéthaines, Klagenfurt
huile sur toile du Maître des archiduchesses, vers 1767-1768 (73,5x91,5cm), Schönbrunn, Vienne
… puis Marie-Antoinette (les images 5, 7, 9 et 10 sont inversées, en partant du haut à gauche) :
Au contraire, Marie-Antoinette offre un visage où l’ovale ne s’impose que plus tard, au début de l’adolescence (elle a 13 ans et demi sur le fameux pastel de Ducreux, et l’ovale continuera à s’affirmer encore avec les premières années à Versailles. Voyez par exemple le tableau de Pencini ci-dessus).
De gauche à droite, de haut en bas, détail du visage de Marie-Antoinette sur les œuvres suivantes :
sanguine et pierre noire de Jean-Etienne Liotard, 1762 (31,1x24,9cm), Musée d’Art et d’Histoire, Genève
huile sur toile de Pierre Benevault des Mares, vers 1765 (164x246cm), Hofburg, Innsbruck
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1762, Schönbrunn, Vienne
huile sur toile de Meytens ou atelier, 1765 (202x196cm), Schönbrunn, Vienne
miniature sur ivoire d’Eusebius Alphen, vers 1767 (8,5x6,3cm), Chancellerie de la Présidence, Hofburg de Vienne
huile sur toile de Meytens, vers 1765 (226x151cm), Musée d’Art et d’Histoire (KHM), Vienne
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1768 (70x100cm), Musée de Svätom Antone
huile sur toile d’un peintre de Cour anonyme, vers 1771-1773 (80x61cm), Couvent des Elisabéthaines, Klagenfurt
pastel sur parchemin de Joseph Ducreux, 1769 (64,8x49,5cm), Musées de Versailles et de Trianon
huile sur toile du Maître des archiduchesses, vers 1767-1768 (73,5x91,5cm), Schönbrunn, Vienne
… et plus particulièrement ces trois-là, en 1762, 1765 et 1768 (hypothèse):
Cette forme de visage à l’ovale en devenir, nous la retrouvons à quelques années de distance, presque à l’identique, dans une toile de famille due à Meytens et/ou son atelier vers 1765. Même forme et mêmes lignes, avec ce « décrochement » caractéristique de la mâchoire. Le visage de Marie-Antoinette plus jeune, tout à gauche, vers 1762 (anonyme, Schönbrunn), montre aussi la même forme de visage et une expression générale déjà très proche.
Pour moi, ça fonctionne, en ce sens que le portrait de Josèphe, tel qu’il a été repris pour Marie-Antoinette est conforme à son iconographie d’enfant et de toute jeune fille et c’est probablement ce que le retoucheur a voulu figurer. Et c’est bien parce que le portrait est modifié dans le sens de l’enfance qu’il faut donc préférer la date de 1768 pour sa transformation.
Ce ne sont pas des preuves, tout au plus des indices. Par ailleurs, comme je soutiens l’idée que le 6ème portrait est un visage transformé, je ne m’attends pas non plus à y trouver la meilleure ressemblance pour Marie-Antoinette. Mais ces indices viennent conforter une intime conviction et me semblent apporter une justification de plus aux interrogations que j’ai formulées…
8 -
Oui, c’est un os, et de taille ! Mais c’est un os pour tout le monde, que l’on reconnaisse à Schönbrunn Marie-Antoinette ou Marie-Josèphe. Si c’est Marie-Antoinette, pourquoi son visage est-il utilisé pour Josèphe ? Si c’est Josèphe, pourquoi est-elle si différente sur la toile dans la collection de Marie-Anne à Klagenfurt alors que les peintres travaillent à partir d’un même modèle et – vous le rappelez – presque dans le même temps ? Il ne s’agit pas simplement ici d’une éventuelle différence de moyens entre les deux copistes. Ils ne reproduisent tout simplement pas la même chose, tout en nous disant qu’il s’agit de la même personne !La nuit, la neige a écrit:Aussi, j'avoue que " ça bloque " pour le grand portrait d'Innsbruck.
