Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
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Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
Lettre autographe adressée le 24 août 1774 (pièce No 2) par Turgot, tout juste nommé contrôleur général des finances, au roi Louis XVI, dans laquelle il expose son plan de redressement des finances du royaume. Cette lettre ou " mémoire " a été offerte le 21 juin 1828 par le sieur de La Rivière au ministre de Charles X, le comte de Villèle, lors de sa démission (pièce No1). Le sieur de La Rivière renouvelle cet hommage personnel au comte de Villèle dans une lettre du 27 juin 1828 (pièce No 3).
Le mémoire de Turgot a probablement été conservé dans les papiers de Louis XVI et été trié en 1792 avec les autres papiers de Louis XVI trouvés aux Tuileries. Jugé " inutile " -ainsi que l'indique la mention manuscrite sur la 1e page du mémoire- lors du procès de Louis XVI, il aurait été gardé à titre de souvenir personnel par un des commissaires chargés de ce triage, du nom de Larivière.
Le mémoire de Turgot a probablement été conservé dans les papiers de Louis XVI et été trié en 1792 avec les autres papiers de Louis XVI trouvés aux Tuileries. Jugé " inutile " -ainsi que l'indique la mention manuscrite sur la 1e page du mémoire- lors du procès de Louis XVI, il aurait été gardé à titre de souvenir personnel par un des commissaires chargés de ce triage, du nom de Larivière.
cosmo- Invité
Re: Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
S
Blason des Turgot:
d'hermine fretté de gueules de dix pièces
Turgot est nommé ministre de Maurepas, le mentor du Roi, auquel il a été chaudement recommandé par l’abbé de Véry, un ami commun, nous dit WIKI.
Sa nomination comme ministre de la Marine en juillet 1774 est bien accueillie, notamment par les philosophes. Un mois plus tard, il est nommé contrôleur général des finances. Son premier acte est de soumettre au roi une déclaration de principe : pas de banqueroute, pas d’augmentation de la taxation, pas d’emprunt.
La politique de Turgot, face à une situation financière désespérée, est de contraindre à de strictes économies dans tous les ministères. Toutes les dépenses doivent désormais être soumises pour approbation au contrôleur. Un certain nombre de sinécures sont supprimées, et leurs titulaires sont dédommagés. Les abus des « acquis au comptant » sont combattus, cependant que Turgot fait appel personnellement au roi contre le don généreux d’emplois et de pensions.
Il envisage également une grande réforme de la ferme générale, mais se contente, au début, d’imposer ses conditions lors du renouvellement des baux : employés plus efficaces, suppression des abus des « croupes » (nom donné à une classe de pensions) – réforme que l'abbé Terray avait esquivée, ayant noté combien de personnes bien placées y étaient intéressées. Turgot annule également certains fermages, comme ceux pour la fabrication de la poudre à canon et l’administration des messageries, auparavant confiée à une société dont Antoine Lavoisier est conseiller. Plus tard, il modernise le service de diligences en remplaçant celles-ci par d’autres plus confortables qui sont surnommées « turgotines ». Il prépare un budget ordinaire.
Les mesures de Turgot réussissent à réduire considérablement le déficit, et améliorent tant le crédit national qu’en 1776, juste avant sa chute, il lui est possible de négocier un prêt à 4 % avec des banquiers, mais le déficit est encore si important qu’il l’empêche d’essayer immédiatement la mise en place de son idée favorite, le remplacement des impôts indirects par une taxe sur l’immobilier.
Il supprime cependant bon nombre d’octrois et de taxes mineures, et s’oppose sur la base des finances du pays à la participation de la France à la guerre d'indépendance des États-Unis, sans succès.
Turgot dès sa nomination aux finances s'était mis au travail pour établir le libre-échange dans le domaine des grains (suppression du droit de hallage), mais son décret, signé le 13 septembre 1774, rencontre une forte opposition dans le Conseil même du roi.
Le préambule de ce décret, exposant les doctrines sur lesquelles il est fondé, lui gagne l’éloge des philosophes mais aussi les railleries des beaux esprits, aussi Turgot le réécrit-il trois fois pour le rendre « si purifié que n’importe quel juge de village pourrait l’expliquer aux paysans. »
Turgot devient la cible de tous ceux qui ont pris intérêt aux spéculations sur le grain sous le régime de l’abbé Terray, ce qui inclut des princes de sang. De plus, le commerce des blés a été un sujet favori des salons et le spirituel Galiani, l’adversaire des physiocrates, a de nombreux partisans. L’opposition de l’époque est le fait de Linguet et Necker, qui en 1775 a publié son Essai sur la législation et le commerce des grains.
Pourtant, le pire ennemi de Turgot s’avère être la médiocre moisson de 1774, qui mène à la hausse du prix du pain pendant l’hiver 1774 et le printemps 1775. En avril, les perturbations surgissent à Dijon, et, au début de mai, ont lieu les grandes émeutes frumentaires connues comme la « guerre des farines », qui peut être considérée comme le signe avant-coureur de la Révolution française.
Turgot fait preuve d’une grande fermeté et d’un grand esprit de décision dans la répression des émeutes, et bénéficie du soutien de Louis XVI.
Sa position est affermie par l’entrée de Malesherbes parmi les ministres en juillet 1775.
Pour ce qui est de ses relations avec Adam Smith, Turgot écrit : « Je me suis flatté, même de son amitié et estime, je n’avais jamais celui de sa correspondance », mais il n’y a aucun doute qu'Adam Smith a rencontré Turgot à Paris et il est généralement admis que Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations doit beaucoup à Turgot.
Enfin, Turgot présente au Conseil du roi en janvier 1776 les fameux Six Décrets de Turgot. Sur les six, quatre sont d’importance secondaire. Les deux qui ont rencontré une opposition violente sont le décret supprimant la corvée royale et la suppression des jurandes et maîtrises (corporations). Dans le préambule, Turgot annonce courageusement son objectif d’abolir les privilèges et de soumettre les trois ordres à taxation — le clergé en a ensuite été exempté, notamment à la demande de Maurepas. Dans le préambule au décret sur les jurandes, il fixe comme principe le droit de chaque homme pour travailler, sans restriction.
