La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
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La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
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1861. La République mexicaine passe par de sales moments. Les caisses sont bientôt vides, au point que le gouvernement décide de suspendre le paiement de sa dette extérieure. A Londres, à Paris et d'autres pays en Europe, on n'apprécie pas. Surtout Napoléon III qui réfléchit depuis quelques temps à instaurer au Mexique un nouveau pouvoir, qui deviendrait un partenaire économique privilégié de la France et qui ferait également contrepoids à la puissance américaine (bien que les américains, à l'époque en pleine Guerre de Sécession, aient d'autres chats à fouetter). L'empereur français est appuyé dans son idée par de riches conservateurs mexicains, une minorité influente qui rêve d'un régime fort et stable pour protéger ses intérêts. S'ajoute même à tout cela un petit côté religieux, voire même "messianique" : imposer un "empire latin", une grande puissance catholique pour contrer le protestantisme américain. Ce serait, selon certains conseillers de l'empereur, "la pensée du règne". L'avis des mexicains eux-mêmes ? On s'en fout.
L'expédition
Fin 1861 et début 1862, décidés à se faire rembourser, anglais et espagnols envoient une expédition militaire sur place, bientôt suivis par la France. Ont alors lieu des négociations compliquées au terme desquelles espagnols et britanniques comprennent le dessous des cartes et les véritables intentions de la France. Refusant de se laisser entraîner, ils font finalement leurs bagages et rentrent chez eux. Mais les français, eux, restent et marchent sur Mexico. La capitale est atteinte après de nombreuses batailles et, en juillet 1863, on proclame l'empire du Mexique, sous la protection et l'impulsion des français. Mais qui placer à la tête de ce nouvel état qui devra bien sûr "renvoyer l'ascenseur" à la France ? On choisit un ami, l'archiduc autrichien Maximilien. C'est le frère de l'empereur d'Autriche François Joseph, mari de la célèbre Sissi. Il a pour épouse Charlotte de Belgique, fille du roi des belges. Un couple pas vraiment préparé à ce qui l'attend... Il est certes cultivé, artiste, mais visiblement rêveur, dilettante, émotif et nerveux. Elle, de son côté, est aussi un peu fragile psychologiquement, très croyante, voire même mystique. Le couple impérial s'installe donc à Mexico.
Un empire de pacotille
Très vite, il est évident que la greffe ne prend pas. Parachutés dans un pays dont ils ignorent tout, loin de chez eux, les deux époux se perdent en oisiveté et dépenses tandis que l'insécurité, le désordre et les troubles se répandent comme une traînée de poudre, aidés par les habitants et la guérilla. Des bandes de rebelles parviennent même jusqu'aux portes du palais et bientôt, le nouveau pouvoir ne tient plus que grâce à la présence du corps expéditionnaire français sur place, environ 40 000 hommes, dirigés par le général Bazaine :histoire-image.org
La crise économique s'aggrave, chose normale vu que les intérêts français passent avant tout. L'empereur, faible, hésitant, s'absente parfois des mois entiers, laissant sa femme diriger en son nom, ce qui passe très mal. L'impératrice a le mal du pays, ne supporte pas la chaleur aride ou étouffante de son nouveau domaine, ce qui ne l'empêche pas d'aller visiter les cités et pyramides Mayas du Yucatan...
L'effondrement et la fin
En France, le vent tourne.
