Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
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Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
Nous avons longuement parlé des favoris de Catherine II et bien sûr de l'amour de sa vie, Potemkine.
Il est temps de faire connaissance avec la génération précédente...
Voici donc Alexis Razoumovski, favori et grand amour d'Elizabeth Ière de Russie, qui précéda Catherine II sur le trône de l'aigle bicéphale.
Né en mars 1709, il est le fils d'un fermier cosaque libre. Le jeune homme a pour lui deux avantages : une grande beauté et une voix superbe. Il chante d'ailleurs à l'église du bourg. C'est là que le remarque un jour le colonel Vichnievski, chargé de recruter de jeunes chanteurs pour la chorale impériale. Alexis, ambitieux, n'a aucune objection à quitter son village perdu et une vie morne pour rejoindre la capitale.
Arrivé à Saint-Pétersbourg, sa beauté capte vite l'attention de la future Elizabeth Ière. Cette dernière ne tarde pas à lui ouvrir ses portes, ses bras et son lit par la même occasion. Il est beau, très beau, chante à ravir, aime les belles choses, il a tout pour plaire à la future souveraine, femme elle-même très cultivée et esthète (on n'est pas impunément fille de Pierre le Grand).
Mais Alexis est plus qu'une passade... A tel point qu'il participe au coup d'état qui met sa maîtresse sur le trône. Il a certes perdu ses capacités vocales entretemps mais peu importe. Le voici gérant la maison de l'impératrice, mais aussi général-lieutenant puis Maréchal de la cour. Afin que tout le monde comprenne bien qu'il fait partie de la famille, l'impératrice lui confère l'ordre de Saint-André, réservé à la famille impériale justement. En 1744, l'empereur Charles VII lui confère le titre de comte du Saint-Empire. Ne voulant pas être en reste, Elizabeth le fait comte de son côté également.
C'est un véritable couple : il se tient derrière le trône de la souveraine lors des cérémonies, ses appartements donnent directement dans ceux de l'impératrice où il va et vient sans avoir à s'annoncer ou attendre. Ils dorment ensemble quasiment toutes les nuits et les courtisans le surnomment donc "l'empereur de nuit". Il a la sagesse de n'avoir aucune influence politique, de ne se mêler d'aucune intrigue, étant bien placé pour savoir que sa maîtresse n'est pas prêteuse en ce domaine...
Maîtresse ou... épouse ? Car devant une telle intimité, beaucoup se demandent si les deux tourtereaux ne se sont pas mariés en secret. Le mariage aurait eu lieu en 1742 et on raconte qu'à la mort de sa maîtresse, Alexis aurait détruit les documents relatifs à cette union sur demande de Catherine II... Il s'entendait bien avec elle d'ailleurs puisque pour une fois, dérogeant à sa règle, il intrigua pour modifier la succession impériale au profit de Catherine, ce qui lui valût un court exil sur ses terres. Vite rappelé après la mort de l'impératrice, il se montra prudent, démissionna de toutes ses charges et se retira au palais Anichkov, que son impériale maîtresse lui avait offert. Il y meurt tranquillement en juillet 1771. Toujours amoureuse, Elizabeth Ière avait fait promettre à son successeur Pierre III de ne jamais s'en prendre à son bel amant. Notons quand-même que la souveraine ne s'était pas privée de quelques autres amants de passage, ici et là...
Si on a des doutes sur un éventuel mariage secret et morganatique entre Alexis et l'impératrice, il y a aussi un soupçon sur une possible naissance issue de cette union. Il paraît toutefois peu plausible que l'impératrice soit tombée enceinte, ait vécu une grossesse et ait accouchée sans que le secret transpire. Néanmoins, une certaine "princesse Elisabeth Alexéïevna Tarakanova", depuis la France, affirma être la fille de l'impératrice et de son favori. De plus, la police impériale avait découvert que l'aventurière en question correspondait avec Emile Pougatcheff, le cosaque entré en rébellion contre Catherine II, soulevant des provinces entières et se proclamant "empereur Pierre III".
La nouvelle impératrice ne faisait pas dans la demi-mesure : au terme d'une campagne impitoyable, les rebelles furent écrasés, Pougatcheff capturé, exhibé dans une cage en fer puis décapité à la hache.
Quant à l'aventurière, Catherine II n'était pas du genre non plus à laisser s'agiter celle qui se prétendait fille de la précédente impératrice : elle la fît enlever à Livourne, lors d'un passage en Italie, l'opération étant menée par Alexis Orlov en personne. Transférée à la forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg, entourée du secret le plus absolu, elle y meurt de tuberculose en 1775.
