Podstakanniks et samovars

Quésako ?  
Le Podstakannik est un objet typique de la Russie, qui nous ramène au XIXème siècle, à l'heure du thé, plus particulièrement à bord des trains russes lancés à travers les steppes enneigées...



Le podstakannik signifie littéralement "chose sous le verre". C'est donc un porte-verre en métal à la base (souvent en fer, laiton, étain), destiné à boire le thé dans un verre.
Il apparaît en fait au XVIIIème siècle où l'usage veut que la tasse soit réservée aux femmes, "comme à la maison" tandis que les hommes, eux, boivent le thé dans un verre, "comme à la taverne". Problème : les russes boivent leur thé très chaud et les hommes en eurent vite assez de se brûler les doigts. D'où l'apparition du podstakannik.
C'est au siècle suivant qu'il prend son envol avec le développement du chemin de fer. Dans les wagons parfois rudement secoués, il devient indispensable pour transporter son thé de la voiture-restaurant à son compartiment ou pour simplement éviter que le verre ne se renverse. Aujourd'hui encore, il est d'un usage courant dans les trains de nuit et wagons-lits russes. On l'utilise aussi en camping, là où il est plus pratique que la tasse. Il est désormais utilisé par les femmes également.
Très simple à la base, il devient vite un objet décoratif, le métal remplacé par l'argent ou même l'or, enrichi d'émaux, de pierreries et de décors élaborés. Fabergé lui-même, orfèvre des Tzars, en a créé plusieurs. Il est parfois orné de véritables scènes, historiques ou mythologiques, de vues de bâtiments célèbres comme la cathédrale saint Basile à Moscou et, dans les années 1950/1960, de scènes de propagande, de représentations sur la conquête spatiale russe ou sur les ouvriers, les paysans, les soldats...
Voyons tout cela...






























A noter que le verre qui s'insère dans le podstakannik est un verre spécifique, nommé stakan. Il peut lui-même être richement ciselé ou incisé.
Le thé, en Russie, se boit nature, sans lait ni autre ajout et très chaud voire brûlant, dès que l'infusion est terminée. Le sucre peut être remplacé par le miel.
Le thé russe est en fait un mélange de thés noirs venus de Chine. Sa saveur est très fruitée et acidulée avec une base d'agrumes et d'écorces séchées.
Il apparaît en Russie au XVIIème siècle, quand des dignitaires mongols en offrent au Tzar Michel Ier.
Il est d'usage de laisser la cuillère dans le verre, même quand on boit. D'où la plaisanterie née pendant la Guerre Froide qui explique que les russes boivent leur thé avec l'œil droit fermé pour éviter de se blesser en se prenant la cuillère dans l'œil...
Les russes utilisaient autrefois le samovar, aujourd'hui supplanté par la théière. Il s'agit d'un ustensile inspiré des bouilloires mongoles, en deux parties, la supérieure où l'on met le thé à infuser et la partie inférieure où se trouve l'eau chaude, avec un petit robinet pour se servir. Certains sont d'ailleurs également de véritables œuvres d'art. Le nom vient de deux noms différents, signifiant à peu près "faire bouillir" et "soi-même". On en trouve encore dans les wagons-restaurant des trains russes.

C'est ça !     Fuyons la canicule vers les steppes russes...  un peu de fraîcheur, pajalousta !
Ces podstakanniks sont pour certains de vraies oeuvres d'art.
Merci, mon cher Calonne !  

Je propose cet autre, dont la décoration exalte la propagande soviétique :    

Merci Calonne pour cette intéressante présentation illustrée...

Calonne a écrit:
Il est d'usage de laisser la cuillère dans le verre, même quand on boit. D'où la plaisanterie née pendant la Guerre Froide qui explique que les russes boivent leur thé avec l'œil droit fermé pour éviter de se blesser en se prenant la cuillère dans l'œil...

Ah ? Cela me fait penser à une scène du film Inglourious Basterds (âmes sensibles s'abstenir à 3mn '45 sec). Un rien peut trahir vos origines...

Merci beaucoup pour ce précieux reportage qui ne manque pas de détails bienvenus. Si toutefois vous avez égaré votre précieux et nécessaire podstakannik, il vous est possible de remédier à la situation (si votre main n'est pas trop menue) : maintenez votre verre bien coincé, en haut, entre votre pouce et, en bas, entre l'index et le médius bien joints, n'offrant ainsi que le contact le plus mince entre le verre brûlant et votre peau...et ça marche !                                                                      
Ce service du thé, en Russie, n'est pas limité aux trains de nuit et aux wagons-lits. A toute heure on peut demander de l'eau très chaude à l'hôtesse affectée à votre voiture, qui à sa disposition une petite cuisinette où elle s'affaire en permanence. Ainsi dans chaque voiture, même de très longs convois !

Merci pour ces précisions cher Lecréateur.
Pour ma part, je ne l'avais expérimenté que dans un train de nuit où l'on vous remet au départ un petit "amenity kit" avec, entre autres, des sachets de thé. Ne restait plus qu'à rejoindre le samovar du wagon-restaurant pour se servir en eau chaude.
Mais c'est vrai que la théière s'est imposée quasiment partout.

Il est vrai, cher Calonne, que face au triomphe conjugué de la théière, de l’électricité et de ce que j’appelle le thé en papier (les petits sachets !) , les tenants du samovar en sont réduits bien souvent à rêver…cependant il y a peut-être cinq ans j’ai vu un reportage sur un voyage en transsibérien (du moins en partie)… et ll me semble que le thé brûlant y transitait par des samovars en pleine action dans les voitures roulant à bonne allure ! Certes, ce voyage n’était pas accessible à tout le monde puisque un membre de la famille royale britannique en était… mais il ne faut pas grand chose pour s’y croire : il y a une dizaine d’années j’ai acheté sur un marché aux puces à Bialystok (Pologne) un samovar du xixe siècle, en très bon état avec tout et tout, provenant du centre principal de producton de ces engins en Russie (à Toula) à l’époque. A mon arrivée chez moi, je l’ai hébergé dans une modeste masure survivant tant bien que mal depuis autant de temps dans mon jardin (situé quelque part entre l’Atlantique et l’Oural !). Elle comportait une cheminée (nécessare pour les braises !), j’ai rénové et  rafraîchi tout cela….et depuis, à nous la bonne vie à rêver face au samovar ! comme si nous avions fait halte dans une modeste gare entre l’Oural et le Pacifique !

C'est vrai que le samovar fait partie des objets qui évoquent la Russie "éternelle". Et certains sont très beaux.
J'en posterai quelques images prochainement.