Le bonnet phrygien de la Révolution française

Je ne m'étais jamais intéressée plus que cela au bonnet phrygien avec ou sans cocarde, or voici que récemment j'ai appris pourquoi subitement, à la Révolution, il devient un symbole de Liberté et tout le monde s'en coiffe, hommes et femmes, du moins les Sans-Culottes .  



Un décret de 1792  stipule que « le sceau de l’Etat serait changé et porterait pour type la France sous les traits d’une femme vêtue à l’Antique, debout, tenant de la main droite une pique surmontée du bonnet phrygien ».

Marianne, depuis, ne l'a plus jamais ôté de sa tête !  



Ses origines sont antiques . C'est le couvre-chef traditionnel des Phrygiens, un ancien peuple indo-européen ayant habité l'Anatolie dans l'Antiquité, d'où son nom.
Pâris  ( pas celui de Le Pelletier de Saint-Fargeau, hein !  Pâris le fils du roi Priam    ) est souvent représenté coiffé de ce bonnet.  Notamment lorsque, sur son 31 (    ), il décerne la Pomme à la plus belle des trois déesses :



C'est que, nous dit Wiki,  le bonnet phrygien tire sa symbolique de liberté de sa ressemblance avec le pileus qui coiffait les esclaves affranchis de l'Empire romain, représentant leur libération.  


Et pourquoi rouge ?  

Eh bien, en référence à une révolte paysanne antifiscale, en Bretagne,  au XVIIe siècle.
A cette époque, le bonnet rouge faisait partie de l'habit populaire dans la région de Carhaix, le Poher. C'est toute la  région de la Bretagne qui se soulève contre la levée de nouvelles taxes.
L'épisode est resté connu sous le nom de Révolte des Bonnets rouges.






Le 20 juin 1792, le peuple de Paris envahit les Tuileries. La foule en colère parvient jusqu’au roi et lui tend un bonnet phrygien.
Louis XVI, un peu interloqué le saisit et le coiffe.

Dans sa représentation, la dimension phallique du bonnet phrygien ne fait aucun doute.
Dans sa symbolique non plus: il représente, lors de la Révolution, le pouvoir du peuple, y compris dans ce qu’il peut avoir de plus archaïque.
En coiffer le chef d’un Louis XVI, reconnu comme impuissant, prend alors toute sa signification : « je te coiffe, en place de couronne, d’un couvre chef que tu ne mérites pas, et dont tu ne sauras que faire. Ce sera pour mieux te le ravir ensuite, et me l’approprier, moi le Peuple, le seul Roi qui vaille : Res Publica... »
On pourrait aussi s’interroger sur le choix d’une femme coiffée du fameux bonnet, pour figurer, d’abord la Liberté (c’est la statue de la place de la Révolution), puis la République elle même. C’est incontestablement la représentation d’une femme phallique, capable de dévorer ses enfants ( « que de crimes on commet en ton nom... »)
Rien à voir avec l’aimable Marianne d’aujourd’hui, qui a bien été, ( et c’est heureux...) apprivoisée...

Diantre !  
Je ne pensais pas mettre sur le tapis un sujet aussi sexuel !  
Et maintenant que vous le dites, cela me semble couler de source et je vois un gland  ( auquel la couleur rouge convient d'ailleurs ), dans le " retournis " en l'air du bonnet phrygien   .

Vicq d Azir a écrit:
On pourrait aussi s’interroger sur le choix d’une femme coiffée du fameux bonnet, pour figurer, d’abord la Liberté (c’est la statue de la place de la Révolution), puis la République elle même. C’est incontestablement la représentation d’une femme phallique, capable de dévorer ses enfants ( « que de crimes on commet en ton nom... »)
Rien à voir avec l’aimable Marianne d’aujourd’hui, qui a bien été, ( et c’est heureux...) apprivoisée...

...   brrrrrrr !

Oui Eléonore, je vois la même chose que vous...
Cela m’a toujours paru évident, même si, bien sûr, la notion de « symbole phallique » doit être prise dans son acception psychanalytique..,

Vicq d Azir a écrit:
En coiffer le chef d’un Louis XVI, reconnu comme impuissant, prend alors toute sa signification : « je te coiffe, en place de couronne, d’un couvre chef que tu ne mérites pas, et dont tu ne sauras que faire. Ce sera pour mieux te le ravir ensuite, et me l’approprier, moi le Peuple, le seul Roi qui vaille : Rex Publica... »

Très juste, bravo.

