La dernière cravate de Louis XVI

Il y a vingt ans exactement, le 21 janvier 2004, était vendue aux enchères la cravate que portait Louis XVI avant de monter à l’échafaud, le 21 janvier 1793.






Elle est accompagnée de deux billets manuscrits:

a) "Cravate ayant appartenu au roi Louis XVI. Il la détacha de son col en partant au supplice et la donna à Mr Vincent comme souvenir et récompense, n'ayant rien autre chose en sa possession. Mr Vincent mourut aussi sur l'échafaud".
b) "Cette cravate de Louis XVI doit revenir à mon fils Ernest Marion comme chef de famille".

Cette cravate a été offerte par le roi Louis XVI à Monsieur Vincent, conseiller général de la Commune, jugé par le tribunal révolutionnaire le 11 Th. An 2, exécuté le même jour.

On retrouve dans le journal de Cléry, Ed. Baudouin Frères, Paris 1825, page 118, le passage suivant:

"Le Commissaire Vincent, entrepreneur de bâtimens, qui a rendu à la famille royale tous les services qui dépendaient de lui, se chargea d'emporter secrètement un exemplaire à la reine ; il profita du moment où le roi le remerciait de ce petit service pour lui demander quelque chose qui lui eût appartenu: sa majesté détacha sa cravate et lui en fit présent. Une autre fois elle donna ses gants à un autre municipal qui désira les avoir pour le même motif. Même aux yeux de plusieurs de ses gardiens, déjà ses dépouilles étaient sacrées".

On y joint une miniature ronde sur ivoire représentant "Monsieur Vincent, en buste de face", cerclée de cuivre.
École française de la fin du XVIIIe siècle.
Cette miniature est présentée dans un écrin recouvert de galuchat vert, garni à l'intérieur de velours et de soie de la même couleur.



:
Cette cravate provient de Mme Vincent, veuve de M. Vincent. Mme Vincent en a hérité après l'exécution de son mari, puis elle s'est remariée avec M. Marion, d'où un fils, Ernest Marion, (arrière grand-père des propriétaires actuels), lui-même père d'une fille en 1872  devenue Mme Fournier de Clausonne ; elle même a eu une fille qui s'est mariée avec un M. Olivier Martin, elle s'appelait Mme Colette Martin de Clausonne, mère des propriétaires à l'époque de sa vente de la royale cravate .

La vente a lieu dans la salle des mariages noire de monde de la mairie de Loches. « Des journalistes venus de Paris, de la presse écrite nationale, de la radio ou de la télévision étaient là. Il y avait aussi des téléphones installés un peu partout ».

Jacki Berthias, relatait l'événement dès le lendemain dans les colonnes de La Nouvelle République,  rubrique des informations générales :

« Les enchères ont vite monté, à droite 5.500, à gauche 6.000, au centre 7.000… avant que le téléphone ne prenne le relais. Deux acquéreurs potentiels s’affrontaient, faisant s’envoler les prix : 10.000, 20.000, 50.000… 70.000 €, enfin. Hors frais. » « 75.000 € frais de transaction inclus », précise vingt ans plus tard, Philippe Rouillac.
« L’acquéreuse était une Franco-Américaine, très attachée à la famille royale ainsi qu’aux La Fayette et aux Rochambeau. Elle m’avait dit que c’est en partie grâce à Louis XVI que les Américains avaient pu prendre leur indépendance face aux Anglais »

https://m.lanouvellerepublique.fr/%252Floches%252Floches-quand-la-cravate-de-louis-xvi-etait-vendue-aux-encheres-le-21-janvier-2004
https://clg-doisneau-gonesse.ac-versailles.fr/spip.php?article68


Bien-sûr pour le plaisir, petit historique de la cravate, cet accessoire si indispensable à l'élégance masculine qui, sous Louis XIII commence à remplacer les jabots de dentelle, qui eux-mêmes avaient supplanté les fraises, de plus en plus encombrantes et certainement moins confortables. .  


Dictionnaire de l'Académie française :

« CRAVATE. s. f. Mousseline, batiste, ou autre étoffe légère que les hommes se mettent ordinairement autour du cou, et qui se noue par devant. Cravate de mousseline, de soie. Cravate de taffetas noir. Cravate blanche. Cravate noire. Cravate de couleur. Le noeud, les bouts d'une cravate. Mettre sa cravate. »

L’origine supposé de la cravate serait attribuée à des cavaliers croates qui du temps de Louis XII et louis XVI portaient une étoffe autour du cou. Ce serait de là que viendrait aujourd’hui le mot francisé « Croate » en « Cravate », mais il n’y a rien d’absolument certain à ce sujet.  Ce qui est certain c’est que ces fameux cavaliers portaient bien une bande de tissus richement ornée autour de leur cou, il n’en fallu pas plus pour que nos rois fassent adopter cette mode dans leur Cour.



