La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
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La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Si le sujet vous intéresse, je vous signale la récente parution de :
La crise financière et l’Ancien Régime
De Jean-Pierre Patat
Chez B. Giovanangeli éditeur (janvier 2015)
Présentation :
« Point de banqueroute, point d'augmentations d'impôts, point d'emprunts, des économies », tels étaient les engagements de Turgot, lorsque Louis XVI, qui venait d'accéder au trône, lui confia la responsabilité des finances de la France.
Treize ans après, la dette publique avait doublé, son service occupait la moitié des recettes de l'État, le déficit du budget avait été multiplié par cinq.
Fruit d'une dérive incontrôlé, bien plus que des dépenses occasionnées par la guerre d'Amérique, cette situation aurait pourtant été gérable, si certaines réformes avaient été menées à bien.
Mais la faiblesse du pouvoir incapable de vaincre les crispations sur les privilèges et les avantages acquis, le délitement des esprits et de l'éthique des grands du royaume, marqué par une avidité sans limite, transformèrent une situation certes grave en crise de régime.
Dans ce contexte, les états généraux convoqués en 1789 pour des motifs financiers allaient très vite délaisser les questions techniques s'ériger en assemblée politique.
La Révolution était en marche.
La crise financière et l’Ancien Régime
De Jean-Pierre Patat
Chez B. Giovanangeli éditeur (janvier 2015)
Présentation :
« Point de banqueroute, point d'augmentations d'impôts, point d'emprunts, des économies », tels étaient les engagements de Turgot, lorsque Louis XVI, qui venait d'accéder au trône, lui confia la responsabilité des finances de la France.
Treize ans après, la dette publique avait doublé, son service occupait la moitié des recettes de l'État, le déficit du budget avait été multiplié par cinq.
Fruit d'une dérive incontrôlé, bien plus que des dépenses occasionnées par la guerre d'Amérique, cette situation aurait pourtant été gérable, si certaines réformes avaient été menées à bien.
Mais la faiblesse du pouvoir incapable de vaincre les crispations sur les privilèges et les avantages acquis, le délitement des esprits et de l'éthique des grands du royaume, marqué par une avidité sans limite, transformèrent une situation certes grave en crise de régime.
Dans ce contexte, les états généraux convoqués en 1789 pour des motifs financiers allaient très vite délaisser les questions techniques s'ériger en assemblée politique.
La Révolution était en marche.
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Ce doit être intéressant. Mais j'avoue que les questions financières me lassent facilement. :
Invité- Invité
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Merci de signaler cette info. Je ne connaissais pas ce livre.
Amitiés. Roi-cavalerie
Amitiés. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Chers amis,
Je viens de l'acheter et de le parcourir. Très intéressant car la crise financière de la fin de l'ancien régime y est expliquée en termes simples et aisément compréhensibles par tous ceux qui, comme moi, n'ont pas une culture économique très approfondie. L'auteur a été directeur général de la Banque de France ce qui est quand même une référence de qualité et Jean-Pierre Trichet en a écrit la préface ce qui en est une autre! La encore, il me parait que cela peut constituer un achat utile pour ceux d'entre nous qui s'intéressent aux aspects politiques du règne de Louis XVI et même pour ceux que le présent interroge car des parallèles avec notre situation actuelle existent comme l'ont relevé un certain nombre de journalistes ou d'économistes et notamment Philippe Dessertine dans son Fantôme de l'Elysée:
13 janvier 2014, palais de l’Elysée. La nuit s’annonce longue.Seul dans son bureau, François Hollande prépare sa conférence de presse très attendue du lendemain. En panne d’inspiration, un bruit le fait sursauter. Quel est l’intrus qui a réussi à berner la sécurité ?
Ce n’est qu’un vieil homme qui prétend être le baron Jacques Necker, banquier suisse et ancien ministre des Finances de 1777 à 1781 ! L’homme le plus puissant du Royaume après le roi.
Au fil d’une conversation surréaliste, François Hollande commence à douter : et si son étrange visiteur n’était pas fou ? Et s’il disait vrai ?
Plus la nuit avance, plus les parallèles avec le passé surgissent brutalement : économie dégradée, pression fiscale trop lourde, dettes incontrôlées, citoyens mécontents…
La Révolution est-elle pour demain ?
L’Histoire est-elle condamnée à se répéter ?
Et surtout, le baron ressuscité peut-il encore sauver la Présidence du naufrage ?
Merci encore, cher La Nuit, la Neige de nous l'avoir signalé. Roi-cavalerie
Je viens de l'acheter et de le parcourir. Très intéressant car la crise financière de la fin de l'ancien régime y est expliquée en termes simples et aisément compréhensibles par tous ceux qui, comme moi, n'ont pas une culture économique très approfondie. L'auteur a été directeur général de la Banque de France ce qui est quand même une référence de qualité et Jean-Pierre Trichet en a écrit la préface ce qui en est une autre! La encore, il me parait que cela peut constituer un achat utile pour ceux d'entre nous qui s'intéressent aux aspects politiques du règne de Louis XVI et même pour ceux que le présent interroge car des parallèles avec notre situation actuelle existent comme l'ont relevé un certain nombre de journalistes ou d'économistes et notamment Philippe Dessertine dans son Fantôme de l'Elysée:
13 janvier 2014, palais de l’Elysée. La nuit s’annonce longue.Seul dans son bureau, François Hollande prépare sa conférence de presse très attendue du lendemain. En panne d’inspiration, un bruit le fait sursauter. Quel est l’intrus qui a réussi à berner la sécurité ?
Ce n’est qu’un vieil homme qui prétend être le baron Jacques Necker, banquier suisse et ancien ministre des Finances de 1777 à 1781 ! L’homme le plus puissant du Royaume après le roi.
Au fil d’une conversation surréaliste, François Hollande commence à douter : et si son étrange visiteur n’était pas fou ? Et s’il disait vrai ?
Plus la nuit avance, plus les parallèles avec le passé surgissent brutalement : économie dégradée, pression fiscale trop lourde, dettes incontrôlées, citoyens mécontents…
La Révolution est-elle pour demain ?
