Premiers portraits de Marie-Antoinette par J. Ducreux (et d'après)

Diligenté par Louis XV, pour croquer le portrait de l'archiduchesse Marie-Antoinette, ainsi que celui de la famille impériale, Joseph Ducreux arrive à Vienne au mois de février 1769, accompagné d'un coiffeur. Il en repartira au mois de novembre 1769.

Pendant ce laps de temps, il réalise les portraits des archiduchesses, des archiducs, de l'Impératrice et de son époux, ainsi que 3 portraits de Marie-Antoinette.

Le coiffeur qui accompagnait Ducreux à Vienne avait pour mission de cacher le "front trop haut" de Marie-Antoinette : "S.M. se flatte qu'un homme parfait dans le métier parviendra à corriger, du moins à couvrir ce petit défaut, soit par la coupe des cheveux, soit par l'usage de quelque remède innocent qui avance la croissance des cheveux dont le front est dégarni, soit enfin par le soin qu'il prendrait d'arranger sa chevelure telle qu'elle existe à l'air du visage en sorte que le front paraisse mieux garni et que les cheveux prennent dès à présent le pli le plus propre à couvrir cette imperfection qui ne laisserait pas de paraître considérable dans un temps où les fronts élevés ne sont plus à la mode" (Archives Impériales de Vienne).

Le 20 février 1769, Mercy écrit le message suivant : "Le friseur et le peintre sont arrivés le 15. Le friseur a déjà accommodé une couple de fois les cheveux de Madame l'Archiduchesse, future Dauphine, et s'en acquitte au parfait contentement de S.M. l'Impératrice et Reine ; en effet sa manière est simple, décente, mais en même temps très avantageuse au visage et je suis persuadé d'avance que nos jeunes dames qui, depuis quelque temps, portaient des montagnes de boucles sur la tête les quitteront incessamment pour se coëffer à la Dauphine."

Le portrait représenté ci-dessous serait, selon Georgette Lyon ("Joseph Ducreux, premier peintre de Marie-Antoinette, Sa vie-Son oeuvre"), le deuxième portrait réalisé par Ducreux, de Marie-Antoinette :



Ce portrait fut exécuté à Vienne en 1769 et rapporté par le comte de Lorges le 2 mai 1769. Il ornait le cabinet intime de Louis XV dès le 16 mai 1769. Ce pastel a été retrouvé dans la collection du comte de Fels. Il a été acquis par le château de Versailles en 1998.

Le portrait représenté ci-dessous serait, quant à lui, le troisième portrait réalisé par Ducreux, de Marie-Antoinette:



"Marie-Antoinette est représentée de trois-quarts de face, la tête inclinée à gauche, le front dégagé, les cheveux poudrés et le regard ingénu. Elle porte une robe bleue garnie de dentelle, ornée d'un noeud de même couleur sur la poitrine, et d'une palatine légère, jaune pâle. Son cou est orné d'un ruban de soie bleue. De sa main droite elle tient un éventail à peine indiqué" (Georgette Lyon, "Joseph Ducreux, premier peintre de Marie-Antoinette, Sa vie-Son oeuvre"). Ce pastel a été exposé à "Marie-Antoinette et sa cour" à la bibliothèque de Versailles en 1927 (n°4 du catalogue). Il se trouve dans une collection privée (Marnier Lapostolle).

Une analyse aux "infrarouges 900 nanomètres" de ce pastel a révélé ce à quoi il ressemblait avant que Ducreux ne le retouche :



Pour plus d'informations sur cette analyse infrarouge : http://www.lumiere-technology.com/Pages/References/references3.htm

Le peintre ramena lui-même ce troisième portrait de Vienne au mois de novembre 1769. Ce pastel "est un document du plus haut intérêt. Mais pour y retrouver, avec l'excessive hauteur du front et l'écartement anormal des yeux, les traits distinctifs de Marie-Antoinette jeune, il faut accentuer le dessin de la bouche, augmenter la longueur du nez de façon à atténuer la lèvre supérieure et alourdir quelque peu le bas du visage. Ce pastel, paré de toutes les grâces de la peinture française, est sincère autant qu'il pouvait l'être." (lettre inédite, trouvée chez M. Maignen).

Marie-Antoinette posera sept ou huit fois pour Ducreux, pour de longues séances. Dans une lettre à Mercy envoyée de Vienne le 24 février 1769, Stahremberg nous renseigne sur la façon de travailler du peintre : "Je ne puis encore rien dire des succès de Ducreux n'ayant pas voulu voir le portrait de l'Archiduchesse Antoine qu'il ne soit achevé. Il y a déjà travaillé pendant cinq fort longues séances et on prétend qu'il lui en faudra encore au moins deux ou trois."

Un premier portrait est presque achevé fin février 1769, mais Marie-Antoinette, souffrante, ajourne ses séances de pose : "Le sieur Ducreux aurait fini ce matin la tête de Madame Antoinette sans une légère indisposition que cette princesse a ressentie. Il commencera au premier jour le portrait de Madame Amélie."

