Comment le volcan Tambora a tué Charles X ...
Page 1 sur 1
Comment le volcan Tambora a tué Charles X ...
C'est une façon de parler , bien sûr, cependant ....
Quel est le fait historique le plus important du XIXème siècle? Waterloo, l’unité allemande et italienne, la guerre de Sécession? Tout se discute bien sûr, l’histoire n’est pas une science objective. Mais à la lecture de « L’Année sans été » , de Gillen d’Arcy Wood, il se pourrait bien que le phénomène le plus marquant du siècle soit… l’éruption du Tambora en 1815, un volcan de l’île de Sumbawa, en Indonésie.
L’explosion du volcan indonésien Tambora en 1815 a non seulement provoqué une tragédie alimentaire mondiale pendant trois ans, mais conditionné également les idées et la littérature du XIXe siècle
Ses conséquences ont été si catastrophiques pour le climat de la planète que pendant trois ans des millions de paysans se sont retrouvés en situation de famine, du Yunnan chinois à l’Irlande en passant par la Suisse.
Ce volcan, dont l’explosion classée au rang de «méga colossale» selon l’indice d’explosivité volcanique, est sans équivalent dans les annales de l’humanité, surpassé seulement par l’éruption Oruanui (Lac Taupo) en Nouvelle-Zélande il y a 26 500 ans.
L’histoire de cette éruption, dont il reste aujourd’hui un cratère de 6 kilomètres de diamètre qui gronde et sent encore le souffre, est bien connue des volcanologues et des historiens. L’intérêt du livre de D’Arcy Wood, au titre français trop réducteur, est de restituer cette tragédie dans sa dimension planétaire. Car le Tambora ne se limite pas à être la cause de «l’année sans été» de 1816, mais il a durablement marqué les sociétés humaines et contribué à leur transformation.
Ce géant indonésien a même influencé les arts, la littérature et les idées scientifiques tout au long du XIXe siècle.
Le volcan Tambora dans l’île de Sumbawa en Indonésie.
A l’origine d’une année sans été, son éruption en 1815 coûta la vie à quelque 92 000 personnes
D’abord, l’éruption elle-même.
A côté, Pompéi ou le tremblement de terre de Lisbonne passent presque pour de modestes faits divers. Le 10 avril 1815 au soir, un impressionnant jet plinien, accompagné de coulées de lave, de pluies de cendres et de violentes tornades ont rayé de la carte, en quelques heures, la riche péninsule de Sanggar, faisant en tout 100 000 morts.
Seul le raja, sa famille et quelques habitants chanceux survivent au désastre et les rescapés de Sumbawa ont péri les jours suivants, dans l’obscurité d’un gigantesque nuage de cendres, par manque d’eau et de nourriture.
A une époque où l’écrasante majorité des hommes dépend de la terre, où il n’existe pratiquement pas d’aide alimentaire d’urgence, les paysans du monde entier – sauf l’Europe orientale et la Russie – vont connaître trois longues années de tourments.
Partout les rizières, les champs restent muets, verts, immangeables. En 1816 toujours, la mousson n’arrive pas en Inde – catastrophe absolue pour des millions de gens.
Terrible, allez-vous me dire, dramatique ! Mais quel rapport avec Charles X ?
J'y viens .
Comme un malheur n’arrive jamais seul, le choléra, maladie endémique régionale, profite de ce climat exceptionnel pour muter génétiquement et sortir du Bengale, entamant une funeste danse macabre autour du monde, qui va marquer tout le XIXe siècle.
Vers 1826, le choléra fait son apparition en Inde, gagne Moscou et la Russie en 1830, y provoquant des émeutes, et de là la Pologne et la Finlande. Il atteint Berlin en 1831, les îles Britanniques en février 1832 (provoquant également des émeutes) et la France en mars de la même année. Des immigrants irlandais l'amènent au Québec, toujours en 1832, tuant 1 200 personnes à Montréal et 1 000 dans le reste de la province ; la maladie s'étend en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Des passagers la font entrer aux États-Unis par Détroit et New York. La pandémie atteint l'Amérique du Sud en 1833 et perdure jusqu'en 1848, faisant 52 000 victimes en deux ans (la bactérie de cette éclosion semble avoir produit davantage de toxines).
En France
À Paris, le premier cas de choléra est attesté le 26 mars 1832. Le 7 avril, 1 853 cholériques sont répertoriés. L'épidémie y fera près de 19 000 victimes en six mois, et autant à Marseille.
Du mois de mars au mois de septembre, soit durant 189 jours, le choléra-morbus enleva près de 18 500 habitants de la capitale. Le quartier Saint-Merri, autour de l'hôtel de ville de Paris, fut un de ceux où cette maladie exerça ses pires ravages. Sur une population de 12 740 personnes, on compta 671 décès, soit 53 pour 1 000. La rue de la Mortellerie, seule, perdit 304 habitants sur 4 688, soit 6,4 %4.
