Le logement de Fersen au château de Versailles

Je parlais hier avec des amis de la visite conférence des lieux cachés de Versailles, et la conversation a roulé sur le fameux poêle que Marie-Antoinette aurait fait installer dans un logement destiné à Fersen .
Ce matin j'allume Jules, je tape poêle de Fersen Versailles sur Google qui me propulse sur Passion Histoire au milieu de trois de nos membres que je m'empresse de bouturer ici !  


Dominique Poulin :
17 Déc 2004

Encore moi ! Quelques uns parmi nous savent que Axel de Fersen disposait d'un appartement tout proche des cabinets privés de Marie-Antoinette. D'après ce que j'ai compris, l'espace du suédois se trouvait au-dessus des appartements de la reine. Mon propos n'est pas de savoir si les deux amants de coeur se retrouvaient dans une intimité "coupable". Je voudrais en venir à des réflexions plus concrètes pour avancer sur ce point de vue.
Si je ne me trompe -et je peux me tromper...-, Marie-Antoinette avait fait aménager à Versailles quelques pièces pour Fersen au début de l'année 1788. Un détail passé inaperçu de la part des historiens a été exploré ces dernières années. Voici lequel.
A la fin de 1787 ou au début de 1788 la reine voulu faire poser un poêle suédois dans ses appartements privés (il n'y a pas de rapport direct avec Fersen ici même si ce dernier était suédois...).
En effet sa belle-soeur, la comtesse de Provence avait fait poser la première un poêle similaire dans sa salle à manger. Marie-Antoinette, toujours sensible à son confort voulut ne pas être en reste et fit faire de même dans ses cabinets. On a retrouvé les pièces d'archives attestant la pose de poêle suédois qui spécifient la source de chaleur dans les pièces se trouvant au-dessus des appartements privés de la souveraine... dont le "studio" du comte de Fersen.
Je livre ces renseignements de mémoire, il me faudrait les étayer avec des informations plus précises et la divulgation des pièces d'archives s'y rattachant.
Je veux bien m'y atteler car ce détail m'intéresse. Le fait est de savoir si Axel de Fersen disposait d'un espace privé proche de celui de la reine à Versailles avec entrée et sortie de communication.

J'ai commencé à mettre en forme les informations relatives à l'appartement de Axel de Fersen attenant aux cabinets de Marie-Antoinette.
Quelques renseignements préliminaires ne sont pas de trop... Après vérification c'est en 1787 et non en 1788 que la reine fit poser un poêle dans ses appartements susceptibles d'apporter davantage de confort à son chevalier servant. Cette information est corroborée par une note des renseignements des Bâtiments du roi et la correspondance du suédois. A la prochaine pour apprécier pleinement ce détail de l'histoire...

Curieusement la question de l'appartement de Fersen à Versailles ne commence pas par l'évocation du beau Suédois, ni de la reine, mais par celle de la comtesse de Provence.
Lors de l'hiver 1786-1787, Madame fit installer un poêle dans sa salle à manger où se tenaient souvent les soupers de la famille royale. Marie-Antoinette, elle s'en déclara indisposée. Une note du 7 janvier 1788 des Bâtiments du roi en fait part : "La demande de Madame a pour objet essentiel la santé de la reine qui a été très incommodée l'hiver dernier du poêle qui chauffait la petite salle à manger où toute la famille royale se réunit chez Madame."
Incommodée ou pas, la souveraine très sensible à son confort et aux nouveautés dans sa vie privée, tint elle aussi à disposer d'un poêle similaire dans ses propres appartements.

C'est ici, que nous retrouvons la trace de Fersen.
A plusieurs dates, son carnet de correspondance recèle de curieux renseignements :

- Le 20 avril 1787 : " Ce qu'elle doit me trouver pour loger en haut".

- Le 3 mai 1787 : "Projet de loger en haut".

- Le 8 octobre 1787 : " Qu'elle fasse faire une niche au poêle".

Le 10 octobre 1787 c'est le très officiel département des Bâtiments du roi qui relate cet insolite détail de poêle :

"La reine a envoyé chercher le poêlier suédois qui a fait des poêles à l'appartement de Madame et Sa Majesté lui a ordonné d'en faire un dans un de ses cabinets intérieurs, avec tuyaux de chaleur pour échauffer une petite pièce à côté."
A partir de mai 1787, Axel de Fersen est de retour en France. Il fera cependant plusieurs séjours à Valenciennes où se tenait son régiment dont il était colonel.