Malheureusement, le premier portrait de Marie-Antoinette, par Ducreux, ne plaît pas : "...ce portrait, au jugement de toutes les personnes qui l'ont examiné, n'est pas ressemblant et il est nécessaire de le recommencer." (lettre de Durfort à Choiseul).

Ducreux est alors obligé de recommencer le portrait de Marie-Antoinette : "Le sieur Ducreux a recommencé hier le portrait de Madame Antoinette qui se prête de la meilleure grâce du monde à l'ennui que le nouveau travail doit lui causer."

On ne sait pas ce qu'est devenu le premier portrait. Georgette Lyon pense que le deuxième portrait de Marie-Antoinette (où elle est représentée avec une ruche de satin gris argenté au cou) est inspiré du tableau primitif réalisé par Ducreux.

Le 22 avril 1769, Ducreux propose de faire partir son fils du 1er au 4 du mois prochain "avec tous les portraits qui sont achevés", dont celui de Marie-Antoinette.

Les portraits enfin arrivés à Versailles, Louis XV marque sa très grande joie : "Le roi a marqué sa très vive satisfaction au sujet des portraits des A.R. les Sérinissimes Archiduchesses Marie-Antoinette et Marie-Thérèse. Au lever d'avant-hier tout les assistants, ministres étrangers et courtisans ont vu le portrait en question. Interrogé à son sujet, j'ai donné à entendre que si l'on en croit la rumeur publique, la réalité devait surpasser de beaucoup le portrait en beauté." (lettre en allemand, papiers Flammermont).

Choiseul écrit à Durfort le 21 mai 1769 que "S.M. (Louis XV, Ndlr) m'a paru très satisfaite".

Le 16 mai 1769, Louis XV fait accrocher le portrait de Marie-Antoinette dans ses appartements (deuxième portrait, où elle est représentée avec une ruche de satin gris argenté au cou).

La nuit, la neige avait écrit, à la Conciergerie :


Voici le deuxième pastel, première ébauche (et quelques-unes de ses déclinaisons, comme d'hab.    )



Bon, il n'était pas si mal...

On décline ! Sans les petites perles dans les cheveux, désolé ...


Attribués à Jean-Baptiste Charpentier ou depuis les peintres du cabinet du roi, d'après Ducreux :










Un autre, bien moins réussi cette fois, une mauvaise copie :




Ducreux se serait alors inspiré d'un autre portrait de Krantzinger, dans le même esprit.
Je n'ai pas l'original (s'il existe encore ?), mais quelques gravures avec variantes...






Je vous renvoie aussi à cette œuvre de Drouais, si proche :  ....    biiiiiiiiiiiiiiiip !!!  ..... ( censuré )


Je suis dans mes sections Jeune archiduchesse et Dauphine.
C'est n'importe quoi ! Il y en a partout !
Ils se sont tous copiés et re-copiés !
J'essaie de classer, mais j'en ch..... !

Oups ! J'allais oublier. Comme ça, c'est fait !
Deux gravures depuis le portrait, si gracieux, proposé par invité en début de ce fil.

Merci !   Krautzinger a été choisi comme copiste de Ducreux dès la livraison du premier portrait de Marie-Antoinette par Ducreux.
Les filles de Louis XV, avant même de connaître Marie-Antoinette, avaient en effet souhaité posséder une réplique de l'oeuvre dans leurs appartements.

Avant de venir en France, Krautzinger avait travaillé à la cour de Vienne. "Krautzinger respecta les grandes lignes de Ducreux, mais modifia certains ajustements donnant à la princesse un caractère allemand, tandis que l'artiste lorrain lui avait, par avance, donné la grâce et la majesté d'une brillante dauphine." (Georgette Lyon).

Un beau reportage Cosmo!  :\\\\\\\\:

Merci, JAG.     
Je précise que le troisième portrait de Ducreux (Marie-Antoinette avec un ruban bleu autour du cou), que le peintre rapporta en France au mois de novembre 1769 est parfois considéré comme le "deuxième" ... car on ne sait pas vraiment où est passé le premier portrait (qui n'a pas plus à Marie-Thérèse semble-t-il).
Ce "troisième" portrait fait suite au célèbre "second" portrait que Louis XV accrocha dans son cabinet intime au mois de mai 1769 (Marie-Antoinette au décolleté carré, avec une ruche de satin gris argent au cou agrémentée de raies bleues).

Il y a beaucoup de portraits différents de l'archiduchesse. Quelqu'un sait-t-il quel est le plus ressemblant ?
Peut-être celui rapporté par le Comte de Lorges le 2 mai 1769 ?

Sans doute ! Louis XV fût très satisfait de ce pastel, qu'il fît accrocher dans ses appartements.
Marie-Antoinette aussi, puisqu'elle s'attacha Ducreux en le nommant son premier peintre, et l'anoblit en le nommant baron.