Je ne comprends pas vraiment pourquoi son peintre serait aller chercher l'inspiration dans un portait " traficoté " de l'archiduchesse ? Si tel avait été le cas, comment l'aurait-il ignoré, à peine quelques mois ou années après ?
N'y avait-il décidément plus aucune autre représentation de l'archiduchesse de laquelle il pouvait s'inspirer pour réaliser un portrait architecturale de cette taille ?
Je n’ai pas d’explication à cette incohérence que vous soulignez à Innsbruck.
Je bloque, tu bloques, il bloque, et je pense que nous allons continuer à bloquer un certain temps…
Ceci dit, ce méchant tableau nous donne un indice de taille, avec la preuve – qu’elle qu’en soit la raison – d’une transformation effective de la toile de Schönbrunn entre le moment où elle est prise comme modèle pour la Salle des Gardes / Klagenfurt et ensuite pour Innsbruck. Que la Kinderzimmer nous montre Marie-Josèphe ou Marie-Antoinette, ce simple constat me semble valider le fait que la toile a bien été modifiée. Dans quel but a-t-on alors modifié cette toile ?
C’était bien la question posée, la question que Schönbrunn élude et qui appelle encore bien des clarifications…
A ce stade, si vous ne deviez retenir qu’une chose, que ce soit donc ceci :
portrait de l’archiduchesse Marie-Josèphe, modifié vraisemblablement dès 1768 pour représenter sa sœur Marie-Antoinette et compléter la série des archiduchesses
peintre inconnu, dit « Maître des Archiduchesses », vers 1767-1769
huile sur toile, 73,5x91,5cm
Vienne, Château de Schönbrunn (Salle des Enfants, Kinderzimmer)
Photo KHM Vienne
Voilà, cette fois c’est vraiment fini !
Cette réflexion a progressé au fil des épisodes et durant tout le mois d’avril, d’où sa forme un peu heurtée parfois. Comme le peintre, j’ai fait des retouches et il y a des repentirs, le texte n’était pas rédigé d’avance ! Mais une version de synthèse sera désormais beaucoup plus facile à écrire. Merci donc à Mme de Sabran d’avoir donné l’impulsion à cette première rédaction de l’enquête !
Et maintenant, dans l’attente des prochains rebondissements, je crois qu’il est sage de laisser reposer quelque temps cette question si capitale, qu’elle intéresse tout au plus doute une dizaine de personnes au monde, dont la moitié sur ce Forum…
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Quel casse-tête en effet !
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Merci, cher Bonnefoy, pour ce Bonus dont la rédaction vous a mené aussi tard dans la nuit .
Avez-vous fait des cauchemars ensuite ?!
Il y a indubitablement une cohérence dans l'écheveau inextricable de tous vos raisonnements, cependant je peine toujours à admettre ( ou disons " comprendre " ) les raisons de ce traficotage de Josephe pour obtenir Marie-Antoinette .
Par mesure d'économie me paraît tellement petit, mesquin, presque sordide, de la part de l'Impératrice d'Autriche . Marie-Thérèse passait son temps à commander quantités de tableaux commémoratifs, alors un de plus un de moins, franchement ! pourquoi mégoter subitement comme une smicarde ?!
Et puis affectivement ! Effacer ainsi Josephe fraîchement disparue d'une série de portraits officiels, comme si elle n'avait jamais existé ? L'idée me choque profondément.
J'étais loin d'imaginer alors dans quelle galère nous embarquerions tous avec vous !
Je vous remercie mille fois d'avoir accéder à mon désir .
Avez-vous fait des cauchemars ensuite ?!
Il y a indubitablement une cohérence dans l'écheveau inextricable de tous vos raisonnements, cependant je peine toujours à admettre ( ou disons " comprendre " ) les raisons de ce traficotage de Josephe pour obtenir Marie-Antoinette .
Par mesure d'économie me paraît tellement petit, mesquin, presque sordide, de la part de l'Impératrice d'Autriche . Marie-Thérèse passait son temps à commander quantités de tableaux commémoratifs, alors un de plus un de moins, franchement ! pourquoi mégoter subitement comme une smicarde ?!