L’Histoire est-elle condamnée à se répéter ?
Et surtout, le baron ressuscité peut-il encore sauver la Présidence du naufrage ?
Merci encore, cher La Nuit, la Neige de nous l'avoir signalé. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Le problème est que Necker n'a pas vraiment aidé Louis XVI... Au contraire, dirais-je ! :
Mais j'aime bien ce genre d'uchronies.
Mais j'aime bien ce genre d'uchronies.
Invité- Invité
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Eh bien, je suis content si ce livre a trouvé preneur ! :\\\\\\\\:
Je ne suis pas très « chiffres » moi non plus, mais si vous avez l’occasion de nous commenter votre lecture, ce serait intéressant...
Je ne suis pas très « chiffres » moi non plus, mais si vous avez l’occasion de nous commenter votre lecture, ce serait intéressant...
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
La nuit, la neige a écrit:Eh bien, je suis content si ce livre a trouvé preneur ! :\\\\\\\\:
Je ne suis pas très « chiffres » moi non plus, mais si vous avez l’occasion de nous commenter votre lecture, ce serait intéressant...
Remarquable. Je viens de terminer l'excellent livre de Jean-Pierre Patat. Je ne peux qu'en conseiller la lecture à tous ceux qui souhaitent comprendre le contexte économico-financier du règne de Louis XVI à partir d'une analyse nourrie parfois un peu technique et qui me paraît lucide. Certes, celle-ci ne plaira pas à tout le monde dans la mesure où il revient sur un certain nombre d'images convenues et généralement admises que l'histoire traditionnelle nous a assénée depuis très longtemps. Il recentre bien les responsabilités de la crise finale de l'ancien régime en faisant ressortir en priorité celle du roi incapable de faire preuve de la fermeté nécessaire pour soutenir ses ministres :
"Les philosophes les Lumières avaient profondément influencé les esprits. Mais pour passer du monde des philosophes à celui de la Révolution puis à celui de la fin de la monarchie, enfin celui de la terreur et de la guillotine, il fallait autre chose que la pression de problèmes financiers, si graves soient-ils. La vérité c'est que la tête du royaume ne fonctionnait plus. L'incapacité à résoudre les questions financières fut certes à cette époque la manifestation la plus visible de cette aboulie, et cet ouvrage a pour ambition d'en décrire et d'en analyser l'attristant déroulé. Mais il y avait bien d'autres choses, la tête ne fonctionnait plus, mais les neurones étaient demeurés bloqués sur la crispation désespérée, et désespérante de Louis XVI sur le maintien de l'héritage sacré que son prédécesseur lui avait légué, en clair de l'absolutisme le plus total. Ainsi s'expliquait que ce roi, apparemment désireux de faire le bonheur du peuple, apparemment si ouvert aux réformes, en particulier aux réformes pour plus d'égalité dans l'impôt, ne sut jamais les appuyer fermement car les profonds changements à opérer dans un système financier et fiscal devenu absurde et improductif, ne pouvaient pas épargner ce qui constituait jusqu'alors les fondements même du système monarchique et de la société, la répartition des pouvoirs, les ordres hiérarchisés.
Au cours des quinze années de son règne qui s'écoulèrent avant la révolution , Louis XVI eut plusieurs occasions, à la fois de sauver les finances du royaume et de préserver la monarchie. L'obstruction des privilégiés, dira-t-on, empêcha toute évolution. Mais cette obstruction, ces crispations sur les avantages acquis, l'emprise croissante du règne de l'argent, l'affaissement de la morale, tous ces symptômes d'une époque sur sa fin auraient-ils pu à ce point se développer et gangréner la société si le pouvoir royal n'avait pas fait preuve d'une telle atonie."
Il n'en exempte pas moins Necker auquel la dite histoire officielle a dressé pendant si longtemps une statue en démontrant que, banquier avant tout et en dehors d'un certain nombre de réformes très utiles, il a surtout privilégié l'utilisation de l'emprunt à tout va dans la conduite des finances du royaume en négligeant la ressource de l'impôt que la situation économique de la France aurait pourtant permis :
"Avançons dans ses lignes qu'un des fossoyeurs les plus efficaces de la monarchie fut Necker avec son refus obstiné d'augmenter les impôts, rompant avec des pratiques ancestrales. La guerre d'Amérique contre l'Anglais était populaire. Tout le monde était prêt, y compris les privilégiés, à faire un effort. Necker n'y répondit pas, avec comme argument que la guerre était déjà en elle même un prélèvement sur la richesse du royaume et de ses habitants. Un argument, en la circonstance absurde, montrant les limites des raisonnements économiques du ministre. Le pays n'était pas envahi, ne subissait pas de destructions. La guerre coûtait cher, mais en ce qui concerne son impact sur l'économie, loin d'appauvrir le royaume, elle l'enrichissait en faisant travailler à plein régime les arsenaux, les chantiers navals, les manufactures textiles... Elle créait, dans une certaine mesure, la matière fiscale nécessaire à son financement. Impardonnable est le roi qui laissa faire son ministre , sans se poser la moindre question sur les suites prévisibles de sa gestion des finances du pays ».
Il nous donne par contre un apercu plutôt favorable de l'action de Calonne malgré la légèreté du personnage qu'il n'omet pas de signaler, expliquant que celui-ci fut avec Turgot le seul des contrôleurs généraux à avoir une vision globale à la fois financière mais aussi économique sur ce qu'il convenait de faire pour redresser la situation.
"Plus que Turgot , dont le brillant jugement souffrait de ses préventions contre l'ouverture du pays sur l'extérieur et de sa conception terrienne de la richesse, plus que Necker banquier avant tout et survolant les questions économiques, Charles Alexandre de Calonne a d'emblée une bonne connaissance des problèmes du royaume et de la politique à suivre pour développer la croissance et les richesses. Le nouveau ministre a une conception moderne du rôle des dépenses de l'Etat, qui doit favoriser la circulation de l'argent, créer du pouvoir d'achat, en stimulant la croissance économique, condition de plus values fiscales et, in fine, d'une réelle amélioration des finances publiques. Un raisonnement qui aujourd'hui nous paraît banal mais qui, à l'époque n'effleurait personne, sauf Turgot en son temps... Calonne croit au progrès et à l'égalité fiscale.
