En selle !

De tous temps, savoir monter à cheval a fait partie des usages de la noblesse et des élites. Le terme de "chevalier" remonte à la Rome antique où le chevalier, membre de l'ordre équestre, était celui qui était assez riche pour s'offrir un cheval. Erreur historique courante : contrairement à ce qu'on voit dans les films, les romains ignoraient les fers et les étriers, de même que la selle. En l'absence d'étriers, pour monter en selle, on utilisait une borne spécifique (le long des routes, on en trouvait une régulièrement) ou l'aide d'un tiers. Pour préserver les sabots des chevaux en l'absence de fers, on les enveloppait parfois de cuir souple ou on les encastrait dans une sorte de sandale de fer (peu pratique), l'hipposandale :


Enfin, en l'absence de selle, on montait à cru, sur une simple couverture de laine. Les premiers étriers apparurent en Chine ou chez les nomades d'Asie Centrale, cavaliers émérites. Au départ, il n'y en avait qu'un qui servait uniquement à monter en selle. Les fers apparaissent vers le IXème siècle, évitant ainsi sabots fendus, inflammations et abcès.


Une façon de monter souvent mal connue, réservée à la gente féminine...
Au Moyen Age, les dames utilisaient majoritairement la sambue :



Une selle obligeant la cavalière à être assise sur le côté, les pieds posés sur une planchette. Inconvénient majeur, la dame ne pouvait qu'aller au pas. Le galop était impossible, pour des raisons de stabilité et un fort risque de chute. Ces dames étaient ainsi fort contrariées de ne pouvoir suivre la chasse de leurs maris et fils, se contentant de la chasse au faucon, où elles pouvaient rester assises, l'oiseau au poing. Cette selle leur permettait toutefois de tenir un enfant contre elle, sur leurs genoux, pendant qu'un page menait la monture par la bride.
C'est Catherine de Médicis qui aurait "inventé" le monter en amazone. Une question pratique mais aussi de coquetterie : pas très jolie, la future redoutable souveraine avait par contre de belles jambes et elle pouvait ainsi les montrer quand elle se lançait au galop... Bien sûr, cette nouvelle façon de monter imposa une nouvelle selle, spécifique :





Cette dernière arbore une fourche latérale qui permet de caler la cuisse droite. La cavalière est donc toujours assise sur le côté mais elle est maintenue solidement et, grande innovation, elle peut donc aller au galop. Un vent de liberté souffle sur les dames qui peuvent désormais galoper tout leur saoul. La cavalière doit toutefois cambrer les reins pour se maintenir droite et ne peut utiliser que sa jambe gauche, la droite étant immobilisée, passée autour de la fourche. C'est alors qu'on voit apparaître l'indispensable cravache, qui remplace la jambe sur le flanc droit du cheval. L'unique étrier, à gauche, ne sert qu'à poser le pied.

Les cavalières portaient souvent, par pudeur, un caleçon spécifique, pour qu'on ne voit pas leurs jambes quand la robe se soulevait au galop. On créa par la suite des robes nommées "amazone", coupées de façon à ce que la jupe ne s'accroche pas à la selle en cas de chute. Monter et descendre de selle seule était quasiment impossible. Au XVIIIème siècle, les dames montaient soit en Amazone, soit à califourchon avec leur robe par-dessus. Au siècle suivant, la robe et la monte amazone devinrent la règle.
Il y avait également une autre raison à cette façon de monter : on croyait que monter à califourchon, en raison des secousses, pouvait déchirer l'hymen des jeunes femmes encore vierges... A noter toutefois que, malgré cette révolution, galoper en amazone restait difficile, réservé aux bonnes cavalières. Marie-Thérèse d'Autriche, mère de Marie-Antoinette, conquît le cœur des seigneurs hongrois par ses talents de cavalière, comme le fera plus tard Sissi.