Et puis affectivement ! Effacer ainsi Josephe fraîchement disparue d'une série de portraits officiels, comme si elle n'avait jamais existé ? L'idée me choque profondément.
Oui, ce soir de novembre inoubliable, à la Conciergerie ...Bonnefoy du Plan a écrit:Cette réflexion a progressé au fil des épisodes et durant tout le mois d’avril, d’où sa forme un peu heurtée parfois. Comme le peintre, j’ai fait des retouches et il y a des repentirs, le texte n’était pas rédigé d’avance ! Mais une version de synthèse sera désormais beaucoup plus facile à écrire. Merci donc à Mme de Sabran d’avoir donné l’impulsion à cette première rédaction de l’enquête !
J'étais loin d'imaginer alors dans quelle galère nous embarquerions tous avec vous !
Je vous remercie mille fois d'avoir accéder à mon désir .
Ah, tais-toi !Lucius a écrit:Quel casse-tête en effet !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55498
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Merci très cher Bonnefoy du Plan, j'ai gouté à votre prose comme un assoiffé à l'eau d'une fontaine.
Je trouve cette histoire de Maitre des Archiduchesse exaltante. C'est un peu comme le Maitre de Moulin ou celle encore du Maitre des cortèges. Un talent plus ou moins certain, un ou plusieurs "bénéficiaires" derrière cet acronyme, une foule de questions et d’énigmes sur ces maitres.
Je vous rejoins en ce qui concerne les peintres d'ateliers de la Cour de Vienne. De bons fonctionnaires, qui ne recherchent pas la gloire, ni la notoriété. Qui ne font que suivre des directives ou des ordres venus d'un supérieur.
Que l'on efface les visages de Josèphe me fait penser au nouveau pharaon s'empressant de détruire l'image de son prédécesseur. Pourquoi en aurait-il été différemment pour les peintres d'ateliers ? Je suppose que Marie-Thérèse avait autre chose à faire que de suivre pas à pas les croûtes produites par ses ateliers. Donc question, et si (supposition extraordinaire) les peintres d'ateliers avaient suivi les directives du chef à savoir de transformer le portrait d'une à l'autre par économie de moyen. L'impératrice commandant beaucoup de tableaux l'atelier ne suivait pas. Ainsi la question que je me pose est celle ci. L'impératrice commande le portrait de Marie Antoinette, le temps est court puisque vous nous dites qu'il a fallu entre deux ou trois ans pour réaliser la série. Taquinant un peu les pinceaux je sais le temps nécessaire, surtout à cette époque pour produire un tableau. Donc le temps manquant et l'archiduchesse ayant succombé l'on se sert d'un tableau déjà bien commencé pour finir en hâte ou pas la série.
C'était captivant et j'attends déjà la suite de vos recherches si intéressantes.
Je trouve cette histoire de Maitre des Archiduchesse exaltante. C'est un peu comme le Maitre de Moulin ou celle encore du Maitre des cortèges. Un talent plus ou moins certain, un ou plusieurs "bénéficiaires" derrière cet acronyme, une foule de questions et d’énigmes sur ces maitres.
Je vous rejoins en ce qui concerne les peintres d'ateliers de la Cour de Vienne. De bons fonctionnaires, qui ne recherchent pas la gloire, ni la notoriété. Qui ne font que suivre des directives ou des ordres venus d'un supérieur.
Que l'on efface les visages de Josèphe me fait penser au nouveau pharaon s'empressant de détruire l'image de son prédécesseur. Pourquoi en aurait-il été différemment pour les peintres d'ateliers ? Je suppose que Marie-Thérèse avait autre chose à faire que de suivre pas à pas les croûtes produites par ses ateliers. Donc question, et si (supposition extraordinaire) les peintres d'ateliers avaient suivi les directives du chef à savoir de transformer le portrait d'une à l'autre par économie de moyen. L'impératrice commandant beaucoup de tableaux l'atelier ne suivait pas. Ainsi la question que je me pose est celle ci. L'impératrice commande le portrait de Marie Antoinette, le temps est court puisque vous nous dites qu'il a fallu entre deux ou trois ans pour réaliser la série. Taquinant un peu les pinceaux je sais le temps nécessaire, surtout à cette époque pour produire un tableau. Donc le temps manquant et l'archiduchesse ayant succombé l'on se sert d'un tableau déjà bien commencé pour finir en hâte ou pas la série.
