Groupe en biscuit de porcelaine de Niderviller, par Lemire : Marie-Antoinette représentée sous les traits de Minerve ?

Il y a beaucoup de "céramiques" à vendre aux enchères ces jours prochains, mais je n'ai pas le temps de poster tout ce qui est intéressant.

Cependant, entre autres choses...

Je n'ai pas pu m'empêcher de distinguer ici les traits de Marie-Antoinette, en déesse Athéna.    
Mais je précise que ce n'est pas du tout signalé en note de catalogue   , que je cite :

- Nivervillers
Important groupe mythologique en biscuit dure représentant le jugement de Pâris.
XVIIIe siècle vers 1780
Sur le mont Ida, le berger Pâris est assis avec sa canne au pied d'un arbre, son chien à ses cotés portant un collier marqué Paris en creux, en face trois déesses debout, Athéna, Aphrodite et Héra.
Il tend la pomme à Aphrodite. Sur le haut du tronc d'arbre un angelot se penche vers Athéna casquée. Sur le coté du socle est gravé en creux «LEMIRE.PERE NIDERVILLER n°50».

H. 45 cm ; Manques, égrenure
Modèle similaire au Musée du pays de Sarrebourg.



Note au catalogue :

Le sculpteur Charles-Gabriel Sauvage (1741-1827) dit Lemire est chef de l'atelier de modelage à Niderviller en 1780, il fonde dans la manufacture une école de dessin et de modelage. Il inaugure la production de biscuit à Niderviller et signe ses oeuvres Lemire père.
Après la mort du comte de Custine guillotiné en 1793, Lemire quitte la Lorraine avec une cinquantaine d'ouvriers et va travailler à Paris chez Guérard et Dihl, manufacture dite du duc d'Angoulême.

Le premier récit du jugement de Pâris se trouve dans les Chants cypriens, c'est une épopée perdue, elle précède celle de l'Iliade.
Zeus ordonne à Hermès d'emmener les déesses sur le mont Ida et demande à Pâris de juger. Le berger accorde la pomme à Aphrodite, (déesse de l'amour) qui lui promet la plus belle femme du monde (Hélène). Ce groupe préfigure la guerre de Troie.

* Source et infos complémentaires : De Baecque & Associés (vente du 27 mars 2019)


La photo est de mauvaise qualité, mais enfin, je me demande pourquoi cette déesse aurait les très si "lourds" et si "typés" en comparaison de ceux des autres personnages ?  



Et ils me font penser à ceux que nous retrouvons, justement, avec une autre représentation de Marie-Antoinette sous les traits d'Athéna
Par Josse-François-Joseph Leriche, oeuvrant quant à lui pour la manufacture de Sèvres, d'après un modèle attribué à Boizot.




Or Louis XVI avait acquis un modèle de cette figure, ainsi que celle du dieu Mars (mais qui n'a pas ses traits à lui ) en 1779.

Pour plus de détails, voir notre sujet : Marie-Antoinette en Minerve, par Josse-François-Joseph Le Riche

Peut-on imaginer que la manufacture de Nideviller s'est inspirée de ce modèle (exposé à Versailles en 1779, donc) pour créer, quelques mois ou années plus tard, cette figure allégorique sous les traits de Marie-Antoinette ?

La nuit, la neige a écrit:

Je n'ai pas pu m'empêcher de distinguer ici les traits de Marie-Antoinette, en déesse Athéna.    
Mais je précise que ce n'est pas du tout signalé en note de catalogue   , que je cite :

C'est très reconnaissable en effet.

Nous avions présenté ce groupe alors qu'il était annoncé en vente aux enchères.
J'apprends qu'il fut préempté par le Musée du pays de Sarrebourg.

Je vous suggère la lecture de cet article intéressant, publié par l'historienne Aurore Chéry sur le site A Travers champ :

Le 27 mars 2019, le Musée du pays de Sarrebourg a préempté, dans une vente De Baecque, un groupe en biscuit de la manufacture de Niderviller. Il s’agit d’une représentation du Jugement de Pâris.
Une particularité attire immédiatement l’oeil des connaisseurs : on a donné à Minerve le visage de Marie-Antoinette. Qu’est-ce que cela signifie ?

La suite est à lire, ici, sous le titre : Niderviller - La manufacture qui n'aimait pas la reine

Merci, l'article d'aurore Chéry est très intéressant et instructif, la mythologie n'étant pas mon fort. En revanche la mode faisant feu de tout bois en ce temps là voici un couvre-chef « à la Minerve » dans les tendances de 1779.
Il me semble qu'un portrait de la reine la représente avec quelque chose dans ce genre sur la tête, assez moche d'ailleurs si ma mémoire est bonne. Je vais essayer de le retrouver.