Malgré un procès secret et serré (elle était accusée de complot, de vouloir accéder au trône et également d'avoir soutenu, outre Pougatcheff, la Confédération de Bar, un groupe de nobles polonais opposés à la Russie), la mystérieuse aventurière n'avait rien dit de ses origines ou de sa véritable identité. Le mystère hanta longtemps les cours européennes et les passionna : héritière légitime, imposteur, aventurière opportuniste ? Le fait qu'il n'existe aucun portrait d'elle ne fait qu'ajouter au mystère d'un personnage dont les Romantiques s'empareront avec délices pour en faire une princesse tragique...
(Pour ceux qui sont intéressés, sa page wikipedia est impressionnante, sa vie est un vrai roman !)
Il est temps de faire connaissance avec la génération précédente...
Voici donc Alexis Razoumovski, favori et grand amour d'Elizabeth Ière de Russie, qui précéda Catherine II sur le trône de l'aigle bicéphale.
Né en mars 1709, il est le fils d'un fermier cosaque libre. Le jeune homme a pour lui deux avantages : une grande beauté et une voix superbe. Il chante d'ailleurs à l'église du bourg. C'est là que le remarque un jour le colonel Vichnievski, chargé de recruter de jeunes chanteurs pour la chorale impériale. Alexis, ambitieux, n'a aucune objection à quitter son village perdu et une vie morne pour rejoindre la capitale.
Arrivé à Saint-Pétersbourg, sa beauté capte vite l'attention de la future Elizabeth Ière. Cette dernière ne tarde pas à lui ouvrir ses portes, ses bras et son lit par la même occasion. Il est beau, très beau, chante à ravir, aime les belles choses, il a tout pour plaire à la future souveraine, femme elle-même très cultivée et esthète (on n'est pas impunément fille de Pierre le Grand).
Mais Alexis est plus qu'une passade... A tel point qu'il participe au coup d'état qui met sa maîtresse sur le trône. Il a certes perdu ses capacités vocales entretemps mais peu importe. Le voici gérant la maison de l'impératrice, mais aussi général-lieutenant puis Maréchal de la cour. Afin que tout le monde comprenne bien qu'il fait partie de la famille, l'impératrice lui confère l'ordre de Saint-André, réservé à la famille impériale justement. En 1744, l'empereur Charles VII lui confère le titre de comte du Saint-Empire. Ne voulant pas être en reste, Elizabeth le fait comte de son côté également.
C'est un véritable couple : il se tient derrière le trône de la souveraine lors des cérémonies, ses appartements donnent directement dans ceux de l'impératrice où il va et vient sans avoir à s'annoncer ou attendre. Ils dorment ensemble quasiment toutes les nuits et les courtisans le surnomment donc "l'empereur de nuit". Il a la sagesse de n'avoir aucune influence politique, de ne se mêler d'aucune intrigue, étant bien placé pour savoir que sa maîtresse n'est pas prêteuse en ce domaine...
Maîtresse ou... épouse ? Car devant une telle intimité, beaucoup se demandent si les deux tourtereaux ne se sont pas mariés en secret. Le mariage aurait eu lieu en 1742 et on raconte qu'à la mort de sa maîtresse, Alexis aurait détruit les documents relatifs à cette union sur demande de Catherine II... Il s'entendait bien avec elle d'ailleurs puisque pour une fois, dérogeant à sa règle, il intrigua pour modifier la succession impériale au profit de Catherine, ce qui lui valût un court exil sur ses terres. Vite rappelé après la mort de l'impératrice, il se montra prudent, démissionna de toutes ses charges et se retira au palais Anichkov, que son impériale maîtresse lui avait offert. Il y meurt tranquillement en juillet 1771. Toujours amoureuse, Elizabeth Ière avait fait promettre à son successeur Pierre III de ne jamais s'en prendre à son bel amant. Notons quand-même que la souveraine ne s'était pas privée de quelques autres amants de passage, ici et là...
Si on a des doutes sur un éventuel mariage secret et morganatique entre Alexis et l'impératrice, il y a aussi un soupçon sur une possible naissance issue de cette union. Il paraît toutefois peu plausible que l'impératrice soit tombée enceinte, ait vécu une grossesse et ait accouchée sans que le secret transpire. Néanmoins, une certaine "princesse Elisabeth Alexéïevna Tarakanova", depuis la France, affirma être la fille de l'impératrice et de son favori. De plus, la police impériale avait découvert que l'aventurière en question correspondait avec Emile Pougatcheff, le cosaque entré en rébellion contre Catherine II, soulevant des provinces entières et se proclamant "empereur Pierre III".