Il obtient l’enregistrement des décrets par le lit de justice du 12 mars, mais, à ce moment-là, presque tout le monde est contre lui. Ses attaques contre les privilèges lui ont gagné la haine de la noblesse et du Parlement ; sa réforme de la Maison du roi, celle de la Cour ; sa législation de libre-échange, celle « des financiers » ; ses avis sur la tolérance et sa campagne contre les serments du sacre vis-à-vis des protestants, celui du clergé ; enfin, son décret sur les jurandes, celui de la bourgeoisie riche de Paris et d’autres, comme le Prince de Conti, dont les intérêts sont engagés.
La reine Marie-Antoinette ne l’aime guère depuis qu’il s’est opposé à l’octroi de faveurs à ses favoris, comme la duchesse de Polignac.
Allons bon !
Tout pouvait encore aller bien si Turgot conservait la confiance du roi, mais le roi ne manque pas de voir que Turgot n’a pas l’appui des autres ministres. Même son ami Malesherbes pense qu’il est trop impétueux.
L’impopularité de Maurepas va également croissante. Que ce soit par jalousie de l’ascendant que Turgot a acquis sur le roi, ou par l’incompatibilité naturelle de leurs personnages, Maurepas bascule contre Turgot et se réconcilie avec la reine.
C’est vers cette époque qu’apparaît une brochure, Songe de M. Maurepas, généralement attribué au comte de Provence (futur Louis XVIII), contenant une caricature acide de Turgot.
Avec les physiocrates, Turgot croit en l’aspect éclairé de l’absolutisme politique et compte sur le roi pour mener à bien toutes les réformes. Quant aux Parlements, il s’est opposé à toute intervention de leur part dans la législation, considérant qu’ils n’avaient aucune compétence hors la sphère de la justice. Il reconnaît le danger des vieux Parlements, mais se révèle incapable de s’y opposer efficacement depuis qu’il a été associé au renvoi de Maupeou et de l’abbé Terray et semble avoir sous-estimé leur pouvoir.
Il s’oppose à la convocation des États généraux préconisée par Malesherbes le 6 mai 1775, probablement en raison de l’important pouvoir qu’y ont les deux ordres privilégiés.
Son plan personnel se trouve dans son Mémoire sur les municipalités qui a été soumis d’une façon informelle au roi.
Dans le système proposé par Turgot, les propriétaires seuls doivent former l’électorat, aucune distinction n'étant faite entre les trois ordres. Les habitants des villes doivent élire des représentants par zone municipale, qui à leur tour élisent les municipalités provinciales, et ces dernières une grande municipalité, qui n’a aucun pouvoir législatif, mais doit être consultée pour l’établissement des taxes.
Il faut y combiner un système complet d’éducation, et de charité visant à soulager les pauvres.
Louis XVI recule devant l’ampleur du plan de Turgot. Il reste à Turgot à choisir entre une réforme superficielle du système existant et une réforme totale des privilèges — mais il aurait fallu pour cela un ministre populaire et un roi fort.
Avec l'aide de son conseiller, le banquier suisse Isaac Panchaud, il prépare à la fin de son mandat la création de la Caisse d'Escompte, ancêtre de la banque de France, qui a pour mission de permettre une baisse des taux d'intérêt des emprunts commerciaux, puis publics.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
;
J'écrivais en septembre, à la Conciergerie :
Entendu, ce matin dans mon bain , sur France-Inter :
Pendant les journées du Patrimoine, nous pourrons découvrir , à Bercy, une lettre que son Contrôleur Général des Finances, Turgot, adressait à Louis XVI, le 24 août… 1774 ( il y a 236 ans jour pour jour ) .
Louis XV vient de mourir en mai . Le règne de Loulou débute à peine .
Le journaliste mettait l'accent sur son étonnante actualité et nous en a lu le début que voici :
Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles: Point de banqueroute; point d’augmentation d’impositions; point d’emprunts. Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées. Point d’augmentation d’impôts: la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté. Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation d’impositions. Il ne faut, en temps de paix, se permettre d’emprunter que pour liquider des dettes anciennes, ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un dernier plus onéreux. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au dessous de la recette, et assez au dessous pour pouvoir économiser chaque année une vingtaine de millions, afin de rembourser les dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’État à la banqueroute....
Feue notre chère Princesse :
J'ai ce livre :
Quand Turgot régnait en Limousin : un tremplin pour le pouvoir de
Michel C. Kiener , et Jean-Claude Peyronnet
Fayard, 1979, 333 p
Et voici la quatrième de couverture :
" Non, ce n'est pas un" fonctionnaire "comme les autres qui part en 1761 prendre son poste d'intendant de la généralité de Limoges . Ce maître des requêtes de 34 ans est à la fois " un homme du roi " et un "réformateur " convaincu , adepte des idées économistes et de l'école physiocratique du DR Quesnay.
Turgot, c'est l'homme des lumières qui croit à la force de la raison et de la conviction, à la communication. C'est l'administrateur éclairé qui tente une révolution par le haut. C'est aussi le Parisien qui débarque en terre occitane , dans une région parmi les plus pauvres et les plus fermées qui soient.
Entre celui qui incarnera bientôt l'espoir des philosophes et les masses paysannes enterrées dans leurs villages, le courant est-il passé ?
Pendant ces 13 ans passés en Limousin , Turgot bâtit la réputation qui lui valut de devenir en 1774 le premier contrôleur général de Louis XVI. En dressant le bilan rigoureux de ce qui fut selon le mot d'Edgar Faure un véritable stage " ministériel", les auteurs nous font découvrir les rouages et les blocages de la machine administrative de l'Ancien Régime."
Le problème est que je n'ai pas encore lu ce livre...
Monsieur de Talaru ( François, pour les intimes ) :
Si Louis XVI fut inondé des Lumières, il en revint très vite.
