Manon Roland
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Manon Roland
Au sujet du livre de Pierre Cornu Gentil
Cette nouvelle biographie brosse un portrait plus éclatant de Manon Roland. Longtemps vilipendés par les historiens robespierristes ou dantonistes, à cause de son rôle néfaste dans l’échec de la politique de la Girondins, Manon Roland a été souvent décriée. Même Lamartine, qui pourtant était son admirateur, avait écrit des mots durs sur elle, il l'accusait même d'être l'instigatrice du conciliabule de Charenton (l’aînée du 10 août), pourtant il n'y a pas eu beaucoup de pièces à l'appui qui prouvent son implication dans l’échec de la politique girondine. Bien qu'elle ait influencé quelques uns des députés tels que Buzot (son amoureux), Barbaroux et Louvet mais elle n'avait aucun contrôle sur les autres députés comme Vergniaud.
A travers cette biographie, Pierre Cornut essaye de démontrer que Manon Roland n'a pas influencé les Girondins, pour preuve il suffisait de regarder le déroulement du procès du roi pour comprendre que son influence n'a été longtemps qu'une calomnie dont les montagnards se servaient pour attaquer leurs adversaires en discréditant le parti et c'était également une discrimination de sexe. La montagne, dont les idées ont été vraiment misogynes, n'acceptaient pas qu'une femme puisse jouer un rôle dans la politique c'est le seul motif qui conduit le Tribunal révolutionnaire a prononcé la mort contre Manon Roland.
A lire absolument,
Madame de Chimay a écrit:
Bonne nouvelle. Le prince de Chimay vient de me ramener Madame Roland de Françoise Kermina. :n,,;::::!!!:
Mme de Sabran :
Vous nous raconterez sa chaste idylle avec Buzot !
Madame de Chimay :
C'est qu'elle avait une kyrielle de prétendants , notre petite Manon. Ce furent d'abord ses professeurs puis les commerçants du quartier : 4 bijoutiers, 1 limonadier et jusqu'à un boucher qui faisait sa cour en offrant force escalopes, côtelettes et rôtis ...
Des magistrats , des officiers, deux avocats , un médecin, quelques vieux messieurs se succédèrent et furent également dédaignés.
Elle qui disait : "Aimer est mon premier besoin
Le satisfaire est à ma seule envie."
C'est original de faire sa cour en rôtis , côtelettes et escalopes ! :
Elle rencontre son futur mari en janvier 1776. et se marie en 1780.
Mais elle a du mal avec l’amour. Lorsque Roland l’embrasse impétueusement pour la première fois –Manon a 25 ans et elle en ressent un mal affreux.
Enfin, le mariage est célébré . La vie matrimoniale est tout d’abord pour Manon une rude déception. Elle l’avoue : « Les événements de la première nuit de mes noces me parurent aussi surprenants que désagréables !" boudoi32
Car il est clair pour Roland que sa jolie femme doit être exclusivement à son service, c'est-à-dire corriger ses manuscrits , faire la cuisine en faisant bien attention à l’état précaire du foie et de l’estomac de son mari, faire la lessive, le ménage et être à sa disposition au lit. En un mot : Etre bobonne !
Ce quelque chose qu’elle attend : c’est la Révolution qui le lui donnera !
Mais cela l'emportera !
L’arrestation de Madame Roland a ceci de singulier qu’elle l’a délibérément voulu , ou plutôt qu’elle ne s’y est pas dérobée. Depuis quelque temps , ils vivaient tous les deux dans la crainte . Elle avait un pistolet à portée de main. Ils avaient reçu des menaces de mort et craignaient donc à juste titre pour leur sécurité.
Des amis leur conseillaient même de fuir.
Son mari avait une idée fixe en tête : faire apurer par la Convention les comptes de sa gestion. Sept fois déjà , il avait réclamé ce quitus de probité. En vain !
Légalement , il n’avait pas le droit de quitter la capitale sans un décret de l’Assemblée , on lui fit comprendre qu’il valait mieux s’éloigner discrètement mais il ne voulut rien entendre.
Dans la matinée même du 31 , des amis étaient venus les mettre en garde et les engager à se réfugier à la section de Beaurepaire , l’une des plus modérées, celle où Roland avait des appuis.
« Je suis las de toujours craindre , leur répondit-il. Je m’abandonne à mon sort ! «
Madame Roland montra un aveuglement encore plus prononcé. Elle avait déjà refusé , deux ou trois jours auparavant , de s’échapper en costume de paysanne. L’idée de se déguiser comme une coupable la révulsait : « Si on veut m’assassiner , dit-elle ; que ce soit chez moi . Je dois cet exemple de fermeté et je le donnerais. »
Elle envisagea pourtant de conduire sa fille en sûreté à la campagne , mais le tocsin s’ébranla juste au moment où elle sortait pour aller retirer ses passeports à la section et l’imminence du péril la retint.
Cela prouve que Manon Roland n'avait pas du sang de navet dans les veines !
Son mari parvint à s'échapper mais elle non.
Elle ne voulut jamais croire que les bourreaux auraient le dessus . Elle s’imagina toujours que la partie la mieux intentionnée de la Convention l’emporterait.
Le danger exerçait une fascination sur elle. Elle n’avait pas cru tout d’abord que l’on s’en prendrait à Roland !
Elle fut conduite à l’Abbaye.
Même avant cette semaine sanglante, L’Abbaye avait mauvaise réputation . Reconstruite en 1635 pour les moines de St Germain des Prés , elle était prison militaire sous L’Ancien Régime et devint prison politique , et même nationale après le 10 août .
Elle a été démolie en 1854.
La Terreur n’a pas seule rempli les prisons pendant la Révolution. Elles regorgeaient surtout de prisonniers de droit commun. Déjà en 1790 , Bailly, maire de Paris, , avait attiré l’attention de l’Assemblée sur ce problème. Roland s’en était également occupé en 1792 , lors de son premier ministère. L’architecte Girard , chargé d’un projet d’agrandissement en février 1793 avait conclu dans son rapport que moyennant 50 000 livres, il se faisait fort d’en faire les prisons les plus sûres, les plus saines , les plus économiques et les plus commodes de toute l’Europe.
Cela resta sans suite car Madame Roland découvrit une prison bien misérable.
Non seulement elle découvrit une prison bien misérable mais aussi un concierge terriblement corrompu. Il avait tous les égards pour les riches prisonniers et rien pour les autres.
Outre la nourriture, les prisonniers étaient surtout friand de journaux et donc de nouvelles. Ce fut par le journal que Madame Roland apprit la fin de ses amis Girondins.
Madame Roland , arrivant à l’Abbaye , avait cru en sortir aussitôt ; La Commune repentante allait reconnaître son erreur . Elle comprenait maintenant que sa captivité serait plus longue . En attendant que la victoire changeât de camp , il fallait s’accommoder de son sort et d’une prison inévitable faire la meilleur des prisons possibles.
Les prisonniers politiques étaient mieux traités que les autres. Elle eut la chance d’obtenir une cellule individuelle donnant sur un tas d’ordures.
Elle avait un seul livre en poche en arrivant à l’Abbaye. Il s’agissait Des Quatre Saisons de Thompson . Ce volume existe toujours. Selon certaines indications, il serait à la bibliothèque du château de Rosière à Bourgoin. Après la mort de Madame Roland, il appartint à Eudora sa fille. Celle-ci l’offrit à son mari Pierre-Léon Champagneux et il porte sur la page de garde la dédicace suivante : « Donné à Léon par Eudora. 1797 »
Non seulement elle découvrit une prison bien misérable mais aussi un concierge terriblement corrompu. Il avait tous les égards pour les riches prisonniers et rien pour les autres.
Outre la nourriture, les prisonniers étaient surtout friand de journaux et donc de nouvelles. Ce fut par le journal que Madame Roland apprit la fin de ses amis Girondins.
Madame Roland , arrivant à l’Abbaye , avait cru en sortir aussitôt ; La Commune repentante allait reconnaître son erreur . Elle comprenait maintenant que sa captivité serait plus longue . En attendant que la victoire changeât de camp , il fallait s’accommoder de son sort et d’une prison inévitable faire la meilleur des prisons possibles.
Mme de Sabran :
Madame de Chimay a écrit:
Car il est clair pour Roland que sa jolie femme doit être exclusivement à son service, c'est-à-dire corriger ses manuscrits , faire la cuisine en faisant bien attention à l’état précaire du foie et de l’estomac de son mari, faire la lessive, le ménage et être à sa disposition au lit. En un mot : Etre bobonne !
Constatant que le bonheur a fui loin d'eux, elle écrira : il m'adorait, je m'immolais à lui, et nous étions malheureux .
Quelle idée aussi d'aller lui dire, à ce pauvre vieux mari, qu'elle aimait Buzot ! Elle aurait pu lui épargner cela .
Si encore elle avait voulu le quitter pour suivre l'autre, cela se concevrait .... mais non, Buzot et elle partageront une passion déclarée, sans jamais être amants !
Roland, inconsolable de l'exécution de Manon, se donnera la mort à Bourg-Beaudoin en Normandie, en s'arc-boutant violemment sur sa canne-épée, dans un fossé en lisière d'un bois .
C'est rude ...
Reinette :
Ah bon ? Je le croyais parti comme la plupart des Girondins, à la guillotine.
Au lieu de mourir si horriblement, il aurait pu demander de l'aide à un ami, non ? Au hasard, Robespierre ! "Cher ami, j'ai comploté contre la République." Et hop, aller simple à la guillotine. Efficace et rapide.
Madame de Chimay :
Par certains côtés, elle me rappelle Charlotte Corday. c'est le genre de femme idéaliste pour qui les idées sont tout . Mais dès qu'il s'agit de passer à la pratique, il n'y a plus personne.
Quelle conne ! Elle aurait pu échapper à la mort ! Mais évidemment , elle n'a pas pensé à sa fille ni à son mari non plus .
Pauvre homme ! Je conçois qu'il était fou d'elle , qu'il la désirait ardemment car c'était une belle femme !
Quelle naïveté d'avoir pu penser que la Convention laisserait échapper la proie qu'elle était !
Il ne faut pas oublier que derrière Robespierre et Fouquier-Tinville, il y avait ce fou de Vadier . JE VEUX QUE CE NOM SOIT CONNU POUR TOUT LE MAL QU'IL A FAIT !
IL EST TEMPS QUE CE NOM ENTRE DANS LES POUBELLES DE L'HISTOIRE !
D'Eon :
Si ma mémoire est bonne, ne fut-elle pas emprisonnée à Sainte-Pélagie?
Mme de Sabran :
Non, Manon n'est pas passée par Sainte-Pélagie . Elle est conduite directement à la prison de l'Abbaye sitôt son arrestation à sept heures du matin. Tout s'est passé si vite qu'elle n'y était pas attendue, pas de cellule prête pour l'accueillir . La concierge de l'Abbaye lui procure un asile provisoire dans son propre logement . Vers dix heures, elle est installée dans une sorte de chambre dont la fenêtre est à double grille .
Avant de partir de chez elle en catastrophe, elle avait eu le temps de confier sa petite Eudora ( la fille de Roland ) à des gens de service .
C'était le 31 mai . Elle sera libérée quelques heures pour subir un simulacre de justice, puis transférée à la Conciergerie où elle est une manière de vedette :
Témoignage de Riouffe :
Elle avait l'âme républicaine dans un corps pétri de grâce et façonné pour une certaine politesse de coeur; quelque chose de plus que ce qui se trouve d'ordinaire dans les yeux d'une femme, se peignait dans ses grands yeux noirs, pleins d'expression et de douceur . Elle nous parlait souvent à la grille avec la liberté et le courage d'un grand homme, le langage républicain sortant de la bouche d'une jolie femme française dont on préparait l'échafaud ...
Elle se met en devoir de rédiger des mémoires .
Avant de mourir, elle écrit encore à Buzot :
... toi que je n'ose nommer, toi que la plus terrible des passions n'empêcha pas de respecter les barrières de la vertu,
tu t'affligeras de te voir précédé au lieu où nous pourrons nous aimer sans risque .....
Mme de Sabran :
Madame de Chimay a écrit:
Par certains côtés, elle me rappelle Charlotte Corday. c'est le genre de femme idéaliste pour qui les idées sont tout . Mais dès qu'il s'agit de passer à la pratique, il n'y a plus personne.
Quelle conne ! Elle aurait pu échapper à la mort ! Mais évidemment , elle n'a pas pensé à sa fille ni à son mari non plus .
Pauvre homme ! Je conçois qu'il était fou d'elle , qu'il la désirait ardemment car c'était une belle femme !
Quelle naïveté d'avoir pu penser que la Convention laisserait échapper la proie qu'elle était !
Une conne ? C'est toute l'oraison funèbre que vous lui assénez ?
Une conne ? Parce qu'elle a eu le courage d'affronter la justice véreuse qui la broiera, au lieu de prendre la fuite ?
Ah bon ???!!! Charlotte Corday ne s'est pas mouillée pour ses idées ???!!!Madame de Chimay a écrit:
Comme Charlotte Corday, le genre de femme idéaliste pour qui les idées sont tout . Mais dès qu'il s'agit de passer à la pratique, il n'y a plus personne.
J'ai un peu de mal à vous suivre .....
D'Eon a écrit:
Merci beaucoup. J'étais persuadé qu'elle était à Sainte-Pélagie avec Madame du Barry. Comme quoi la mémoire peut parfois jouer des tours.
WIKI vous donne raison, cher d'Eon, dans sa liste des prisonniers célèbres de Sainte-Pélagie !
Voyez :
Madame Roland Vicomtesse de la Platière, née Jeanne Manon Phlipon (1754 - 1793), femme politique, écrivain. Ardents partisans de la Révolution, les Roland s'élèveront pourtant contre ses excès. Ils devinrent très impopulaires ; les accusations pleuvent. Au matin du 1er juin 1793, Mme Roland est arrêtée et incarcérée à l'Abbaye puis à Sainte-Pélagie (où elle écrira ses célèbres Mémoires de prison, publiées en 1795) qui furent discrètement récupérés par Jacques Nicolas Vallée. Finalement, elle sera transférée à la Conciergerie .
Mais je ne trouve pas cette information dans Girondins et Montagnards, les dessous d'une insurrection ( 1793 ), de Jeanne Grall ....
Reinette a écrit:
Ah bon ? Je croyais Roland parti comme la plupart des Girondins, à la guillotine.
Au lieu de mourir si horriblement, il aurait pu demander de l'aide à un ami, non ? Au hasard, Robespierre ! "Cher ami, j'ai comploté contre la République." Et hop, aller simple à la guillotine. Efficace et rapide.
Roland avait trouvé refuge chez les chanoinesses de Malortie à Rouen . Lorsqu'il a appris la mort de Manon , il a pris affectueusement congé de ses amies .
Sa décision était prise de ne pas survivre à celle qu'il n'avait jamais cessé d'aimer malgré les orages conjugaux.
Il a eu une fin très digne, très pudique . Il a marché des heures, tout seul, en rase campagne avant de trouver le fossé loin de tout dans lequel il s'est appuyé sur sa canne épée jusqu'à ce qu'elle lui troue mortellement l'abdomen .
Sur lui, un billet disant :
..... J'ai quitté ma retraite au moment où j'ai appris qu'on allait égorger ma femme et je ne veux plus rester sur une terre couverte de crime .
L'on voit, chère Princesse, que Manon était bien éloignée de n'être pour lui qu'une simple bobonne !
Tous les Girondins ne sont pas partis à la guillotine . Le procès des Girondins arrêtés a coïncidé à peu près avec les exécutions de Marie-Antoinette et Egalité .
Le 24 octobre comparaissent devant le tribunal révolutionnaire, pour les plus connus d'entre eux, Vergniaud, Gensonné, Brissot, Lasource, Lacaze, Fonfrède, Ducos ....
D'autres sont en cavale . Souvenons-nous de leur traque terrible .
Buzot, puisque nous parlons de lui, a lié son sort à ceux de Pétion et Barbaroux ( l'Antinoüs marseillais qui a bien perdu de sa superbe ) . Les proscrits sont terrés à Saint-Emilion, ainsi que Salle, Louvet, Guadet . Le père de Guadet habite là . Il a y aussi une autre maison amie, celle de Thérèse Bouquey qui cache les trois inséparables, et puis le presbytère , et puis le perruquier habituel des Guadet ...
Le zèle de la Convention a tiédi . Les arrestations sont moins nombreuses . Nos hommes goûtent un répit . Dans cette retraite forcée, Salle compose une tragédie en cinq actes à la gloire de Charlotte Corday . Buzot entreprend de retracer ses mémoires . Barbaroux, lui, rédige des textes politiques .
Quand Buzot reçoit enfin la dernière lettre de Manon, il écrit fou de douleur à Le Tellier qu'il n'a plus qu'à mourir aussi . Le Tellier ne lira jamais cette lettre : il s'est suicidé dans sa prison . Les mois passent .
Danton, Demoulins, Hérault, Fabre ont eu le col tranché à leur tour . Robespierre triomphe .
A Bordeaux, le modéré Ysabeau est remplacé par Julien qui se déclare ennemi juré des Girondins ou ce qu'il en reste ...
Le 16 juin, deux bataillons d'infanterie de 50 hussards encerclent Saint-Emilion comme un étau . Salle et Guadet se rendent espérant satisfaire l'appétit de Julien . Ils sont exécutés . Mais Julien est insatiable . C'est la généreuse Thérèse Bouquey qui doit mourir, et son mari, et son père . C'est ensuite le père et la soeur de Guadet puis l'arrestation du frère .......
Pétion, Buzot et Barbaroux sont prévenus par le perruquier qui leur donne du pain, un morceau de viande . Il faut fuir ! Les trois hommes marchent toute la nuit . Quand, brisés de fatigue, ils décident d'une pause pour se restaurer, ils entendent des tambours tout proches .
Barbaroux désespéré se tire une balle dans l'oreille droite . Il restera quatre jours étendu dans une salle de la mairie, refusant de livrer les noms de ses compagnons en fuite .
C'est agonisant qu'il est guillotiné à Bordeaux le 6 juin .
Buzot et Pétion errent encore de plus en plus affaiblis, pendant combien de jours, qui sait ? Ils se donnent la mort à leur tour .
Leurs corps seront découverts à demi-dévorés par les loups ....
Voici la sinistre prison de Sainte Pélagie . boudoi32
Le repas servi dans la cour :
...... deux représentations de Manon Roland à Sainte-Pélagie, malheureusement format timbre-poste ! :hop:
La nuit, la neige :
d'Eon a écrit:
Merci beaucoup. J'étais persuadé qu'elle était à Sainte-Pélagie avec Madame du Barry. Comme quoi la mémoire peut parfois jouer des tours.
Elle fut d'abord enfermée à l’Abbaye, libérée quelques heures, puis enfermée à Sainte Pélagie, et enfin à la Conciergerie.
Elle décrit notamment les conditions de son enfermement à Sainte Pélagie dans ses Mémoires fragmentés (un peu compliqués à lire, parce que décousus, mais intéressants et bien écrits). Mais elle y règle surtout ses comptes, justifie ses actions, défend celles de son mari, et fait preuve de beaucoup de courage et de grandeur d'âme...
Je vous copie le passage sur Sainte-Pélagie.
Rien sur Mme du Barry, à moins que...
Le corps de logis destiné pour les femmes est divisé en longs corridors forts étroits, de l’un des côtés desquels sont des petites cellules telles que j’ai décrit celle où je fus logée ; c’est là que, sous le même toit, sur la même ligne, séparée par un léger plâtrage, j’habite avec des filles perdues et des assassins.
A côté de moi est une de ces créatures qui font métier de séduire la jeunesse et de vendre l’innocence ; au dessus est une femme qui a fabriqué faux assignats, et déchiré sur une grande route un individu de son sexe, avec les monstres dans la bande desquels elle fut enrôlée.
Chaque cellule est fermée par un gros verrou à clef, qu’un homme vient ouvrir tous les matins en regardant effrontément si vous êtes debout ou couchée ; alors leurs habitantes se réunissent dans les corridors, sur les escaliers, dans une petite cour, ou dans une salle humide et puante, digne réceptacle de cette écume du monde.
On juge bien que je gardais constamment ma cellule ; mais les distances ne sont pas assez considérables pour sauver les oreilles des propos qu’on peut supposer à de telles femmes, sans qu’il soit possible de les imaginer pour quiconque ne les ai jamais entendus.
Ce n’est pas tout ; le cors de logis où sont placés les hommes a des fenêtres en face et très près du bâtiment qu’habitent les femmes ; la conversation s’établit entre les individus analogues ; elle est d’autant plus débordée que ceux qui la tiennent ne sont susceptibles d’aucune crainte ; les gestes suppléent aux actions, et les fenêtres servent de théâtre aux scènes les plus honteuses d’un infâme libertinage. (T’ain ! C’est vrai qu’il faut y penser dans de telles conditions !! boudoi29 )
Voilà donc le séjour qui était réservé à la digne épouse d’un homme de bien !
Si c’est là le prix de la vertu sur la terre, qu’on ne s’étonne donc plus de mon mépris pour la vie, et de la résolution avec laquelle je saurai affronter la mort.
Jamais elle ne m’avait paru redoutable, mais aujourd’hui je lui trouve des charmes ; je l’aurais embrassée avec transport, si cette jeune fille (sa fille) ne m’invitait à ne point l’abandonner encore, si ma disparition volontaire ne prêtait des armes à la calomnie contre un mari, dont je soutiendrais la gloire si l’on osait me traduire devant un tribunal.
Madame de Chimay :
Quand je disais conne , c'était dans le sens où elle a eu le choix pour pouvoir s'échapper et penser un peu à sa famille avant de penser à ses idées.
C'est beau de penser à ses idées . C'est même courageux . Mais et sa famille, dans tout cela ?
Je n'ai jamais douté de l'amour que Roland portait à son épouse . Comme tous les hommes, il appréciait le côté bonbonne mais pas seulement. Il l'aimait et en était fou ! Il faut dire que c'était une très jolie femme !
Charlotte Corday a été pareille. Elle a pensé à ses idées avant de penser à sa famille.
C'est en ce sens que ce sont des idéalistes au lieu d'être des femmes pratiques.
Je ne sais pas moi , mais quand vous avez une menace sérieuse sur votre vie, ce sont d'abord vos proches qui comptent , non ? Vous devez vous préserver pour eux, non ?
Mme de Sabran :
Charlotte n'est pas vous et moi, chère Princesse, et son époque apocalyptique n'est pas la nôtre, quand même plus peinarde, où Brassens peut chanter à juste raison :
Mourir pour des idées, l´idée est excellente
Moi j´ai failli mourir de ne l´avoir pas eu
Car tous ceux qui l´avaient, multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois
Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente,
D´accord, mais de mort lente
Jugeant qu´il n´y a pas péril en la demeure
Allons vers l´autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l´allure, il arrive qu´on meure
Pour des idées n´ayant plus cours le lendemain
Or, s´il est une chose amère, désolante
En rendant l´âme à Dieu c´est bien de constater
Qu´on a fait fausse route, qu´on s´est trompé d´idée
Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente
D´accord, mais de mort lente
Les saint jean bouche d´or qui prêchent le martyre
Le plus souvent, d´ailleurs, s´attardent ici-bas
Mourir pour des idées, c´est le cas de le dire
C´est leur raison de vivre, ils ne s´en privent pas
Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J´en conclus qu´ils doivent se dire, en aparté
"Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente
D´accord, mais de mort lente"
Des idées réclamant le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose aux victimes novices
Mourir pour des idées, c´est bien beau mais lesquelles?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau
Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente
D´accord, mais de mort lente
Encor s´il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu´enfin tout changeât, qu´enfin tout s´arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre on y serait déjà
Mais l´âge d´or sans cesse est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n´en ont jamais assez
Et c´est la mort, la mort toujours recommencée
Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente
D´accord, mais de mort lente
O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici bas
Car, enfin, la Camarde est assez vigilante
Elle n´a pas besoin qu´on lui tienne la faux
Plus de danse macabre autour des échafauds!
Mourons pour des idées, d´accord, mais de mort lente
D´accord, mais de mort lente ...
Pardonnez-moi de toujours citer Brassens, mais ce gars-là était positivement génial !
Dommage qu'il soit tellement dédaigné dans le jeune public ....
Enfin, là n'est pas notre propos et nous ne sommes pas dans le sujet de la musique .
Passons .
Madame de Chimay a écrit:
Je n'ai jamais douté de l'amour que Roland portait à son épouse . Comme tous les hommes, il appréciait le côté bonbonne mais pas seulement. Il l'aimait et en était fou ! Il faut dire que c'était une très jolie femme !
Mais pas seulement ! Comme si le côté bobonne pouvait être séduisant ! boudoi29 Allons ..... il est tue-l'amour au contraire . Rien de plus suant qu'une bobonne vertueuse, obéissante, soumise, se réclamant de ce titre de bobonne pour toute gloire !
Quel homme peut aimer cela ???!!!
.... une jolie femme, c'est facile d'être une jolie femme, cela ne fait pas de vous une femme d'exception qui laissera son nom inscrit en lettres de feu dans l'Histoire de France!
Car l'Histoire marche, construisant ou dévorant tout sur son passage, menée ou infléchie par des hommes mais aussi des femmes, oui, oui !
Elles ont quelque chose dans le ventre; elles pensent; elles agissent . Quand elles ont des idées, c'est vrai, le reste passe après . Elles y sacrifient leur propre vies .
C'est affaire de caractère et de circonstances ! Il faut bien qu'il y ait eu des femmes de cette trempe au cours des siècles pour transcender notre sexe, des artistes ou des scientifiques ( qui, elles aussi, négligent le reste ..... ) .
Manon Roland est d'après Louis Madelin la femme qui, plus que la plupart des hommes de sa génération, influencé le destin de 1791 à 1793 .
Lamartine dira d'elle: Derrière toute grande œuvre, il y a toujours une femme.
Brissot, Pétion, Clavière, Lanthenas ( ce cas d'espèce ! ), ou le brave Bancal des Issarts ( qui sera échangé, ainsi que Drouet, contre Madame Royale ) ( éperdument amoureux de Manon, cestuy-là ! ) seront ses premiers commensaux et admirateurs .
Manon devient une égérie de la Révolution . Elle discute sur un pied de totale égalité avec tous ces hommes qui façonnent l'avenir .
Robespierre ne fréquentera pas son salon .
Quant à Buzot ... ah ! Buzot ......
Quand Roland, après avoir été viré du ministère, revient aux affaires, c'est bien grâce à l'influence de Manon, à ses relations haut placées .
Madame de Chimay :
Le peu d'intérêt que Madame Roland accorde aux choses de l'amour provient du fait qu'elle a été l'objet d'une tentative de viol par un apprenti de son père ( apprenti âgé de 15 ans !!! ). Cela n'a pu que la bloquer !
Tous les hommes qu’elle rencontrait étaient jugés au son de leur voix. D’Alembert avait un filet grêle, l’abbé de Beauregard , prédicateur à la mode un ton puissant ; le petit Barnave n’émettait que de petits sons , Cazalès était un vulgaire aboyeur , quant à Robespierre , elle lui donnait zéro : voix triviale, mauvaises expressions , manières vicieuses de prononcer , débit fort ennuyeux. De toute manière , il n’existait pas de voix parfaite , et même Mirabeau pouvait être discordant. Seul le comédien La Rive atteignait parfois l’idéal , mais elle n’allait pas souvent au théâtre.
Si l’on en croit Halem , philosophe allemand qui visita la France en 1790 , La Rive, comédien célèbre à l’époque , ne brillait pas par la sobriété des moyens : « Voir La Rive jouer dans le Cid est une vive jouissance et dans l’œuvre dont l’esprit chevaleresque tend si fortement les ressorts , on trouve les contorsions de l’acteur et ses roulements d’yeux moins exagérés . »
Paris en 1790 , Voyage de Halem, A Chuquet, 1896.
Et Danton ? Elle ne dit rien sur sa voix ? Il faudra que je regarde ses Mémoires ...
La nuit, la neige :
Sur sa voix précisément, je ne sais plus.
En revanche, elle ne l’épargne pas dans le long portrait qu’elle fait de lui. Un massacre !
Je vous copierai quelques passages, à l'occasion.
Madame de Chimay :
Oui, oui, n'hésitez pas !
La nuit, la neige :
Bon ! C’est bien parce que c’est vous...car c’est très long !
Elle l’accuse de tous les maux (normal !), pour ce qui concerne les massacres de septembre.
C’est elle qui souligne la fameuse phrase qu’il aurait prononcé : je me fous bien des prisonniers !
C’est elle aussi qui accuse son Omar (son acolyte Fabre d’Eglantine), comme elle l’appelle, d’avoir fait voler les diamants de la couronne.
Vendu, pourri, manipulateur ! Elle ne l’épargne pas...
Bref, quelques passages clés, qui donneront le ton général... :
Voyez-vous ce demi-Hercule dont les formes grossières sont plus rudes que prononcées : son amplitude annonce sa voracité ; l’audace sur le front, le rire de la débauche sur les lèvres, il adoucit vainement son oeil hardi cavé sous des sourcils mobiles.
La férocité de son visage dénonce celle de son coeur ; il emprunte inutilement de Bacchus une apparente bonhomie et la jovialité des festins, mais l’emportement de ses discours, la violence de ses gestes, la brutalité de ses jugements le trahissent.
Donnez-lui un poignard ; qu’il marche à la tête d’une horde d’assassins moins cruels que lui, auxquels il désigne ses victimes et dont il encourage les forfaits ; ou bien, gorgé d’or et de vin, laissez-lui faire le geste de Sardanapale : voilà Danton !
Danton jouit de ses crimes. Après avoir successivement atteint les divers degrés d’influence et persécuté, fait proscrire la probité qui lui déclarait la guerre, le mérite dont il redoutait l’ascendant, il règne.
Sa voix donne à l’Assemblée l’impulsion, son intrigue entretient le peuple en mouvement, et son génie gouverne le comité dit de Salut public, dans lequel réside toute la puissance du gouvernement.
Aussi la désorganisation est partout, les hommes sanguinaires dominent, la plus cruelle tyrannie accable les Parisiens, et la France déchirée, avilie sous un tel maître, ne peut plus changer que d’oppresseurs. Voilà Danton !
Que les lâches ont la vue courte ! Ils ne s’aperçoivent pas que c’est la faiblesse des poltrons qui fait toute la force des audacieux ! (Et pan ! )
Je sens sa main river les fers qui m’enchaînent, comme j’ai reconnu son inspiration dans les premières sorties de Marat contre moi.
Il a besoin de perdre ceux qui le connaissent et ne lui ressemblent pas.
Si (bla, bla, bla) j’aurais pris Danton au commencement de 1789, misérable avocat, chargé de dettes plus que de causes (j’adore ! ), et dont la femme disait que, sans le secours d’un louis par semaine qu’elle recevait de son père, elle ne pourrait soutenir son ménage ; je l’aurais montré, naissant à la section qu’on appelait alors un district, s’y faisant remarquer par la force de ses poumons ; grand sectateur des Orléans, acquérant une sorte d’aisance dans le cours de cette année, sans qu’on vît du travail qui dût la procurer, et une petite célébrité que Lafayette voulait punir, mais dont il sut se prévaloir avec son art, en se faisant protéger par la section qu’il avait rendue turbulente.
Suite et fin du long portrait, dont je n’ai donné précédemment que des extraits :
(...) il s’attache par des libéralités ou protège de son crédit ces hommes avides et misérables que stimulent le besoin et les vices ; il désigne les gens redoutables dont il faudra opérer la perte, il gage les écrivains ou inspire les énergumènes qu’il destine à les poursuivre, il renchérit sur les inventions révolutionnaires des patriotes aveugles ou des adroits fripons ; il combine, arrête, et fait exécuter des plans capables de frapper de terreur, d’anéantir beaucoup d’obstacles, de recueillir beaucoup d’argent, et d’égarer l’opinion sur toutes ces choses.
Il forme le corps électoral par ses intrigues, le domine ouvertement par ses agents, et nomme la députation de Paris à la Convention dans laquelle il passe.
Il va dans la Belgique augmenter ses richesses, il ose avouer une fortune de quatorze cent mille livres, afficher le luxe en prêchant le sans-culottisme, et dormir sur des monceaux de cadavres : ses victimes.
Madame de Chimay :
Je lirais à tête reposée plus tard.
Madame Roland était une force de la nature.
L'un des grands zéros de la France oublié , c'est VADIER ! IL a une GRANDE PART DE RESPONSABILITE DANS LE DECLENCHEMENT DE LA TERREUR.
Je n'aime pas Robespierre mais ce n'est pas une raison pour tout lui coller sur le dos !
La nuit, la neige :
Mme de Sabran a écrit:
Quelle sagacité ! Voilà ( presque ) toute la Révolution résumée .
N’est-cas pas ?
Elle écrit très bien, et a le sens de la formule.
Mémoires décousus, mais plutôt agréables à lire.
Madame de Chimay a écrit:
Madame Roland dans ses Mémoires ne dit rien sur les autres révolutionnaires ?
Oh, oui ! Bien sûr !
Des pages et des pages...
Elle écrit notamment pour ça : justifier les actions des uns, descendre celles des autres.
Madame de Chimay a écrit:
Et que dit-elle sur le timbre de voix de la reine et du roi ?
Ah ! J’avoue que ça, je ne m’en souviens plus du tout.
Si je trouve le temps, je vous cherche ça.
Mais enfin, je vous préviens, elle n’est pas tendre...surtout avec Louis XVI !
La nuit, la neige :
Comme convenu, je vous copie ici quelques extraits choisis du portrait de Louis XVI par Mme Roland.
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce prince n’était pas précisément tel qu’on s’était attaché à le peindre pour l’avilir ; ce n’était ni l’imbécile abruti qu’on exposait au mépris du peuple, ni l’honnête homme bon et sensible que préconisaient ses amis.
La nature en avait fait un être commun qui aurait été bien placé dans un état obscur, que déprava l’éducation du trône, et que perdit sa médiocrité dans un temps difficile, où son salut ne pouvait être opéré qu’à l’aide du génie ou de la vertu.
Un homme ordinaire, élevé près du trône, enseigné dès l’enfance à dissimuler, acquiert beaucoup d’avantages pour traiter avec les hommes ; l’art de montrer à chacun ce qu’il convient seulement de lui laisser voir n’est pour lui qu’une habitude dont l’exercice lui donne l’apparence de l’habileté : il faudrait être idiot pour paraître un sot en pareille situation.
Louis XVI avait d’ailleurs une grande mémoire et beaucoup d’activité ; il ne demeurait jamais sans rien faire et lisait souvent.
Il avait très présents à l’esprit les divers traités faits par la France avec les puissances voisines ; il savait bien son histoire, et il était le meilleur géographe de son royaume.
La connaissance des noms, leur juste application aux visages des personnes de sa cour à qui ils appartenaient, celle des anecdotes qui leur étaient particulières, avaient été étendues par lui à tous les individus qui s’étaient montrés de quelque manière dans la Révolution.
On ne pouvait lui présenter un sujet pour quoi que ce fût, qu’il n’eût un avis sur son compte, fondé sur quelques faits.
Mais Louis XVI, sans élévation d’âme, sans hardiesse dans l’esprit, sans force dans le caractère, avait encore eu ses vues resserrées, ses sentiments faussés, par les préjugés religieux et par les principes jésuitiques.
(...)
Louis XVI avait peur de l’enfer et de l’excommunication ; il était impossible de n’être point avec cela un pauvre roi.
S’il était né deux siècles plus tôt, et qu’il eût eu une femme raisonnable (oups ! ), il n’aurait pas fait plus de bruit dans le monde que tant d’autres princes de sa race, qui ont passé sur la scène sans y faire beaucoup de bien, ni de mal.
Parvenu au trône au milieu des débordements de la cour de Louis XV et du désordres des finances, environné de gens corrompus ; entraîné par une étourderie joignant à l’insolence autrichienne la présomption de la jeunesse et de la grandeur, l’ivresse des sens et l’insouciance de la légèreté ; séduite elle-même par tous les vices d’une cour asiatique ( ) auxquels l’avait trop bien préparé l’exemple de sa mère (Oups ! Oups !), Louis XVI, trop faible pour tenir les rênes d’un gouvernement qui se précipitait vers sa ruine et tombait en dissolution, hâta leur ruine commune par des fautes sans nombre.
(...)
Toujours flottant entre la crainte d’irriter ses sujets, la volonté de les contenir, et dans l’incapacité de les gouverner, il convoqua les Etats Généraux au lieu de réformer les dépenses et de régler sa cour.
Après avoir développé lui même le germe et offert les moyens des innovations, il prétendit les étouffer par l’affectation d’une puissance à laquelle il avait fourni un corps à opposer, et il ne fit qu’instruire à la résistance.
Il ne lui restait plus qu’à sacrifier de bonne grâce une portion de son autorité pour se conserver, dans l’autre, la faculté de la reprendre toute entière ; faute de savoir le faire, il ne se prêta qu’à de misérables intrigailleries (sic), seul genre familier aux personnes qu’il sut choisir, ou que sa femme protégeait (Oups ! Oups ! Oups !).
Il avait cependant ménagé dans la Constitution des moyens suffisants de pouvoir et de bonheur, s’il eût la sagesse de s’y borner ; de façon qu’au défaut de l’esprit qui l’avait mis hors d’état d’empêcher son établissement, la bonne foi pouvait le sauver qu’il eût voulu sincèrement la faire exécuter après son acceptation.
Mais toujours protestant d’une part le maintien de ce qu’il faisait saper de l’autre, sa marche oblique et sa conduite fausse excitèrent d’abord la défiance et finirent par allumer l’indignation.
Mme de Sabran :
Merci, cher ami, de la peine que tu t'es donnée pour nous taper tout ce long extrait des Mémoires de Mme Roland .
Le pire c'est que, dans les grandes lignes, on ne peut qu'être assez d'accord avec ce portrait sans indulgence . Louis XVI n'était pas à la hauteur de la situation.
Marie-Antoinette et ses entours ( glups !!! ) n'ont rien compris à l'urgence d'accepter sans barguigner la Constitution . C'eût été sauver peut-être ce qui pouvait encore l'être, des bribes de pouvoir et le trône, amoindri certes mais bon ... leurs vies, enfin ...
Manon est quand même un peu vache de dénier au pauvre Louis XVI une certaine élévation d'âme . Il en avait sans doute, en bon catholique qu'il était . Elle n'était pas feinte . Il n'avait même peut-être que cela, avec quoi il fit un bon martyr . Piètre consolation !
Marie-Thérèse est égratignée au passage, l'allusion à sa Cour asiatique ne manque pas de piquant ! Asiatique, Vienne !
Mouais ! Voilà un triste constat qui reflète l'opinion générale de l'époque et généralement admise de nos jours encore .
la nuit, la neige a écrit:
Il avait cependant ménagé dans la Constitution des moyens suffisants de pouvoir et de bonheur, s’il eût la sagesse de s’y borner ; de façon qu’au défaut de l’esprit qui l’avait mis hors d’état d’empêcher son établissement, la bonne foi pouvait le sauver qu’il eût voulu sincèrement la faire exécuter après son acceptation.
Mais toujours protestant d’une part le maintien de ce qu’il faisait saper de l’autre, sa marche oblique et sa conduite fausse excitèrent d’abord la défiance et finirent par allumer l’indignation.
Comment le nier ???!!!
.
La nuit, la neige :
C’est un peu ce que je pense, parce que je n’aime guère le Loulou de ces dames ici ( boudoi32 ), mais enfin c’est plus compliqué, après tout.
Parce qu’il ne s’agit pas de LA situation, mais DES situations qui se sont succédé, ou enchevêtrées, parfois avec causalité, mais également avec des accélérations aussi fulgurantes qu’imprévisibles.
Alors, qui aurait pu être l’homme de la situation ? L’on voit bien que la révolution a dévoré ses têtes d’affiche successives, et que nul n’a tenu la barre sans la lâcher, ou sans en être vraiment tout à fait maître.
Je rebondis d'ailleurs avec cet autre propos de Mme Roland, qui en fait elle aussi l’amer constat ( mais de manière bien plus tranchée que ce que je pense toutefois ).
Elle le fait à l’occasion d’une bonne claque qu’elle donne à Necker :
Necker qui faisait toujours du pathos en politique comme dans son style, homme médiocre dont on eut bonne opinion parce qu’il en avait une très grande de lui-même qu’il annonçait hautement ( ), mais sans prévoyance des évènements, espèce de financier renforcé, qui ne savait calculer que le contenu de sa bourse, et parlait à tout propos de son caractère comme les femmes galantes parlent de leur chasteté ( ), Necker était un mauvais pilote dans la tourmente qui se préparait.
La France était comme épuisée d’hommes ; c’est une chose vraiment surprenante que leur disette dans cette Révolution, où il n’y a guère eu que des pygmées !
Mme de Sabran a écrit:
Comment le nier ???!!!
Hum...c’est à dire qu’en face, à côté, devant, derrière, nombreux étaient ceux à tendre la jambe, voire à le pousser, pour qu’il se prenne fatalement les pieds, et chute.
Tout de même...
Aussi, tu sais bien que je suis de ceux qui pensent que, de toutes les manières et au sujet de quelques points majeurs, les dès étaient presque jetés avant que la partie ne commence vraiment...
Madame de Chimay :
Oh que j'ai envie de retrouver les Mémoires de Madame Roland ! C'est très intéressant ce qu'elle dit !
La nuit, la neige :
Elle est brillante, c’est sûr.
Mais enfin, on ressent très bien toute l’amertume, la rage, le désespoir qu’elle couche sur le papier.
Elle fait feu de tout bois, et l’on se demande parfois qui trouve grâce à ses yeux.
A peine, à peine, son mari ! Qu’elle défend pourtant tant bien que mal...
Elle se juge comme la victime d’un tourbillon fatal, injustement coincée au milieu d’une mêlée d’hommes, de scélérats, ou d’abrutis.
Et elle serre le poing, cela se lit nettement.
Enfin, on peut la comprendre quand on sait dans quelles conditions elle écrit ces sortes de Mémoires : elle est au pied de l'échafaud, nul n’écoutera ses plaintes et sa défense, et non pas tranquillement installée à côté d’un bon feu de cheminée, des années après les faits.
Mme de Sabran :
Nous avons certainement fait une grosse perte en la personne de Mirabeau ... Peut-être, lui, aurait-il pu être l'homme de la situation, dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle, ce qui était le voeu de la nation avant que tout ne dégénère . Je ne sais pas . Je lui accorde peut-être trop de crédit ? Il n'était pas un enfant de choeur, un ambitieux c'est certain, mais quelle tête politique, et quelle extraordinaire autorité !!!
Comme il est passé les pieds outre avant de faire ses preuves, je garde mes illusions .
la nuit, la neige a écrit:
Je rebondis d'ailleurs avec cet autre propos de Mme Roland, qui en fait elle aussi l’amer constat ( mais de manière bien plus tranchée que ce que je pense toutefois ).
Elle le fait à l’occasion d’une bonne claque qu’elle donne à Necker :
Necker qui faisait toujours du pathos en politique comme dans son style, homme médiocre dont on eut bonne opinion parce qu’il en avait une très grande de lui-même qu’il annonçait hautement ( ), mais sans prévoyance des évènements, espèce de financier renforcé, qui ne savait calculer que le contenu de sa bourse, et parlait à tout propos de son caractère comme les femmes galantes parlent de leur chasteté ( ), Necker était un mauvais pilote dans la tourmente qui se préparait.
La France était comme épuisée d’hommes ; c’est une chose vraiment surprenante que leur disette dans cette Révolution, où il n’y a guère eu que des pygmées !
Il me scotche, ce passage ! Il sonne tellement moderne : Necker fait du pathos ... et puis Il n'y eut guère que des pygmées ... et la chasteté des femmes galantes
Roland ne devait pas avoir souvent le dernier mot avec sa femme. Elle avait le verbe qui tue !
Plutôt qu'une ribambelle de pygmées, il y a surtout eu succession de guerres des chefs qui se sont entretués sans merci . Mais on peut difficilement comparer à des pygmées toutes ces grandes figures de la Révolution.
Là, Manon charrie légèrement . Enfin, je trouve .
Tu te rappelles notre dernière conversation . Cette époque fourmillait au contraire de types hors du commun, ce que n'était pas Loulou, loin s'en faut .
La Révolution était trop cataclysmique pour ne pas tout détruire sur son passage, comme Sandy . Peut-être fallait-il faire table rase du passé pour repartir d'un bon pied ?
la nuit, la neige a écrit:
Mme de Sabran a écrit:
Comment le nier ???!!!
Hum...c’est à dire qu’en face, à côté, devant, derrière, nombreux étaient ceux à tendre la jambe, voire à le pousser, pour qu’il se prenne fatalement les pieds, et chute.
Tout de même...
Aussi, tu sais bien que je suis de ceux qui pensent que, de toutes les manières et au sujet de quelques points majeurs, les dès étaient presque jetés avant que la partie ne commence vraiment...
Pourtant, pourtant, pourtant !!! Si le roi avait été fiable !!! S'il avait été droit dans ses bottes, sincère dans son acceptation de la Constitution !!!
Cela aurait été tellement raisonnable de sa part .. une telle boucherie évitée ....
La nuit, la neige :
Ah ! Mirabeau ! C’est le seul qu’elle épargne un peu, et à qui elle accorde quelques mérites.
Mais elle l’a peu connu.
Au mois de février 91, Roland fut député extraordinairement par la commune de Lyon pour discuter ses intérêts auprès de l’Assemblée constituante.
Nous vînmes à Paris avec tout l’empressement qu’on peut imaginer.
J’avais suivi, dans les papiers publics, les opérations de l’Assemblée, les opinions de ses membres ; j’avais étudié le caractère et les talents de chacun ; je me hâtai d’aller voir ce que leur personne et leur débit devaient ajouter ou retrancher à mon jugement.
J’entendis, mais trop peu, l’étonnant Mirabeau. Le seul homme, dans la Révolution, dont le génie pût diriger des hommes et impulser une assemblée ; grand par ses facultés, petit par ses vices, mais toujours supérieur au vulgaire, et immanquablement son maître dès qu’il voulait prendre le soin de le commander.
Il mourut bientôt après ; je crus que c’était à propos pour sa gloire et la liberté ; mais les évènements m’ont appris à le regretter davantage : il fallait le contrepoids d’un homme de cette force pour s’opposer à l’action d’une foule de roquets (), et nous préserver de la domination des bandits.
Juste pour le plaisir d’un énième coup de griffes, celui à l’attention des frères Lameth.
Chaud devant, chaud...
Les séduisants Lameth ne me séduisirent point.
Ces jeunes tribuns cachaient leur médiocrité sous quelques phrases politiques volées à l’abbé Sieyès dans les comités qu’ils avaient, au commencement, tenus chez La Borde, à Versailles ; et ils sentaient encore l’écolier.
Mais je compris comment ils séduisaient un peuple ignorant, aussi sensible à la flatterie qu’un prince imbécile ; et, s’ils savaient peu de choses, il faut convenir qu’ils avaient l’art de le faire valoir.
Mme de Sabran :
Tu vois comme nous sommes bien d'accord, Manon et moi !
S'il y avait un homme de la situation, s'il n'y en avait qu'un seul, c'était bien Mirabeau ! En voilà un qui était très au-dessus du lot !
Vicq d'Azyr, qui pratiqua l'autopsie de Mirabeau, était persuadé de l'empoisonnement criminel . Et, puisque tu parles de ces trois frères Lameth, le bruit courut de leur culpabilité .
Les Lameth traversèrent la Révolution en gardant leurs têtes sur leurs épaules pour finir par lécher les bottes de Louis-Philippe, enfin Charles en tout cas ...
Il faut convenir qu’ils avaient l’art de le faire valoir ... Là encore, Mme Roland fait montre de perspicacité !
Madame de Chimay :
Il y avait une très grande différence de caractère entre les deux époux.
Voici ce que dit mon livre :
"...Elle ne s’en plaignait pas pourtant , c’était là la vie du réduit à deux. Plus pénible était l’autoritarisme de Roland . Il semble qu’elle n’ait acquis de l’influence sur lui que très lentement.
Roland ne s’entendait avec aucun de ses supérieurs et faillit même être révoqué en 1784.
Un seul témoin, à Montpellier certifie « son caractère très doux ». Tous les autres, au contraire, le trouvaient mauvais écrivain , mauvais politique, contradicteur perpétuel , faisant l’homme supérieur , prétentieux en tout genre .
Ce dont Roland manquait, c’est de légèreté . Et comme tous les hommes trop sérieux , il se laissait aller à la parcimonie : « Econome jusqu’à se moucher des doigts de peur d’user son mouchoir dont il ne se sert que pour essuyer ce qui y reste encore attaché quand encore il les a secoués plusieurs fois ». Cette peinture caricaturale surgie sous la plume du méchant Bruyard sans doute exaspéré de la pingrerie de son compagnon correspond à de nombreux détails de la correspondance. La jeune femme eut d’autant plus à souffrir de ce travers qu’elle était elle-même très généreuse.
La bonté est certainement l’un des traits dominants du caractère de Madame Roland , « la source unique de mes erreurs « disait-elle . Bonté naturelle et bonté systématique. Elle eut toujours depuis sa jeunesse , des protégés sur qui elle répandait ses bienfaits , sa bonne , Mignonne , par exemple , qu’elle soigna avec un dévouement que même ses proches ne comprenaient pas.
Cette bienfaisance ne se ralentit à aucun moment de sa vie. Au Clos, elle soignait elle-même ses fermiers au lieu de les envoyer à l’hôpital comme c’était l’usage.
« Ma femme est l’apothicaire du canton « disait Roland qui la trouvait souvent trop prodigue. Plus tard, épouse du ministre de l’intérieur , elle consacrait d’importantes sommes à des œuvres de charité. Aucune détresse ne la laissait insensible. On lui signala , après le 10 août , le cas d’un vieux ménage d’aristocrates tombé dans la misère. « Croyez-vous , dit-elle à Gosse , que je puisse supporter l’état affreux de ces malheureux ? Non, j’aime mieux me passer de tout. «
Le bien pour elle était la rançon du bonheur. Cette bonté est le principal souvenir qu’elle a laissé à ses descendants. Comme je demandais à Madame Paul Fiérens , son arrière petite fille , quelle tradition orale lui avait été transmise dans son enfance à propos de Madame Roland , elle me répondit qu’on lui avait d’abord parlé du bien qu’elle faisait autour d’elle au Clos.
Cette vie austère , Roland la saupoudrait encore de son humeur. Même s’il aimait la plaisanterie , il n’avait aucune gaieté et souffrait de crises. Comme tous les anxieux, il se préoccupait beaucoup de sa santé , de celle de sa femme ."
Madame de Chimay :
Son père, le seigneur de la Platière , était conseiller du roi au baillage du Beaujolais . Sa mère Beysse de Montozan était apparentée aux Choiseul.
Roland disait de Manon : « Elle a des connaissances , des talents et surtout beaucoup d’ âme . "
La garde-robe de Madame Roland était très réduite, si l’on en juge par l’inventaire de 1777, au moment de la liquidation de la Communauté Phlipon. Elle avait peu de bijoux.
Le mariage eut lieu le 4 février 1780 à l’église St Barthélémy dans la Cité, où ses parents s’étaient eux-mêmes mariés en juin 1750. Le chanoine Pierre Bimont , oncle maternel de Manon , officiait. L’assistance était peu nombreuse , composée exclusivement des témoins , le frère de Roland et le jeune Cannet de Sélincourt , ce qui étonne puisque puisque sa sœur Henriette avait été fiançée au marié. Il n’y eut aucune réception et pour tout voyage de noces on alla à Vincennes chez l’abbé Bimont, curé de la Sainte Chapelle.
Puis les mariés s’installèrent faute de mieux , chez le monstrueux et indéfinissable Phlipon .
Il devait mourir en 1789 , non sans leur avoir causé encore quelques soucis. Car ils durent à plusieurs reprises payer ses dettes. Il n’était pas encore complètement démuni puisque à sa mort , Mme Roland hérité de lui une somme de 14 349 livres 17 sols.
Mais ledit sieur Roland avait un drôle de caractère .
Roland ne s’entendait avec aucun de ses supérieurs et faillit même être révoqué en 1784.
Un seul témoin, à Montpellier certifie « son caractère très doux ». Tous les autres, au contraire, le trouvaient mauvais écrivain , mauvais politique, contradicteur perpétuel , faisant l’homme supérieur , prétentieux en tout genre .
Ce dont Roland manquait, c’est de légèreté . Et comme tous les hommes trop sérieux , il se laissait aller à la parcimonie : « Econome jusqu’à se moucher des doigts de peur d’user son mouchoir dont il ne se sert que pour essuyer ce qui y reste encore attaché quand encore il les a secoués plusieurs fois ». Cette peinture caricaturale surgie sous la plume du méchant Bruyard sans doute exaspéré de la pingrerie de son compagnon correspond à de nombreux détails de la correspondance. La jeune femme eut d’autant plus à souffrir de ce travers qu’elle était elle-même très généreuse.
La bonté est certainement l’un des traits dominants du caractère de Madame Roland , « la source unique de mes erreurs « disait-elle . Bonté naturelle et bonté systématique. Elle eut toujours depuis sa jeunesse , des protégés sur qui elle répandait ses bienfaits , sa bonne , Mignonne , par exemple , qu’elle soigna avec un dévouement que même ses proches ne comprenaient pas.
Cette bienfaisance ne se ralentit à aucun moment de sa vie. Au Clos, elle soignait elle-même ses fermiers au lieu de les envoyer à l’hôpital comme c’était l’usage.
« Ma femme est l’apothicaire du canton « disait Roland qui la trouvait souvent trop prodigue. Plus tard, épouse du ministre de l’intérieur , elle consacrait d’importantes sommes à des œuvres de charité. Aucune détresse ne la laissait insensible. On lui signala , après le 10 août , le cas d’un vieux ménage d’aristocrates tombé dans la misère. « Croyez-vous , dit-elle à Gosse , que je puisse supporter l’état affreux de ces malheureux ? Non, j’aime mieux me passer de tout. «
Cette vie austère , Roland la saupoudrait encore de son humeur. Même s’il aimait la plaisanterie , il n’avait aucune gaieté et souffrait de crises. Comme tous les anxieux, il se préoccupait beaucoup de sa santé , de celle de sa femme .
Le livre de Françoise Kermina est beaucoup trop détaillé. Je me noie sous les détails.
A un moment donné , elle dit dans son livre que le couple a fait ménage à trois.
Oh, ce n'est pas ce que l'on croit ! Cet ami respectait trop le couple pour cela . N'empêche qu'il a vécu à leurs côtés pendant plusieurs années, partageant le gîte et le couvert.
J'espérais une synthèse . Pour le coup, je suis plutôt déçue. De toute façon, je n'ai pas fini le livre mais il faut que je le rende.
Je crois plutôt que la synthèse, je la trouverais dans le livre de Cornut-Gentile.
Pour toi, cher Majesté !
.......................................... FIN DE CE BOUTURAGE !
.........................
.
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Manon Roland
Merci Éléonore ... j'aime toujours à me souvenir de ces échanges d'antan ! :n,,;::::!!!:
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Manon Roland
Le post le plus long de l'histoire du Forum ! :
Merci d'avoir recopié ici nos anciens échanges !
Nous avions bien bossé sur ce sujet-ci. :\\\\\\\\:
Et cette chère princesse de Chimay qui trouve que Mme Roland a été...conne ! :
Merci d'avoir recopié ici nos anciens échanges !
Nous avions bien bossé sur ce sujet-ci. :\\\\\\\\:
Et cette chère princesse de Chimay qui trouve que Mme Roland a été...conne ! :
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Manon Roland
Madame de Chimay a écrit:La nuit, la neige a écrit:
Et cette chère princesse de Chimay qui trouve que Mme Roland a été...conne ! :
Mon dieu, que je suis confuse ...
C'est vrai qu'il m'arrivait de me lâcher ! :
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Manon Roland
;
Dans la rubrique Les histoires à dormir debout de la marquise de Créquy, apprenez que cette grande dame avait fait la connaissance de Manon Roland bien avant que de se retrouver dans la même prison qu'elle, pendant la Terreur.
Une certaine Fanchon Rotisset s'allia convenablement avec un ouvrier bijoutier nommé Filippon (on disait Flipon dans l'usage habituel de la famille) ; et je vous dirai, pour n'y rien omettre, que Mlle Flipon, née Rotisset, avait une sœur germaine, fille de garde-robe chez Mme de Boismorel, qui était une richarde du Marais. Elle avait en outre un frère utérin, nommé Bernard qui était au service de M. Haudry, le fermier-général, en qualité de chef d'office, et c'était la fleur des pois, celui-ci ! Il me semble qu'ils avaient encore un neveu consaguin, croisé du Rotisset et du Flipon, qui devait être garçon de cuisine ou cuisinier chez M. Toynard de Jouy (père de Mme d'Esparbès), mais je n'oserais vous en répondre en sûreté de conscience.
En voyant que je vous déroule cette généalogie comme la chaîne d'un tourne-broche, vous allez peut-être imaginer que je suis devenue folle ( notre opinion était faite depuis belle lurette, chère Madame ! : ) ; mais patientez encore un instant, mon Prince, et vous allez voir à propos de quoi je vous ai tracé la filiation des Rotisset et des Flipon ?
Pour éclaircir mon préambule, je vous dirai d'abord que M. Dupont, mon valet de chambre-secrétaire, (qui vous écrit ceci sous ma dictée et qui a beaucoup de peine à s'empêcher de rire), avait toujours ainsi que Mlle Dupont sa tendre épouse (il n'y saurait tenir à ce qu'il paraît ?) quelque chose à me dire à l'honneur et à la gloire de Manon Flipon, qui était la fille du bijoutier, et qui, suivant leur témoignage, était une merveille de la nature ! Je me souviens qu'il avait été question d'un mariage pour elle avec le boucher qui fournissait l'hôtel de Créquy, lequel avait imaginé de m'écrire à cette occasion-là (c'est le boucher, bien entendu). Les Dupont se jetèrent à la traverse pour m'en donner une explication satisfaisante et respectueuse ; mais je leur signifiai qu'ils eussent à me laisser tranquille avec leur aimable nièce, et que je ne voulais plus entendre reparler de Manon Flipon.
Un an, deux ans se passent, et les Dupont ne sauraient y résister ! il faut absolument qu'ils me parlent du mariage de leur nièce, en me demandant si je n'aurai pas la bonté de signer au contrat : ce que j'acceptai sans la moindre hésitation, parce que c'était l'habitude de MM. de Créquy à l'égard de leurs domestiques et des parents de leurs domestiques qui n'étaient pas gens de livrée.
Il y eut un malentendu pour le jour et l'heure où je devais donner ma signature ; j'étais à Versailles, ou je ne sais pas quoi. On voulut bien se contenter de faire signer ledit contrat par Madame votre mère et par mon fils, et je n'y songeais plus du tout, lorsque Dupont vint me supplier d'accorder une audience à Mme Roland de la Plattière.
— Qu'est-ce que c'est ? et qu'est-ce qu'elle me veut ?
— Mais, Madame, c'est Manon Flipon qui a épousé un monsieur du Bureau du Commerce de Lyon ; une place superbe avec quatre bonnes mille livres de rente en fermes, et une maison de campagne dans le Forez. Comme Madame n'a pas signé leur contrat, ma nièce a pensé que Madame aurait peut-être la bonté.... — Vous pouvez lui dire de venir ; je la verrai.
Mme Roland de la Plattière était la plus belle personne du monde. Elle était bien tournée, bien faite et bien mise, avec une élégance modeste. Son visage éblouissait de fraîcheur et d'éclat, comme un bouquet de lys et de roses (je vous demande pardon pour cette comparaison qui est surannée, mais c'est que je ne sais rien pour la remplacer ; et du reste, celui qui a dit pour la première fois qu'il n'y a pas de roses sans épines, avait dit une chose charmante !) Son visage était admirablement régulier pour les traits et pour son contour du plus bel ovale. Elle avait des yeux ! quels beaux yeux bleus ! sous des sourcils et de longs cils noirs, avec une forêt de cheveux bruns. L'amabilité de la physionomie ne répondait pas toujours à cette régularité charmante ; il y avait parfois dans les mouvements de la bouche et des sourcils quelque chose de mécontent, de malveillant et même de sinistre... Lorsque j'eus signé le contrat qu'elle m'apportait et que je vis qu'elle ne s'en allait pas, je devinai qu'elle avait envie de me dire autre chose et je la voulus faire asseoir ; mais comme elle aurait été mortifiée de me voir sonner Dupont (son oncle) pour lui avancer un siège, je me levai pour me diriger du côté des fauteuils, en lui disant : — Asseyez-vous donc, mon enfant.
— Voilà cette belle jeune femme qui conçoit la délicatesse de mon intention, qui me regarde avec des yeux attendris, et qui me dit avec un accent énergique et passionné : — Vous êtes bonne, Madame ! vous êtes véritablement bonne et généreuse ! et, ce disant, elle fait un saut de gazelle à l'autre bout de la chambre, afin de saisir un tabouret qu'elle apporte en deux enjambées et qu'elle établit en face de mon canapé.
Ce qu'elle avait à me demander, c'était de faire obtenir des lettres de noblesse à mon mari qui possédait en roture un petit fief noble, appelé la Plattière, lequel relevait de la châtellerie de Beaujeu, et se trouvait dominé par M. le duc d'Orléans en sa qualité de comte de Beaujolais.
Tous les bourgeois de Lyon avaient la fureur de l'anoblissement, et Mme Roland m'en cita pour exemple celui d'une belle Mme de la Verpillière qui avait trouvé moyen de faire de son mari un gentilhomme de trois races, au lieu d'un anobli au premier degré : elle avait arrangé son affaire d'anoblissement de manière à faire donner des lettres de noblesse au bisaïeul de son mari, lequel bisaïeul était âgé de 95 ans et en enfance, à ce que disait Mme Roland, et ce qui n'était pas hors de vraisemblance. Elle disait aussi que le père et le grand-père étaient morts depuis plusieurs années, ce qui lui faisait observer, avec assez de malice et de raison, que les deux générations nobles, intermédiaires entre l'Écuyer, premier anobli, et son arrière-petit-fils, le Chevalier, gentilhomme de trois races, ne subsisteraient jamais ; ce qui serait toujours d'une singularité surprenante. Du reste, elle ajouta que madame de la Verpillière faisait l'insolente, et sa manière de prononcer et d'accentuer ce dernier mot lui donna tellement la figure d'une Euménide, que je crus lui voir pousser, non pas des cornes au front, comme disait votre grand'mère de Sévigné, mais des cheveux de serpents !
Mme Roland voulut ensuite me faire entendre avec un certain air d'exigence et de jalousie concentrée, qu'il était possible que la famille de son mari fût descendue du maréchal de la Plattière, ce qui brouilla ses cartes et son enjeu sur mon tapis. Je lui répondis que le nom de famille de ce maréchal était de Bourdillon et non pas Roland ; et, quand elle vit que j'accueillais cette supposition chimérique avec un air de froideur impassible et peut-être un air de hauteur incrédule, elle en prit une physionomie de haine en révolte et d'orgueil blessé que je n'oublierai jamais ! Je l'éconduisis discrètement et même assez poliment, ce me semble ; mais je dis à son oncle Dupont que Mme de la Plattière se moquait du monde, que son mari était descendu de trop haut lieu pour avoir besoin d'être anobli, et qu'il n'avait qu'à déposer ses preuves au bureau de M. Chérin.
Je passai quelques années sans avoir à m'occuper du ménage Roland. M. de Breteuil, alors ministre de la maison du roi, me dit seulement qu'il était persécuté pour eux par un déluge de recommandations des Montazet, des Marnézia, des Gain de Linars et des autres comtes de Lyon ; car Mme Roland, qui ne manquait pas d'intrigue, avait trouvé moyen de faire manœuvrer en faveur de son mari l'archevêque de Lyon et tous ses chanoines de Saint-Jean. M. de Breteuil fit répondre que le meilleur moyen d'obtenir des lettres de noblesse pour leur protégé, c'était qu'il se fit agréger à la prévôté municipale de Lyon, afin d'y parvenir à l'échevinage, ainsi que MM. Tholosan, la Verpillière et tant d'autres ; mais il paraît que la haute bourgeoisie de cette grande ville ne voulut pas admettre le sieur de Plattière à la participation de ses privilèges, et inde iræ.
A l'occasion de notre odieuse et stupide affaire avec le citoyen Bourbon-Montmorency-Créquy, que j'étais accusée d'avoir fait déposséder, infibuler et saigner des quatre membres, je pris enfin mon parti d'en aller parler à son protecteur et son ami, le citoyen Roland, que je trouvai dans les dispositions les plus farouches et les plus hostiles contre nous. C'était un écueil inabordable, escarpé ; c'était un amas de scories aiguës et réfractaires ! on ne saurait dire que ce fût un homme de fer, car il n'en avait ni la solidité ni l'utilité ; c'était un homme de bois, mais de ces bois intraitables et si durement grossiers qu'ils font rebrousser le fer des haches.
Mme Roland survint dans le cabinet de cet étrange ministre, avertie qu'elle avait été par mon excellent Dupont, dont le respect et la fidélité pour moi ne se sont jamais démentis. La physionomie de cette femme avait une expression d'ironie triomphante et mal déguisée par quelques paroles de considération bienveillante auxquelles je ne voulus correspondre en aucune façon, ce que vous croirez facilement, car il est assez connu que je n'ai jamais su dissimuler et que je ne l'ai jamais voulu.
