Marie de Vichy-Chamrond (ou Champrond), marquise du Deffand

Reinette a écrit:Je soupçonne notre ami auteur de ne pas franchement aimer "la secte des philosophes".

Elle non plus ne les aimait guère.

PS : Depuis mon absence, sommes-nous tombés d'accord sur le(s) auteur(s) ?

La nuit, la neige a écrit:

Reinette a écrit:Je soupçonne notre ami auteur de ne pas franchement aimer "la secte des philosophes".

Elle non plus ne les aimait guère.

PS : Depuis mon absence, sommes-nous tombés d'accord sur le(s) auteur(s) ?

Alors là j'en apprends une bonne !   Je la croyais en plein dedans. Pas toujours au diapason, mais au moins pour l'essentiel.

Non, non, tu te trompes.
Du moins tout dépend de qui nous parlons, et de quoi précisément.

Voltaire appelait Mme du Deffand   l'aveugle clairvoyante.! ;;;;;;;;;;;  



;;;;;;;;;;;;;;;;  

Le 17 mars 1774,  

le chevalier de l’Isle écrit à Voltaire :

Mme du Deffand m’a très expressément chargé de vous dire qu’elle vous aime de tout son cœur, quoique vous la traitiez avec une rigueur extrême ; la dernière lettre que vous lui avez écrite est du 15 décembre ; elle demande si votre arrangement est de ne lui écrire que par quartier, sa mauvaise humeur est tout à fait plaisante, elle en était remplie avant-hier parce qu’elle avait passé la nuit dans une longue insomnie et que son invalide avait, dit-elle, avalé tout ce qu’il lui lisait, car vous savez qu’elle a pour lecteur un vieil invalide qui se rend au chevet de son lit dès quatre heures du matin…


Quatre heures du matin !!!   Quelle horreur !!!    ...   il s'agit du président Hénault sans doute  ...
Ils devaient être insomniaques tous les deux . :

Mme de Sabran a écrit:

Quatre heures du matin !!!   Quelle horreur !!!  

Elle était insomniaque, en effet.
Et si l'on ajoute à cela son inactivité physique (elle n'avait guère besoin de beaucoup d'heures de sommeil) et sa cécité (le jour, la nuit..quelle importance ?), elle a ruiné la santé de sa domesticité... boudoi32
Mais elle restait surtout éveillée la soirée et les nuits : les moments où elle recevait.

Aussi, au sujet de Mme de Luxembourg (qui elle aussi aime veiller très tard), louis Sébastien Mercier note, dans son Tableau de Paris :

(...) quelques femmes à Paris ne se lèvent que vers le soir et se couchent lorsque l'aurore paraît ; une femme bel esprit adopte ordinairement cette coutume, et on l'appelle une "lampe". :

Mme de Sabran a écrit:il s'agit du président Hénault sans doute  ...  

Non, il est déjà mort à cette date ; et le chevalier de l'Isle aurait très probablement mentionné son nom de toutes les manières.
Mme du Deffand était notamment entourée de son fidèle secrétaire, Jean-François Wiart, à son service durant presque 30 ans jusqu'à sa mort ; mais aussi, à la fin de sa vie, d'un lecteur dont j'ai oublié le nom.
Il doit s'agir de celui-ci, qui était en effet infirme si ma mémoire est bonne.  

La nuit, la neige a écrit:

(...) quelques femmes à Paris ne se lèvent que vers le soir et se couchent lorsque l'aurore paraît ; une femme bel esprit adopte ordinairement cette coutume, et on l'appelle une "lampe". :

Très drôle !
C'eût été une bonne première énigme pour notre jeu de l'Eté qui commencera demain .

la nuit, la neige a écrit:
Non, il est déjà mort à sa date ; et le chevalier de l'Isle aurait très probablement mentionné son nom de toutes les manières.
Mme du Deffand était notamment entourée de son fidèle secrétaire, Jean-François Wiart, à son service durant presque 30 ans jusqu'à sa mort ; mais aussi, à la fin de sa vie, d'un lecteur dont j'ai oublié le nom.
Il doit s'agir de celui-ci, qui était en effet infirme si ma mémoire est bonne.  

Ah très bien ! Merci pour ce petit rectificatif .

;

Diantre !  David Levine n'a pas raté notre bonne vieille marquise dans son tonneau !    

J'aime bien, c'est réussi...

Roooh !
Dites-le avec des fleurs !