C'était captivant et j'attends déjà la suite de vos recherches si intéressantes.
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
BRAVO pour ce magistral travail surtout lorsqu'on voit l'heure de la rédaction, je pense que vous allez faire un gros dodo à la suite et vous reposer tout ce jour.
Alors bonne nuit !!!!même en plein jour !!!!!
MARIE ANTOINETTE
Alors bonne nuit !!!!même en plein jour !!!!!
MARIE ANTOINETTE
MARIE ANTOINETTE- Messages : 3729
Date d'inscription : 22/12/2013
Age : 78
Localisation : P A R I S
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
En parlant de portraits, j'ai toujours rêvé que l'on retrouve un jour un daguerréotype de Madame Royale. Il en existe peut-être dans la famille de Habsbourg aujourd'hui. Elle est décédée en 1851, et on a des clichés de Louis Philippe décédé en 1850...
AbbéTerray- Messages : 8
Date d'inscription : 06/05/2020
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Il me semble hélas cher abbé qu"il n'existe pas de cliché sur Madame Royale.
Venez faire votre présentation sur le sujet, présentation des membres, merci d'avance.
https://marie-antoinette.forumactif.org/f8-presentation-des-membres
Venez faire votre présentation sur le sujet, présentation des membres, merci d'avance.
https://marie-antoinette.forumactif.org/f8-presentation-des-membres
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Question de ressenti personnel, je n’ai jamais réussi à voir Marie-Antoinette dans ce portrait. La nouvelle attribution à Marie-Joseph ne m’a donc pas dérangée, et même presque soulagée.
Après avoir regardé attentivement les derniers comparatifs de Bonnefoy, je suis convaincue par le traficotage maladroit visant à transformer le long visage de Marie-Joseph en celui plus joufflu de sa cadette. Je ne crois pas du tout que Marie-Antoinette ait servi de modèle vivant. Comme le suggère M. de Talaru, j’opte pour un travail d’atelier routinier auquel l’impératrice ne s’intéressa peut être pas du tout.
Le pastel de Ducreux me parle infiniment plus. S’il est certain que Marie-Antoinette a posé en personne, on sait aussi que Marie-Thérèse a suivit son avancement de très près avant de l'approuver. J’en déduis que tout en étant satisfaite de l'image qu'elle souhaitait donner de sa fille, elle en reconnaissait aussi le visage. Ce qui a mon sens ne pouvait être le cas du portrait trafiqué, même s'il était antérieure d'une ou deux années.
Après avoir regardé attentivement les derniers comparatifs de Bonnefoy, je suis convaincue par le traficotage maladroit visant à transformer le long visage de Marie-Joseph en celui plus joufflu de sa cadette. Je ne crois pas du tout que Marie-Antoinette ait servi de modèle vivant. Comme le suggère M. de Talaru, j’opte pour un travail d’atelier routinier auquel l’impératrice ne s’intéressa peut être pas du tout.
Le pastel de Ducreux me parle infiniment plus. S’il est certain que Marie-Antoinette a posé en personne, on sait aussi que Marie-Thérèse a suivit son avancement de très près avant de l'approuver. J’en déduis que tout en étant satisfaite de l'image qu'elle souhaitait donner de sa fille, elle en reconnaissait aussi le visage. Ce qui a mon sens ne pouvait être le cas du portrait trafiqué, même s'il était antérieure d'une ou deux années.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
Merci beaucoup, cher Bonnefoy, pour vos recherches et cette impressionnante présentation illustrée !!
Ecartez-vous tout à fait la piste de l'artiste Gabrielle Bertrand, que nous évoquions plus en amont dans ce sujet, ICI ?