Le départ de Calonne est pour l'Ancien Régime un coup dont il ne se relèvera pas. La gestion des finances publiques et la volonté de réformes vont cruellement s'en ressentir. L'un des successeurs de Calonne, Loménie de Brienne, prendra vite conscience de la pente désormais irréversible que suit la monarchie et des blocages auquel il avait lui même contribué lorsqu'il aspirait à remplacer le ministre. Il partira sur un constat d'impuissance. Necker revenant sous les vivats de l'opinion, se contentera de « gérer les affaires courantes » et de trouver l'argent, emprunté bien entendu, pour durer jusqu'à la réunion des Etats généraux …."
En dernier lieu, cette rétrospective passionnante malgré tout le côté technique des explications sur l'ingénierie financière utilisée par les différents contrôleurs généraux qui se sont succédés pour tenter de remédier à la crise, ne peut à la réflexion que rendre encore plus méfiant quant à la tentation d'interprêter l'histoire selon ses propres orientations politiques, chose à laquelle des générations d'historiens se sont livrées et se livrent encore. Il y a des sujets sensibles et nous savons tous que le changement de régime que nous avons connu, il y a deux siècles, le reste encore un peu dans un pays où le manque d'esprit de consensus aboutit trop souvent à des fractures inutiles.
Amicalement votre. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Je ne suis vraiment pas certain de lire un tel livre car j'en redoute les notions trop hardues... aussi je vous sais gré, mon cher Roi-cavalerie, de ce compte-rendu !
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
.
Grand merci, cher Roi-cavalerie, pour cette analyse perspicace et détaillée . Comme Majesté, j'ai bien peur que cette lecture ne soit trop ardue pour moi ... comme l'est celle de Lacour-Gayet ( mais je m'accroche, je m'accroche : )
Mon pauvre Louis XVI, c'est encore ta fête ! boudoi29 boudoi29 boudoi29
Cette incapacité du roi, c'est atterrant !
Cela me rappelle ce que je viens de poster dans le sujet de Montmorin :
Suspect longtemps à la reine, Montmorin ne cessa cependant de rester fidèle. Les fautes que lui fit commettre Louis XVI sont aussi nombreuses que les situations fausses dans lesquelles les indécisions du roi et sa double politique le placèrent.
( A. Bardoux )
... la troisième période enfin, où, tous les moyens de se défendre manquant successivement à la royauté, Montmorin concentra tous ses inutiles efforts à sauver la personne même de Louis XVI.
Ce fut le temps où il écrivait au comte de La Marck ce billet désespéré :
« J’ai pleuré ce matin comme un imbécile chez le roi ; il en a fait autant. Tout cela ne remédie à rien. »
( A. Bardoux )
Autrement dit, au lieu de réagir à la difficulté de la situation ( euphémisme ), Louis XVI sanglote avec son ministre !!!
N'est-ce pas inouï !!!
C'est accablant !
C'est la thèse que Lacour-Gayet développe et démontre si clairement dans son Calonne, financier, réformateur contre-révolutionnaire 1734-1802.
Votre conclusion sur les causes de la Révolution ( et de Jean-Pierre Patat ) rejoint celle de Bordonove .
.
Grand merci, cher Roi-cavalerie, pour cette analyse perspicace et détaillée . Comme Majesté, j'ai bien peur que cette lecture ne soit trop ardue pour moi ... comme l'est celle de Lacour-Gayet ( mais je m'accroche, je m'accroche : )
Mon pauvre Louis XVI, c'est encore ta fête ! boudoi29 boudoi29 boudoi29
Roi-cavalerie a écrit: Il ( l'auteur ) recentre bien les responsabilités de la crise finale de l'ancien régime en faisant ressortir en priorité celle du roi incapable de faire preuve de la fermeté nécessaire pour soutenir ses ministres :
"Les philosophes les Lumières avaient profondément influencé les esprits. Mais ( ... ) il fallait autre chose que la pression de problèmes financiers, si graves soient-ils. La vérité c'est que la tête du royaume ne fonctionnait plus. ( ... ) les neurones étaient demeurés bloqués sur la crispation désespérée, et désespérante de Louis XVI ( ... ) ce roi, apparemment désireux de faire le bonheur du peuple, apparemment si ouvert aux réformes ( ... ) ne sut jamais les appuyer fermement .
Au cours des quinze années de son règne qui s'écoulèrent avant la révolution , Louis XVI eut plusieurs occasions, à la fois de sauver les finances du royaume et de préserver la monarchie. L'obstruction des privilégiés, dira-t-on, empêcha toute évolution. Mais ( ... ) tous ces symptômes d'une époque sur sa fin auraient-ils pu à ce point se développer et gangréner la société si le pouvoir royal n'avait pas fait preuve d'une telle atonie."
un des fossoyeurs les plus efficaces de la monarchie fut Necker( ... ). Impardonnable est le roi qui laissa faire son ministre , sans se poser la moindre question sur les suites prévisibles de sa gestion des finances du pays ».
Cette incapacité du roi, c'est atterrant !
Cela me rappelle ce que je viens de poster dans le sujet de Montmorin :
Suspect longtemps à la reine, Montmorin ne cessa cependant de rester fidèle. Les fautes que lui fit commettre Louis XVI sont aussi nombreuses que les situations fausses dans lesquelles les indécisions du roi et sa double politique le placèrent.
( A. Bardoux )
... la troisième période enfin, où, tous les moyens de se défendre manquant successivement à la royauté, Montmorin concentra tous ses inutiles efforts à sauver la personne même de Louis XVI.
Ce fut le temps où il écrivait au comte de La Marck ce billet désespéré :
« J’ai pleuré ce matin comme un imbécile chez le roi ; il en a fait autant. Tout cela ne remédie à rien. »
( A. Bardoux )
Autrement dit, au lieu de réagir à la difficulté de la situation ( euphémisme ), Louis XVI sanglote avec son ministre !!!
