La marquise de la Tour du Pin
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les femmes du XVIIIe siècle
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La marquise de la Tour du Pin
.
François avait écrit à la Conciergerie :
Je suis en train de lire les mémoires de la Marquise de la Tour du Pin.
Elle est la fille de la Comtesse Dillon, Dame du Palais de la Reine.
Nièce de la Princesse d'Henin, autre Dame du Palais.
Voici ce qu'elle dit de notre Souveraine.
"Ma mère plut à la reine, qui se laissait toujours séduire par tout ce qui était brillant, Mme Dillon était très à la mode ; elle devait par cela seul entrer dans sa maison. Ma mère devint dame du palais. J'avais alors sept ou huit ans."
.....
"Mon premier séjour à Versailles fut à la naissance du premier Dauphin en 1781. Combien le souvenir de ces jours de splendeur pour la reine Marie-Antoinette est souvent revenu à ma pensée, au récit des tourments et des ignominies dont elle a été la trop malheureuse victime. J'allai voir le bal que les gardes du corps lui donnèrent dans la grande salle de spectacle du château de Versailles. Elle l'ouvrit avec un simple jeune garde, vêtue d'une robe bleue, toute parsemée de saphirs et de diamants, belle, jeune, adorée de tous,venant de donner un dauphin à la France, ne croyant pas à la possibilité d'un pas rétrograde dans la carrière brillante où elle était entrainée ; et déjà elle était prés de l'abime."
......
"Ma mère fut fort soignée dans ses derniers moments. La reine vint la voir et tous les jours un piqueur ou un page était envoyé de Versailles pour prendre de ses nouvelles".
......
" C'est à Saint-Papoul que je fis la connaissance des Vaudreuil, qui habitaient prés de là. Ils avaient trois filles et un fils. Ce dernier, que j'ai retrouvé en Suisse cinquante ans plus tard, était âgé alors de dix sept ou dix huit ans et se serait bien arrangé de l'élégante nièce du puissant archevêque métropolitain."
Voila j'en suis là des mémoires.
Qu'Elle devait être belle la Reine en bleu, saphirs et diamants. Un Sourire ravageur, des Yeux étincelants.
On reconnait Sa bonté par les nouvelles quotidiennes qu'Elle prenait de la Comtesse Dillon.
Mr de Talaru
Calonne :
Quelques précisions sur cette dame, célèbre pour ses mémoires, sous-titrées "Journal d'une femme de cinquante ans".
Née en 1770 à Paris, Henriette-Lucy Dillon appartenait à la noblesse la plus ancienne. En effet, l’origine de sa maison (irlandaise) remonte à Sir Henry le Dillon, chevalier Henri Delion d’Aquitaine qui, en 1185, fut envoyé par Henri II d’Angleterre sous les ordres du prince Jean en Irlande, où il s’établit finalement, ayant reçu en apanage d’immenses domaines. En 1787, Henriette épouse le comte de Gouvernet qui deviendra marquis de La Tour du Pin en 1825 (celui-là même à qui Louis XVI aurait dit :"Vous restez maître ici, tâchez de me sauver mon petit Versailles"). La voici donc à Versailles, dont elle rapportera plusieurs scènes quotidiennes dans ses fameuses mémoires. Liée à la future Madame Tallien, la comtesse de Gouvernet se voit contrainte d'émigrer et s’embarque à Bordeaux pour l’Amérique avec sa famille. Arrivée là, elle prend la tête d'une ferme, véritable exploitation agricole et se lève dés cinq heures du matin pour s'occuper des animaux, donner ses ordres pour la journée et baratter son propre beurre (marqué à ses armes quand même). Elle reçoit même à déjeuner un certain... Talleyrand, alors en Amérique également et se lie d'amitié avec les indiens dont certains travaillent sur ses terres : "Ce fut en achetant des mocassins que je vis pour la première fois des sauvages... Je fus un peu surprise, je l’avoue, quand je rencontrai pour la première fois un homme et une femme tout nus se promenant tranquillement sur la route, sans que personne songeât à le trouver singulier. Mais je m’y accoutumai bientôt, et lorsque je fut établie à la ferme, j’en voyais presque tous les jours pendant l’été."
Ses mémoires, savoureuses, pittoresques parfois, s'arrêtent en 1815 et on ne sait pas grand-chose du reste de la vie de la marquise, morte en 1853, sinon qu'elle comptait Germaine de Staël parmi ses amis et correspondants fidèles.
