Louis XVI et Marie-Antoinette se rendent à Notre-Dame pour célébrer la naissance du duc de Normandie

Laissons un moment les turpitudes et les malheurs de l’heure actuelle et retournons au XVIIIème siècle avec notre inestimable voyageuse allemande Sophie von La Roche, précisément le premier avril de l’année 1785. Assistons avec elle à l’entrée du roi à Paris pour fêter la délivrance de la reine qui en mars de cette année avait donné un deuxième prince à la France, le duc de Normandie.



« Le 1er avril, à la fin d’une journée très fatigante ; en effet, la nouvelle que le roi se rendrait avec tout son cortège à l’église de Notre Dame avait suscité notre curiosité et nous avait mis en mouvement, ainsi que tout le reste de Paris.

Le maître de notre logis voulait nous conduire lui-même à l’église, pour y voir prier le roi et écouter le Te Deum. Mais pour cela, il nous fallait avoir une meilleure voiture, avec cocher et domestique, et de plus belles robes que d’habitude, afin de pouvoir nous mêler aux autres et nous asseoir sur les bancs recouverts de velours rouge entre les tapisseries. Au moment où nous étions prêts, un autre ami arriva qui nous dit : « Oh, ne vous exposez pas à cette foule, vos robes seront déchirées, les gardes parviennent à peine à protéger les plus grandes dames et le roi viendra si tard que vous ne verrez rien dans cette église vieille et sombre, allez plutôt chez monsieur Bachmann, de chez lui vous verrez ce cortège, si intéressant pour des étrangers. »

Grâce à mes chers amis Treuttel, je connaissais déjà monsieur Bachmann, un estimable Allemand, très intelligent. Nous nous y rendîmes donc, gravîmes un ravissant escalier anglais, et entrâmes dans un joli salon ovale dont les grands fenêtres donnent sur un balcon qui longe deux façades de la maison et depuis lequel on a une très bonne vue sur le Quai des Orfèvres, le Pont Neuf, la Seine, toute la rue en face, ainsi que sur les rues transversales. Il y avait là, la famille de Nassau-Usingen qui passe deux ans ici, le prince de Montbarrey, son épouse et leur fille ; cette dernière m’intéressait, puisque hier encore j’avais beaucoup songé à son sort. C’est une belle jeune femme blonde, d’un caractère doux et noble ; le prince de Sarrebruck sera très content de cette union, et je souhaite qu’elle le soit à son tour.

Tout le monde nous parlait très poliment. Je fus surtout heureuse de bavarder longuement avec une marquise de Bausset, venue de province pour passer l’hiver à Paris, ainsi qu’avec mademoiselle de Bombelles, et je peux affirmer que j’ai vu en elles deux Françaises des plus sympathiques. Toutes les deux ont de grandes connaissances et parlent bien. En parlant avec elles, j’ai eu l’avantage d’apprendre ce que l’on approuve et remarque à la cour. A part elles, il y avait aussi beaucoup de femmes d’autres classes sociales ; les visages, les manières et les vêtements sont aussi variés que chez nous : jolis, laids, raides, agréables, élégants, outrés, superbes, médiocres. Une très jolie jeune fille de seize ans, venue de province, portait une robe de crêpe jaune, une écharpe violette, un petit chapeau blanc avec un énorme bouquet de fins rubans violets, des souliers chinois aux pointes retroussées et recouverts de fourrure marron. Elle était remarquablement parée, les autres étaient en revanche vêtues comme les femmes de condition que l’on voit à Mannheim ou à Francfort.

Le cortège se fit attendre longtemps. Les rues par lesquelles devait passer le roi pour se rendre à l’église étaient occupées des deux côtés par la Garde Française qui devait retenir la foule immense et maintenir le passage libre. Tout cela, j’eus vite fait de le voir, les Françaises aussi l’avaient vu, et je profitai donc de la conversation avec elles, notamment avec madame de Bombelles, une femme qui correspondait parfaitement à ces personnages cherchant à faire le bien qu’on trouve parmi les Parisiennes et que J.-J. Rousseau a si bien décrits : car elle se servait de toute la chaleur de son cœur pour me solliciter en faveur d’une Allemande malheureuse avec qui elle avait passé deux ans dans un couvent. Elle me suppliait de prendre la plume pour rendre service à cette personne qui, disait-elle, serait appréciée et aimée par tout le monde. L’éloquence de cette belle âme était telle que je ne serais pas surprise de la voir obtenir de n’importe qui tout ce qu’elle pourrait désirer. Je m’imaginais des femmes de son esprit et de son cœur intervenir sur ce ton devant un ministre ou un magistrat et il ne me restait plus qu’à souhaiter qu’elles parlassent toujours en faveur de l’innocence ou du mérite méconnu.