N'est-ce pas inouï !!!
C'est accablant !
Roi-cavalerie a écrit:
Il nous donne par contre un apercu plutôt favorable de l'action de Calonne malgré la légèreté du personnage qu'il n'omet pas de signaler, expliquant que celui-ci fut avec Turgot le seul des contrôleurs généraux à avoir une vision globale à la fois financière mais aussi économique sur ce qu'il convenait de faire pour redresser la situation.
Charles Alexandre de Calonne a d'emblée une bonne connaissance des problèmes du royaume et de la politique à suivre pour développer la croissance et les richesses. ( ... )
Le départ de Calonne est pour l'Ancien Régime un coup dont il ne se relèvera pas. ( ... )
C'est la thèse que Lacour-Gayet développe et démontre si clairement dans son Calonne, financier, réformateur contre-révolutionnaire 1734-1802.
Roi-cavalerie a écrit:
En dernier lieu, cette rétrospective passionnante malgré tout le côté technique des explications sur l'ingénierie financière utilisée par les différents contrôleurs généraux qui se sont succédés pour tenter de remédier à la crise, ne peut à la réflexion que rendre encore plus méfiant quant à la tentation d'interpréter l'histoire selon ses propres orientations politiques, chose à laquelle des générations d'historiens se sont livrées et se livrent encore. Il y a des sujets sensibles et nous savons tous que le changement de régime que nous avons connu, il y a deux siècles, le reste encore un peu dans un pays où le manque d'esprit de consensus aboutit trop souvent à des fractures inutiles.
Votre conclusion sur les causes de la Révolution ( et de Jean-Pierre Patat ) rejoint celle de Bordonove .
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Mme de Sabran a écrit:.
Grand merci, cher Roi-cavalerie, pour cette analyse perspicace et détaillée . Comme Majesté, j'ai bien peur que cette lecture ne soit trop ardue pour moi ... comme l'est celle de Lacour-Gayet ( mais je m'accroche, je m'accroche : )
Ah non! Il faut continuer à vous accrocher, à terminer Calonne à votre rythme et à lire Patat sans vous laisser intimider par les détails de technique financière qui, je vous le concède, ne sont pas très digestes pour le commun des mortels dont je fais également partie. Il n'en reste pas moins que cette histoire de gros sous est bien le fil conducteur de ce règne. Il est donc nécessaire de s'en faire une idée claire et dégagée des scories que deux siècles de partis pris idéologiqes divers ont accumulées sur le sujet. C'est justement l'intérêt de cette analyse qui se fonde sur une étude des données chiffrées de l'époque couplée avec l'étude des biographies des principaux intéressés et avec celle d'un certain nombre de travaux portant sur le sujet. Outre de bien montrer les responsabilités de chacun en allant parfois à l'encontre des clichés trop souvent ressassés notamment dans les émissions des médias grand public, j'ai pour ma part beaucoup apprécié la tentative de déchiffrement des intentions réelles des grands argentiers de ce règne. Ainsi de Calonne, je vous cite, à titre d'exemple de mon propos, ce passage:
"Les premiers jours du ministère Calonne et les propos de ce dernier montrent que l'homme a en tête dès le début une grande réforme fiscale er même politique, qu'il ne proposera au roi que deux ans plus tard..... Parce qu'en effet Calonne n'a pas l'intention de procéder immédiatement à cette vaste réforme. Il entend d'abord restaurer le crédit public. Ce crédit public écorné par l'effet des mesures de son prédecesseur mais plus encore par l'impression qu'ont les prêteurs d'avoir en face d'eux une administration aux abois." J'aurais tout perdu, écrira le ministre, si j'avais pris l'attitude de la pénurie au moment où je devais en dissimuler la réalité".
La réalité, Calonne n'en a certainement pas une idée précise car l'ombre dangereusement émolliente du Compte rendu ne s'est pas dissipée et les chiffres dévoilés par Joly de Fleury, qui contredisent totalement ceux du documents produit par Necker, sont contestés. Ce que le ministre sait par contre, ce qu'il constate heure par heure ce sont des besoins en trésorerie courante considérables et dont la couverture est loin d'être garantie. Il n'y a pas d'autre solution par conséquent que de recourir à l'emprunt. L'argent est abondant. avec la fin de la guerre, des masses de capitaux sont en quête de placements, mais les emprunts du Trésor royal ne sont pas les mieux cotés. Comment faire changer d'avis les investisseurs? Certainement pas en poussant des cris d'alarme sur la situation des finances publiques, mais en paraissant à l'aise, en accréditant l'idée que les emprunts ne sont pas destinés à financer des prodigalités de la cour, mais des dépenses d'investissements. Là semble en effet avoir été la motivation profonde de Calonne. On a pourtant pensé le contraire de son action et il est vrai que le désir constant de plaire du ministre, sa complaisance envers les grands du royaume peuvent accréditer cette interprétation. Mais en la matière le comportement de Calonne traduisait le souci de ne pas se mettre à dos l'entourage du roi qui avait démontré à plusieurs reprises à quel point, il pouvait paralyser l'action des prédécesseurs du ministre. Il ne reflétait nullement sa vision politique. A moins d'être fou, l'esprit le plus simpliste ne pouvait ignorer que ce type de gestion conduirait rapidement à la catastrophe.