Reinette :
J'avais lu quelques extraits de ses mémoires, ça a l'air génial ! :n,,;::::!!!:
N'est-ce pas à elle qui toute jeune femme on (?) a conseillé de ne pas trop s'exposer à la lumière devant la reine qui trentenaire commençait à jalouser des frais minois ?
Calonne :
Oui, dans ses mémoires, elle explique que les dames qui assistaient au lever de la reine se tenaient à contre-jour pour ne pas éclipser le teint "pourtant très frais et limpide" de Marie Antoinette.
Certains détails sont instructifs, par exemple, le ménage de la chambre de la reine pendant qu'elle est à la messe : les femmes de chambre enlèvent les draps et les mettent dans des corbeilles doublées de taffetas, puis entrent quatre valets "tout gonflés de leur importance" qui, cérémonieusement, retournent le lourd matelas avant que les femmes ne déplient des draps frais.
On ne balaie et passe la serpillère qu'ensuite...
Reinette :
Je raffole de ces détails ! :n,,;::::!!!:
Une de mes grandes questions : quel était leur degré de ménage au XVIIIème siècle ? Chez monsieur et madame tout-le-monde et évidemment chez la famille royale qui forcément devait se trouver à la pointe en ce domaine comme bien d'autres ?
Au moins, à cet exemple, nous ne pouvons que constater la logique de nos ancêtres : retourner le matelas devait occasionner pas mal de poussière d'où intérêt de passer le balai après.
Et la serpillère tous les jours chez la reine ? Me direz-vous c'est la reine et c'est bien normal que ce soit pimpant à son retour.
Comme à l'époque, il n'y avait pas les mêmes visions de l'hygiène que maintenant, quel pouvait donc être leur tolérance à cet égard ?
Précisément, c'est l'époque où les choses évoluent.
Je parle des classes sociales dominantes : y a-t-il toujours eu exigence d'un intérieur propre, pratiquement égal à nos conceptions, tout en prenant soin de sa personne de façon très spéciale pour nous, nés au XXème siècle, qui pour la plupart qui ne se penchent pas réellement sur la question, seraient dégoûtés ?
Ou bien est-ce également une évolution des moeurs, comme l'abandon de la toilette sèche au profit de bains de plus en plus quotidiens ?
Nos ancêtres, forcément, n'avaient pas idée de désinfecter certaines parties de leur intérieur. Néanmoins, j'avais lu dans les souvenirs de Madame Royale, un passage où madame Elisabeth au Temple nettoie, je crois une plaie, au vinaigre. Il y avait donc une idée empirique sur la question. Pas prouvée et sans en comprendre la raison mais agissait tel quel. Du moins, certainement chez les plus instruits de la société.
Sujet assez prosaïque mais je trouve pour ma part passionnant. C'est vraiment la représentation de la vie quotidienne.
Kiki :
Dans le même genre, André Castelot écrit dans un de ses livres sur la reine :"Si Marie- Antoinette voit de la poussière sur la courtepointe de son lit et qu'elle fait appeler, à l'aide de plusieurs intermédiaires, les garçons de la chambre, ceux-ci répondent que cette poussière n'est point de leur compétence, "le lit de la reine étant réputé meuble quand Sa Majesté n'y est pas couchée..." C'est donc au premier valet de chambre tapissier qu'il faut s'adresser..."
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... une biographie de la marquise de la Tour du Pin :
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François avait écrit à la Conciergerie :
Je suis en train de lire les mémoires de la Marquise de la Tour du Pin.
Elle est la fille de la Comtesse Dillon, Dame du Palais de la Reine.
Nièce de la Princesse d'Henin, autre Dame du Palais.
Voici ce qu'elle dit de notre Souveraine.
"Ma mère plut à la reine, qui se laissait toujours séduire par tout ce qui était brillant, Mme Dillon était très à la mode ; elle devait par cela seul entrer dans sa maison. Ma mère devint dame du palais. J'avais alors sept ou huit ans."
.....
"Mon premier séjour à Versailles fut à la naissance du premier Dauphin en 1781. Combien le souvenir de ces jours de splendeur pour la reine Marie-Antoinette est souvent revenu à ma pensée, au récit des tourments et des ignominies dont elle a été la trop malheureuse victime. J'allai voir le bal que les gardes du corps lui donnèrent dans la grande salle de spectacle du château de Versailles. Elle l'ouvrit avec un simple jeune garde, vêtue d'une robe bleue, toute parsemée de saphirs et de diamants, belle, jeune, adorée de tous,venant de donner un dauphin à la France, ne croyant pas à la possibilité d'un pas rétrograde dans la carrière brillante où elle était entrainée ; et déjà elle était prés de l'abime."