L'opinion publique critique de plus en plus cette "aventure mexicaine" qui coûte plus qu'elle ne rapporte, le gouvernement fait face à une opposition politique de plus en plus forte. Sur le plan extérieur, les Etats-Unis, enfin sortis de la guerre civile, se font menaçants et exigent le départ des français. Et puis, il y a la menace grandissante de la Prusse, sur la frontière Est, qui inquiète, menace plus proche et immédiate que le lointain Mexique. L'impératrice Charlotte commence à s'inquiéter : on murmure que Napoléon III songerait à retirer le corps expéditionnaire. La souveraine décide alors d'aller voir l'empereur français pour plaider sa cause et débarque à Saint-Nazaire en 1866. A sa descente de bateau, rien, aucun accueil officiel. Arrivée à Paris, elle n'est même pas reçue aux Tuileries et doit, incroyable humiliation, descendre à l'hôtel... Napoléon III, souffrant de pierres dans la vessie, très affaibli, la reçoit un peu plus tard en présence de l'impératrice Eugénie. L'entrevue est un échec complet : l'empereur est décidé à retirer les troupes françaises du Mexique. La discussion est orageuse mais ni les crises de larmes de la pauvre Charlotte, ni son évanouissement, n'y changeront rien. Pareil du côté de son pays natal, la Belgique, ou des autres puissances européennes qui ne veulent plus entendre parler de cette histoire. "Todo es inutil !" écrit-elle à son mari. Epuisée, démoralisée, la souveraine part pour l'Italie où sa santé mentale commence à donner des signes d'inquiétude. Un aliéniste réputé est alors envoyé à son chevet.
Au Mexique, le retrait des troupes françaises sonne le glas de l'empire. C'est la guerre civile, le soulèvement, les rebelles marchent sur la capitale. Bazaine, qui boucle ses valises, presse l'empereur de fuir mais ce dernier refuse. Alors qu'en France, les fêtes battent leur plein pour l'Exposition Universelle qui rencontre un grand succès, la terrible nouvelle tombe en une du Figaro : l'empereur Maximilien Ier a été capturé, jugé et exécuté avec deux de ses généraux. "Voici l'œuvre de la France, Messieurs" ricane le commandant du peloton d'exécution. La République est proclamée suite à l'exécution, en 1867. Le corps du souverain, maquillé, embaumé, est transféré en Autriche où il est inhumé, en présence de délégations de tous les pays. Sauf des Etats-Unis...
L'impératrice Charlotte, toujours en Europe au moment de l'exécution, n'apprendra la nouvelle que bien plus tard. Elle sombre alors progressivement dans la folie. Elle meurt en 1927, à 86 ans.
L'exécution de Maximilien Ier par Manet
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Calonne- Messages : 1123
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
... le dessous des cartes, l'essentiel.Calonne a écrit:
Espagnols et Britanniques comprennent le dessous des cartes
Pauvre Charlotte ! Elle a vécu un véritable calvaire.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Oui, elle n'aura régné que deux ans au Mexique.
Venue plaider sa cause à Paris puis à Rome, devant le pape, on la laisse froidement et lâchement tomber. C'est à Rome que, déjà psychologiquement fragile, son comportement mental commence à susciter l'inquiétude. Elle est plus ou moins confinée au château de Miramare avant de rentrer dans sa Belgique natale où sa famille lui cache l'exécution de son mari. Elle ne l'apprendra que six mois plus tard... Elle sombre alors progressivement dans la folie et meurt paisiblement de la grippe, en 1927, à 86 ans. Le roi Léopold II utilise une grande part de la fortune (qu'il gérait en son nom) de l'ex- impératrice pour financer la conquête et la colonisation du Congo.
L'ex-impératrice aimait beaucoup le peintre de chevaux Edwin Ganz et l'hébergeait chez elle, dans son château. Dans ses dernières volontés, elle l'autorise à y rester, ce qu'il fera jusqu'à sa mort en 1948.
Venue plaider sa cause à Paris puis à Rome, devant le pape, on la laisse froidement et lâchement tomber. C'est à Rome que, déjà psychologiquement fragile, son comportement mental commence à susciter l'inquiétude. Elle est plus ou moins confinée au château de Miramare avant de rentrer dans sa Belgique natale où sa famille lui cache l'exécution de son mari. Elle ne l'apprendra que six mois plus tard... Elle sombre alors progressivement dans la folie et meurt paisiblement de la grippe, en 1927, à 86 ans. Le roi Léopold II utilise une grande part de la fortune (qu'il gérait en son nom) de l'ex- impératrice pour financer la conquête et la colonisation du Congo.