Plus sérieusement nous croyons que la politique d'emprunts que Calonne se proposait de suivre, si dans l'immédiat elle soulageait une trésorerie exangue et pouvait lui permettre de répondre à certaines dépenses des proches du roi dont il ne voulait pas subir les attaques, était fondamentalement destinée à financer une vaste politique d'investissements publics qui stimuleraient la croissance de l'activité, des richesses et des rentrées fiscales. A la différence de Necker qui ne connaissait pas grand chose du pays dont il dirigeait les affaires financières, Calonne avait une profonde expérience, au travers de ses fonctions d'intendant de la réalité économique et sociale de la France....Le ministre voyait devant lui un vaste chantier qui in fine procurerait des suppléments de recettes fiscales de manière à sortir le budget de sa situation de constante pénurie. Son adresse à la Cour des Comptes avait bien sûr réaffirmé le dogme du "pas plus d'impots" mais c'était par l'accroissement de la matière fiscalisée qu'il parviendrait à engranger plus d'impôts. Les investisseurs banquiers qui souscrivaient aux emprunts émis par Calonne saisissaient-ils le dessein du ministre? Pourquoi si cela n'avait pas été le cas, lui auraient-ils prêté des fonds, alors que ce dernier faisait tout pour que le Trésor royal paraisse à l'aise et, par conséquent, ait l'air de ne pas avoir besoin d'emprunter pour financer ses besoins courants? Il y a là une contradiction que l'on a du mal à résoudre si on n'intègre pas le plan d'investissements de Calonne comme une raison importante de son endettement avec aussi, bien sûr, la charge de la dette.
Au regard de ce plan finalement plutôt cohérent, on peut regretter deux faiblesse qui se révéleront fatales.
D'abord, bien sûr qu'une part que l'on peut juger trop importante des fonds empruntés ait servi, non pas aux financements des investissements publics, mais effectivement à satisfaire les demandes de l'entourage du roi. Le caractère insuffisamment rigoureux du ministre le conduisit à se prêter à des excès qui, sans atteindre les montants vertigineux que certains évoquèrent, n'en furent pas moins trop importants et surtout finir par accoler au ministre l'image désastreuse d'un dissipateur des deniers publics et ne préparèrent pas les privilégiés à accepter la grande réforme fiscale dont le ministre avait esquissé les principes dans sa déclaration miminaire devant la chambre des comptes.
Parce que, deuxième reproche, pourquoi Calonne attendit-il d'être dans une situation financière plus que critique pour proposer et détailler au roi cette réforme fiscale, Il ne la fit pas immédiatement car il voulait d'abord restaurer la confiance. Ensuite, il semble que l'esprit réformateur se soit évaporé chez un homme qui se voyait presque unanimment apprécié- et pour cause- et qui reculait toujours le moment de sauter le pas, jusqu'à ce que les circonstances l'y contraignent ce qui lorsque vint l'échéance, n'était pas de nature à susciter la meilleur ambiance....Plus simplement, nous dirons que Calonne s'est lui même handicapé et a compromis le succès des ses entreprises par son manque de constance et de fermeté dans la mise en oeuvre de sa politique."
Bon j'espère que vous ne vous êtes pas endormie et que ce passage vous a démontré tout l'intérêt de cette lecture qui comme vous le voyez n'est pas uniquement composée de mots abscons! Certains diront, bien évidemment, que c'est là la vision d'un homme de l'art de notre temps qui, sachant toute l'importance qu'on doit accorder de nos jours à la dimension psychologique dans la gestion de l'information financière, prête à Calonne des sous entendus de ce type mais, pour ma part, il me semble que cette explication de ses motivations est assez logique et peut correspondre à sa manière de penser. Voilà bien le côté passionnant de ce livre.
Amicalement. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
;
Ajoutons à cela que ce malheureux Louis XVI ne pigeait pas au quart de tour, loin s'en faut ! boudoi29
Il lui fallait du temps pour décoincer ...
Il opposait une force d'inertie à décourager les plus opiniâtres .
Le 20 août 1786, Calonne prit la décision qui devait le rendre célèbre et ruiner sa carrière. Ce jour-là, il entra dans le cabinet du roi, porteur d'un rapport d'une dizaine de pages in-quarto. Louis XVI regarda le titre du document : " Précis d'un plan d'amélioration des Finances ", puis en parcourut le texte . Il aurait, prétend-on exprimé ses premières impressions par une remarque qui dut faire sourire son contrôleur général :
" Mais c'est du Necker tout pur que vous m'apportez ", aurait-il laissé échapper naïvement.
Ce n'était pas " du Necker ", mais bel et bien " du Turgot " revu et complété : c'était même, trois ans à l'avance, une anticipation des réformes révolutionnaires .
( Lacour-Gayet )
.
Ajoutons à cela que ce malheureux Louis XVI ne pigeait pas au quart de tour, loin s'en faut ! boudoi29
Il lui fallait du temps pour décoincer ...
Il opposait une force d'inertie à décourager les plus opiniâtres .
Le 20 août 1786, Calonne prit la décision qui devait le rendre célèbre et ruiner sa carrière. Ce jour-là, il entra dans le cabinet du roi, porteur d'un rapport d'une dizaine de pages in-quarto. Louis XVI regarda le titre du document : " Précis d'un plan d'amélioration des Finances ", puis en parcourut le texte . Il aurait, prétend-on exprimé ses premières impressions par une remarque qui dut faire sourire son contrôleur général :
" Mais c'est du Necker tout pur que vous m'apportez ", aurait-il laissé échapper naïvement.
Ce n'était pas " du Necker ", mais bel et bien " du Turgot " revu et complété : c'était même, trois ans à l'avance, une anticipation des réformes révolutionnaires .
( Lacour-Gayet )
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Merci, Roi-cavelerie, pour ce compte-rendu de lecture et la copie de ces quelques extraits intéressants...
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Chers amis,
Terminons en beauté le survol de La crise financière et la fin de l'ancien régime de Jean-Pierre Patat en vous livrant l'analyse que fait l'auteur du bilan que Necker a présenté à l'ouverture des Etats Généraux au printemps 1789.
Je vous entends déjà vous récrier, des chiffres encore des chiffres, cela ne parle pas. Mais si cela parle si l'on veut bien ne pas s'attacher aux seuls montants mais à leur évolution au cour du règne avec au passage, vous verrez, ce délicat coup de pied de l'âne en direction de M Boursoufle comme ses détracteurs le surnommèrent.
"Les recettes publiques s'élevaient à 475 294 000 livres contre 377 en 1774 du temps de Turgot soit un accroissement de 26 %, plutôt modeste si l'on considère que la période connut dans l'ensemble une assez belle expansion de la richesse du pays.