Mme du Deffand, au sujet de la maréchale de Luxembourg :
« Si on pouvait séparer l’ivraie d’avec le bon grain, on aurait de l’excellent et du détestable ; mais ces deux choses réunies ne sont pas propres à faire du bon pain quotidien. »

Son ami , Horace Walpole, brosse ainsi le portrait de Mme du Deffand :

«… Cette madame du Deffand, qui a été jadis pendant peu de temps maîtresse du Régent, aujourd’hui vieille et aveugle, a gardé toute sa vivacité, son esprit, sa mémoire, ses passions et ses agréments. Elle va à l’opéra, à la comédie, aux soupers, à Versailles, reçoit chez elle deux fois par semaine, se fait lire tout ce qu’il y a de nouveau, fait de jolies chansons, des épigrammes charmantes, et se rappelle toutes celles qui ont été faites depuis quatre-vingts ans. Elle est en correspondance avec Voltaire, pour qui elle dicte les lettres les plus piquantes ; elle le contredit, n’a aucune dévotion, ni pour lui, ni pour personne, et reste aussi indépendante du clergé que des philosophes. Dans les discussions où elle s’engage aisément, elle est très ardente, et cependant presque jamais dans le faux ; son jugement sur chaque sujet est droit, et elle se trompe sur chaque point de conduite, car elle est tout amour et tout aversion, passionnée pour ses amis jusqu’à l’enthousiasme, s’inquiétant toujours qu’on l’aime, qu’on s’occupe d’elle, et violente ennemie, mais franche. Privée de tout autre amusement que la conversation, la solitude lui est insupportable, ce qui la met à la merci des premiers venus qui mangent ses soupers, la haïssent parce qu’elle a cent fois plus d’esprit qu’eux, ou se moquent d’elle parce qu’elle n’est pas riche… »

Bien tourné...

Notre chère marquise, au sujet de son époux :

" Il est aux petits soins pour déplaire . "

Je l'adore !

Je crois que tu vas adorer aussi celle-là :
Mme du Deffand, à l'article de la mort mais toujours aussi autoritaire, au curé de Saint-Roch venu la confesser :

" - Mon père, vous serez content de moi, mais faites-moi la grâce de trois choses : ni questions, ni raisons, ni sermons . "

Voltaire, à Madame du Deffand :   

Portrait de la marquise vu dans une collection particulière

Merci capin.
Je ne connais pas ce portrait.
Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'un portrait de Mme du Deffand ?
Il me semble plutôt fin 17e siècle non ? Et, si j'ai bonne mémoire, il me semble qu'elle avait les yeux bleus.

Il provient de la famille et possèderait des annotations précisant qu'il s'agit de Marie de Vichy Chamerond. Il est clair que ca fait tres fin xviiieme / debut xviiiieme.
Peut-être vers 1710-1715.

Par ailleurs en regardant l'estampe de la chambre de Voltaire à Ferney ; c'est pas si deconnant que ça que ce soit au niveau du nez ou du menton par exemple.

capin a écrit:Il provient de la famille et possèderait des annotations précisant qu'il s'agit de Marie de Vichy Chamerond. Il est clair que ca fait tres fin xviiieme / debut xviiiieme.
Peut-être vers 1710-1715.

A mon avis, c'est trop tôt.
Marie de Vichy-Chamrond est née en 1697 et, comme nombre de jeunes filles de l'époque, elle est emmurée dans un couvent pour y rester jusqu'à l'âge de 17 ou 18 ans. Puis elle retrouve le château de son père, personnage austère et avare durant environ deux années, jusqu'à son mariage avec le marquis du Deffand, en 1718 à peine.

La fiche bio de la marquise, sur le site Wikipedia, précise :

La physionomie de la marquise est connue à travers un portrait de Carmontelle qui la représente assise aveugle, un portrait actuellement perdu peint par Pierre Gobert et qui était en 1753 chez la duchesse de Luynes sa nièce. Elle est aussi représentée dans l'intérieur de la chambre de Voltaire à Ferney.