L'ex-impératrice aimait beaucoup le peintre de chevaux Edwin Ganz et l'hébergeait chez elle, dans son château. Dans ses dernières volontés, elle l'autorise à y rester, ce qu'il fera jusqu'à sa mort en 1948.
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Calonne- Messages : 1123
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
J'espère que le remords a bien torturé Napoléon III. Enfin, lui peut-être pas tellement, Eugénie sans doute davantage...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Eugénie aurait été fortement influencée par José Manuel Hidalgo y Esnaurrizar, l'envoyé du Mexique (ou du moins, de ceux qui souhaitaient un changement de régime) en Europe. On raconte même qu'Eugénie, qui faisait volontiers tourner les tables lors de ses soirées, aurait demandé conseil aux esprits sur ce grand projet...
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Calonne- Messages : 1123
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Mes connaissances à ce sujet sont sans doute insuffisantes, mais j'ai lu à maintes reprises, le harcèlement de Charlotte pour convaincre son époux Maximilien, d'accepter cette mirifique couronne du Mexique, alors que Maximilien aurait bien continué tranquillement son existence d'archiduc...
Dominique Poulin- Messages : 7009
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Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Il semble que la relation ait été à sens unique : si Charlotte tombe rapidement sous le charme de Maximilien, ce dernier ne semble guère enthousiaste. Il négocie âprement la dot ("L'archiduc est très pauvre, il vise avant tout à s'enrichir, à faire de l'argent") et juge sévèrement sa future femme : "Elle est très intelligente, ce qui est un peu ennuyeux, mais sans doute en viendrai-je à bout"...
Et comme vous le soulignez, lorsqu'on lui propose la couronne du Mexique, il semble hésiter, demande des garanties et semble être le seul à s'inquiéter de l'avis des mexicains. Quant à Charlotte, elle semble bien donner une dimension un peu chimérique et même mystique à ce projet : d'après Wikipédia, elle se verrait, avec son mari, investie d'une "mission", apporter l'ordre et la civilisation sous la bannière des Habsbourg, avec un empire sur lequel, comme au temps de Charles Quint, "le soleil ne se coucherait jamais".
Je pense que le couple, plutôt fragile psychologiquement, facilement rêveur et chimérique, s'est surtout fait berner et manipuler par son entourage et une minorité de politiciens mexicains qui ne voyaient que leurs intérêts. En acceptant la couronne mexicaine, Maximilien était semble-t-il persuadé que c'était tout un peuple qui l'appuyait et le réclamait. Et à peine arrivés, alors que la situation sur place est difficile et le trésor vide, leur première préoccupation est de rédiger un manuscrit de 600 pages sur le protocole de leur future cour et de redécorer de façon dispendieuse leurs nouvelles propriétés, dont le palais d'été de Cortès, à Cuernavaca... Le bandeau sur les yeux...
Et comme vous le soulignez, lorsqu'on lui propose la couronne du Mexique, il semble hésiter, demande des garanties et semble être le seul à s'inquiéter de l'avis des mexicains. Quant à Charlotte, elle semble bien donner une dimension un peu chimérique et même mystique à ce projet : d'après Wikipédia, elle se verrait, avec son mari, investie d'une "mission", apporter l'ordre et la civilisation sous la bannière des Habsbourg, avec un empire sur lequel, comme au temps de Charles Quint, "le soleil ne se coucherait jamais".
Je pense que le couple, plutôt fragile psychologiquement, facilement rêveur et chimérique, s'est surtout fait berner et manipuler par son entourage et une minorité de politiciens mexicains qui ne voyaient que leurs intérêts. En acceptant la couronne mexicaine, Maximilien était semble-t-il persuadé que c'était tout un peuple qui l'appuyait et le réclamait. Et à peine arrivés, alors que la situation sur place est difficile et le trésor vide, leur première préoccupation est de rédiger un manuscrit de 600 pages sur le protocole de leur future cour et de redécorer de façon dispendieuse leurs nouvelles propriétés, dont le palais d'été de Cortès, à Cuernavaca... Le bandeau sur les yeux...