…...
Les dépenses présentées par Necker s'élevaient à 531 444 000 de livres, mais le chiffre était faux. Cédant au désir de paraître avoir déjà réduit le déficit que lui avait légué ses prédécesseurs- le déficit s'élevait à 57 millions- alors que Calonne, trois ans auparavant avait déjà fait état de plus de 111 millions, il avait négligé près de 30 millions de dépenses extraordinaires et 77 millions de remboursements de dette, pourtant bien en évidence dans l' "apercu" de Brienne. Les dépenses publiques atteignaient donc 633 millions de livres soit presque 60% de plus qu'en 1774 ( 401 millions), et le déficit réel 158 millions de livres. 633 millions de dépenses, dont 235 millions de charges d'intérêt sur la dette publique ( avec 182 millions de rentes à honorer) et 76 millions de remboursements sur les emprunts perpétuels à lot ( dont Necker ne parlait pas). Les charges liées à la dette représentaient ainsi près de 50% des dépenses, contre moins de 11% en 1774 et absorbaient les 2/3 des recettes publiques. Dès 1778, à la veille de la guerre d'Amérique, alors que Necker est aux affaires depuis peu de temps, la charge de la dette a déjà doublé et atteint 92 millions. On comprend que le ministre ait souhaité minorer l'augmentation de ces charges dont son action durant son premier mandat, avait été l'élément déclencheur.
En 1789, l'endettement s'élevait à 4, 2 milliards de livres.
Voilà donc le bilan financier de ce règne si du moins l'auteur n' a pas commis d'erreurs. Grâce au ciel Standard & Poors Moody's ou Fitch ne sévissaient pas encore ce qui, cependant, n'empêchait pas que les taux d'intérêts de nos emprunts fussent très élevés ! Certes, nous avons connu le plaisir de vivre, mais à quel prix M de Talleyrand!
Méditativement votre. Roi-cavalerie;
Terminons en beauté le survol de La crise financière et la fin de l'ancien régime de Jean-Pierre Patat en vous livrant l'analyse que fait l'auteur du bilan que Necker a présenté à l'ouverture des Etats Généraux au printemps 1789.
Je vous entends déjà vous récrier, des chiffres encore des chiffres, cela ne parle pas. Mais si cela parle si l'on veut bien ne pas s'attacher aux seuls montants mais à leur évolution au cour du règne avec au passage, vous verrez, ce délicat coup de pied de l'âne en direction de M Boursoufle comme ses détracteurs le surnommèrent.
"Les recettes publiques s'élevaient à 475 294 000 livres contre 377 en 1774 du temps de Turgot soit un accroissement de 26 %, plutôt modeste si l'on considère que la période connut dans l'ensemble une assez belle expansion de la richesse du pays.
…...
Les dépenses présentées par Necker s'élevaient à 531 444 000 de livres, mais le chiffre était faux. Cédant au désir de paraître avoir déjà réduit le déficit que lui avait légué ses prédécesseurs- le déficit s'élevait à 57 millions- alors que Calonne, trois ans auparavant avait déjà fait état de plus de 111 millions, il avait négligé près de 30 millions de dépenses extraordinaires et 77 millions de remboursements de dette, pourtant bien en évidence dans l' "apercu" de Brienne. Les dépenses publiques atteignaient donc 633 millions de livres soit presque 60% de plus qu'en 1774 ( 401 millions), et le déficit réel 158 millions de livres. 633 millions de dépenses, dont 235 millions de charges d'intérêt sur la dette publique ( avec 182 millions de rentes à honorer) et 76 millions de remboursements sur les emprunts perpétuels à lot ( dont Necker ne parlait pas). Les charges liées à la dette représentaient ainsi près de 50% des dépenses, contre moins de 11% en 1774 et absorbaient les 2/3 des recettes publiques. Dès 1778, à la veille de la guerre d'Amérique, alors que Necker est aux affaires depuis peu de temps, la charge de la dette a déjà doublé et atteint 92 millions. On comprend que le ministre ait souhaité minorer l'augmentation de ces charges dont son action durant son premier mandat, avait été l'élément déclencheur.
En 1789, l'endettement s'élevait à 4, 2 milliards de livres.
Voilà donc le bilan financier de ce règne si du moins l'auteur n' a pas commis d'erreurs. Grâce au ciel Standard & Poors Moody's ou Fitch ne sévissaient pas encore ce qui, cependant, n'empêchait pas que les taux d'intérêts de nos emprunts fussent très élevés ! Certes, nous avons connu le plaisir de vivre, mais à quel prix M de Talleyrand!
Méditativement votre. Roi-cavalerie;
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Vous me collez mal au crâne, cher Roi-cavalerie ( : ), même si, suivant votre conseil, je m'attache à suivre non les chiffres mais leur évolution au cours du règne .
Necker était-il un mystificateur ? Je ne comprends pas . Comment croyait-il se tirer d'un pareil guêpier ?
Necker était-il un mystificateur ? Je ne comprends pas . Comment croyait-il se tirer d'un pareil guêpier ?
Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Chère Eléonore,
Pour ma part, je ne pense pas que Necker ait été un mystificateur, mais il était très imbu de lui même et avait sans doute pu apprécier la faiblesse du roi et la malignité de la cour et par voie de conséquence l'importance de l'opinion publique. Et, sans être des experts comptables, nous avons tous appris que l'équilibre d'un bilan comptable peut dépendre de la méthode de calcul qu'on lui applique. C'est donc sans doute ce qu'a pratiqué Necker avec le bilan qu'il a fait apparaitre dans son Compte rendu au Roi, puis en 1789, dans celui qu'il a exposé aux Etats généraux.
Quant à savoir comment il envisageait de se sortir de cette situation, voilà la réponse de M Patat:
"Revenu après sept années d'aigreurs et de frustration, Necker obtint tout ce que son statut d'étranger et sa religion protestante lui avaient jadis interdit. Ministre d'Etat, il participera désormais à tous les conseils. .... Des milliers de manifestants... laissent éclater leur joie à la nouvelle du retour du sauveur mais non sans que ces manifestations ne tournent, comme c'était désormais une habitude, en émeute coûteuse en vie humaines et violences de toutes sortes.