Je ne vois rien de phallique dans ce bonnet , c'est juste un symbole antique qui voulait rappeler la Démocratie des grecs anciens .
La mitre d'un évêque et surout celle papale est bien plus phallique que ce bonnet ramassé dont la forme est assez commune dans de nombreuses peuplades de la Grande Grèce ancienne

Tout est dans le symbole.
Recouvrer la liberté ( esclaves affranchis ) rend sa puissance à un homme.
Et la " puissance " est directement liée à la virilité .

Après il suffit d'un peu d'imagination ...

Oui, c’est une grille de lecture, c’est la mienne. Je ne prétends pas qu’elle soit universelle, mais je pense qu’il est intéressant de croiser des approches différentes sur ce forum.
Oui, Eléonore, pouvoir et virilité marchent ensemble. Je me suis beaucoup intéressé, à une époque, aux représentations du pouvoir au 18ème et sous la Révolution. La première époque, plutôt féminine, la seconde virile, avec peu de place laissée à la femme. D’où ma manière de m’amuser un peu avec ces représentations de figures féminines de la Liberté ou de la République, qui ne donnent pas envie, à priori, de faire un câlin...mais les goûts et les couleurs...

Mme de Sabran a écrit:
Après il suffit d'un peu d'imagination  ...

Vicq d Azir a écrit:Je me suis beaucoup intéressé, à une époque, aux représentations du pouvoir au 18ème et sous la Révolution. La première époque, plutôt féminine, la seconde virile, avec peu de place laissée à la femme. .

Eh oui... Mme Vigée-Lebrun n'a-t-elle pas écrit que "Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées..."

Vicq d Azir a écrit:
je pense qu’il est intéressant de croiser des approches différentes sur ce forum.
.

Absolument, cher Févicq, c'est la vocation même de notre Forum !

Je ne pense pas que la condition des femmes était meilleure avant la Révolution , bien au contraire .L'Ancien Régime n'avait rien de féminin , c'était une société patriarcale à l'extrême jusqu'en haut de la pyramide , avec une loi salique inventée de toute pièce un millénaire plus tôt pour empêcher une fille de France d'hériter du trône , même si elle est l'ainée. Ce qui donnera d'ailleurs lieu à la Guerre de Cent Ans ..
Et le 1er Empire a enfoncé le clou enfermant les femmes dans le carcan du foyer et de la maternité et de d'une tutelle permanente et les privant quasiment de tout droit , état qui subsistera jusqu'en 1944 quant au droit de vote et jusqu'en 1968 pour le reste...

hastur a écrit:Je ne pense pas que la condition des femmes était meilleure avant la Révolution , bien au contraire .

Vous me faîtes plaisir  , parce que cela fait des lustres que je bondis ici à la lecture de ce que je crois aussi être un cliché, repris d'ailleurs opportunément par les révolutionnaires qui dénonçaient la "féminité" d'Ancien régime.

On cite toujours une poignée de femmes, plus ou moins émancipées, très généralement aristocrates ou privilégiées, qui ont -miraculeusement- tiré leurs épingles du jeu. Très souvent en payant le prix fort, d'ailleurs.
Mais que dire des conditions de vie de toutes les autres ?!
Ce sont ces autres LES femmes du XVIIIe siècles, et pas quelques salonnieres, aristocrates, artistes, ou autres courtisanes.

hastur a écrit:Et le 1er Empire a enfoncé le clou enfermant les femmes dans le carcan du foyer et de la maternité et de d'une tutelle permanente et les privant quasiment de tout droit , état qui subsistera jusqu'en 1944 quant au droit de vote et jusqu'en 1968 pour le reste...

C'est ce qui est dommage. La Révolution était l'occasion de balayer les carcans culturels et religieux du passé.
Il y a eu des progrès, certes aussi des échecs ; mais enfin, à ma connaissance, ce ne fut guère "pire" que précédemment.

La Révolution est une histoire d’hommes... (cf les gravures de l’époque, les références à la Rome antique).
Elle fustige en effet l’ancien régime comme faible, amolli, même « efféminé ». Ce qui apparaît au cœur de la politique de Robespierre c’est, entre autre, la « régénération » de la société française, et cette purification doit passer par l’élimination du féminin, du corrompu, pour faire advenir un idéal viril (que l’incorruptible ne représente pourtant pas, mais que sans doute il envie...)

Pourtant combien de femmes se sont montrées aussi courageuses et aussi déterminées que les hommes pendant la Révolution !
... ces hommes monstrueux et dénaturés qui envoyaient à la guillotine ces mêmes femmes à qui ils déniaient le droit de s'exprimer ( et toutes les autres qui ne se mêlaient de rien ) .