« Pendant la Guerre de Trente ans, les cavaliers croates s'étaient distingués, outre leur courage, par un petit foulard noué autour de leur cou. À l'origine, ce foulard était là pour protéger le soldat de la chaleur et surtout du froid. Fait d'étoffe grossière chez le simple soldat, il pouvait être en soie ou en fine mousseline chez les officiers. Du foulard fonctionnel, la cravate se transforme progressivement en ruban décoratif de forme et de taille différente, pour adopter les formes actuelles : la cravate et le nœud papillon. La cravate est mentionnée pour la première fois en 1651. Adoptée par les officiers, elle fait fureur dans l'aristocratie française. Le cravatier du roi proposait chaque matin à Louis XIV un plein panier de nœuds et de cravates finement ouvrages. "

(Par Gregory Peroche, extrait de France-Croatie 797-1997, douze siècles d’histoire, François Xavier de Guibert, 1998)

La cravate n’a pas eu de mal à convaincre grâce à son élégance mais aussi et surtout par son originalité. Elle était aussi extrêmement pratique puisqu’elle permettait de protéger des courants d’air fréquents dans le palais de Versailles.  Louis XIV crée donc la charge royale de Cravatier, qui appartiendra aux services de la chambre du roi.  Le cravatier dépend du « Grand Maître de la Garde Robe » dont la charge est créée en 1669. Il appartient aux services de la chambre du roi et a le statut d’écuyer. Sa fonction est de choisir et d’ajuster la cravate du roi, mais pareillement les boutons de manchette et les diamants. Il doit assortir la cravate avec les tenues de Sa Majesté.

Nous voilà bien loin de la première utilisation de cavaliers, qui la mettaient autour de leur cou pour se protéger principalement d’un coup d’épée qui aurait été fatal.

La cravate a scellé l’amitié franco-Croate, à tel point que le régiment Croate du Royal-Cravate ...  
...  qui opéra lors de multiples opérations militaires du temps de la royauté française,  a toujours démontré sa fidélité au peuple Franc.



Voilà donc pour l’origine moderne de la cravate, une histoire romanesque qui a plus de 300 ans et qui persiste aujourd’hui, car les descendants des cavaliers croates et du Royal Cravate sont aujourd’hui encore existants : c'est le 10ème régiment de cuirassiers de l’armée Française.


Il s'avère en fait qu'il faut remonter à beaucoup plus loin et même à l’autre bout du globe pour trouver les premières traces de la cravate.

C’est en Chine que cet ornement aurait été remarqué en premier grâce à des fouilles effectuées en 1974 dans la région de Xian où l’on a découvert des statues de terre cuite : l’armée du 1er empereur chinois Qin Shih Huang. Il avait souhaité être enterré aux côtés de ses hommes pour qu’ils le gardent dans l’au-delà.
Sur chaque statue de soldat, on peut  remarquer une étoffe de tissu enroulée autour du cou. D’après ce que l’on sait, l’armée de cet empereur est la seule à porter cet accessoire, il n’existe aucune autre représentation de soldats ni de civils chinois portant ce foulard.  


Les historiens s’accordent pour dire que l’étoffe en question était considérée comme un signe de distinction et d’honneur pour les hommes de l’armée impériale.

Plus récemment, la cravate semble avoir déjà fait partie de l’apparat militaire au moment de l’Empire romain, à l’époque de l’empereur Trajan plus précisément entre 98 et 117 de notre ère. En effet, quand on regarde attentivement  la colonne Trajane à Rome, on remarque que les soldats portent des étoffes variées autour de leur cou, lesquelles sont rentrées dans leur armure.  Là encore, le port de ce « foulard-cravate » semble honorifique.



https://www.madefrance.fr/blog/79-histoire-de-la-cravate


Vers la fin du XVIIe siècle, c’est au tour de la cravate dite Steinkerque de faire son apparition,  lors de la bataille des Flandres du même nom. C’est une cravate au nœud simple dont on passe l’un des pans dans la boutonnière.
Cette bataille du 3 aout 1692, du côté de la Belgique actuelle, voit s’opposer la France et les anglo-hollandais.