Kiki ( que je crois rekokonaître à une figure de style : ) :
Il s'en méfiait certes mais ne refusait pas quelques idées pleinement issues des Lumières, même dans les années 80 : abolition de la question, droits civiques aux rotestants et aux juifs ...
C'est toute la cour "en charge" qui est tombée sur le dos de Turgot (et Marie-Antoinette en première ligne) ; en effet, Louis XVI le lâchera avec son manque de c..... habituel !
Reinette : b
Je suis surprise : je ne vois pas de sujet sur la Guerre des Farines.
Bon, tant pis, je mets ma découverte du jour (ou plutôt de la nuit ) chez Turgot, le premier concerné.
J'ai toujours cru, enfin c'est bien ce que dit Petitfils et repris dans les documentaires, films consacrés à Louis XVI qu'il y eut deux émeutiers condamnés à mort sur 162 suspects, un apprenti gazier de 16 ans et un perruquier de 28. Pendus en place de Grève (j'y étais hier ! ), "le roi n'eut même pas le temps d'exercer son droit de grâce."
Et ce qui permet de prouver que c'est bien la preuve que le roi n'était pas si faible, du moins en cette occasion, p. 200 de Petitfils.
Quelque part, cela m'a toujours gêné : mince Louis XVI qui condamne à mort...
Et aujourd'hui, faisant des recherches pour les années 1774-1775, vive Wikipédia , où je trouve : la condamnation à la pendaison de deux émeutiers (en réalité ces peines furent converties par grâce royale en peine de galère et de bannissement). En somme ces mesures sont relativement symboliques.
Pas de notes hélas, ce qui est tout de même assez rare pour Wikipédia.
Enfin je trouve cela assez incroyable.
Mme de Sabran :
L'émission de France-Inter , la Marche de l'Histoire, en parlait récemment et expliquait le pacte royal : fournir assez de blé ( que l'on appelait bled à l'époque ) au peuple afin qu'il se nourrisse décemment . En ce sens, le roi était le grand panetier de France .
Pour annoncer cette émission, je n'avais pas trouvé non plus de sujet sur la guerre des farines, aussi me suis-je rabattue sur le sujet des 5 et 6 octobre, le peuple marchant sur Versailles en réclamant du pain .
L'un d'entre nous :
Oui je me souviens bien.
Ces événements sont assez marquants au début du règne, annonçant hélas la Révolution et méritent à eux seuls un sujet. A mon avis...
Même Marie-Antoinette, en pleine folie de ses vingt ans, sera touchée par ces pauvres affamés désespérés et prêts à tout pour obtenir du pain.
Les journées d'octobre sont en quelque sorte la conclusion, le grand final, de toutes ces crises frumentaires où le peuple affamé s'imagine que seul le roi peut leur apporter le sacro-saint pain. Et s'il n'y en a pas, il est responsable.
C'était même si courant à l'époque que justement ces femmes réclamant du pain n'était au final qu'un prétexte beaucoup plus politique. D'une émeute classique on passe à une véritable révolution
Lucius :
La charge de grand panetier de France était tenue sous l'ancien régime par, devinez qui ... les Cossé-Brissac, et donc le dernier fut notre bon Louis-Hercule, capitaine-colonnel des Cent-Suisses !
Cela leur conferait l'honneur insigne de servir le pain à la table du Roi aux grandes fêtes religieuses (Pâques et Noël principalement) et de recevoir, chaque année, des boulangers de Paris, un panier contenant du pain et différents condiments ... (je n'ai plus le détail en tête).
Il ne servait ordinairement que dans les grandes cérémonies, le premier de l'an et aux quatre bonnes fêtes de l'année, déléguant ce service aux panetiers lors des offices réguliers, ces derniers mettant la nappe, la nef de table, préparant les tranchoirs de pain et le sel ; lorsque le roi sortait de sa chambre pour aller à la messe, le sert-d'eau criait par trois fois, du haut du balcon ou du haut de l'escalier : " Messire ..., grand panetier de France, au couvert pour le roi !
Reinette :
D'après Simone Bertière, il semble que Turgot, malgré son talent et ses idées novatrices, avait ses défauts : trop "cassant", trop franc et direct, pas assez souple, trop sûr de lui... Louis XVI en aurait vite eu marre de ce type. C'est plausible quand on se souvient du premier départ de Necker : se croyant indispensable, il avait envoyé sa lettre de démission, persuadé qu'on n'oserait pas le renvoyer et il était tombé des nues de la voir acceptée. Le roi avait détesté cette sorte de chantage. Il est donc tout à fait possible que Turgot l'ait rapidement énervé également. Cela prouve que Louis XVI était bien gentil, mais qu'il ne fallait pas abuser non plus ou le prendre pour un c...
Mme de Sabran :
C'est toute la famille Turgot qui se place, dès l'avènement de Louis XVI .
Mme du Deffand à Horace Walpole, le 25 juillet 1774 :
On vient de renvoyer M. de Boynes, secrétaire d'Etat de la Marine; sa place est donnée à M. Turgot que je voyais tous les jours,il y a quatorze ou quinze ans, mais avec qui la Lespinasse m'a brouillée, ainsi qu'avec tous les autres encyclopédistes; il est l'ami intime de M. de Maurepas, à qui il n'est pas douteux qu'il ne doive cette place; c'est un honnête homme .
Il s'agit évidemment du frère du contrôler des Finances, François Etienne, marquis de Turgot, membre de l’Académie royale d’agriculture, dont je parlais hier soir à notre ami Roi-cavalerie .
Allez zou ! :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: Je saute lui ouvrir un sujet !!!
.
J'écrivais en septembre, à la Conciergerie :
Entendu, ce matin dans mon bain , sur France-Inter :
Pendant les journées du Patrimoine, nous pourrons découvrir , à Bercy, une lettre que son Contrôleur Général des Finances, Turgot, adressait à Louis XVI, le 24 août… 1774 ( il y a 236 ans jour pour jour ) .
Louis XV vient de mourir en mai . Le règne de Loulou débute à peine .
Le journaliste mettait l'accent sur son étonnante actualité et nous en a lu le début que voici :
Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles: Point de banqueroute; point d’augmentation d’impositions; point d’emprunts. Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées. Point d’augmentation d’impôts: la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté. Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation d’impositions. Il ne faut, en temps de paix, se permettre d’emprunter que pour liquider des dettes anciennes, ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un dernier plus onéreux. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au dessous de la recette, et assez au dessous pour pouvoir économiser chaque année une vingtaine de millions, afin de rembourser les dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’État à la banqueroute....
Feue notre chère Princesse :
J'ai ce livre :
Quand Turgot régnait en Limousin : un tremplin pour le pouvoir de
Michel C. Kiener , et Jean-Claude Peyronnet
Fayard, 1979, 333 p
Et voici la quatrième de couverture :
" Non, ce n'est pas un" fonctionnaire "comme les autres qui part en 1761 prendre son poste d'intendant de la généralité de Limoges . Ce maître des requêtes de 34 ans est à la fois " un homme du roi " et un "réformateur " convaincu , adepte des idées économistes et de l'école physiocratique du DR Quesnay.
Turgot, c'est l'homme des lumières qui croit à la force de la raison et de la conviction, à la communication. C'est l'administrateur éclairé qui tente une révolution par le haut. C'est aussi le Parisien qui débarque en terre occitane , dans une région parmi les plus pauvres et les plus fermées qui soient.
Entre celui qui incarnera bientôt l'espoir des philosophes et les masses paysannes enterrées dans leurs villages, le courant est-il passé ?
Pendant ces 13 ans passés en Limousin , Turgot bâtit la réputation qui lui valut de devenir en 1774 le premier contrôleur général de Louis XVI. En dressant le bilan rigoureux de ce qui fut selon le mot d'Edgar Faure un véritable stage " ministériel", les auteurs nous font découvrir les rouages et les blocages de la machine administrative de l'Ancien Régime."
Le problème est que je n'ai pas encore lu ce livre...
Monsieur de Talaru ( François, pour les intimes ) :
Si Louis XVI fut inondé des Lumières, il en revint très vite.
Kiki ( que je crois rekokonaître à une figure de style : ) :
Il s'en méfiait certes mais ne refusait pas quelques idées pleinement issues des Lumières, même dans les années 80 : abolition de la question, droits civiques aux rotestants et aux juifs ...
C'est toute la cour "en charge" qui est tombée sur le dos de Turgot (et Marie-Antoinette en première ligne) ; en effet, Louis XVI le lâchera avec son manque de c..... habituel !
Reinette : b
Je suis surprise : je ne vois pas de sujet sur la Guerre des Farines.
Bon, tant pis, je mets ma découverte du jour (ou plutôt de la nuit ) chez Turgot, le premier concerné.
J'ai toujours cru, enfin c'est bien ce que dit Petitfils et repris dans les documentaires, films consacrés à Louis XVI qu'il y eut deux émeutiers condamnés à mort sur 162 suspects, un apprenti gazier de 16 ans et un perruquier de 28. Pendus en place de Grève (j'y étais hier ! ), "le roi n'eut même pas le temps d'exercer son droit de grâce."
Et ce qui permet de prouver que c'est bien la preuve que le roi n'était pas si faible, du moins en cette occasion, p. 200 de Petitfils.
Quelque part, cela m'a toujours gêné : mince Louis XVI qui condamne à mort...
Et aujourd'hui, faisant des recherches pour les années 1774-1775, vive Wikipédia , où je trouve : la condamnation à la pendaison de deux émeutiers (en réalité ces peines furent converties par grâce royale en peine de galère et de bannissement). En somme ces mesures sont relativement symboliques.
Pas de notes hélas, ce qui est tout de même assez rare pour Wikipédia.
Enfin je trouve cela assez incroyable.
Mme de Sabran :
L'émission de France-Inter , la Marche de l'Histoire, en parlait récemment et expliquait le pacte royal : fournir assez de blé ( que l'on appelait bled à l'époque ) au peuple afin qu'il se nourrisse décemment . En ce sens, le roi était le grand panetier de France .
Pour annoncer cette émission, je n'avais pas trouvé non plus de sujet sur la guerre des farines, aussi me suis-je rabattue sur le sujet des 5 et 6 octobre, le peuple marchant sur Versailles en réclamant du pain .
L'un d'entre nous :
Oui je me souviens bien.
Ces événements sont assez marquants au début du règne, annonçant hélas la Révolution et méritent à eux seuls un sujet. A mon avis...
Même Marie-Antoinette, en pleine folie de ses vingt ans, sera touchée par ces pauvres affamés désespérés et prêts à tout pour obtenir du pain.
Les journées d'octobre sont en quelque sorte la conclusion, le grand final, de toutes ces crises frumentaires où le peuple affamé s'imagine que seul le roi peut leur apporter le sacro-saint pain. Et s'il n'y en a pas, il est responsable.
C'était même si courant à l'époque que justement ces femmes réclamant du pain n'était au final qu'un prétexte beaucoup plus politique. D'une émeute classique on passe à une véritable révolution
Lucius :
La charge de grand panetier de France était tenue sous l'ancien régime par, devinez qui ... les Cossé-Brissac, et donc le dernier fut notre bon Louis-Hercule, capitaine-colonnel des Cent-Suisses !
Cela leur conferait l'honneur insigne de servir le pain à la table du Roi aux grandes fêtes religieuses (Pâques et Noël principalement) et de recevoir, chaque année, des boulangers de Paris, un panier contenant du pain et différents condiments ... (je n'ai plus le détail en tête).
Il ne servait ordinairement que dans les grandes cérémonies, le premier de l'an et aux quatre bonnes fêtes de l'année, déléguant ce service aux panetiers lors des offices réguliers, ces derniers mettant la nappe, la nef de table, préparant les tranchoirs de pain et le sel ; lorsque le roi sortait de sa chambre pour aller à la messe, le sert-d'eau criait par trois fois, du haut du balcon ou du haut de l'escalier : " Messire ..., grand panetier de France, au couvert pour le roi !