Rendons justice à Necker,il n'y a pas que la populace [heu! M Patat, disons plutôt le peuple, c'est plus soft ] pour se réjouir de son retour. La nouvelle fait remonter les cours des titres d'Etat de 30%. Financiers, banquiers et même corporations( les notaires avancent 7 millions de livres), les administrations se pressent pour venir en aide à un Trésor besogneux. Le ministre , qui a lui avancé de sa poche 2 millions de livres à l'Etat, réussit l'exploit de se faire prêter à deux reprises 15 millions de livres de la Caisse d'Escompte, puis encore 25 millions en janvier 1789, sans que de telles opérations qui, un mois auparavant auraient provoqué la panique suscitent la moindre inquiétude. La trésorerie, il y a peu au bord du gouffre, va ainsi pouvoir passer sans encombre les quelques mois précédant la très prochaine réunion des Etats généraux.
A part cela, ce qui n'est pas si mal, il semble que Necker n'ait aucune idée de ce qu'il doit ou peut faire."
Le facteur psychologique est primordial dans la gestion des finances et le grand argentier doit savoir en tenir compte.
Amicalement votre. Roi-cavalerie.
Pour ma part, je ne pense pas que Necker ait été un mystificateur, mais il était très imbu de lui même et avait sans doute pu apprécier la faiblesse du roi et la malignité de la cour et par voie de conséquence l'importance de l'opinion publique. Et, sans être des experts comptables, nous avons tous appris que l'équilibre d'un bilan comptable peut dépendre de la méthode de calcul qu'on lui applique. C'est donc sans doute ce qu'a pratiqué Necker avec le bilan qu'il a fait apparaitre dans son Compte rendu au Roi, puis en 1789, dans celui qu'il a exposé aux Etats généraux.
Quant à savoir comment il envisageait de se sortir de cette situation, voilà la réponse de M Patat:
"Revenu après sept années d'aigreurs et de frustration, Necker obtint tout ce que son statut d'étranger et sa religion protestante lui avaient jadis interdit. Ministre d'Etat, il participera désormais à tous les conseils. .... Des milliers de manifestants... laissent éclater leur joie à la nouvelle du retour du sauveur mais non sans que ces manifestations ne tournent, comme c'était désormais une habitude, en émeute coûteuse en vie humaines et violences de toutes sortes.
Rendons justice à Necker,il n'y a pas que la populace [heu! M Patat, disons plutôt le peuple, c'est plus soft ] pour se réjouir de son retour. La nouvelle fait remonter les cours des titres d'Etat de 30%. Financiers, banquiers et même corporations( les notaires avancent 7 millions de livres), les administrations se pressent pour venir en aide à un Trésor besogneux. Le ministre , qui a lui avancé de sa poche 2 millions de livres à l'Etat, réussit l'exploit de se faire prêter à deux reprises 15 millions de livres de la Caisse d'Escompte, puis encore 25 millions en janvier 1789, sans que de telles opérations qui, un mois auparavant auraient provoqué la panique suscitent la moindre inquiétude. La trésorerie, il y a peu au bord du gouffre, va ainsi pouvoir passer sans encombre les quelques mois précédant la très prochaine réunion des Etats généraux.
A part cela, ce qui n'est pas si mal, il semble que Necker n'ait aucune idée de ce qu'il doit ou peut faire."
Le facteur psychologique est primordial dans la gestion des finances et le grand argentier doit savoir en tenir compte.
Amicalement votre. Roi-cavalerie.
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Roi-cavalerie a écrit:
Rendons justice à Necker,il n'y a pas que la populace [heu! M Patat, disons plutôt le peuple, c'est plus soft ] pour se réjouir de son retour.
Oui, vous avez raison ! ... même si Hérault de Séchelles disait que quand le peuple est roi, la populace est reine ...
Roi-cavalerie a écrit:
A part cela, ce qui n'est pas si mal, il semble que Necker n'ait aucune idée de ce qu'il doit ou peut faire."[/i]
Ce constat qui ne laisse pas de surprendre, n'est-ce pas ( ), est aussi celui d'Agénor Bardoux, quant au tandem Montmorin/Necker ...
.
Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La crise financière et l’Ancien Régime, de Jean-Pierre Patat
Chers amis,
Pour terminer sur une note amusante ce sujet si sérieux, voici l'extrait d'une lettre envoyée le 26 novembre 1786 à l'un de ses amis par Nicolas Ruault, "libraire, érudit, éditeur de Voltaire et l'un de ses grands admirateurs ( Gazette d'un parisien sous la Révolution Librairie Académique Perrin 1976 )" Elle a été écrite dans le contexte de la fin du troisième Vingtième* qui se terminait au mois de janvier 1787:
" ...Il faut de l'argent, c'est tout dire; il en faut pour les dépenses connues et inconnues; il en faut pour l'ordinaire et l'extraordinaire; il en faut pour les cinq ou six rois qui règnent en France et qui puisent largement dans le trésor public; il en faut au roi de Paris, au roi des finances, au roi de la guerre, au roi de la marine, au roi des affaires étrangères et au Roi de ces rois qui serait dit-on le plus économe de tous si ce n'était sa femme, ses frères, ses cousins, etc... qui lui en demandent tous les matins pour la dépense du jour; qui serait le moins dépensier si on l'avait accoutumé à faire ses affaires lui-même; ce qui n'est pas plus difficile dans le métier de roi que dans tout autre."
* le vingtième , était un impôt direct, en théorie égalitaire, qui avait été crée en 1749 pour financer les guerres et s'appliquait sur tous les revenus à concurrence de 5%. Considéré comme provisoire, les parlements étaient hostiles à son renouvellement.