Alors, on entendit au loin la clameur des cris : « Vive le Roi ! »

Nous nous précipitâmes sur le balcon et remarquâmes le nuage de poussière soulevé par les carrosses et les cavaliers. Le cortège s’avançait avec, en tête, la garde municipale à cheval, en habits bleus et vestes rouges, richement ornées d’or, puis plus de dix carrosses de courtisans, attelés de six chevaux avec les domestiques en belle livrée, puis ceux à huit chevaux des princes de la maison royale, parmi lesquels le carrosse du duc de Chartres se distinguait particulièrement. L’extérieur du toit, l’arrière et les côtés étaient en velours bleu sur lequel, tout autour, couraient des guirlandes de superbes cordons dorés torsadés, et de grosses houppes. La partie inférieure était entièrement dorée et parfaitement ouvragée. Les chevaux, beaux, et ornés de magnifiques panaches.

Les carrosses du comte de Provence, du comte d’Artois et du roi sont tous, selon l’étiquette de la cour, aménagés pour six personnes, parfaitement ouvragés, généreusement dorés et, comme vous pouvez l’imaginer, garnis d’un fin velours ; le harnachement des chevaux est aussi très riche. Et pourtant, même ce roi et ses frères n’ont pas toujours pu refaire tout à neuf, car l’or a l’air vieux et rouillé, ce qui contredit le préjugé selon lequel tout ce qui concerne Versailles, Paris et cette cour devrait toujours être brillant. Les gardes du corps qui entourent la voiture du roi sont habillés magnifiquement et avaient une allure royale.
L’affluence populaire était étonnante ; il est vrai que toutes les boutiques avaient fermé, car les marchands et artisans avaient l’obligation de laisser partir leurs gens pour voir passer le roi. Mais les vêtements de la plupart des spectateurs du peuple donnaient l’impression que tout leur or avait été employé pour les ornements des carrosses et des chevaux.

Lorsque je vis passer le carrosse du roi devant la statue d’Henri IV, je souhaitai à son descendant d’avoir un cœur comme le sien et qu’un Sully se tienne aux côtés de Vergennes. Depuis l’époque d’Henri, la ville de Paris est devenue trois fois plus grande. Que ses habitants soient aussi trois fois plus heureux ! Louis XVI ressemble à un monsieur bienveillant, il souriait aimablement de tous les côtés et saluait son peuple. Ses frères étaient assis près de lui dans sa voiture. On lançait de l’argent (…). »

Extrait du Journal d'un voyage à travers la France, 1785, par Sophie von La Roche, traduit par Michel Lung, Thomas Dunskus et Anne Lung-Faivre, d'après l'édition originale (1787), aux Éditions de l'Entre-deux-Mers, 2012.

Merci pour ce texte. Cela fait du bien de revenir au XVIIIème siècle.

Cependant, mon coeur étant en deuil, je ne peux m'empêcher de penser que ce roi et son enfant fêtés en ce jour vont mourir tous deux assassinés... Désolée, je n'y peux rien. àè-è\':

Reinette a écrit:
Cependant, mon coeur étant en deuil, je ne peux m'empêcher de penser que ce roi et son enfant fêtés en ce jour vont mourir tous deux assassinés... Désolée, je n'y peux rien. àè-è\':

Evidemment, je peux comprendre boudoi29
Même si Sophie von La Roche souhaite que le meilleur pour le roi ainsi que pour la reine de France, dans son récit il n'y a je ne sais quoi de mélancolique et ses observations sur la misère du peuple sont très poignantes. Alors, comme il est écrit sur la couverture de cette première et très belle traduction du récit de Mme von La Roche, la révolution n'est ni envisagée ni annoncée, pourtant on la sent venir à travers ses lignes.

Merci pour ce récit

En ce qui concerne les célébrations pour l'arrivée du futur LOUIS XVII, en principe il n'était pas prévu qu'il devienne dauphin, puis Roi dans l'avenir, voici une médaille trouvée récemment production de STRASBOURG concernant la naissance du PREMIER DAUPHIN et dont je n'avais jamais entendu parler  -  je l'ai acquis immédiatement pour la mettre en collection, car je suis persuadée qu'elle est rare et cet enfant est souvent oublié dans la tragédie de la Famille royale.

MARIE ANTOINETTE

MARIE ANTOINETTE a écrit:
En ce qui concerne les célébrations pour l'arrivée du futur LOUIS XVII, en principe il n'était pas prévu qu'il devienne dauphin, puis Roi dans l'avenir, voici une médaille trouvée récemment production de STRASBOURG concernant la naissance du PREMIER DAUPHIN et dont je n'avais jamais entendu parler  -  je l'ai acquis immédiatement pour la mettre en collection, car je suis persuadée qu'elle est rare et cet enfant est souvent oublié dans la tragédie de la Famille royale.