A Versailles se trouvaient la Grande et la Petite écurie, distinction datant de François Ier.
La première regroupait les chevaux de guerre, de chasse et de parade. On y trouvait le Manège, utilisé pour apprendre à monter ou pour monter par mauvais temps. C'est le Grand Ecuyer de France, Monsieur "le Grand" (c'était son titre) qui était en charge de la Grande écurie. Assisté d'un "écuyer commandant", il gérait également l'école des pages et les musiciens à cheval du roi, une quarantaine avec instruments à vent et percussions. Le cymbalier noir des Gardes Françaises, venu du Soudan, apportait un parfum d'ailleurs avec sa tenue somptueuse et exotique. On peut citer Cazaux de Nestier, qui enseigna à monter à cheval au jeune Louis XV ou Pierre Marie d'Abzac, qui enseigna l'équitation à Louis XVI et ses deux frères avant d'émigrer lors de la Révolution. Louis XVI, bon cavalier soit dit en passant, il ne chuta de cheval que cinq fois au cours de son règne. Ses deux chevaux préférés ? L'escargot et le Désiré.

La Petite écurie regroupait les chevaux d'attelage, les carrosses, calèches, voitures et autres, sans oublier ânes et mules. Elle ne comportait pas de manège et était dirigée par "Monsieur le Premier", titre du Premier Ecuyer. On trouvait sous ses ordres 20 écuyers servant par quartiers, 30 pages et la foule des cochers, selliers, palefreniers, postillons... Ces derniers utilisaient des bottes spéciales, en cuir bouilli, directement fixées sur les flancs du cheval. Renforcées de fer, elles lui protégeaient les jambes en cas de chute. Il était impossible de marcher avec, c'est pourquoi elles restaient fixées au cheval. Les postillons qui travaillaient dans les relais utilisaient les mêmes lorsqu'ils changeaient les chevaux, passant d'une paire à l'autre en même temps qu'ils passaient d'un cheval à l'autre.

Calonne a écrit: Au siècle suivant, la robe et la monte amazone devinrent la règle.
Il y avait également une autre raison à cette façon de monter : on croyait que monter à califourchon, en raison des secousses, pouvait déchirer l'hymen des jeunes femmes encore vierges...

Ah oui ?! Je lis cette information pour la première fois . En revanche, nous savons tous bien que l'équitation était terriblement redoutée par Marie-Thérèse pour Marie-Antoinette à cause du risque de fausse-couche .

Il y avait la raison pratique : difficile (voire impossible) de monter à califourchon avec les robes de l'époque.
Mais il y avait bien cette raison "médicale" également. Et puis, l'Eglise et les moralistes n'appréciaient pas trop non plus la position de la dame à califourchon, jambes écartées, oscillant au rythme de sa monture, position qui évoquait pour certains une autre occupation... La position en amazone paraissait plus décente, surtout pour une jeune fille.

C'est certain !
Et puis, quelle soudaine liberté de mouvement ... donc liberté tout court !  
 C'était un grand pas vers l'égalité des sexes.

Certainement. Rien que pour la chasse, ces dames pouvaient désormais suivre les chasses de leurs maris au lieu de se contenter de la chasse au faucon. Et effectivement, elles pouvaient désormais galoper au lieu de rester sagement assises pour la promenade au pas, menée par un page...

Né en septembre 1739, il est celui qui enseigna à monter à cheval aux futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.
Il entre en 1756 comme page de la Grande Écurie sous les ordres de l'écuyer ordinaire de Louis XV et devient commandant du manège de Versailles, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. Dès son début de carrière d'écuyer, il montre, d'après les sources d'époque, "une connaissance de l'art équestre qui attire bientôt toute la cour". Il donne des leçons d'équitation à Louis XVI et à ses frères. Le 21 janvier 1781, le roi lui accorde le brevet d'une pension de 20 000 livres sur le trésor royal, sans retenue, à titre de retraite, comme écuyer commandant du manège de la Grande Écurie. Forcé à fuir à la Révolution française, il émigre en Prusse et y prend la charge de la seconde compagnie noble de l'armée des princes. A son retour en France, en 1802, après avoir été radié de la liste des émigrés, il retrouve son château et s'occupe à nouveau de dressage et d'élevage. Louis XVIII le nomme écuyer en chef de Versailles et il devient ainsi le directeur du premier manège sous la Restauration. Il meurt à 89 ans, en 1827, sans descendance malgré ses deux mariages avec Marie Blaise de Bonneval (le 10 août 1777), décédée pendant la Révolution, et en 1804 avec la veuve Marie-Antoinette-Jacqueline-Félicité De Cocquart.