Le département de Seine-et-Marne, par exemple, perdra 2,5 % de sa population entre avril et septembre 1832. L'épidémie s'achevant en septembre-octobre fit environ 100 000 victimes.
Le grenier de réserve de Paris fut temporairement transformé en hôpital pour faire face à l'afflux de malades.
Dans les années qui suivirent l'épidémie, le préfet de police Gabriel Delessert prit, entre autres, des mesures draconiennes d'assainissement des quartiers insalubres de Paris, développa et améliora le réseau d'égouts.
Le médecin Jacques-Martin Berthelot livre une analyse fouillée des observations sur le choléra dont il a été témoin entre 1832 et 1833 et publie en 1835 un ouvrage qui fera date.
Le Hussard sur le toit de Jean Giono
a pour cadre l'épidémie de choléra de 1832 dans le sud-est de la France, principalement en Provence.
Il a inspiré le film que nous connaissons tous :
La Caverne des pestiférés de Jean Carrière
décrit l'épidémie de choléra de 1835 en Languedoc.
1836, le 6 novembre, l'ancien roi de France, Charles X, en exil depuis son abdication le 2 août 1830, meurt du choléra dans le monastère de Gorizia en Slovénie.
Sa dépouille n'a jamais été transférée dans la crypte des Bourbons de la basilique Saint-Denis.
https://www.letemps.ch/culture/tambora-modernite-jaillit-dun-volcan-eruption
https://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_pand%C3%A9mie_de_chol%C3%A9ra
D'autres victimes célèbres du Tambora :
- Sadi Carnot
- Jean-François Champollion
- Hegel
- Casimir Périer
Et même, tenez, dans la Revue Des Deux Mondes :
10 avril 1815 : L’éruption du volcan Tambora, ou la genèse de Frankenstein
par Auriane de Viry
http://www.revuedesdeuxmondes.fr/10-avril-1815-leruption-volcan-tambora-genese-de-frankenstein/
Quel est le fait historique le plus important du XIXème siècle? Waterloo, l’unité allemande et italienne, la guerre de Sécession? Tout se discute bien sûr, l’histoire n’est pas une science objective. Mais à la lecture de « L’Année sans été » , de Gillen d’Arcy Wood, il se pourrait bien que le phénomène le plus marquant du siècle soit… l’éruption du Tambora en 1815, un volcan de l’île de Sumbawa, en Indonésie.
L’explosion du volcan indonésien Tambora en 1815 a non seulement provoqué une tragédie alimentaire mondiale pendant trois ans, mais conditionné également les idées et la littérature du XIXe siècle
Ses conséquences ont été si catastrophiques pour le climat de la planète que pendant trois ans des millions de paysans se sont retrouvés en situation de famine, du Yunnan chinois à l’Irlande en passant par la Suisse.
Ce volcan, dont l’explosion classée au rang de «méga colossale» selon l’indice d’explosivité volcanique, est sans équivalent dans les annales de l’humanité, surpassé seulement par l’éruption Oruanui (Lac Taupo) en Nouvelle-Zélande il y a 26 500 ans.
L’histoire de cette éruption, dont il reste aujourd’hui un cratère de 6 kilomètres de diamètre qui gronde et sent encore le souffre, est bien connue des volcanologues et des historiens. L’intérêt du livre de D’Arcy Wood, au titre français trop réducteur, est de restituer cette tragédie dans sa dimension planétaire. Car le Tambora ne se limite pas à être la cause de «l’année sans été» de 1816, mais il a durablement marqué les sociétés humaines et contribué à leur transformation.
Ce géant indonésien a même influencé les arts, la littérature et les idées scientifiques tout au long du XIXe siècle.
Le volcan Tambora dans l’île de Sumbawa en Indonésie.
A l’origine d’une année sans été, son éruption en 1815 coûta la vie à quelque 92 000 personnes
D’abord, l’éruption elle-même.
A côté, Pompéi ou le tremblement de terre de Lisbonne passent presque pour de modestes faits divers. Le 10 avril 1815 au soir, un impressionnant jet plinien, accompagné de coulées de lave, de pluies de cendres et de violentes tornades ont rayé de la carte, en quelques heures, la riche péninsule de Sanggar, faisant en tout 100 000 morts.
Seul le raja, sa famille et quelques habitants chanceux survivent au désastre et les rescapés de Sumbawa ont péri les jours suivants, dans l’obscurité d’un gigantesque nuage de cendres, par manque d’eau et de nourriture.
A une époque où l’écrasante majorité des hommes dépend de la terre, où il n’existe pratiquement pas d’aide alimentaire d’urgence, les paysans du monde entier – sauf l’Europe orientale et la Russie – vont connaître trois longues années de tourments.