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Calonne- Messages : 1123
Date d'inscription : 01/01/2014
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Localisation : Un manoir à la campagne
Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Il semble quand même que ce soit avant tout la pression des grandes puissances européennes qui ait mis le Mexique "dedans", mais elles furent très très très rapidement mises sur la touche et pour toujours par la puissance étrangère déterminante et maximale, c''est-à-dire les Etats-Unis d'Amérique. Bien avant de lancer leur "doctrine Monroe", cet Etat l'appliquait déjà, par exemple au Mexique, et en très peu de temps elle s'étala dans toutes les Amériques. Comme me disait il y a quelques années un ami latino-américain : "la doctrine Monroe, c'est l'Amérique aux Américains.... du Nord"
Lecréateur- Messages : 1712
Date d'inscription : 01/06/2021
Localisation : Comté d'Enghien et Livonie
Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Petite piqûre de rappel ( pour moi nécessaire )Lecréateur a écrit: Comme me disait il y a quelques années un ami latino-américain : "la doctrine Monroe, c'est l'Amérique aux Américains.... du Nord"
La doctrine Monroe est l'ensemble de principes de politique étrangère énoncés par le président des États-Unis J. Monroe dans son message annuel au Congrès, le 2 décembre 1823. Cette doctrine devait préserver le continent nord-américain et l'Amérique latine contre de nouvelles interventions colonisatrices européennes.
Eh bien voilà qui a le mérite d'être clair . Tenons-nous le pour dit !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La désastreuse expédition mexicaine (1861-1867)
Rappelons que pendant une grande partie de cette désastreuse aventure mexicaine, les USA avaient d'autres problèmes, étant en pleine guerre civile. Ce qui laissa les mains libres à Napoléon III un bon moment.
Par contre, une fois sortis de la guerre de Sécession, ils haussèrent rapidement le ton contre la France. Le président mexicain évincé, Juarez, incita l'armée américaine à déployer des troupes le long de la frontière avec le Mexique pendant que le Secrétaire d'Etat (ministre des Affaires Etrangères) sommait les français de se retirer. Il y eut même un accrochage entre soldats français et américains le 4 janvier 1866 à la frontière. En plus, le Nord, vainqueur, n'avait pas oublié que la France, officiellement neutre, penchait officieusement pour le Sud. Les représentants confédérés avaient été accueillis avec tous les honneurs à la cour impériale et Napoléon III aurait déclaré : "Si le Nord est victorieux, j'en serai heureux, mais si c'est le Sud qui l'emporte, j'en serai enchanté".
Lors du retrait des troupes françaises, Juarez, mesuré, évita tout accrochage avec les Français. Par contre, une fois ces derniers partis, une sévère et sanglante épuration s'abattît sur les Mexicains ayant collaboré avec l'éphémère empire...
Par contre, une fois sortis de la guerre de Sécession, ils haussèrent rapidement le ton contre la France. Le président mexicain évincé, Juarez, incita l'armée américaine à déployer des troupes le long de la frontière avec le Mexique pendant que le Secrétaire d'Etat (ministre des Affaires Etrangères) sommait les français de se retirer. Il y eut même un accrochage entre soldats français et américains le 4 janvier 1866 à la frontière. En plus, le Nord, vainqueur, n'avait pas oublié que la France, officiellement neutre, penchait officieusement pour le Sud. Les représentants confédérés avaient été accueillis avec tous les honneurs à la cour impériale et Napoléon III aurait déclaré : "Si le Nord est victorieux, j'en serai heureux, mais si c'est le Sud qui l'emporte, j'en serai enchanté".
Lors du retrait des troupes françaises, Juarez, mesuré, évita tout accrochage avec les Français. Par contre, une fois ces derniers partis, une sévère et sanglante épuration s'abattît sur les Mexicains ayant collaboré avec l'éphémère empire...
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