Reinette :
D'après Simone Bertière, il semble que Turgot, malgré son talent et ses idées novatrices, avait ses défauts : trop "cassant", trop franc et direct, pas assez souple, trop sûr de lui... Louis XVI en aurait vite eu marre de ce type. C'est plausible quand on se souvient du premier départ de Necker : se croyant indispensable, il avait envoyé sa lettre de démission, persuadé qu'on n'oserait pas le renvoyer et il était tombé des nues de la voir acceptée. Le roi avait détesté cette sorte de chantage. Il est donc tout à fait possible que Turgot l'ait rapidement énervé également. Cela prouve que Louis XVI était bien gentil, mais qu'il ne fallait pas abuser non plus ou le prendre pour un c...
Mme de Sabran :
C'est toute la famille Turgot qui se place, dès l'avènement de Louis XVI .
Mme du Deffand à Horace Walpole, le 25 juillet 1774 :
On vient de renvoyer M. de Boynes, secrétaire d'Etat de la Marine; sa place est donnée à M. Turgot que je voyais tous les jours,il y a quatorze ou quinze ans, mais avec qui la Lespinasse m'a brouillée, ainsi qu'avec tous les autres encyclopédistes; il est l'ami intime de M. de Maurepas, à qui il n'est pas douteux qu'il ne doive cette place; c'est un honnête homme .
Il s'agit évidemment du frère du contrôler des Finances, François Etienne, marquis de Turgot, membre de l’Académie royale d’agriculture, dont je parlais hier soir à notre ami Roi-cavalerie .
Allez zou ! :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: Je saute lui ouvrir un sujet !!!
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
Merci pour ce bouturage, Eléonore !
Encore des pépites que tu es allée extrader d'outre-tombe :\\\\\\\\:
Bien à vous.
Encore des pépites que tu es allée extrader d'outre-tombe :\\\\\\\\:
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
.
Reinette :
à la Conciergerie, of course, itou-également .
Je suis en ce moment en train de lire une biographie de Louis XVI datant de 1844, par Jean-Baptise Capefigue.
http://books.google.fr/books?id=LLNbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=1776&hl=fr&sa=X&ei=Z3sFUdKKB46JhQezr4HgDw&ved=0CDgQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false
Ce n'est pas inintéressant (en prenant sur soi les habituels poncifs royalistes et catholiques àè-è\': ).
Ainsi en 1776, durant les réformes de Turgot, voilà cette chanson d'opposition véritablement prophétique.
Son titre ne pouvait pas deviner à quel point !
Prophétie turgotine
Vivent tous nos beaux esprits,
Encyclopédistes,
Du bonheur français épris,
Grands économistes ;
Par leurs soins, au temps d'Adam,
Momus les assiste
Oh gué !
Momus les assiste.
Ce n'est pas de nos bouquins
Que vient leur science,
En eux ces fiers paladins
Ont la sapience :
Les Colbert et les Sully
Nous paraissent grands, mais fi !
Ce n'est qu'ignorance.
On verra tous les états
Entre eux se confondre ;
Les pauvres sur leurs grabats,
Ne plus se morfondre ;
Des biens on fera des lots,
Qui rendront les gens égaux,
Le bel oeuf à pondre.
Du même pas marcheront
Noblesse et roture,
Les Français retourneront
Au droit de nature.
Adieu parlements et lois,
Ducs, princes et rois :
La bonne aventure.
Partisans des novations
La fine sequelle !
La France, des nations,
Sera le modèle ;
Et cet honneur, nous devrons
A Turgot et compagnons :
Besogne immortelle.
A qui devrons-nous le plus ?
C'est à notre maître,
Qui se croyant un abus
Ne voudra plus l'être.
Ah ! qu'il faut aimer le bien
Pour de roi n'être plus rien !
J'enverrais tout paître.
Treize ans avant 1789 !!!
N'ayant pas trouvé de possibilité à faire du copier-coller avec ce texte, j'ai tout tapé avec mes petites mains.
.
Reinette :
à la Conciergerie, of course, itou-également .
Je suis en ce moment en train de lire une biographie de Louis XVI datant de 1844, par Jean-Baptise Capefigue.
http://books.google.fr/books?id=LLNbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=1776&hl=fr&sa=X&ei=Z3sFUdKKB46JhQezr4HgDw&ved=0CDgQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false
Ce n'est pas inintéressant (en prenant sur soi les habituels poncifs royalistes et catholiques àè-è\': ).
Ainsi en 1776, durant les réformes de Turgot, voilà cette chanson d'opposition véritablement prophétique.
Son titre ne pouvait pas deviner à quel point !
Prophétie turgotine
Vivent tous nos beaux esprits,
Encyclopédistes,
Du bonheur français épris,
Grands économistes ;
Par leurs soins, au temps d'Adam,
Momus les assiste
Oh gué !
Momus les assiste.
Ce n'est pas de nos bouquins
Que vient leur science,
En eux ces fiers paladins
Ont la sapience :
Les Colbert et les Sully
Nous paraissent grands, mais fi !
Ce n'est qu'ignorance.
On verra tous les états
Entre eux se confondre ;
Les pauvres sur leurs grabats,
Ne plus se morfondre ;
Des biens on fera des lots,
Qui rendront les gens égaux,
Le bel oeuf à pondre.
Du même pas marcheront
Noblesse et roture,
Les Français retourneront
Au droit de nature.
Adieu parlements et lois,
Ducs, princes et rois :
La bonne aventure.
Partisans des novations
La fine sequelle !
La France, des nations,
Sera le modèle ;
Et cet honneur, nous devrons
A Turgot et compagnons :
Besogne immortelle.
A qui devrons-nous le plus ?
C'est à notre maître,
Qui se croyant un abus
Ne voudra plus l'être.
Ah ! qu'il faut aimer le bien
Pour de roi n'être plus rien !
J'enverrais tout paître.
Treize ans avant 1789 !!!
N'ayant pas trouvé de possibilité à faire du copier-coller avec ce texte, j'ai tout tapé avec mes petites mains.
.
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Mme de Sabran- Messages : 55497
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Anne Robert Jacques Turgot, contrôleur général
Dans cent ans, dans bien moins d'années, cette " Vie de Monsieur Turgot " tombant dans les mains d'un lecteur impartial, il regardera ce M. Turgot effectivement comme un ange tutélaire que ses contemporains ont méconnu. Et cependant la vérité la plus constante est que toutes les parties de l'administration confiées à cet homme, qui réellement voulait le bien, souffrent encore de ses maximes arbitraires et des plans peu réfléchis qu'il a mis en exécution. Notre commerce aurait était désorienté, ébranlé dans ses fondements si M. Turgot eut gardé quinze jours de plus le ministère de la Marine. Ses idées de liberté indéfinie ouvraient nos ports à tous les brigands des côtes de Barbarie, qui eussent insulté nos côtes en nous apportant la peste .
( Bombelles )
Ah ! les préjugés et à priori de Bombelles, c'est quelque chose !
Lettre de Turgot au Roi, en prenant possession de la place de contrôleur général
Sire, en sortant du cabinet de Votre Majesté, encore tout plein du trouble où me jette l’immensité du fardeau qu’elle m’impose, agité par tous les sentiments qu’excite en moi la bonté touchante avec laquelle elle a daigné me rassurer, je me hâte de mettre à ses pieds ma respectueuse reconnaissance et le dévouement absolu de ma vie entière.
Votre Majesté a bien voulu m’autoriser à remettre sous ses yeux l’engagement qu’elle a pris avec elle-même, de me soutenir dans l’exécution des plans d’économie qui sont en tout temps, et aujourd’hui plus que jamais, d’une nécessité indispensable. J’aurais désiré pouvoir lui développer les réflexions que me suggère la position où se trouvent les finances ; le temps ne me le permet pas, et je me réserve de m’expliquer plus au long quand j’aurai pu prendre des connaissances plus exactes. Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles :
Point de banqueroute ;
Point d’augmentation d’impôts ;
Point d’emprunts.
Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées.
Point d’augmentation d’impôts, la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté.
Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation des impositions. II ne faut en temps de paix se permettre d’emprunter que pour liquider les dettes anciennes, ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un denier plus onéreux.
Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au-dessous de la recette, et assez au-dessous pour pouvoir économiser chaque année une vingtaine de millions, afin de rembourser les dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’État à la banqueroute.
On demande sur quoi retrancher ; et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais comme il n’y en a pas pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l’économie.
Il est donc de nécessité absolue que Votre Majesté exige des ordonnateurs de toutes les parties qu’ils se concertent avec le ministre de la finance. II est indispensable qu’il puisse discuter avec eux en présence de Votre Majesté le degré de nécessité des dépenses proposées. II est surtout nécessaire que, lorsque vous aurez, Sire, arrêté l’état des fonds de chaque département, vous défendiez à celui qui en est chargé, d’ordonner aucune dépense nouvelle sans avoir auparavant concerté avec la finance les moyens d’y pourvoir. Sans cela, chaque département se chargerait de dettes qui seraient toujours des dettes de Votre Majesté, et l’ordonnateur de la finance ne pourrait répondre de la balance entre la dépense et la recette.
Votre Majesté sait qu’un des plus grands obstacles à l’économie, est la multitude des demandes dont elle est continuellement assaillie, et que la trop grande facilité de ses prédécesseurs à les accueillir, a malheureusement autorisées.
Il faut, Sire, vous armer contre votre bonté de votre bonté même ; considérer d’où vous vient cet argent que vous pouvez distribuer à vos courtisans, et comparer la misère de ceux auxquels on est quelquefois obligé de l’arracher par les exécutions les plus rigoureuses, à la situation des personnes qui ont le plus de titres pour obtenir vos libéralités.
Il y a des grâces auxquelles on a cru pouvoir se prêter plus aisément, parce qu’elles ne portent pas immédiatement sur le Trésor royal. De ce genre sont les intérêts, les croupes, les privilèges ; elles sont de toutes les plus dangereuses et les plus abusives. Tout profit sur les impositions qui n’est pas absolument nécessaire pour leur perception, est une dette consacrée au soulagement des contribuables, ou aux besoins de l’État.
D’ailleurs, ces participations aux profits des traitants sont une source de corruption pour la noblesse, et de vexation pour le peuple, en donnant à tous les abus des protecteurs puissants et cachés.
On peut espérer de parvenir, par l’amélioration de la culture, par la suppression des abus dans la perception, et par une répartition plus équitable des impositions, à soulager sensiblement le peuple, sans diminuer beaucoup les revenus publics ; mais si l’économie n’a précédé, aucune réforme n’est possible, parce qu’il n’en est aucune qui n’entraîne le risque de quelque interruption dans la marche des recouvrements, et parce qu’on doit s’attendre aux embarras multipliés que feront naître les manœuvres et les cris des hommes de toute espèce intéressés à soutenir les abus ; car il n’en est point dont quelqu’un ne vive.
Tant que la finance sera continuellement aux expédients pour assurer les services, Votre Majesté sera toujours dans la dépendance des financiers, et ceux-ci seront toujours les maîtres de faire manquer, par des manœuvres de place, les opérations les plus importantes. Il n’y aura aucune amélioration possible, ni dans les impositions, pour soulager les contribuables, ni dans aucuns arrangements relatifs au gouvernement intérieur et à la législation. L’autorité ne sera jamais tranquille, parce qu’elle ne sera jamais chérie ; et que les mécontentements et les inquiétudes des peuples sont toujours le moyen dont les intrigants et les malintentionnés se servent pour exciter des troubles. C’est donc surtout de l’économie que dépend la prospérité de votre règne, le calme dans l’intérieur, la considération au dehors, le bonheur de la nation et le vôtre.