Partout les rizières, les champs restent muets, verts, immangeables. En 1816 toujours, la mousson n’arrive pas en Inde – catastrophe absolue pour des millions de gens.
Terrible, allez-vous me dire, dramatique ! Mais quel rapport avec Charles X ?
J'y viens .
Comme un malheur n’arrive jamais seul, le choléra, maladie endémique régionale, profite de ce climat exceptionnel pour muter génétiquement et sortir du Bengale, entamant une funeste danse macabre autour du monde, qui va marquer tout le XIXe siècle.
Vers 1826, le choléra fait son apparition en Inde, gagne Moscou et la Russie en 1830, y provoquant des émeutes, et de là la Pologne et la Finlande. Il atteint Berlin en 1831, les îles Britanniques en février 1832 (provoquant également des émeutes) et la France en mars de la même année. Des immigrants irlandais l'amènent au Québec, toujours en 1832, tuant 1 200 personnes à Montréal et 1 000 dans le reste de la province ; la maladie s'étend en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Des passagers la font entrer aux États-Unis par Détroit et New York. La pandémie atteint l'Amérique du Sud en 1833 et perdure jusqu'en 1848, faisant 52 000 victimes en deux ans (la bactérie de cette éclosion semble avoir produit davantage de toxines).
En France
À Paris, le premier cas de choléra est attesté le 26 mars 1832. Le 7 avril, 1 853 cholériques sont répertoriés. L'épidémie y fera près de 19 000 victimes en six mois, et autant à Marseille.
Du mois de mars au mois de septembre, soit durant 189 jours, le choléra-morbus enleva près de 18 500 habitants de la capitale. Le quartier Saint-Merri, autour de l'hôtel de ville de Paris, fut un de ceux où cette maladie exerça ses pires ravages. Sur une population de 12 740 personnes, on compta 671 décès, soit 53 pour 1 000. La rue de la Mortellerie, seule, perdit 304 habitants sur 4 688, soit 6,4 %4.
Le département de Seine-et-Marne, par exemple, perdra 2,5 % de sa population entre avril et septembre 1832. L'épidémie s'achevant en septembre-octobre fit environ 100 000 victimes.
Le grenier de réserve de Paris fut temporairement transformé en hôpital pour faire face à l'afflux de malades.
Dans les années qui suivirent l'épidémie, le préfet de police Gabriel Delessert prit, entre autres, des mesures draconiennes d'assainissement des quartiers insalubres de Paris, développa et améliora le réseau d'égouts.
Le médecin Jacques-Martin Berthelot livre une analyse fouillée des observations sur le choléra dont il a été témoin entre 1832 et 1833 et publie en 1835 un ouvrage qui fera date.
Le Hussard sur le toit de Jean Giono
a pour cadre l'épidémie de choléra de 1832 dans le sud-est de la France, principalement en Provence.
Il a inspiré le film que nous connaissons tous :
La Caverne des pestiférés de Jean Carrière
décrit l'épidémie de choléra de 1835 en Languedoc.
1836, le 6 novembre, l'ancien roi de France, Charles X, en exil depuis son abdication le 2 août 1830, meurt du choléra dans le monastère de Gorizia en Slovénie.
Sa dépouille n'a jamais été transférée dans la crypte des Bourbons de la basilique Saint-Denis.
https://www.letemps.ch/culture/tambora-modernite-jaillit-dun-volcan-eruption
https://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_pand%C3%A9mie_de_chol%C3%A9ra
D'autres victimes célèbres du Tambora :
- Sadi Carnot
- Jean-François Champollion
- Hegel
- Casimir Périer
Et même, tenez, dans la Revue Des Deux Mondes :
10 avril 1815 : L’éruption du volcan Tambora, ou la genèse de Frankenstein
par Auriane de Viry
http://www.revuedesdeuxmondes.fr/10-avril-1815-leruption-volcan-tambora-genese-de-frankenstein/
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55515
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Comment le volcan Tambora a tué Charles X ...
J'espère que le Vésuve me pardonnera cette petite infidélité !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55515
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Sujets similaires
» L'année sans été. Tambora, 1816, le volcan qui a changé le cours de l'Histoire. De Gillen d'Arcy Wood
» Bibliographie sur Charles-Philippe de France comte d'Artois, roi Charles X
» Le comte Charles-Philippe d'Artois, futur Charles X
» Le Laki, un volcan islandais à la génèse de la Révolution
» 1783 Le souffle rouge du volcan, de Nicolas-Bruno Jacquet.
» Bibliographie sur Charles-Philippe de France comte d'Artois, roi Charles X
» Le comte Charles-Philippe d'Artois, futur Charles X
» Le Laki, un volcan islandais à la génèse de la Révolution
» 1783 Le souffle rouge du volcan, de Nicolas-Bruno Jacquet.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum