Lorsque la France confisque les bijoux de la Maison de Savoie....

Suite à la dernière question énigme relative à  une démarche de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne en Hollande, voici l'intégralité de la réponse.
Elle se trouve dans les Joyaux de la Couronne de France de Bernard Morel, pages 245 et 246, la "bible" pour ceux qui veulent tout savoir sur la création d'une collection et de ses multiples aventures.

"... Au commencement de 1795, ce trésor fut augmenté des joyaux du roi de Sardaigne, à l'occasion de l'occupation d'Amsterdam par les troupes françaises. En effet, le 25 juin 1794, le roi de Sardaigne Victor-Amédée III, par acte passé chez maître Homrigh, notaire à Amsterdam, avait emprunté 760 000 florins à la maison Renouard et compagnie et lui remettre en garantie des joyaux d'une valeur de plus d'un million de florins, que la maison Renouard mis en dépôt à la Banque d'Amsterdam. L'agent de la marine et du commerce de la République Française en refera à Paris le 26 février 1795, ainsi qu'au trois représentants du peuple à l'Armée du Nord, Cochon de Lapparent, Alquier et Ramel. Alquier s'aperçut que 200 000 florins seulement avaient été versés jusqu'alors au roi de Sardaigne, et avec ses deux collègues, ordonna la séquestration des bijoux. Le 11 mai 1795, ils déclarèrent que tous les objets appartenant aux gouvernements ennemis de la France se trouvant dans les Provinces-Unies étaient acquis à la République, suivant les lois de la guerre, et donnèrent l'ordre de remettre les joyaux entre les mains du payeur de l'armée, sauf toutefois la contrepartie d'une valeur de 200 000 florins à laisser à la Banque d'Amsterdam qui n'avait pas été lésée. Ce fut le citoyen Daudibert-Caille, agent de la marine à Amsterdam, qui fut chargé de l'opération. Cela entraîna trois jours de tractations avec la municipalité, en présence du notaire Van Homrigh et de trois courtiers experts jurés qui avaient estimé les pierres lors de la mise en gage. Ces experts reconnurent intact le gage et en retirèrent un lot d'une valeur de 200 753 florins destiné à être rendu à la Banque d'Amsterdam et qu'ils mirent dans un paquet scellé, mais le président de l'assemblée municipale dit "que les diamants et autres pierreries renfermés dans cette boîte où caisse, étant une suite de la prise faite des diamants ci-devant déposés dans la banque, ladite municipalité ne pouvait, dans cette occurrence, reprendre le nouveau dépôt sans se compromettre." Malgré l'insistance de Daudibert-Caille, le dépôt destiné à couvrir la maison Renouard fut refusé et rejoignit le reste des joyaux deja confisqués. L'ensemble des joyaux du roi de Sardaigne resta chez le payeur de l'armée jusqu'au 30 mai avant de prendre le chemin de Paris ou tout fut déposé à la trésorerie en compagnie des joyaux de la Couronne et de ceux confisqués aux émigrés.

Il s'agissait :
- d'une boîte contenant des agrafes, des noeuds, des rangs de perles, des boucles d'oreilles, des aigrettes, deux épaulettes en brillants, le tout en diamants pour 196 486 florins.
- d'une boîte contenant trois colliers, deux paires de boucles d'oreilles, une aigrette, quatre bouquets et quatre crochets en rubis, une grande chaîne et deux épaulettes, le tout en diamants pour 196 486 florins.
- d'une boîte contenant des colliers, des boucles d'oreilles, des épingles, des bracelets et deux croix en brillants et perles pour 229 759 florins.
- d'une boîte contenant des colliers, des boucles d'oreilles, des noeuds, des garnitures de bonnets, des aigrettes, des bracelets, des croix de Saint-Maurice et Saint-Lazare et autres, le tout en brillants, saphirs et perles pour 190 239 florins.
- d'une boîte contenant des rangs de perles, des agrafes, des noeuds, des croix, etc, en brillants, pour 172 883 florins.
- et enfin une boîte contenant des boucles d'oreilles, des boucles de ceinture, des noeuds, des aigrettes, un carcan, des bracelets en perles, émeraudes, diamants, etc, pour 63 057 florins.

L'ensemble totalisait la somme de 1 014 776 florins mais il ne s'agissait pas là de pièces aussi belles ni aussi exceptionnelles que celles figurant parmi les joyaux de la couronne de France.
Il y avait peu de grosses pierres à l'exception d'un diamant rectangulaire aux coins arrondis de 17,53 carats métriques estimé 15 000 florins, qui n'était pas de la meilleure eau, et que nous appellerons le DIAMANT DU ROI DE SARDAIGNE.

Au moment de l'acquisition des joyaux du roi de Sardaigne, la Convention était pressée d'argent et pensa évidemment au capital représenté par les joyaux de l'Etat. Sur l'avis de la commission d'approvisionnement et du commerce, elle confia une quantité considérable de diamants à la compagnie Perrin et Cablat qui devait les emporter dans le Levant pour les vendre à un prix déterminé.
A l'avènement du Directoire, le 27 octobre 1795, Perrin et Cablat étaient toujours à Constantinople, et n'avaient pas encore vendu le dépôt fait par l'Etat. En Thermidor de l'An V, soit un an plus tard, le ministre des finances s'occupa de l'affaire qui durait toujours et proposa au Directoire d'autoriser Perrin et Cablat à vendre les pierres qui leur restaient au prix le plus avantageux possible sans tenir compte des prix et estimations fixés antérieurement en accord avec la commission d'approvisionnement, mais à condition qu'il concluent le marché avec la chancellerie et de le faire approuver par l'ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte. Parmi ce lot très important figuraient probablement des joyaux confisqués au roi de Sardaigne.

Quelle histoire ! Merci, Domi .

Qu'est-ce donc qu'un " carcan " en matière de bijou ?
Ah voici : Les colliers sont de toutes sortes. Courts, ils s'appellent carcans (du Moyen Âge au XVIIe siècle) ou colliers de chien (XIXe siècle), plus longs ce sont des rivières (pierres montées en continuité), des colliers en chute (rangs de perles en ordre décroissant) ou à pampilles (plusieurs motifs allongés réguliers).

Le “Diamant du roi de Sardaigne” a orné la couronne de Charles X puis le peigne à pampilles de l’impératrice Eugénie

C'est un sujet pour toi, ma Paulinette !

Merci Dominique !

Gouverneur Morris a écrit:Le “Diamant du roi de Sardaigne” a orné la couronne de Charles X puis le peigne à pampilles de l’impératrice Eugénie

Je viens de lire que ce diamant est ajusté sur l'un des diadèmes de l'impératrice Marie-Louise. Celui que Napoléon commande pour son mariage avec elle.

Parmi les 1514 diamants du diadème...



Le diamant Aigue-marine (brillant ovale de 25,82 carats) est au centre du diadème, au dessus du Huitième Mazarin qui est surmonté du Fleur de pêcher. De chaque côté, au milieu de rosaces, brillent le Grand Mazarin et le Roi de Sardaigne (...)

* Source : Nicolas Mietton - Destins de diamants

Ce diamant dit Diamant Du Roi de Sardaigne a donc été conservé par la France contrairement au sort de beaucoup d'autres joyaux de la Maison de Savoie ! Mais il a probablement été vendu en 1887 lorsque la Troisième République disperse aux enchères la plus grande partie des bijoux de la Couronne de France.

Avec le peigne à pampilles, je confirme hélas...