Les derniers biographes de Marie-Antoinette relatent ces renseignements et concluent à l'hypothèse probable d'un logement de Fersen attenant à l'appartement intérieur de la reine. Jamais aucune souveraine en France n'avait réussi à préserver ainsi sa vie privée. Elle y gagna certes sa liberté de femme à laquelle elle aspirait, mais son statut de reine en sorti considérablement dévalorisé et décrié à la Cour et dans l'opinion. Marie-Antoinette revendiqua le droit à l'intimité. Ses contemporains ne le comprirent pas. Les rumeurs fantasmatiques se transformèrent en états de faits.
La vie privée de la reine, recevoir ses amis ou tout simplement être seule, a été remarquablement bien protégée.
Une situation inédite à l'époque.
De nos jours, notamment sur la question du logement de Fersen à Versailles, nous sommes obligés de nous tenir à des conjectures, pas à des preuves. Ce qui ne relevait pas du cadre officiel et encore plus l'amitié amoureuse de Marie-Antoinette et de Fersen resta le domaine gardé de la reine.

Que pensez-vous de ma démarche et dispose-t-on de renseignements supplémentaires sur l'éventualité d'un appartement de Axel de Fersen prés de celui de la reine ?



Marie-Antoinette :

En ce qui concerne le "studio" de FERSEN qui serait situé au dessus des appartement privés de la Reine ; j'ai cherché sur les plans et il m'apparait difficile d'installer un petit appartement au second étage dans celui qui était réservé aux Dames de service.....
Par contre, il y a un petit appartement sous la méridienne très sombre qui aurait été à l'usage de Madame DE TOURZEL. On y accède par le passage du Roi et il y a un escalier menant du palier à l'arrière cabinet de la Reine derrière la méridienne !!!!!!!
(sujet à creuser) !!!!!
Dans l'appartement de la Reine il y a un petit escalier extérieur permettant de passer dans la cour et sortir du château !!!!!!
La tradition dit que c'était le chemin de FERSEN en passant par le Cabinet DORE.


Il faut continuer les recherches, mais il serait plus exact que FERSEN demeurait en ville et venait par un accès discret ... à l'époque la Reine était très surveillée et connaissant les lieux il est très difficile d'être seule sans la surveillance des Dames et du service.

Bonne journée MARIE ANTOINNETTE


Dominique Poulin :

Chère Marie-Antoinette, vos précisions sur l'appartement de Axel de Feren à proximité des cabinets de la reine sont très très intéressantes, vraiment très intéressantes... De mon côté j'ai tenté dernièrement d'y voir plus clair en ce qui concerne ce détail précis avec différents ouvrages comme "L'Espace du Roi : la Cour de France au château de Versailles 1682-1789 " de William R. Newton et les travaux de Marguerite Jallut, sans succès... En tout cas vos informations sont fort utiles. Je me suis peut-être un peu avancé quant l'hypothèse non prouvée du studio de Fersen à Versailles, car à vrai dire les derniers biographes de la reine et de Fersen en sont quasi-persuadés.


Marie-Antoinette :

Bonjour DOMINIQUE,

Je suis contente que vous parliez de MARGUERITE JALLUT qui est, pour Moi, mon maître en ce qui concerne les recherches sur la Reine ; j'ai de nombreux articles de cette grande dame, mais elle n'évoque pas FERSEN dans ses travaux bien que faisant régulièrement des visites aux Archives Nationales (j'ai vu sa carte de lecteur).

L'important ouvrage de NEWTON ne dit rien et pourtant que d'informations et j'attends avec impatience le second volume qui doit sortir en 2005 sur les autres appartements situés dans les ailes du château, l'orangerie etc.......

Je vais lancer la recherche auprès des Amis suédois pour leur demander si, par hasard, dans les Archives de Famille, il y aurait une indication de la Maison de Versailles d'AXEL !!!!!! car à VERSAILLES il doit être difficile de trouver trace de la location de cette demeure et/ou appartement.

je vais aussi relire DUSSIEUX avec les plans et Pierre de NOLHAC !!!!

L'enquête continue !!!!!!!!!!!! Vive 2005 MARIE ANTOINETTE


Gouverneur Morris :

Voici un petit renseignement tiré des Souvenirs du comte d'Hezecques, dont il convient cependant de limiter la portée dans la mesure où il était page du Roi, et non de la Reine.