La nuit, la neige a écrit:

Je vous suggère la lecture de cet article intéressant, publié par l'historienne Aurore Chéry sur le site A Travers champ :

J'y saute !  

Si l’on s’en tient à la contextualisation relative à la guerre de Troie, on peut supposer que l’on voulait présenter le renversement des alliances de 1756, emblématisé par ce mariage, comme une manière d’éviter une nouvelle guerre de Troie. C’est Marie-Antoinette/Minerve, plutôt que Marie-Antoinette/Vénus, qui s’en trouvait être la garante.

Si la sauvegarde de la paix grâce au renversement des alliances est le thème que voulait illustrer Lemire, alors je ne comprends pas du tout le choix de son sujet .

S'il s'agissait de préserver la paix, Minerve devrait empêcher Pâris de donner la pomme de la discorde à Vénus parce que ce sera le déclenchement inéluctable de la guerre. Tout le monde sait cela, même Giraudoux  (    ) , la guerre de Troie aura bien lieu.
 Au contraire, dans ce biscuit nous voyons une placide Marie-Antoinette/Minerve assister passivement à la scène.  Mieux ! elle semble presque " pousser " Vénus vers Pâris.  Quelque chose m'échappe ...    
Quant à Junon, elle ne semble pas concernée.  Elle est même placée légèrement en-dessous, elle, la souveraine des dieux.

Comparer Marie-Antoinette à Minerve, déesse de la sagesse mais farouche guerrière, c'est une gageure. Elles n'ont absolument rien en commun ...  si l'on excepte la tête de Méduse sur l'égide de Minerve et sur le palier du Petit Trianon de Marie-Antoinette .
Le casque achéen sied à Marie-Antoinette comme des guêtres à une langouste ...

D'ailleurs, ce n'est pas à Minerve mais à Vénus que Marie-Antoinette, fine mouche, se compare :
Vous conviendrez que j'aurais assez mauvaise grâce auprès d'une forge ; je n'y serais pas Vulcain, et le rôle de Vénus pourrait lui déplaire ...
Ce n'était pas mal vu : il y a,  dans Louis XVI, quelque chose du lourdaud Vulcain  .   Vénus ne s'y trompe pas et se console dans les bras du fringant Mars d'un mariage très mal assorti .

Ce qui m'étonne aussi beaucoup, je dois dire, c'est le surtout de table  ...      
Marie-Antoinette en Minerve ?!! ...  à quatorze ans ?!!!  
Etait-ce vraiment le surtout de la table du mariage ?

Mme de Sabran a écrit:
Ce qui m'étonne aussi beaucoup, je dois dire, c'est le surtout de table  ...      
Marie-Antoinette en Minerve ?!! ...  à quatorze ans ?!!!  
Etait-ce vraiment le surtout de la table du mariage ?

Le spectaculaire surtout de mariage qui ornait la table du festin donné le 16 mai 1770 dans la nouvelle salle de l'Opéra du château de Versailles, fut repris par la manufacture de Sèvres après les festivités qui le vendit au marchand-mercier Mme Lair qui le démonta et le revendit, "à la découpe", en plusieurs surtouts.
Une partie de ce surtout fut reconstituée au XIXe siècle (la grande colonnade), à partir d'éléments de l'entablement du surtout de mariage original.


Surtout de table
Manufacture de Sèvres (fabricant)
Remontage Louis-Auguste-Alfred Beurdeley (fabricant)
Sèvres, Manufacture de (fabricant)
Date de création:  1770-1850 (XVIIIe siècle-XIXe siècle)
Biscuit de porcelaine tendre et porcelaine dure (restauration) ; bronze doré, glace, marbre (XIXe siècle)
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Historique :
Remontage partiel du surtout de table exécuté par la Manufacture de Sèvres pour la table du festin donné le 16 mai 1770 par Louis XV à l'occasion du mariage du Dauphin de France avec l'archiduchesse d'Autriche dans la nouvelle salle d'opéra du château. A partir d'éléments de l'entablement, la maison Beurdeley, fabricant de bronze et d'ébénisterie à Paris, a très certainement remonté ce surtout rectangulaire aux angles en quart-de-cercle, à la fin du XIXe siècle.