Normalement la cravate portée à la boutonnière des soldats est juste nouée autour du cou librement et peut avoir comme ornement un nœud coloré. C'est en général réservé aux cérémonies. Une légende circule concernant la cravate et la bataille de Steinkerque. On raconte que lors de la bataille, funeste et sanglante, la Maison du Roi et les Princes n’auraient pas eu le temps de nouer correctement leur cravate, ainsi ils apparurent aux soldats avec un cravate entourée autour du cou, sans être nouée, et le grand pan de la cravate était passé dans le trou de la boutonnière. Après la bataille, cette légende aurait perduré et la mode avec.

Le mot «cravate» a perdu son «e»  lorsqu'il est passé en Angleterre. Une fois en Angleterre, la cravate a remplacé les cols en dentelle de Charles Ier et Charles II. Au début, c'était une étroite bande droite de dentelle ou de lin, qui pendait au cou. Au XVIIIe siècle, le jabot prend le dessus, le devant de la chemise à volants et brodé se gonflant au-dessus de l'ouverture du gilet presque pour dissimuler la cravate, désormais boutonnée dans le dos.

Les pans pendants de la cravate garnis de dentelle sont souvent confondus avec le jabot.  Celui-ci  est fait d’un volant de tissu ou de dentelle cousu le long de la fente d’encolure de la chemise.




Louis XV : fine cravate et jabot, un bout du jabot dépasse sous le cordon bleu ( François-Hubert Drouais )


Sous Louis XV et Louis XVI, jabot et cravate se jouent l’un de l’autre. Ils se conjuguent au point qu’il est souvent difficile de les distinguer sur les portraits. Plus tard, la cravate prend le dessus sur le jabot, couvrant le devant de la chemise et évoluant vers la cravate stock, qui est devenue plus libre et plus volumineuse dans ses proportions au fil du temps, ainsi qu'une simple cravate entourée d’un ruban noir qui entoure le cou et maintient aussi les cheveux derrière la tête. Cette cravate a été très utilisée au XVIIIème siècle,  souvent remplacée par un « col » ou « tour-de-cou », noué par-derrière avec un ruban tenant les cheveux, et garni par-devant d’un nœud de ruban formant une sorte de nœud papillon. Ce tour-de-cou semble généralement coloré… souvent noir.



La cravate reste en usage au Siècle des Lumières. On l’enroule autour du cou en faisant un ou plusieurs tours, jusqu’à la fin du XVIIIe et le début du XIXe où elle couvre même jusqu’au menton inclus, comme nous la voyons portée par Saint-Just ci-dessous :



L'on place souvent sous la cravate un jabot, très fin ou plus ou moins volumineux, qui s’accroche à la chemise au niveau du centre/haut des poumons.

La cravate sous la Révolution

Malgré quelques débats houleux sur la place sociale de cet accessoire, la Révolution ne viendra pas à bout de la cravate, bien au contraire. Les Français s’essaient à une cravate très bouffante, dite cravate à la Garat, du nom du comédien qui l'a si bien popularisée.



Pierre-Jean Garat.   Dieu,  qu'il est vilain !!!

Exemple type de " l’Inc'oyable " et du muscadin, Garat affecta longtemps de ne pas prononcer les « r » quand il parlait, et il est vraisemblable qu’il fut à l'origine de cette mode car on parlait alors de « garatisme ». Il fut la coqueluche de la jeunesse dorée qui copiait ses tenues vestimentaires extravagantes,  bien-sûr ses c'avates — cravate nouée obligatoirement à droite — et sa coiffure (cheveux ramenés en oreilles de chien).
Il gardera toujours, même à un âge avancé, l’apparence d'un mirliflore, avec une attitude hautaine et maniérée.  Cette attitude exhibitionniste et efféminée ne l’empêcha pas d’être très empressé auprès des femmes car il eut de nombreuses liaisons. Il fut aussi le chanteur préféré de Marie-Antoinette !  

A  l’instar de Brummel, " le beau Brummel " grand dandy de son époque
les Britanniques, eux,  ne jurent plus que par la cravate blanche aux nœuds aussi complexes que possible !


Ce type de cravate,  cravate Ascot ou Lavallière, de couleur noire, à noeud flottant,  devient alors à la mode en France.
Vous pouvez la porter, Messieurs, avec une épingle à cravate, une perle pourquoi pas,  à la manière de Rhett Butler ... vraiment  le fin du fin ...  



Plusieurs objets ou bijoux servent à tenir et orner la cravate, comme la bague, les rubans ou l’épingle. Dans les iconographies, c’est à partir des années 1810 que l’épingle à cravate ou à jabot devient très voyante, mais on l’utilisait déjà avant. Il faut ajouter la pince à cravate qui voit peut-être le jour avec la cravate régate ( cravate moderne ) .