La note correspondant au portrait perdu de Pierre Gobert renvoie à un texte publié dans la Revue des Deux Mondes en 1906, dans lequel nous retrouvons une lettre de Mme du Deffand à sa soeur.
Je cite :

« Je suis actuellement occupée à m’arranger ; je paie toutes mes dettes, j’en ai d’assez considérables. Dès que ce sera fini, mon neveu recevra de moi des petits secours, tels que ma fortune me le permettra. Soyez sûre que ce que je ne peux pas faire dans le présent sera réparé dans l’avenir et que j’ai pris des précautions qui, tôt ou tard, vous prouveront mon amitié.
Nous penserons ce printemps à mon portrait ; le seul qu’il y ait de moi, qui est de Gobert, ne me ressemble point ; je doute qu’il vous soit agréable d’en avoir une copie. Il vaudrait bien mieux venir trouver l’original, dès que ce sera en votre pouvoir.
Je désire en vérité que ce soit incessamment ; j’aurais de quoi vous loger chez moi ; si vous n’y êtes pas parfaitement, cela vaudra toujours mieux qu’un hôtel garni. »
(7 décembre 1753)

* Source : Wikisource - Revue des Deux Mondes

Oh brillant merci LNLN !!!!

J’ajouterai que les identifications basées sur les traditions familiales sont souvent hasardeuses, nous en avions eu une bonne preuve avec Eléonore lors de notre visite du château de Breteuil

Le portrait présenté par capin est peut-être le Gobert évoqué, ou une copie, qui sait ?
Dommage que nous ne distinguons pas l'ensemble du portrait.

J'en profite pour faire un point sur le ou les portraits de la marquise, par Carmontelle. Ce n'est pas très clair...


Nous retrouvons souvent (et notamment page 1 de ce sujet) ce portrait dit de la marquise, par Carmontelle, qui aurait été dessiné en 1760.

.
Source : ICI



Couverture du livre " Madame du Deffand, ou le monde où l'on s'ennuie " (1967)

Ce dessin serait conservé au Musee Departemental des Vosges (Epinal). Si elle existe, je serais curieux de découvrir la petite note manuscrite qui complète souvent, et titre, les portraits de Carmontelle (mais pas toujours).
Malheureusement, les collections en ligne de ce musée sont inaccessibles  , et je ne trouve pas une meilleure et complète version de ce dessin sur le net.  

Je veux bien, mais bon, je signale tout de même cet autre portrait, fort semblable, mais avec une identification toute autre !!    


Madame de Polignac, dame d'honneur de madame la duchesse d'Aumale
Louis Carmontelle
1760
Photo : RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojéda
Notre sujet : La comtesse Diane de Polignac


Aussi, nous retrouvons, en 1768, un mot d'Horace Walpole qui écrit à son amie :

« Je vous retrouve, écrit-il, oui vous, vous-même ! Je savais, par inspiration, que M. de Carmontelle devait vous peindre mieux que jamais Raphaël n’a su peindre une ressemblance…
Vous êtes ici en personne, je vous parle ; la tulipe, votre tonneau, vos meubles, votre chambre, tout y est, et de la plus grande vérité. Jamais une idée n’a été si bien rendue ! »
(24 février 1768)

* Source : Wikisource - Revue des Deux Mondes


Je n'ai pas retrouvé une image de l'aquarelle originale de Carmontelle d'après cette description, et il semblerait qu'elle ait été justement dans les collections d'Horace Walpole à Strawberry Hill.
Mais voici quelques gravures, d'après et inspirées de ce portrait :


Source : Campus Press Yale

Portrait of Marie du Deffand
after Carmontelle
Etching on paper, c. 1800-1830
Image : British Museum

Portrait of Marie du Deffand
after Carmontelle
Etching on paper, c. 1798-1810
Image : British Museum


Portrait de Mme du Deffand
Gravure publiée dans Oeuvres complètes de Voltaire, tome 40
1877-1885
Image : Bibliothèque Nationale de France


Alors ? Un ou deux portraits de la marquise par Carmontelle ? Je penche pour un seul, celui décrit par Horace Walpole.

Pour ce qui est du portrait, je me souviens de la présence d'un parc avec pièce d'eau, escalier, balustrade; d'une potiche avec un oranger et peut être un drapé ou une grotte de l'autre coté.

Sinon il est probable que le château de Chantilly conserve le portrait de la marquise par Carmontelle. Le duc D'aumale avait rassemblait une très importante collection de ces dessins.
Une exposition lui est d'ailleurs dédiée actuellement au domaine de château. A noter aussi l'exposition sur les porcelaines montées de Chantilly et Meissen qui semble être de toute beauté.

Cher Capin, nous parlons justement de ces deux expositions sur le forum - notamment au travers de deux reportages exclusifs

- Exposition Carmontelle à Chantilly

- Exposition "La fabrique de l'extravagance", porcelaines de Meissen et Chantilly

Bonne lecture