Guinguettes et cabarets au XVIIIe siècle

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Message par Calonne Mar 28 Sep 2021, 18:30

Guinguettes et cabarets au XVIIIe siècle Cabare10

Loin des premiers restaurants et des soupers fins, Paris proposait également à l'époque ses cabarets et ses guinguettes, ces dernières se développant surtout au siècle suivant. Il s'agissait d'établissements populaires, bon marché, où boire un verre et pourquoi pas se restaurer sur le pouce, souvent aménagés et décorés de manière "campagnarde", dans un décor rustique qui sentait la friture, parfois installés en bord de Seine, ce qui donnait la possibilité de faire du canot après le déjeuner.

Au XVIIIème siècle apparaissent donc les premières guinguettes célèbres : des lieux populaires, bruyants et colorés, où l'on venait boire, grignoter, danser et s'amuser, tout en buvant un petit vin local, loin des grands crus des restaurants (on se servait également de ce vin pour récurer les cuivres...). C'est d'ailleurs le Guinguet, un de ces vins locaux qui, au XVIIème, donna le nom de guinguette.
Portefaix, marchands de poissons et bouquetières, petit peuple des faubourgs et aventuriers s'y mêlaient joyeusement aux cousettes et aux étudiants, sans compter les désoeuvrés, les habitués, une gitane ou bohémienne diseuse de bonne aventure, des joueurs et  parfois quelques seigneurs ou grandes dames venant s'encanailler incognito. Un coin leur était souvent réservé, avec beaux gobelets, coussin sur la chaise et serveuse avenante, le bonnet et tablier bien blancs et bien propres, la petite croix en or au cou. La musique était assurée par quelques musiciens amateurs qui faisaient joyeusement danser en échange d'être abreuvés gratis.

Les adresses ne manquaient pas, souvent situées en-dehors du centre-ville, on parlait alors d'un monde "hors-barrières". Vaugirard (qui était alors un village), Montrouge, Bercy, la Courtille, les Porcherons... L'auberge du Gros-Caillou était réputée pour sa matelote de poissons, que l'on pouvait prendre à emporter. La Courtille (le nom de courtille désigne à la base un petit jardin bordant une ferme) était célèbre : situé en bas de l'actuelle rue de Belleville et en haut de la rue Faubourg du Temple, c'était un lieu où se retrouvaient de nombreux établissements. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en cet endroit, on ne payait pas l'octroi, cette douane interne, prélevée à l'époque pour pouvoir entrer dans Paris. On revient à notre monde "hors-barrières", sous-entendu la fameuse barrière d'octroi. On y venait en goguette aussi : à l'origine, la goguette est une pratique qui consistait à se réunir en petits groupes d'amis (masculins le plus souvent) pour passer un bon moment ensemble à boire, chanter et danser. Il s'agissait là de véritables petites sociétés ou confréries, aux noms parfois assez drôles, dont les membres se réunissaient à des dates précises pour s'amuser ensemble et "pousser son cri". L'une des plus célèbres fût celle du Caveau, société littéraire et "bachique" qui se réunissait deux fois par mois dans un caveau de la rue de Buci. On y croisait des auteurs, des chansonniers, des poètes, des faiseurs d'épigrammes... Duclos, Piron, le peintre Boucher, Crébillon, Helvétius, Marmontel... fréquentaient ces fameuses goguettes.
Des chansons ? Je me suis engagé pour l'amour d'une blonde de l'abbé Mangenot, Dans les gardes françaises, j'avais un amoureux, J'ai du bon tabac de Lattaignant, Le bon roi Dagobert, Cadet Rousselle... Mais aussi Il pleut bergère ou Plaisir d'amour ne dure qu'un moment... La danse ? Le quadrille, très à la mode, héritier de la contredanse, et dont une des figures donnera à la fin du siècle suivant le célèbre cancan.

Montant à travers champs et jardins, on pouvait croiser tard le soir des bandes de joyeux drilles un peu éméchés qui, bras-dessus bras-dessous, descendaient en chantant à tue-tête le fameux "chemin de la grande pinte", future rue de la Chaussée d'Antin. On arrivait alors au village des Porcherons, village certes mais où se trouvaient aussi de ravissantes petites "folies" dissimulées dans les jardins ou de fausses chaumières dignes du Hameau de la reine et bourrées de luxe à l'intérieur... Au matin, les clochettes des brebis attiraient dehors les soubrettes des maisons qui revenaient avec du fromage, du lait, du caillé tremblant dans sa faisselle.. De nombreux fermiers des alentours fournissaient les habitants du lieu. Le sabot d'or était une adresse réputée, sans oublier la guinguette de La grande pinte ou les deux grands acacias de la place proche, près de l'église, sous lesquels chaque hiver, on vendait des marrons chauds (acacias finalement arrachés en 1848).

Revenons à la Courtille pour évoquer le célèbre Ramponneau, qui tînt avec succès Le Tambour royal, cabaret très couru. Né en 1724, notre homme s'était fait une jolie situation et réputation, allant jusqu'à acheter un second établissement, La grande pinte dont nous avons parlé plus haut, en 1771, aux Porcherons. Ramponneau attirait du monde parce qu'il faisait payer un sol de moins la pinte de vin. Mais en 1786, le village des Porcherons fût inclus dans Paris et soumis au fameux droit d'octroi. Les buveurs désertèrent donc la place pour se réfugier dans d'autres endroits, comme aux Batignolles par exemple.
Mais on s'amusait aussi beaucoup au populaire faubourg Saint-Antoine que sont venus visiter, incognito, le Régent, la Pompadour, Turgot ou Joseph II. Sans oublier les "vinaigriers", marchands de vin de la rue de Suresnes, ou encore l'établissement du Lion d'or...
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Message par Mme de Sabran Mar 28 Sep 2021, 18:41

Merci, mon cher Calonne . Very Happy
La réussite de Ramponneau était tellement incroyable qu'elle fait déjà l'objet de l'un de nos sujets :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t5168-au-tambour-royal-de-jean-ramponneau

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Message par Mme de Sabran Lun 11 Oct 2021, 18:59

Calonne a écrit:
Les adresses ne manquaient pas, souvent situées en-dehors du centre-ville, on parlait alors d'un monde "hors-barrières". Vaugirard (qui était alors un village), Montrouge, Bercy, la Courtille, les Porcherons....

Ou bien encore à Auteuil, mon cher Calonne ! Very Happy  Au printemps et en été des bals s'ouvraient aux portes de Paris; non seulement on y guinchait follement mais il s'y produisaient également de petits concerts, tout cela agrémenté d'illuminations,  de feux d'artifice ...

Gabriel de Saint-Aubin a gravé une joyeuse illustration du bal d'Auteuil.

Guinguettes et cabarets au XVIIIe siècle Ma-26310
Le bal d'Auteuil
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Elle devait servir de frontispice au Répertoire des bals ou Théorie-pratique des contredanses du Sieur de la Cuisse ( Eventaille  ), Maître de danse à Paris.  
La Cuisse, maître de danse, ça ne s'invente pas ! Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing

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Message par Calonne Lun 11 Oct 2021, 19:12

J'aime beaucoup cette image : la danse représentée a l'air très joyeuse, endiablée même, assez loin de l'image habituelle des danses de l'époque, cérémonieuses, guindées, voire précieuses ou maniérées.

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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
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Message par Mr ventier Mar 12 Oct 2021, 07:52

Quand on voit la joie de vivre de Paris à cette époque (avant révolution) on ne peut penser à la tristesse de notre époque dans la capitale.
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