La scène se passe peu après le 6 octobre 1789, lorsque le page, désireux de constater les désordres occasionnés par cette journée, s'aventure dans le passage dérobé menant de la chambre de louis XVI à celle de la Reine : "[...] je parcourus ce labyrinthe de passages inconnus, dont plusieurs étaient matelassés ; je pénétrai ainsi dans une foule de petits appartements dépendant de celui de la reine et dont je ne soupçonnais pas même l'existence. La plupart étaient sombres, n'ayant de jour que sur de petites cours. Ils étaient simplement meublés, presque tous en glaces et boiseries" (In Souvenirs d'un page de la Cour de Louis XVI, editions Gérard Montfort, p. 154).

Il existe également un autre passage fameux, tiré des mémoires du baron de Besenval, dans lequel il relate l'entrevue secrète sollicitée par la Reine à l'occasion du célèbre duel qui devait opposer le comte d'Artois et le duc de Bourbon, et pour laquelle Campan (M. et non Mme) le traîna dans une multitude de couloirs et de pièces qui lui étaient inconnues.

Son étonnement fut alors grand dit-il, "non pas que la Reine eût tant de facilités, mais qu'elle ait osé se les procurer" 8O (in Mémoires du Baron de Besenval sur la Cour de France, Mercure de France, Paris 1987, pp. 302-303).

Mme Campan, lorsqu'elle rédigea ses propres Mémoires sous la Restauration, non seulement réfuta ces propos, mais précisa que l'appartement en question, constitué d'une antichambre, d'une chambre et d'un cabinet, "était destiné à loger la dame d'Honneur de sa Majesté, et, dans le cas de couches ou de maladies, servait à cet usage lorsque la Reine faisait ses couches" :? (in Mémoires de Madame Campan, Mercure de France, Paris 1988, pp.158-159).

Je n'en sais pas plus...

.

Les amis, quelqu'un aurait-il plus ample informé qui puisse tomber là, pile-poêle ?!! :

L'appartement dit de Fersen est juste au-dessus de la chambre de la reine .  On y accède par un petit escalier qui se situe juste à gauche en entrant par la porte située à gauche du lit de la reine.

Le poêle a été remplacé par une cheminée .
  Dommage !  

Mme de Sabran a écrit:Le poêle a été remplacé par une cheminée .

Et ils n'ont pas oublié l'extincteur !

Bien à vous.

Après Fersen, c'eût pu être Sacha Guitry, mais non, mais non, c'est Georges Clemenceau qui a dit :

Le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier.

N'empêche que ce logement est minuscule... comment y placer un lit? Il ne pouvait qu'y avoir un pliant , ou de quoi dormir à la manière des domestiques...le poêle en plus...
Il faut sans doute s'imaginer ce qu'était Versailles la nuit pour moins s'étonner de l'exiguïté de cette chambre...

Bien à vous.

Sur la quatrième photo, en ouvrant la porte, vous découvrirez l'escalier dit des Dupes

Aucun rapport avec Louis XIII, Marie de Médicis ou Richelieu je présume?

Bien à vous.

Si réellement ce logement était destiné à Fersen, comme la correspondance autour de la question du poêle l'atteste incontestablement, l'exiguïté de cette chambre n'a qu'une explication : c'était un logement clandestin !  

Majesté a écrit:Aucun rapport avec Louis XIII, Marie de Médicis ou Richelieu je présume?

Bien à vous.

Si un peu. La journée des dupes s'achève à Versailles, où richelieu retrouve le Roi, et celui-ci, après un nouvel entretient, lui maintient sa confiance devant la Cour.
Or l'escalier en question est presque l'unique vestige du château de Louis XIII. C'est pourquoi il fut nommé d'après l'événement historique. Il est possible que richelieu l'ai emprunté un jour ou un autre.

Mme de Sabran a écrit:


Si réellement ce logement était destiné à Fersen, comme la correspondance autour de la question du poêle l'atteste incontestablement, l'exiguïté de cette chambre n'a qu'une explication : c'était un logement clandestin !  

Ou bien, en tant que personne n'ayant aucune charge à la cour, n'étant donc pas question de lui attribuer un logement, on lui en crée un dans le seul espace qu'on trouve dans ce château envahi par les espaces privés de la reine.

Lucius a écrit:

Ou bien, en tant que personne n'ayant aucune charge à la cour, n'étant donc pas question de lui attribuer un logement.

Il me semble difficile d'imaginer que l'on tasse un très grand seigneur étranger dans le placard à balais . :

Les gentilshommes qui n'avaient pas de place au château allaient dormir en ville .

Lucius a écrit:
on lui en crée un dans le seul espace qu'on trouve dans ce château envahit par les espaces privés de la reine.

Tu le dis toi-même, dans les espaces privés de la reine ...

.