Ou encore l'humour plus grinçant de cet autre extrait d'une lettre du 11 aout 1787:
" Une grande assemblée où les pairs se rendront est indiquée pour lundi prochain 13. Il est probable que l'on y prendra une résolution vigoureuse. Les ministres disent hautement que si les impôts demandés ne passent pas, le roi fera banqueroute au mois de janvier. On leur répond qu'on ne refuse point d'argent au roi, mais qu'on ne veut le lui donner que légalement et connaitre à fond les besoins de l'Etat, que jusqu'ici on a trop abusé de l'argent du peuple, qu'il y a un terme à tout, même avec les rois. Les gens de cour qualifient d'insolents ceux qui parlent ainsi ( d'Espremesnil et 5 à 6 autres conseillers). Cela n'étonne point. Les gens de cour ont un grand intérêt à la permanence du système royal ou déprédatif. Si la cour était sage, elle ne trouverait point d'insolents sur son passage. La canaille parlementaire ( c'est ainsi qu'on qualifie le parlement à Versailles) ne songerait pas à mettre des bornes à la dépense, au luxe dévorateur du peuple, à la dissipation de la famille royale. C'est donc pour rappeler la cour au bon ordre que cette canaille demande des Etats généraux plus puissants qu'un parlement. La canaille des provinces répète le même cri, fait les mêmes souhaits que la canaille de Paris. Si les 24 millions de canailles dont le royaume de France est composé s'acharnent à demander les Etats généraux et si, en attendant cette assemblée de la nation, toutes ces canailles refusent de l'argent, comment nos Jupiters feront-ils dans leur Olympe? Déjà même ils s'y fâchent entre eux. L'autre jour, le grand Jupiter reprochait à son premier frère, qu'il était d'intelligence avec la canaille parlementaire, que sa Junon le lui avait dit, qu'il soufflait avec plaisir l'esprit de résistance au sein de la troupe, qu'il était traitre à sa famille. Le frère répondit à son aîné, au Jupiter-rex, avec une telle vigueur que le roi se fâcha de bon et prit un tabouret qu'il voulait jeter à la tête du répondeur. Vous n'oseriez , s'écria ce dernier qui resta un moment encore et se retira. Depuis ce moment la brouillerie est ouverte entre ce frère conjurateur et la Junon que la canaille de toutes les classes n'appelle plus que Madame déficit."
Amitiés Roi-cavalerie
Pour terminer sur une note amusante ce sujet si sérieux, voici l'extrait d'une lettre envoyée le 26 novembre 1786 à l'un de ses amis par Nicolas Ruault, "libraire, érudit, éditeur de Voltaire et l'un de ses grands admirateurs ( Gazette d'un parisien sous la Révolution Librairie Académique Perrin 1976 )" Elle a été écrite dans le contexte de la fin du troisième Vingtième* qui se terminait au mois de janvier 1787:
" ...Il faut de l'argent, c'est tout dire; il en faut pour les dépenses connues et inconnues; il en faut pour l'ordinaire et l'extraordinaire; il en faut pour les cinq ou six rois qui règnent en France et qui puisent largement dans le trésor public; il en faut au roi de Paris, au roi des finances, au roi de la guerre, au roi de la marine, au roi des affaires étrangères et au Roi de ces rois qui serait dit-on le plus économe de tous si ce n'était sa femme, ses frères, ses cousins, etc... qui lui en demandent tous les matins pour la dépense du jour; qui serait le moins dépensier si on l'avait accoutumé à faire ses affaires lui-même; ce qui n'est pas plus difficile dans le métier de roi que dans tout autre."
* le vingtième , était un impôt direct, en théorie égalitaire, qui avait été crée en 1749 pour financer les guerres et s'appliquait sur tous les revenus à concurrence de 5%. Considéré comme provisoire, les parlements étaient hostiles à son renouvellement.
Ou encore l'humour plus grinçant de cet autre extrait d'une lettre du 11 aout 1787:
" Une grande assemblée où les pairs se rendront est indiquée pour lundi prochain 13. Il est probable que l'on y prendra une résolution vigoureuse. Les ministres disent hautement que si les impôts demandés ne passent pas, le roi fera banqueroute au mois de janvier. On leur répond qu'on ne refuse point d'argent au roi, mais qu'on ne veut le lui donner que légalement et connaitre à fond les besoins de l'Etat, que jusqu'ici on a trop abusé de l'argent du peuple, qu'il y a un terme à tout, même avec les rois. Les gens de cour qualifient d'insolents ceux qui parlent ainsi ( d'Espremesnil et 5 à 6 autres conseillers). Cela n'étonne point. Les gens de cour ont un grand intérêt à la permanence du système royal ou déprédatif. Si la cour était sage, elle ne trouverait point d'insolents sur son passage. La canaille parlementaire ( c'est ainsi qu'on qualifie le parlement à Versailles) ne songerait pas à mettre des bornes à la dépense, au luxe dévorateur du peuple, à la dissipation de la famille royale. C'est donc pour rappeler la cour au bon ordre que cette canaille demande des Etats généraux plus puissants qu'un parlement. La canaille des provinces répète le même cri, fait les mêmes souhaits que la canaille de Paris. Si les 24 millions de canailles dont le royaume de France est composé s'acharnent à demander les Etats généraux et si, en attendant cette assemblée de la nation, toutes ces canailles refusent de l'argent, comment nos Jupiters feront-ils dans leur Olympe? Déjà même ils s'y fâchent entre eux. L'autre jour, le grand Jupiter reprochait à son premier frère, qu'il était d'intelligence avec la canaille parlementaire, que sa Junon le lui avait dit, qu'il soufflait avec plaisir l'esprit de résistance au sein de la troupe, qu'il était traitre à sa famille. Le frère répondit à son aîné, au Jupiter-rex, avec une telle vigueur que le roi se fâcha de bon et prit un tabouret qu'il voulait jeter à la tête du répondeur. Vous n'oseriez , s'écria ce dernier qui resta un moment encore et se retira. Depuis ce moment la brouillerie est ouverte entre ce frère conjurateur et la Junon que la canaille de toutes les classes n'appelle plus que Madame déficit."
Amitiés Roi-cavalerie
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