Voici quelques-uns des autres portraits que Ducreux réalisa à la demande de Louis XV en 1769 en Autriche, où il resta près d'une année.

Marie-Elisabeth-Josèphe-Jeanne-Antoinette (1743-1808), archiduchesse d'Autriche :



Marie-Amélie-Josèphe-Jeanne-Antoinette (1746-1802), archiduchesse d'Autriche :



Ferdinand-Charles-Antoine-Joseph-Jean-Stanislas (1754-1806), archiduc d'Autriche :



Maximilien-François-Xavier (1756-1802), archiduc d'Autriche :



Source : forum connaissances de Versailles.

Les deux premiers sont d'une facture presque grossière . Ils paraissent n'être que des brouillons .

Mais oui!    

Ducreux était pressé en permanence de terminer au plus vite ses portraits, car Louis XV s'impatientait.

Lettre de Choiseul à Durfort du 30 avril 1769 : "Je vous ai fait part, Monsieur, du désir que le roi avait de recevoir le plus promptement qu'il serait possible et successivement tous les portraits des archiduchesses à mesure qu'ils seraient achevés. Le peintre ayant été obligé de recommencer celui de l'Archiduchesse Antoinette, S.M. aurait désiré que vous eussiez fait partir les autres. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien satisfaire l'empressement de S.M. en les faisant partir à la réception de cette lettre même par un courrier et votre fils pourra attendre le portrait de Madame l'Archiduchesse Antoinette."

La hâte que l'on avait de recevoir les portraits a fait que l'on a pressé trop et à tort le malheureux Ducreux. Durfort, le 26 mai 1769, écrit ainsi de Vienne à Choiseul, pour excuser le peintre de certaines gaucheries inhérentes à cette précipitation : "J'attends, Monsieur, que vous ayez la bonté de me marquer comment on a trouvé les portraits que j'ai eu l'honneur de vous adresser, les têtes des deux derniers sont parfaitement ressemblantes et assez bien finies, mais vous vous serez aperçu par les défauts qu'il y a dans les bustes et l'habillement de la précipitation avec laquelle le peintre a travaillé."

Qu'à cela ne tienne, Louis XV est très content.  : Réponse de Choiseul à Dufort, le 7 juin 1769 : "Votre courrier Monsieur m'a remis les dépêches n°195, 196, 197 etc.., ainsi que les portraits de Mmes les Archiduchesses Christine et Elisabeth. Je les ai aussitôt présentés au roi. S.M., prévenue de leur exacte ressemblance, a paru les voir avec beaucoup de satisfaction. Son intention est que vous vouliez bien en faire passer les autres à mesure qu'ils seront faits par le chariot de poste jusqu'à Presbourg, et de là par le courrier ordinaire de la poste."

Cette série de pastels rebute au premier coup d’oeil.
Un peu brouillons...
Mais ils ont le charme de l’instantané.

Cependant, je préfère donc celui-ci.
Elle est ravissante, séduisante : la pause, ses yeux, la rose...



Nul ne s'étonnera que Louis XV ait été charmé par ce portrait !  

Il a aussi ma préférence .   

Merci, cher Cosmo, pour ce reportage fascinant. J'adore le portrait qui a tant plu a Louis XV. On y voit le charme d'une jolie femme avec la grâce et la majesté d'une future reine. Marie-Antoinette y ressemble beaucoup aux descriptions de Mme Campan, Bachaumont et Tilly.

Les sourcils arqués très haut, le menton déjà un peu lourd : je retrouve bien Marie-Antoinette .   

Présenté à l'occasion d'une vente aux enchères...
Voir ce sujet : https://marie-antoinette.forumactif.org/t2114p15-vente-coutau-begarie-souvenirs-historiques-16-17-nov-2015#64015

Extrait de la description du lot :

Ecole Française Fin du XVIIIe siècle. d’après Joseph Ducreux (1735-1802).
Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche (1755-1793).
Pastel sur papier, conservé dans un cadre en bois doré.

Cette œuvre est à rapprocher de celle exécutée à Vienne par Joseph Ducreux, qui permit de faire connaitre le visage de la jeune archiduchesse d’Autriche à la cour de Versailles, contribuant ainsi à sa destinée royale.

Elle a ici de meilleures joues que sur l'original...


Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg, alors archiduchesse d'Autriche en 1769
Joseph Ducreux
Parchemin, pastel
Photo : château de Versailles, dist RMN / JM ManaÏ

En revanche, la main, mamma mia... :
Déjà que celle de l'original n'est pas géniale.

Les mains sont, dit-on, très difficiles à peindre.
Aussi, au XVIIIè siècle (et probablement avant et après), les portraitistes pouvaient augmenter le prix de leurs créations selon le nombre de mains représentées.
Vous constaterez que de nombreux portraits en buste sont souvent...sans main.

La nuit, la neige a écrit:En revanche, la main, mamma mia... :
Déjà que celle de l'original n'est pas géniale.

Le poignet est raté, aiuto !