La nouvelle impératrice ne faisait pas dans la demi-mesure : au terme d'une campagne impitoyable, les rebelles furent écrasés, Pougatcheff capturé, exhibé dans une cage en fer puis décapité à la hache.
Quant à l'aventurière, Catherine II n'était pas du genre non plus à laisser s'agiter celle qui se prétendait fille de la précédente impératrice : elle la fît enlever à Livourne, lors d'un passage en Italie, l'opération étant menée par Alexis Orlov en personne. Transférée à la forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg, entourée du secret le plus absolu, elle y meurt de tuberculose en 1775.
Malgré un procès secret et serré (elle était accusée de complot, de vouloir accéder au trône et également d'avoir soutenu, outre Pougatcheff, la Confédération de Bar, un groupe de nobles polonais opposés à la Russie), la mystérieuse aventurière n'avait rien dit de ses origines ou de sa véritable identité. Le mystère hanta longtemps les cours européennes et les passionna : héritière légitime, imposteur, aventurière opportuniste ? Le fait qu'il n'existe aucun portrait d'elle ne fait qu'ajouter au mystère d'un personnage dont les Romantiques s'empareront avec délices pour en faire une princesse tragique...
(Pour ceux qui sont intéressés, sa page wikipedia est impressionnante, sa vie est un vrai roman !)
Tableau imaginaire de Constantin Flaviski (1864)
Calonne- Messages : 1034
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 51
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
Merci, cher Calonne, pour cette biographie de l'empereur de la nuit.
Sympathique surnom...
Portrait of Count Alexei G. Razumovsky
Anonymous printmaker, after Sokolovskaya
Russia, 19th century
Image : The State Hermitage Museum
Nous lui avions consacré un petit sujet, ici :
L'histoire de la princesse Tarakanoff (Tarakanova)
Sympathique surnom...
Portrait of Count Alexei G. Razumovsky
Anonymous printmaker, after Sokolovskaya
Russia, 19th century
Image : The State Hermitage Museum
Calonne a écrit: (...) une certaine "princesse Elisabeth Alexéïevna Tarakanova", depuis la France, affirma être la fille de l'impératrice et de son favori.
Nous lui avions consacré un petit sujet, ici :
L'histoire de la princesse Tarakanoff (Tarakanova)
La nuit, la neige- Messages : 17779
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
Je trouve l'histoire plutôt jolie et au moins, il a eu l'intelligence de rester à sa place, de ne pas se mêler de politique ou d'intrigues. Ce qui lui a permis sans doute finalement de vieillir tranquille, sans disgrâce ou pire.
Il semble avoir eu de bonnes relations avec Catherine II : dans un article sur le palais Anichkov, j'ai lu qu'il y recevait volontiers la future impératrice flanquée de son mari. A noter que Catherine offrît ensuite ce palais à Potemkine, l'homme de sa vie. Belle continuité quelque part...
Il semble avoir eu de bonnes relations avec Catherine II : dans un article sur le palais Anichkov, j'ai lu qu'il y recevait volontiers la future impératrice flanquée de son mari. A noter que Catherine offrît ensuite ce palais à Potemkine, l'homme de sa vie. Belle continuité quelque part...
Calonne- Messages : 1034
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 51
Localisation : Un manoir à la campagne
Mme de Sabran- Messages : 54625
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
Est-il le père du Razoumovski des quatuors de Beethoven ?
Monsieur de la Pérouse- Messages : 455
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
D'après Tatie Wikie, Beethoven a nommé ses quatuors en l'honneur du comte, puis prince Razoumovski, un de ses mécènes. Ce dernier, ambassadeur à Vienne en 1792 et participant activement au Congrès de Vienne en 1814 est né en 1752 et mort en 1836.
Mais il est surtout le fils de Kirill Razoumovski, qui n'est autre que... le frère cadet de notre Alexis ! Le dédicataire des fameux quatuors de Beethoven est donc le neveu d'Alexis Razoumovski.
Vous n'étiez pas loin cher ami !
(Et d'après ce que j'en ai lu, le petit frangin d'Alexis a eu une vie bien remplie lui aussi...)
Mais il est surtout le fils de Kirill Razoumovski, qui n'est autre que... le frère cadet de notre Alexis ! Le dédicataire des fameux quatuors de Beethoven est donc le neveu d'Alexis Razoumovski.
Vous n'étiez pas loin cher ami !
(Et d'après ce que j'en ai lu, le petit frangin d'Alexis a eu une vie bien remplie lui aussi...)
Calonne- Messages : 1034
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 51
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Alexis Razoumovski, "l'empereur de la nuit"
Tu remercieras bien Tatie pour nous, mon cher Calonne .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 54625
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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