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"Ma mère fut fort soignée dans ses derniers moments. La reine vint la voir et tous les jours un piqueur ou un page était envoyé de Versailles pour prendre de ses nouvelles".
......
" C'est à Saint-Papoul que je fis la connaissance des Vaudreuil, qui habitaient prés de là. Ils avaient trois filles et un fils. Ce dernier, que j'ai retrouvé en Suisse cinquante ans plus tard, était âgé alors de dix sept ou dix huit ans et se serait bien arrangé de l'élégante nièce du puissant archevêque métropolitain."
Voila j'en suis là des mémoires.
Qu'Elle devait être belle la Reine en bleu, saphirs et diamants. Un Sourire ravageur, des Yeux étincelants.
On reconnait Sa bonté par les nouvelles quotidiennes qu'Elle prenait de la Comtesse Dillon.
Mr de Talaru
Calonne :
Quelques précisions sur cette dame, célèbre pour ses mémoires, sous-titrées "Journal d'une femme de cinquante ans".
Née en 1770 à Paris, Henriette-Lucy Dillon appartenait à la noblesse la plus ancienne. En effet, l’origine de sa maison (irlandaise) remonte à Sir Henry le Dillon, chevalier Henri Delion d’Aquitaine qui, en 1185, fut envoyé par Henri II d’Angleterre sous les ordres du prince Jean en Irlande, où il s’établit finalement, ayant reçu en apanage d’immenses domaines. En 1787, Henriette épouse le comte de Gouvernet qui deviendra marquis de La Tour du Pin en 1825 (celui-là même à qui Louis XVI aurait dit :"Vous restez maître ici, tâchez de me sauver mon petit Versailles"). La voici donc à Versailles, dont elle rapportera plusieurs scènes quotidiennes dans ses fameuses mémoires. Liée à la future Madame Tallien, la comtesse de Gouvernet se voit contrainte d'émigrer et s’embarque à Bordeaux pour l’Amérique avec sa famille. Arrivée là, elle prend la tête d'une ferme, véritable exploitation agricole et se lève dés cinq heures du matin pour s'occuper des animaux, donner ses ordres pour la journée et baratter son propre beurre (marqué à ses armes quand même). Elle reçoit même à déjeuner un certain... Talleyrand, alors en Amérique également et se lie d'amitié avec les indiens dont certains travaillent sur ses terres : "Ce fut en achetant des mocassins que je vis pour la première fois des sauvages... Je fus un peu surprise, je l’avoue, quand je rencontrai pour la première fois un homme et une femme tout nus se promenant tranquillement sur la route, sans que personne songeât à le trouver singulier. Mais je m’y accoutumai bientôt, et lorsque je fut établie à la ferme, j’en voyais presque tous les jours pendant l’été."
Ses mémoires, savoureuses, pittoresques parfois, s'arrêtent en 1815 et on ne sait pas grand-chose du reste de la vie de la marquise, morte en 1853, sinon qu'elle comptait Germaine de Staël parmi ses amis et correspondants fidèles.
Reinette :
J'avais lu quelques extraits de ses mémoires, ça a l'air génial ! :n,,;::::!!!:
N'est-ce pas à elle qui toute jeune femme on (?) a conseillé de ne pas trop s'exposer à la lumière devant la reine qui trentenaire commençait à jalouser des frais minois ?
Calonne :
Oui, dans ses mémoires, elle explique que les dames qui assistaient au lever de la reine se tenaient à contre-jour pour ne pas éclipser le teint "pourtant très frais et limpide" de Marie Antoinette.
Certains détails sont instructifs, par exemple, le ménage de la chambre de la reine pendant qu'elle est à la messe : les femmes de chambre enlèvent les draps et les mettent dans des corbeilles doublées de taffetas, puis entrent quatre valets "tout gonflés de leur importance" qui, cérémonieusement, retournent le lourd matelas avant que les femmes ne déplient des draps frais.
On ne balaie et passe la serpillère qu'ensuite...
Reinette :
Je raffole de ces détails ! :n,,;::::!!!:
Une de mes grandes questions : quel était leur degré de ménage au XVIIIème siècle ? Chez monsieur et madame tout-le-monde et évidemment chez la famille royale qui forcément devait se trouver à la pointe en ce domaine comme bien d'autres ?