Je ne parviens à voir les images du document inséré en lien dans l'article cité, qui est à lire dans son intégralité ici :

Le surtout de mariage, en porcelaine de Sèvres, du Dauphin - 1769-1770

Un article écrit donc par Pierre Ennès, dans La revue de l'Art(1787), qui suggère, page 67, je cite (extraits) :

H) Les statues de la colonnade





Or, nous présentions donc dans ce sujet :

Marie-Antoinette en Minerve par Josse-François-Joseph Leriche

Ces deux sujets en biscuit de porcelaine, avec les descriptifs suivants (notamment en rouge).
Ici selon la conservation du château de Versailles, les sujets originaux sont datés 10 ans plus tard.

La nuit, la neige a écrit:A noter que la sculpture de Minerve sous les traits de Marie-Antoinette est accompagnée de Mars sous les traits de....euh...ce n'est assurément pas Louis XVI !!  




Mars
Modèle attribué à Louis-Simon Boizot (sculpteur)
Visa de Josse-François-Joseph Leriche (sculpteur)
Manufacture de Sèvres
Biscuit de porcelaine, vers 1779-1789
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Historique (château de Versailles) :  
Figure ayant pour pendant une représentation de Minerve sous les traits de Marie-Antoinette (cf. V.2018.11) ; modèles probablement créés par Boizot en 1779 et dont Louis XVI acheta les deux premiers exemplaires lors des ventes de Versailles, fin décembre 1779.

Description (château de Versailles) :
Cet exemplaire en première grandeur correspond à une représentation du dieu Mars probablement créée en 1779 et dont Louis XVI acheta un des premiers exemplaires à l'exposition de Versailles, fin décembre 1779.
Il était associé à une représentation de Minerve qui avait les traits de Marie-Antoinette, et que le roi acquit également au même prix de 120 livres chaque. Les plâtres en sont toujours conservés à la manufacture de Sèvres.
On peut associer ces sujets au contexte militaire dans lequel la France se trouvait alors, en menant une guerre contre l'Angleterre, qui devait aboutir à l'indépendance de l'Amérique.



Minerve sous les traits de Marie-Antoinette
Modèle attribué à Louis-Simon Boizot (sculpteur)
Visa de Josse-François-Joseph Leriche (sculpteur)
Manufacture de Sèvres
Biscuit de porcelaine, vers 1779-1789
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Christophe Fouin

Figure ayant pour pendant une représentation de Mars (cf. MV 9058) ; modèles probablement créés par Boizot en 1779 et dont Louis XVI acheta les deux premiers exemplaires lors des ventes de Versailles, fin décembre 1779.

Raison pour laquelle j'écrivais, lorsque le groupe de Niderviller fut présenté aux enchères :

La nuit, la neige a écrit:
Et ils me font penser à ceux que nous retrouvons, justement, avec une autre représentation de Marie-Antoinette sous les traits d'Athéna
Par Josse-François-Joseph Leriche, oeuvrant quant à lui pour la manufacture de Sèvres, d'après un modèle attribué à Boizot.

Or Louis XVI avait acquis un modèle de cette figure, ainsi que celle du dieu Mars (mais qui n'a pas ses traits à lui ) en 1779.

Pour plus de détails, voir notre sujet : Marie-Antoinette en Minerve, par Josse-François-Joseph Le Riche

Peut-on imaginer que la manufacture de Niderviller s'est inspirée de ce modèle (exposé à Versailles en 1779, donc) pour créer, quelques mois ou années plus tard, cette figure allégorique sous les traits de Marie-Antoinette ?

La nuit, la neige a écrit:Le spectaculaire surtout de mariage qui ornait la table du festin donné, le 16 mai 1770, dans la nouvelle salle de l'Opéra du château de Versailles, fut repris, après les festivités, par la manufacture de Sèvres qui le vendit au marchand-mercier Mme Lair qui le démonta et le revendit, "à la découpe", en plusieurs surtouts.

J'ajoute enfin une illustration de ce fameux festin où l'on mesure, sur la table centrale, ce que pouvait être le volume de cet important surtout...

Souper à l'occasion du mariage du dauphin, le futur Louis XVI
Jean-Michel Moreau, le Jeune
Dessin, 1770
Kunstbibliothek, Berlin
Image : Dist. RMN-Grand Palais / image BPK, Berlin

Une esquisse que nous avions notamment présentée, ici :

Jean-Michel Moreau le Jeune, dessinateur des Menus Plaisirs du roi

La nuit, la neige a écrit:

J'ajoute enfin une illustration de ce fameux festin où l'on mesure, sur la table centrale, ce que pouvait être le volume de cet important surtout...

Fichtre, mais il était absolument énooorme !!!