Les pièces préférées de Louis XVI
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Les pièces préférées de Louis XVI
Le 15 juin 1785, Sophie von La Roche, grâce à ses connections à Versailles, eut le privilège de voir les pièces intimes du roi, où il se retire quand il en a l’occasion.
« Aujourd’hui, je me suis rendue encore une fois au château et j’ai eu une chance que peu d’étrangers ont eue. J’ai vu les petites pièces préférées du roi, qu’il ne pouvait faire aménager ailleurs que sous les toits ; il lui faut donc monter de nombreux petits escaliers pour être seul et pouvoir respirer plus librement que dans ses appartements habituels.
Pourquoi ce désir de se retirer, de se retrouver seul, de n’avoir qu’un petit coin pour y exercer son occupation favorite, se trouve-t-il si profondément ancré dans l’âme humaine ? J’aurais beaucoup d’estime pour celui qui saurait répondre à cette question, pour autant qu’en s’isolant on conserve un amour chaleureux pour les hommes.
J’y songeais beaucoup en visitant ces pièces. Deux d’entre elles sont réservées à la physique expérimentale et renferment les plus beaux et les plus précieux instruments pour l’étude de cette science. Un jeune homme discret a la bonne fortune de pouvoir, avec le bon roi, interroger la nature.
Dans la première pièce il est possible à deux personnes de s’y trouver ensemble et de s’y mouvoir, mais dans la suivante ils ne peuvent déjà plus se tenir côte à côte ; chacun dispose d’un tour devant une fenêtre et les outils sont accrochés au pilier qui les sépare. Tout ce merveilleux agencement doit procurer du plaisir au roi, mais aussi l’inciter à faire du beau travail. Je vis un grand nombre d’objets qu’il avait façonnés au tour et j’admire avec quel goût ses vases en ivoire sont ajourés.
Nous pénétrâmes ensuite dans une toute petite pièce où la table se trouve sous la fenêtre et où il faut pousser la chaise sous la table pour pouvoir passer. Il y avait là une carte de la région du château de Rambouillet avec ses nombreuses chasses. Le roi y avait encore travaillé le matin même et avait dû être dérangé, car le grattoir se trouvait près d’un buisson dessiné sur la carte, avec lequel il l’avait à moitié effacé, et les fibres du papier étaient encore là.
Dans une petite pièce sous ces combles, le bon roi conserve ses livres favoris qu’il lit dans un cabinet minuscule où il n’y a de place que pour un pupitre et une chaise. Une des lucarnes rondes possède une grande longue-vue qui lui permet d’observer tout la région sur la moitié de l’horizon.
Dès son lever à six heures du matin, le roi est toujours occupé ; quand les audiences et les réunions sont terminées, il s’envole comme un oiseau vers ses mansardes.
Deux fois par jour il voit ses enfants et, le soir, après un agréable pique-nique en famille, il se couche à onze heures. Ce repas se déroule de la manière suivante : le roi va voir Madame vers six ou sept heures et joue aux échecs ou au trictrac ; à neuf heures et demie arrivent les maîtres d’hôtel et les officiers de bouche chargés de mettre le couvert du roi, de la reine, des tantes, du comte et de la comtesse d’Artois et de Madame Élisabeth ; ils dressent la table pour leurs maîtres et apportent les mets. Chacun mange de sa propre cuisine. A onze heures on se quitte, tandis que dans les appartements on bavarde encore entre amis jusqu’à minuit passé.
Je note encore ici au passage que, les jours de semaine, la place devant le château, la grand-rue et la galerie sont aussi désertes, mortes, abandonnées, que la rue principale de Spire ou bien la place devant l’ancienne résidence de Mannheim. Alors que, le dimanche, on entend dans la galerie le bourdonnement de centaines de personnes parlant à voix basse, en semaine n’y résonnent que les pas solitaires de quelques voyageurs curieux. La garde est assise à moitié endormie dans la salle des gardes et, si dans les appartements ne régnaient pas les jeux de l’ambition ou des intrigues, même un immortel aurait du mal à deviner que tant de princes habitent ici avec leurs domestiques et leurs esclaves.