Comme je l'ai déjà dit, votre hypothèse de la " retouche " du visage des deux archiduchesses est fort séduisante (même si j'espère toujours découvrir le prétendu " portrait manquant " de la série des archiduchesses ), mais il n'y a rien à faire, les grands portraits d'Innsbruck viennent bousculer cette hypothèse. Je n'arrive pas à faire sauter ce verrou, quoique j'ai bien noté vos intéressantes remarques.
Vous n'oublierez pas, je vous prie, de poster une grande image de ce portrait...
dans cet autre sujet, où nous le présentons avec beaucoup d'incertitudes (et de vilaines images) :
Un portrait de Marie-Antoinette peint par Jean-Etienne Liotard ?
Merci beaucoup !
Mais c'est une question très importante, car ce portrait de jeunesse est iconique !
Encore aujourd'hui, malgré la nouvelle attribution, il est très largement donné comme étant un portrait de Marie-Antoinette.
J'irais même jusqu'à dire qu'il fait peut-être partie des portraits les plus (re)connus de Marie-Antoinette, après ceux de Mme Vigée Le Brun.
Bonnefoy du Plan a écrit:
mais le plus grand mystère continue d’entourer ce « Maître des archiduchesses ». Quel étrange anonymat tout de même, quand ce peintre avait toutes les raisons de se prévaloir d’une vraie réussite ! Parmi les premières questions à se poser, il serait intéressant de savoir à quel moment apparaît le vocable de « Maitre des archiduchesses », qui indique par lui-même que l’on distingue bien cette série des productions plus « ordinaires » sorties des ateliers de la Cour de Vienne.
Ecartez-vous tout à fait la piste de l'artiste Gabrielle Bertrand, que nous évoquions plus en amont dans ce sujet, ICI ?
Comme je l'ai déjà dit, votre hypothèse de la " retouche " du visage des deux archiduchesses est fort séduisante (même si j'espère toujours découvrir le prétendu " portrait manquant " de la série des archiduchesses ), mais il n'y a rien à faire, les grands portraits d'Innsbruck viennent bousculer cette hypothèse. Je n'arrive pas à faire sauter ce verrou, quoique j'ai bien noté vos intéressantes remarques.
Tss...Tss ! J'ai l'oeil...Bonnefoy du Plan a écrit:Voilà, cette fois c’est vraiment fini !
Vous n'oublierez pas, je vous prie, de poster une grande image de ce portrait...
dans cet autre sujet, où nous le présentons avec beaucoup d'incertitudes (et de vilaines images) :
Un portrait de Marie-Antoinette peint par Jean-Etienne Liotard ?
Merci beaucoup !
Oui....Bonnefoy du Plan a écrit:
Et maintenant, dans l’attente des prochains rebondissements, je crois qu’il est sage de laisser reposer quelque temps cette question si capitale, qu’elle intéresse tout au plus doute une dizaine de personnes au monde, dont la moitié sur ce Forum…
Mais c'est une question très importante, car ce portrait de jeunesse est iconique !
Encore aujourd'hui, malgré la nouvelle attribution, il est très largement donné comme étant un portrait de Marie-Antoinette.
J'irais même jusqu'à dire qu'il fait peut-être partie des portraits les plus (re)connus de Marie-Antoinette, après ceux de Mme Vigée Le Brun.
La nuit, la neige- Messages : 18133
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Portrait de Marie-Antoinette ou de Marie-Josèphe, par Meytens ?
La nuit, la neige a écrit:Tss...Tss ! J'ai l'oeil...
Cher La nuit, la neige, vous êtes infernal!
Je joue au Petit Poucet, c'est vrai, et vous ramassez tous les petits cailloux, Pencini/Bencini hier, et ce vrai-faux-Liotard aujourd'hui...
Ma réponse sur Pencini est prête, ce sera pour cette nuit, à mes horaires habituels.
Quant au deuxième portrait, il sera posté le 16 mai, pour le 250ème anniversaire du mariage à Versailles.
Devinette: de quelle couleur sera la robe sur ce portrait? RDV le 16!
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
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Date d'inscription : 06/08/2018
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