Merci pour le partage MARIE ANTOINETTE. En effet, les festivités furent moins grandioses que celles organisées pour le premier garçon
Bientôt je publierai l'extrait du journal de Sophie von La Roche, où elle assiste à l'entrée de la reine à Paris pour ses relevailles, un peu plus tard, et l'accueil froid qui lui était réservé par le peuple.

Suite au récit du passage du roi seul à la cathédrale, le 1er avril 1785 (voir nos précédents messages), ce document illustré, prochainement présenté en lot lors d'une vente aux enchères, évoque le Te Deum et la messe célébrés le 24 mai 1785 à Notre-Dame de Paris et l'église Sainte-Geneviève, à l'occasion de la venue de Marie-Antoinette pour ses relevailles.

- Louis-Charles de Bourbon, LOUIS XVII (1785-1795) fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette].
MANUSCRIT, Naissance de Mgr le Duc de Normandie, mai 1785; cahier in-fol. de 6 pages plus couverture titrée (papier filigrané D & C Blauw et blason aux fleurs de lys), plus 2 autres documents; le tout monté sur onglets en un volume in-fol., reliure demi-veau brun.
Intéressant ensemble sur la naissance de Louis XVII.

* Louis-Charles Duc de Normandie né le 27 mars 1785.
Note autographe de Jean-Baptiste GOMIN (1757-1841), “l'un des gardiens du temple au moment de la mort de Louis XVII”, selon une note d'Alcide de Beauchesne au bas du document. Brève chronologie de Louis XVII, depuis sa naissance, le service de Gomin au Temple, la mort du prince et son autopsie.

* Extrait du Registre des actes de naissance de la ville de Versailles: acte de naissance de Louis-Charles de France, duc de Normandie, le 27 mars 1785; délivré le 26 février 1852.

* Manuscrit du cérémonial, avec les “objets nécessaires pour ce service”, établi sans doute par le Garde-meuble de la Couronne, pour le Te Deum et la messe célébrés le 24 mai 1785 à Notre-Dame de Paris et l'église Sainte-Geneviève, à l'occasion de la venue de Marie-Antoinette pour ses relevailles. Il comprend les rubriques: “Service du C[h]oeur”, “Service de la Chapelle de la Vierge”, “Service de Ste Geneviève”, “Passage de la chapelle de la Vierge”, puis un “Résumé par observation” qui rend compte du nombre et de l'état réel des meubles, et accessoirement du fait que “le Roy n'est pas venu à cette ceremonie”...
En tête, une note indique: “La Reine est venue le 24 May 1785 à Notre Dame à Paris: elle étoit accompagnée de Madame, de Madame comtesse d'Artois, de Madame Elisabeth, et des Princesses du sang, S.M. a entendue le Te Deum dan le coeur, et ensuitte la messe à la chapelle de la Vierge; après cette cérémonie la Reine est partie pour Ste Geneviève”.



Une note d'Alcide de Beauchesne sur la couverture indique que cette pièce lui a été donnée par Ch. Capé, “notre célèbre relieur”, le 8 août 1863; cote d'inventaire notarié.

Exposition Louis XVII (Musée Lambinet, Hôtel de Ville de Versailles, mai-juillet 1989).
Archives du vicomte Alcide de BEAUCHESNE (1804-1873; vente 3-4 mars 2015, nos 170, 171, 177).

* Source et infos complémentaires : Thierry de Maigret MDV - Vente Collection Amaury Taittinger, Souvenirs historiques, le 24 juin 2019




Ce document, d'un lot, avait été présenté en vente aux enchères, en 2015.
Je poste donc les images complémentaires des autres documents, alors mises en ligne sur le site de la maison de vente :


- LOUIS, duc de Normandie, futur Louis XVII (1785- 1795)
Programme du déroulement de la cérémonie pour le Te Deum donné à Notre-Dame de Paris à l'occasion de la naissance du duc de Normandie, selon les souhaits de la reine Marie-Antoinette.
Texte manuscrit de 6 pages retenues par un ruban bleu, in-folio, daté du 24 mai 1785, organisé en cinq chapitres intitulés : «Objets nécessaires pour ce service», «Le service à la Chapelle de la Vierge», «Le service de Sainte Geneviève», «Le passage à la chapelle de la Vierge», «Résumé par observation». (...)







* Source images, texte, et infos complémentaires :Coutau Bégarie & Associés - Vente Souvenirs historiques, du 3 mars 2015