Au moins, à cet exemple, nous ne pouvons que constater la logique de nos ancêtres : retourner le matelas devait occasionner pas mal de poussière d'où intérêt de passer le balai après.
Et la serpillère tous les jours chez la reine ? Me direz-vous c'est la reine et c'est bien normal que ce soit pimpant à son retour.
Comme à l'époque, il n'y avait pas les mêmes visions de l'hygiène que maintenant, quel pouvait donc être leur tolérance à cet égard ?
Précisément, c'est l'époque où les choses évoluent.
Je parle des classes sociales dominantes : y a-t-il toujours eu exigence d'un intérieur propre, pratiquement égal à nos conceptions, tout en prenant soin de sa personne de façon très spéciale pour nous, nés au XXème siècle, qui pour la plupart qui ne se penchent pas réellement sur la question, seraient dégoûtés ?
Ou bien est-ce également une évolution des moeurs, comme l'abandon de la toilette sèche au profit de bains de plus en plus quotidiens ?
Nos ancêtres, forcément, n'avaient pas idée de désinfecter certaines parties de leur intérieur. Néanmoins, j'avais lu dans les souvenirs de Madame Royale, un passage où madame Elisabeth au Temple nettoie, je crois une plaie, au vinaigre. Il y avait donc une idée empirique sur la question. Pas prouvée et sans en comprendre la raison mais agissait tel quel. Du moins, certainement chez les plus instruits de la société.
Sujet assez prosaïque mais je trouve pour ma part passionnant. C'est vraiment la représentation de la vie quotidienne.
Kiki :
Dans le même genre, André Castelot écrit dans un de ses livres sur la reine :"Si Marie- Antoinette voit de la poussière sur la courtepointe de son lit et qu'elle fait appeler, à l'aide de plusieurs intermédiaires, les garçons de la chambre, ceux-ci répondent que cette poussière n'est point de leur compétence, "le lit de la reine étant réputé meuble quand Sa Majesté n'y est pas couchée..." C'est donc au premier valet de chambre tapissier qu'il faut s'adresser..."
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... une biographie de la marquise de la Tour du Pin :
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La marquise de la Tour du Pin
Pauvre Henriette-Lucy boudoi29
« Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai pas eu d'enfance. À douze ans mon éducation était très avancée. J'avais lu énormément, mais sans choix.
(...)
L'état d'hostilité constante qui existait dans la maison me tenait dans une contrainte continuelle. Si ma mère voulait que je fisse une chose, ma grand'mère me le défendait. Chacun m'aurait voulu pour espion. Mais ma probité naturelle se révoltait à la seule pensée de la bassesse de ce rôle. Je me taisais, et l'on m'accusait d'insensibilité, de taciturnité. J'étais le but de l'humeur des uns et des autres, d'accusations injustes. J'étais battue, enfermée, en pénitence pour des riens. Mon éducation se faisait sans discernement. Quand j'étais émue de quelque belle action dans l'histoire, on se moquait de moi. Tous les jours, j'entendais raconter quelque trait licencieux ou quelque intrigue abominable. Je voyais tous les vices, j'entendais leur langage, on ne se cachait de rien en ma présence. J'allais trouver ma bonne, et son simple bon sens m'aidait à apprécier, à distinguer, à classer tout à sa juste valeur. »
« Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai pas eu d'enfance. À douze ans mon éducation était très avancée. J'avais lu énormément, mais sans choix.
(...)
L'état d'hostilité constante qui existait dans la maison me tenait dans une contrainte continuelle. Si ma mère voulait que je fisse une chose, ma grand'mère me le défendait. Chacun m'aurait voulu pour espion. Mais ma probité naturelle se révoltait à la seule pensée de la bassesse de ce rôle. Je me taisais, et l'on m'accusait d'insensibilité, de taciturnité. J'étais le but de l'humeur des uns et des autres, d'accusations injustes. J'étais battue, enfermée, en pénitence pour des riens. Mon éducation se faisait sans discernement. Quand j'étais émue de quelque belle action dans l'histoire, on se moquait de moi. Tous les jours, j'entendais raconter quelque trait licencieux ou quelque intrigue abominable. Je voyais tous les vices, j'entendais leur langage, on ne se cachait de rien en ma présence. J'allais trouver ma bonne, et son simple bon sens m'aidait à apprécier, à distinguer, à classer tout à sa juste valeur. »
_________________
« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
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