Aucun habitué des classiques Tuileries, du musqué boulevard des Italiens, voire même du docte Luxembourg, ne révoquera en doute l'utilité de l'Art de mettre sa cravate, puisqu'elle apprend à connaître celui qui la porte. Il est une vérité, c'est que la cravate d'un homme de génie ne ressemble nullement à celle d'un petit esprit […] La cravate est un thermomètre sur lequel le degré de goût et d'esprit d'un fashionable doit être jugé. […]  
https://www.lamesure.org/article-une-histoire-de-la-cravate-depuis-le-xviie-siecle-jusqu-a-aujourd-hui-39647937.html

L'apparition du nœud papillon est bien difficile à dater, et en particulier sa séparation de la cravate, c'est-à-dire l'époque où le nœud papillon n'est plus considéré comme une simple forme de nœud de cravate, mais acquiert une forme qui lui est propre.

Certains historiens affirment que le nœud papillon serait à l'origine l'un de ces nœuds de cravate très complexes imaginé par Beau Brummel.  Mais, bien avant le XIXe, voyez Jean d'Alembert en 1753 :



La cravate  évolue au fil du temps, forme, couleur, taille et fantaisies. La difficulté pour la nouer reste telle pendant de longues années, que la cravate était d’ailleurs souvent vendue déjà nouée...  jusqu'à l'invention de la cravate régate. Nous la devons au célèbre cravatier New-Yorkais  Jesse Langsdorf qui a l’idée de couper la cravate de part et d’autre en suivant un angle de 45 ° et de coudre les extrémités latérales sur le derrière. Ainsi, lorsque la cravate est nouée, elle ne s’entortille plus. Les tissus en diagonale assemblent la cravate en trois parties : la face avant, la face arrière, et le tissu central qui apporte l’épaisseur et la tenue à cette dernière. Le concept ne changera plus et donne à la cravate l’aspect intemporel que nous lui connaissons aujourd’hui.

Pour ma part, les amis, je trouve la cravate extrêmement chic et seyante .

Quel exposé !!!!!
Rhett Butler le charme incarné.
La cravate est un des seuls produits de couleur qu’un homme puisses porter.
C’est vrai qu aujourd’hui costumes, chaussettes (le comble de l’inélégance sauf en tenue décontractée) deviennent tendance.
Pour ma part j’ai toujours privilégié le noeud Windsor.
Cravate et chapeau la classe

Mr de Talaru a écrit:
Pour ma part j’ai toujours privilégié le noeud Windsor.  

C'est drôlement sorcier, dis-moi !  
Mais je te reconnais bien là : arbitre de l'élégance.  

Avec l’habitude c’est assez facile et tellement joli

Oh mon Dieu, je découvre grâce à vous deux que le Windsor que je croyais nouer est en fait un noeud simple !!!

En fait cela donne un noeud très triangulaire et avec un col italien c.est très joli car le V qui s’en dégage mais tout en lumière le triangle du Windsor

Mais oui, je vois ça

...   noeud formant le W. de Windsor , vraiment   le grand chic !  

Voici Josh O'Connor dans le rôle du prince Charles ( série The Crown ). Il arbore une cravate qui pend sans noeud, comme nonchalamment, est-ce un style en soi ?

Ma foi elle est dans le même style que la pochette du grand n’importe quoi !
J’avoue que j’aime bien quand même si cela donne l’idée aux nouvelles générations de se cravater

J'ai toujours détesté les cravates et j'ai fait mienne une citation de Gianni Versace : "La cravate ? Je déteste les endroits où il faut en porter une pour entrer".

A la base déjà, je déteste les cols roulés, fermés, avoir le cou serré ou couvert. Même en hiver, mes cols sont toujours ouverts, c'est presque physique, j'ai l'impression d'étouffer si j'ai le cou serré ou un truc autour. Pour éviter les coups de froid sur la poitrine, je compense par une écharpe drapée de manière assez lâche, plus un châle en fait (en plus, j'en ai une en laine de vigogne, chaude et douce, souvenir ramené d'Amérique du Sud et qui me va très bien). Je ne porte plus de costume depuis une éternité mais si l'occasion se présente, alors je mets un costume à col Mao.

Pour ce qui est de la couleur, il n'y a pas que la cravate. On peut, pour les costumes, sortir du sempiternel "noir/bleu marine" qui donne l'impression de ressembler à un croque-mort ou à un type en deuil. En Afrique, en Amérique du Sud, les hommes osent la couleur, la gaieté, les motifs. Etant brun et le teint mat, j'ai tendance à porter des couleurs pastels ou du rose pour mes polos et chemises.
Bref ! J'avoue un gros faible pour le style Don Johnson dans Miami Vice :