Nous rentrâmes par le jardin et vîmes le Dauphin et la princesse aînée jouer dans leur petit enclos, devant leurs fenêtres, protégé par un toit de tente, et déjeunâmes chez monsieur Rosenstiel. Le soir nous eûmes du monde et j’appris à jouer au réversi avec le quinola. »
Extrait du Journal d'un voyage à travers la France, 1785, par Sophie von La Roche, traduit par Michel Lung, Thomas Dunskus et Anne Lung-Faivre, d'après l'édition originale (1787), aux Éditions de l'Entre-deux-Mers, 2012.
« Aujourd’hui, je me suis rendue encore une fois au château et j’ai eu une chance que peu d’étrangers ont eue. J’ai vu les petites pièces préférées du roi, qu’il ne pouvait faire aménager ailleurs que sous les toits ; il lui faut donc monter de nombreux petits escaliers pour être seul et pouvoir respirer plus librement que dans ses appartements habituels.
Pourquoi ce désir de se retirer, de se retrouver seul, de n’avoir qu’un petit coin pour y exercer son occupation favorite, se trouve-t-il si profondément ancré dans l’âme humaine ? J’aurais beaucoup d’estime pour celui qui saurait répondre à cette question, pour autant qu’en s’isolant on conserve un amour chaleureux pour les hommes.
J’y songeais beaucoup en visitant ces pièces. Deux d’entre elles sont réservées à la physique expérimentale et renferment les plus beaux et les plus précieux instruments pour l’étude de cette science. Un jeune homme discret a la bonne fortune de pouvoir, avec le bon roi, interroger la nature.
Dans la première pièce il est possible à deux personnes de s’y trouver ensemble et de s’y mouvoir, mais dans la suivante ils ne peuvent déjà plus se tenir côte à côte ; chacun dispose d’un tour devant une fenêtre et les outils sont accrochés au pilier qui les sépare. Tout ce merveilleux agencement doit procurer du plaisir au roi, mais aussi l’inciter à faire du beau travail. Je vis un grand nombre d’objets qu’il avait façonnés au tour et j’admire avec quel goût ses vases en ivoire sont ajourés.
Nous pénétrâmes ensuite dans une toute petite pièce où la table se trouve sous la fenêtre et où il faut pousser la chaise sous la table pour pouvoir passer. Il y avait là une carte de la région du château de Rambouillet avec ses nombreuses chasses. Le roi y avait encore travaillé le matin même et avait dû être dérangé, car le grattoir se trouvait près d’un buisson dessiné sur la carte, avec lequel il l’avait à moitié effacé, et les fibres du papier étaient encore là.
Dans une petite pièce sous ces combles, le bon roi conserve ses livres favoris qu’il lit dans un cabinet minuscule où il n’y a de place que pour un pupitre et une chaise. Une des lucarnes rondes possède une grande longue-vue qui lui permet d’observer tout la région sur la moitié de l’horizon.
Dès son lever à six heures du matin, le roi est toujours occupé ; quand les audiences et les réunions sont terminées, il s’envole comme un oiseau vers ses mansardes.
Deux fois par jour il voit ses enfants et, le soir, après un agréable pique-nique en famille, il se couche à onze heures. Ce repas se déroule de la manière suivante : le roi va voir Madame vers six ou sept heures et joue aux échecs ou au trictrac ; à neuf heures et demie arrivent les maîtres d’hôtel et les officiers de bouche chargés de mettre le couvert du roi, de la reine, des tantes, du comte et de la comtesse d’Artois et de Madame Élisabeth ; ils dressent la table pour leurs maîtres et apportent les mets. Chacun mange de sa propre cuisine. A onze heures on se quitte, tandis que dans les appartements on bavarde encore entre amis jusqu’à minuit passé.