Je dois observer à Votre Majesté que j’entre en place dans une conjoncture fâcheuse, par les inquiétudes répandues sur les subsistances : inquiétudes fortifiées par la fermentation des esprits depuis quelques années, par la variation des principes des administrateurs, par quelques opérations imprudentes, et surtout par une récolte qui paraît avoir été médiocre. Sur cette matière, comme sur beaucoup d’autres, je ne demande point à Votre Majesté d’adopter mes principes, sans les avoir examinés et discutés, soit par elle-même, soit par des personnes de confiance en sa présence ; mais quand elle en aura reconnu la justice et la nécessité, je la supplie d’en maintenir l’exécution avec fermeté, sans se laisser effrayer par des clameurs qu’il est absolument impossible d’éviter en cette matière, quelque système qu’on suive, quelque conduite qu’on tienne.
Voilà les points que Votre Majesté a bien voulu me permettre de lui rappeler. Elle n’oubliera pas qu’en recevant la place de contrôleur-général, j’ai senti tout le prix de la confiance dont elle m’honore ; j’ai senti qu’elle me confiait le bonheur de ses peuples, et, s’il m’est permis de le dire, le soin de faire aimer sa personne et son autorité. Mais en même temps j’ai senti tout le danger auquel je m’exposais. J’ai prévu que je serais seul à combattre contre les abus de tout genre, contre les efforts de ceux qui gagnent à ces abus ; contre la foule des préjugés qui s’opposent à toute réforme, et qui sont un moyen si puissant dans les mains des gens intéressés à éterniser le désordre. J’aurai à lutter même contre la bonté naturelle, contre la générosité de Votre Majesté et des personnes qui lui sont les plus chères. Je serai craint, haï même de la plus grande partie de la cour, de tout ce qui sollicite des grâces. On m’imputera tous les refus ; on me peindra comme un homme dur, parce que j’aurai représenté à Votre Majesté qu’elle ne doit pas enrichir même ceux qu’elle aime, aux dépens de la subsistance de son peuple. Ce peuple auquel je me serai sacrifié est si aisé à tromper, que peut-être j’encourrai sa haine par les mesures mêmes que je prendrai pour le défendre contre la vexation. Je serai calomnié, et peut-être avec assez de vraisemblance pour m’ôter la confiance de Votre Majesté. Je ne regretterai point de perdre une place à laquelle je ne m’étais jamais attendu. Je suis prêt à la remettre à Votre Majesté dès que je ne pourrai plus espérer de lui être utile ; mais son estime, la réputation d’intégrité, la bienveillance publique qui ont déterminé son choix en ma faveur, me sont plus chères que la vie, et je cours le risque de les perdre, même en ne méritant à mes yeux aucun reproche.
Votre Majesté se souviendra que c’est sur la foi de ses promesses que je me charge d’un fardeau peut-être au-dessus de mes forces, que c’est à elle personnellement, à l’homme honnête, à l’homme juste et bon, plutôt qu’au roi, que je m’abandonne.
J’ose lui répéter ici ce qu’elle a bien voulu entendre et approuver. La bonté attendrissante avec laquelle elle a daigné presser mes mains dans les siennes, comme pour accepter mon dévouement, ne s’effacera jamais de mon souvenir. Elle soutiendra mon courage. Elle a pour jamais lié mon bonheur personnel avec les intérêts, la gloire et le bonheur de Notre Majesté.
C’est avec ces sentiments que je suis, Sire, etc.
Anne Robert Jacques Turgot Compiègne, 24 août 1774
( Bombelles )
Ah ! les préjugés et à priori de Bombelles, c'est quelque chose !
Lettre de Turgot au Roi, en prenant possession de la place de contrôleur général
Sire, en sortant du cabinet de Votre Majesté, encore tout plein du trouble où me jette l’immensité du fardeau qu’elle m’impose, agité par tous les sentiments qu’excite en moi la bonté touchante avec laquelle elle a daigné me rassurer, je me hâte de mettre à ses pieds ma respectueuse reconnaissance et le dévouement absolu de ma vie entière.
Votre Majesté a bien voulu m’autoriser à remettre sous ses yeux l’engagement qu’elle a pris avec elle-même, de me soutenir dans l’exécution des plans d’économie qui sont en tout temps, et aujourd’hui plus que jamais, d’une nécessité indispensable. J’aurais désiré pouvoir lui développer les réflexions que me suggère la position où se trouvent les finances ; le temps ne me le permet pas, et je me réserve de m’expliquer plus au long quand j’aurai pu prendre des connaissances plus exactes. Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles :
Point de banqueroute ;
Point d’augmentation d’impôts ;
Point d’emprunts.
Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées.
Point d’augmentation d’impôts, la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté.
Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation des impositions. II ne faut en temps de paix se permettre d’emprunter que pour liquider les dettes anciennes, ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un denier plus onéreux.
Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au-dessous de la recette, et assez au-dessous pour pouvoir économiser chaque année une vingtaine de millions, afin de rembourser les dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’État à la banqueroute.
On demande sur quoi retrancher ; et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais comme il n’y en a pas pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l’économie.
Il est donc de nécessité absolue que Votre Majesté exige des ordonnateurs de toutes les parties qu’ils se concertent avec le ministre de la finance. II est indispensable qu’il puisse discuter avec eux en présence de Votre Majesté le degré de nécessité des dépenses proposées. II est surtout nécessaire que, lorsque vous aurez, Sire, arrêté l’état des fonds de chaque département, vous défendiez à celui qui en est chargé, d’ordonner aucune dépense nouvelle sans avoir auparavant concerté avec la finance les moyens d’y pourvoir. Sans cela, chaque département se chargerait de dettes qui seraient toujours des dettes de Votre Majesté, et l’ordonnateur de la finance ne pourrait répondre de la balance entre la dépense et la recette.
Votre Majesté sait qu’un des plus grands obstacles à l’économie, est la multitude des demandes dont elle est continuellement assaillie, et que la trop grande facilité de ses prédécesseurs à les accueillir, a malheureusement autorisées.