Oui, parce que c'est le seul endroit où trouver de la place. Car dans quel droit pourrait-il se loger ailleurs dans le château ?
Or on le veut à proximité, donc c'est la seule solution pour ne pas vexer tout le monde.

C'est le même genre d'aménagement qu'on crée pour loger un domestique près de son maître, sauf qu'évidement ici l'hôte est de qualité, donc le logement est lumineux et pas trop bas.

Lucius a écrit:Oui, parce que c'est le seul endroit où trouver de la place. Car de quel droit pourrait il se loger ailleurs dans le château ?
Or on le veut à proximité, donc c'est la seule solution pour ne pas vexer tout le monde.

On le veut à proximité ? ... à proximité de la reine !!!

Lucius a écrit:Oui, parce que c'est le seul endroit où trouver de la place. Car de quel droit pourrait il se loger ailleurs dans le château ?

Tout le monde peut camper et s'entasser dans n'importe quelle soupente du château .  
Il y a des témoignages hallucinants sur l'inconfort qu'endurent certains hôtes de Versailles .

Mais de quel droit, lui Fersen, peut-il loger à une telle proximité de la reine en personne ? ... et de par sa volonté à elle .
La question se pose.

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Mme de Sabran a écrit:

Lucius a écrit:Oui, parce que c'est le seul endroit où trouver de la place. Car de quel droit pourrait il se loger ailleurs dans le château ?
Or on le veut à proximité, donc c'est la seule solution pour ne pas vexer tout le monde.

On le veut à proximité ? ... à proximité de la reine !!!

Si on effectue des aménagements pour le loger, cette initative n'est pas la sienne, il a bien fallu qu'on donna des ordres. D'où m'on "on veut". Parcequ'il faut bien que quelqu'un les ai décidé, ces travaux !

...   dans ses appartements privés, qui d'autre que la reine ?  ...   personne d'autre .

Il est évident que le Suédois n'est pas logé dans cette pièce parce qu'il n'y a pas de place ailleurs,  mais bien parce que Marie-Antoinette le veut auprès d'elle .

Je n'ai jamais dit le contraire.
là où nous divergeons, c'est dans l'idée que cette installation fut clandestine, car fort exiguë et peu propre à un proche de la reine. Car je pense que le désir de proximité peut, en lui-même, expliquer ce peu de confort, sans avoir à introduire la notion de clandestinité.

Mais peut-être m'exprimé-je mal ?

Lucius a écrit:
Je n'ai jamais dis le contraire.
là où nous divergeons, c'est dans l'idée que cette installation fut clandestine, car fort exiguë et peu propre à un proche de la reine. Car je pense que le désir de proximité peut en lui même expliquer ce peu de confort, sans avoir à introduire la notion de clandestinité.

Mais ce désir de proximité est singulier .
Une femme ne doit pas, en principe, désirer la proximité d'un autre homme que son mari .

Lucius a écrit:

Mais peut être m'exprimé-je mal ?

Oh non, bien-sûr que non !

Mais autant il est normal qu'une dame de la reine puisse occuper une petite pièce attenante à la chambre de Marie-Antoinette afin d'être au plus près d'elle si la souveraine a besoin de ses services, autant la présence d'un homme, dans la même intimité royale, est saugrenue et même très inconvenante .

   Et parce que cette situation est inconvenante, elle doit être  cachée ...  d'où l'idée de clandestinité .

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Là, oui.

D'où nous pouvons conclure ce que nous savions déjà : Fersen n'occupe pas là un logement officiel .

Certes.
Mais n'avait-on pas parlé en amont de l'appartement d'un courtisan laissé vacant que Fersen aurait occupé?
J'avoue que je n'ai pas le courage d'en retrouver la trace ce soir ...

Bien à vous.

C'est bien possible, mais sans doute était-ce avant 1787 .    
Nous parlons, là, de cette chambre située juste au-dessus de celle de la reine .  





( Evelyne Lever )


Ce qui est incroyable, c'est que Fersen soit à Versailles mais que seule Sophie le sache : il date ses autres lettres de Paris !
Il le lui précise bien pour la mettre en garde : " Ne dites pas que je vous écris d'ici car je date mes autres lettres de Paris "

C'est à croire qu'il se cache, à Versailles .
Sinon n'importe qui pourrait l'y rencontrer et le dire incidemment à son père qui le croit à Paris .

Sa présence est donc bien clandestine, et avec la complicité de Marie-Antoinette.
C'est curieux comme situation car enfin pourquoi se cacher d'être à Versailles ?

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Parce qu'on lui demanderait où il loge ....