Je note encore ici au passage que, les jours de semaine, la place devant le château, la grand-rue et la galerie sont aussi désertes, mortes, abandonnées, que la rue principale de Spire ou bien la place devant l’ancienne résidence de Mannheim. Alors que, le dimanche, on entend dans la galerie le bourdonnement de centaines de personnes parlant à voix basse, en semaine n’y résonnent que les pas solitaires de quelques voyageurs curieux. La garde est assise à moitié endormie dans la salle des gardes et, si dans les appartements ne régnaient pas les jeux de l’ambition ou des intrigues, même un immortel aurait du mal à deviner que tant de princes habitent ici avec leurs domestiques et leurs esclaves.
Nous rentrâmes par le jardin et vîmes le Dauphin et la princesse aînée jouer dans leur petit enclos, devant leurs fenêtres, protégé par un toit de tente, et déjeunâmes chez monsieur Rosenstiel. Le soir nous eûmes du monde et j’appris à jouer au réversi avec le quinola. »
Extrait du Journal d'un voyage à travers la France, 1785, par Sophie von La Roche, traduit par Michel Lung, Thomas Dunskus et Anne Lung-Faivre, d'après l'édition originale (1787), aux Éditions de l'Entre-deux-Mers, 2012.
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
C'est vraiment formidable à lire ! :n,,;::::!!!:
Merci, merci, merci !!! :;\':;\':; :;\':;\':; :;\':;\':;
Merci, merci, merci !!! :;\':;\':; :;\':;\':; :;\':;\':;
Invité- Invité
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
Sophie von la Roche a écrit:
Je note encore ici au passage que, les jours de semaine, la place devant le château, la grand-rue et la galerie sont aussi désertes, mortes, abandonnées, que la rue principale de Spire ou bien la place devant l’ancienne résidence de Mannheim. Alors que, le dimanche, on entend dans la galerie le bourdonnement de centaines de personnes parlant à voix basse, en semaine n’y résonnent que les pas solitaires de quelques voyageurs curieux. La garde est assise à moitié endormie dans la salle des gardes et, si dans les appartements ne régnaient pas les jeux de l’ambition ou des intrigues, même un immortel aurait du mal à deviner que tant de princes habitent ici avec leurs domestiques et leurs esclaves.
On ne se croirait jamais à Versailles !
La garde est assise à moitié endormie dans la salle des gardes ... Chuuuuut ... ne parlons pas trop fort, nous risquerions de troubler tant de quiétude ... :
.
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
Ce que cette bavarde de Sophie peut nous en apprendre alors !
Merci, cher Félix, de nous être son porte-voix ! :n,,;::::!!!:
Bien à vous.
Merci, cher Félix, de nous être son porte-voix ! :n,,;::::!!!:
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
En effet, difficile à s'imaginer de nos jours avec ces hordes de touristes japonais, chinois, américains etc. etc.
ça me rappelle qu'un jour, en faisant un job d'étudiant comme agent de sécurité dans un musée à Utrecht, je m'étais endormi sur ma chaise dans une salle vide boudoi32
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
J'ai eu la chance de visiter ces pièces et l'atmosphère ressentie est la même que cette visite de 1785, allez comprendre ?
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
C'est sans doute qu'elles sont restées dans leur jus ?
La vue est stratégique . Louis XVI pouvait observer tout le mouvement de la Cour de Marbre .
La vue est stratégique . Louis XVI pouvait observer tout le mouvement de la Cour de Marbre .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
Dont le chat sur les gouttières de Mme de Maupras.
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Les pièces préférées de Louis XVI
.
Ah, tais toi ! J'ai horreur de cette histoire, et de ce Louis XVI ...
Ah, tais toi ! J'ai horreur de cette histoire, et de ce Louis XVI ...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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