Il faut, Sire, vous armer contre votre bonté de votre bonté même ; considérer d’où vous vient cet argent que vous pouvez distribuer à vos courtisans, et comparer la misère de ceux auxquels on est quelquefois obligé de l’arracher par les exécutions les plus rigoureuses, à la situation des personnes qui ont le plus de titres pour obtenir vos libéralités.
Il y a des grâces auxquelles on a cru pouvoir se prêter plus aisément, parce qu’elles ne portent pas immédiatement sur le Trésor royal. De ce genre sont les intérêts, les croupes, les privilèges ; elles sont de toutes les plus dangereuses et les plus abusives. Tout profit sur les impositions qui n’est pas absolument nécessaire pour leur perception, est une dette consacrée au soulagement des contribuables, ou aux besoins de l’État.
D’ailleurs, ces participations aux profits des traitants sont une source de corruption pour la noblesse, et de vexation pour le peuple, en donnant à tous les abus des protecteurs puissants et cachés.
On peut espérer de parvenir, par l’amélioration de la culture, par la suppression des abus dans la perception, et par une répartition plus équitable des impositions, à soulager sensiblement le peuple, sans diminuer beaucoup les revenus publics ; mais si l’économie n’a précédé, aucune réforme n’est possible, parce qu’il n’en est aucune qui n’entraîne le risque de quelque interruption dans la marche des recouvrements, et parce qu’on doit s’attendre aux embarras multipliés que feront naître les manœuvres et les cris des hommes de toute espèce intéressés à soutenir les abus ; car il n’en est point dont quelqu’un ne vive.
Tant que la finance sera continuellement aux expédients pour assurer les services, Votre Majesté sera toujours dans la dépendance des financiers, et ceux-ci seront toujours les maîtres de faire manquer, par des manœuvres de place, les opérations les plus importantes. Il n’y aura aucune amélioration possible, ni dans les impositions, pour soulager les contribuables, ni dans aucuns arrangements relatifs au gouvernement intérieur et à la législation. L’autorité ne sera jamais tranquille, parce qu’elle ne sera jamais chérie ; et que les mécontentements et les inquiétudes des peuples sont toujours le moyen dont les intrigants et les malintentionnés se servent pour exciter des troubles. C’est donc surtout de l’économie que dépend la prospérité de votre règne, le calme dans l’intérieur, la considération au dehors, le bonheur de la nation et le vôtre.
Je dois observer à Votre Majesté que j’entre en place dans une conjoncture fâcheuse, par les inquiétudes répandues sur les subsistances : inquiétudes fortifiées par la fermentation des esprits depuis quelques années, par la variation des principes des administrateurs, par quelques opérations imprudentes, et surtout par une récolte qui paraît avoir été médiocre. Sur cette matière, comme sur beaucoup d’autres, je ne demande point à Votre Majesté d’adopter mes principes, sans les avoir examinés et discutés, soit par elle-même, soit par des personnes de confiance en sa présence ; mais quand elle en aura reconnu la justice et la nécessité, je la supplie d’en maintenir l’exécution avec fermeté, sans se laisser effrayer par des clameurs qu’il est absolument impossible d’éviter en cette matière, quelque système qu’on suive, quelque conduite qu’on tienne.
Voilà les points que Votre Majesté a bien voulu me permettre de lui rappeler. Elle n’oubliera pas qu’en recevant la place de contrôleur-général, j’ai senti tout le prix de la confiance dont elle m’honore ; j’ai senti qu’elle me confiait le bonheur de ses peuples, et, s’il m’est permis de le dire, le soin de faire aimer sa personne et son autorité. Mais en même temps j’ai senti tout le danger auquel je m’exposais. J’ai prévu que je serais seul à combattre contre les abus de tout genre, contre les efforts de ceux qui gagnent à ces abus ; contre la foule des préjugés qui s’opposent à toute réforme, et qui sont un moyen si puissant dans les mains des gens intéressés à éterniser le désordre. J’aurai à lutter même contre la bonté naturelle, contre la générosité de Votre Majesté et des personnes qui lui sont les plus chères. Je serai craint, haï même de la plus grande partie de la cour, de tout ce qui sollicite des grâces. On m’imputera tous les refus ; on me peindra comme un homme dur, parce que j’aurai représenté à Votre Majesté qu’elle ne doit pas enrichir même ceux qu’elle aime, aux dépens de la subsistance de son peuple. Ce peuple auquel je me serai sacrifié est si aisé à tromper, que peut-être j’encourrai sa haine par les mesures mêmes que je prendrai pour le défendre contre la vexation. Je serai calomnié, et peut-être avec assez de vraisemblance pour m’ôter la confiance de Votre Majesté. Je ne regretterai point de perdre une place à laquelle je ne m’étais jamais attendu. Je suis prêt à la remettre à Votre Majesté dès que je ne pourrai plus espérer de lui être utile ; mais son estime, la réputation d’intégrité, la bienveillance publique qui ont déterminé son choix en ma faveur, me sont plus chères que la vie, et je cours le risque de les perdre, même en ne méritant à mes yeux aucun reproche.
Votre Majesté se souviendra que c’est sur la foi de ses promesses que je me charge d’un fardeau peut-être au-dessus de mes forces, que c’est à elle personnellement, à l’homme honnête, à l’homme juste et bon, plutôt qu’au roi, que je m’abandonne.
J’ose lui répéter ici ce qu’elle a bien voulu entendre et approuver. La bonté attendrissante avec laquelle elle a daigné presser mes mains dans les siennes, comme pour accepter mon dévouement, ne s’effacera jamais de mon souvenir. Elle soutiendra mon courage. Elle a pour jamais lié mon bonheur personnel avec les intérêts, la gloire et le bonheur de Notre Majesté.
C’est avec ces sentiments que je suis, Sire, etc.
Anne Robert Jacques Turgot Compiègne, 24 août 1774
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... demain est un autre jour .
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