Mme Roland me parut encore assez belle, mais il me semble que ses manières et son langage étaient devenus très-ignobles et risiblement affectés. Elle disait, par exemple, avec un air de satisfaction prétentieuse : — A l'heureux, l'heureux, — dans le temps pour alors, — d'encore en encore et faite excuse ; — nous deux le ministre, et c'est embêtant, enfin cent autres locutions de la vulgarité la plus insipide ou de la trivialité la plus dégoûtante. Je me souviens notamment qu'elle parla d'un citoyen à qui l'on avait chipé sa carte de sûreté, et qu'elle me demanda si je connaissais leur ami Barbaroux, qui était beau à lui courir après. Jugez du ton qu'elle avait pris dans ses relations révolutionnaires et ses intimités girondines ; car, en vérité, ce n'est pas ce ton-là qu'elle avait quelques années auparavant, ou du moins elle avait eu la vanité bien placée de s'observer, de se contenir et de ne pas s'exprimer ainsi devant une personne de bon goût. — Voilà donc la femme d'un ministre de la république ? disais-je en moi-même. On descend toujours et l'on marche vite en révolution ! Pour le ton du monde et les traditions polies, il y avait aussi loin de Mme Roland à Mme Necker, que de Mme Necker à la duchesse de Choiseul ; imaginez ce que devait être la femme du ministre de la justice, la citoyenne Danton, à qui madame Roland paraissait une précieuse aristocratique et comme une sorte de princesse.
A leur manière de me parler de ce misérable aventurier, c'est-à-dire de mon dénonciateur, je vis tout aussitôt que je n'avais aucune justice à espérer de ces gens-là ; aussi je me contentai de leur dire, froidement et sèchement que, si la nation confisquait mes biens, ce ne pourrait jamais être au profit d'un imposteur aussi facile à démasquer que le citoyen Bourbon-Montmorency-Créquy, autrement dit Nicolas Bézuchet, leur protégé. Je ne leur adressai pas une parole qui pût avoir l'air d'une sollicitation ; mais cette fausse démarche ne me contraria pourtant pas autant qu'on devrait l'imaginer, car je les trouvai si ridiculement déraisonnables, que leur chute me parut infaillible, indubitable et nécessairement prochaine. Je me délectai malicieusement dans la contemplation de leur sotte arrogance, de leur infirmité, de leur insuffisance à gouverner un pays quelconque, et surtout un pays tel que la France ! Nous nous quittâmes avec l'air d'un mécontentement réciproque. — Je te salue, Citoyenne, me dit le ministre, avec une maussaderie pitoyable, et sans daigner seulement faire semblant de m'accompagner jusqu'à la porte de son cabinet que je fus obligée d'ouvrir toute seule. Sa femme avait évité de me tutoyer, mais elle n'aurait eu garde de compromettre sa dignité personnelle et la dignité de la république française en reconduisant une fanatique (c'était le principal grief contre moi). Elle se leva majestueusement pour me faire un geste de civilité romaine, avec une espèce de mouvement de la tête et des paupières, en guise de salut.
Quatre mois après, nous étions prisonnières ensemble à Sainte-Pélagie.
.
Dans la rubrique Les histoires à dormir debout de la marquise de Créquy, apprenez que cette grande dame avait fait la connaissance de Manon Roland bien avant que de se retrouver dans la même prison qu'elle, pendant la Terreur.
Une certaine Fanchon Rotisset s'allia convenablement avec un ouvrier bijoutier nommé Filippon (on disait Flipon dans l'usage habituel de la famille) ; et je vous dirai, pour n'y rien omettre, que Mlle Flipon, née Rotisset, avait une sœur germaine, fille de garde-robe chez Mme de Boismorel, qui était une richarde du Marais. Elle avait en outre un frère utérin, nommé Bernard qui était au service de M. Haudry, le fermier-général, en qualité de chef d'office, et c'était la fleur des pois, celui-ci ! Il me semble qu'ils avaient encore un neveu consaguin, croisé du Rotisset et du Flipon, qui devait être garçon de cuisine ou cuisinier chez M. Toynard de Jouy (père de Mme d'Esparbès), mais je n'oserais vous en répondre en sûreté de conscience.
En voyant que je vous déroule cette généalogie comme la chaîne d'un tourne-broche, vous allez peut-être imaginer que je suis devenue folle ( notre opinion était faite depuis belle lurette, chère Madame ! : ) ; mais patientez encore un instant, mon Prince, et vous allez voir à propos de quoi je vous ai tracé la filiation des Rotisset et des Flipon ?
Pour éclaircir mon préambule, je vous dirai d'abord que M. Dupont, mon valet de chambre-secrétaire, (qui vous écrit ceci sous ma dictée et qui a beaucoup de peine à s'empêcher de rire), avait toujours ainsi que Mlle Dupont sa tendre épouse (il n'y saurait tenir à ce qu'il paraît ?) quelque chose à me dire à l'honneur et à la gloire de Manon Flipon, qui était la fille du bijoutier, et qui, suivant leur témoignage, était une merveille de la nature ! Je me souviens qu'il avait été question d'un mariage pour elle avec le boucher qui fournissait l'hôtel de Créquy, lequel avait imaginé de m'écrire à cette occasion-là (c'est le boucher, bien entendu). Les Dupont se jetèrent à la traverse pour m'en donner une explication satisfaisante et respectueuse ; mais je leur signifiai qu'ils eussent à me laisser tranquille avec leur aimable nièce, et que je ne voulais plus entendre reparler de Manon Flipon.
Un an, deux ans se passent, et les Dupont ne sauraient y résister ! il faut absolument qu'ils me parlent du mariage de leur nièce, en me demandant si je n'aurai pas la bonté de signer au contrat : ce que j'acceptai sans la moindre hésitation, parce que c'était l'habitude de MM. de Créquy à l'égard de leurs domestiques et des parents de leurs domestiques qui n'étaient pas gens de livrée.
Il y eut un malentendu pour le jour et l'heure où je devais donner ma signature ; j'étais à Versailles, ou je ne sais pas quoi. On voulut bien se contenter de faire signer ledit contrat par Madame votre mère et par mon fils, et je n'y songeais plus du tout, lorsque Dupont vint me supplier d'accorder une audience à Mme Roland de la Plattière.
— Qu'est-ce que c'est ? et qu'est-ce qu'elle me veut ?
— Mais, Madame, c'est Manon Flipon qui a épousé un monsieur du Bureau du Commerce de Lyon ; une place superbe avec quatre bonnes mille livres de rente en fermes, et une maison de campagne dans le Forez. Comme Madame n'a pas signé leur contrat, ma nièce a pensé que Madame aurait peut-être la bonté.... — Vous pouvez lui dire de venir ; je la verrai.
Mme Roland de la Plattière était la plus belle personne du monde. Elle était bien tournée, bien faite et bien mise, avec une élégance modeste. Son visage éblouissait de fraîcheur et d'éclat, comme un bouquet de lys et de roses (je vous demande pardon pour cette comparaison qui est surannée, mais c'est que je ne sais rien pour la remplacer ; et du reste, celui qui a dit pour la première fois qu'il n'y a pas de roses sans épines, avait dit une chose charmante !) Son visage était admirablement régulier pour les traits et pour son contour du plus bel ovale. Elle avait des yeux ! quels beaux yeux bleus ! sous des sourcils et de longs cils noirs, avec une forêt de cheveux bruns. L'amabilité de la physionomie ne répondait pas toujours à cette régularité charmante ; il y avait parfois dans les mouvements de la bouche et des sourcils quelque chose de mécontent, de malveillant et même de sinistre... Lorsque j'eus signé le contrat qu'elle m'apportait et que je vis qu'elle ne s'en allait pas, je devinai qu'elle avait envie de me dire autre chose et je la voulus faire asseoir ; mais comme elle aurait été mortifiée de me voir sonner Dupont (son oncle) pour lui avancer un siège, je me levai pour me diriger du côté des fauteuils, en lui disant : — Asseyez-vous donc, mon enfant.
— Voilà cette belle jeune femme qui conçoit la délicatesse de mon intention, qui me regarde avec des yeux attendris, et qui me dit avec un accent énergique et passionné : — Vous êtes bonne, Madame ! vous êtes véritablement bonne et généreuse ! et, ce disant, elle fait un saut de gazelle à l'autre bout de la chambre, afin de saisir un tabouret qu'elle apporte en deux enjambées et qu'elle établit en face de mon canapé.
Ce qu'elle avait à me demander, c'était de faire obtenir des lettres de noblesse à mon mari qui possédait en roture un petit fief noble, appelé la Plattière, lequel relevait de la châtellerie de Beaujeu, et se trouvait dominé par M. le duc d'Orléans en sa qualité de comte de Beaujolais.
Tous les bourgeois de Lyon avaient la fureur de l'anoblissement, et Mme Roland m'en cita pour exemple celui d'une belle Mme de la Verpillière qui avait trouvé moyen de faire de son mari un gentilhomme de trois races, au lieu d'un anobli au premier degré : elle avait arrangé son affaire d'anoblissement de manière à faire donner des lettres de noblesse au bisaïeul de son mari, lequel bisaïeul était âgé de 95 ans et en enfance, à ce que disait Mme Roland, et ce qui n'était pas hors de vraisemblance. Elle disait aussi que le père et le grand-père étaient morts depuis plusieurs années, ce qui lui faisait observer, avec assez de malice et de raison, que les deux générations nobles, intermédiaires entre l'Écuyer, premier anobli, et son arrière-petit-fils, le Chevalier, gentilhomme de trois races, ne subsisteraient jamais ; ce qui serait toujours d'une singularité surprenante. Du reste, elle ajouta que madame de la Verpillière faisait l'insolente, et sa manière de prononcer et d'accentuer ce dernier mot lui donna tellement la figure d'une Euménide, que je crus lui voir pousser, non pas des cornes au front, comme disait votre grand'mère de Sévigné, mais des cheveux de serpents !
Mme Roland voulut ensuite me faire entendre avec un certain air d'exigence et de jalousie concentrée, qu'il était possible que la famille de son mari fût descendue du maréchal de la Plattière, ce qui brouilla ses cartes et son enjeu sur mon tapis. Je lui répondis que le nom de famille de ce maréchal était de Bourdillon et non pas Roland ; et, quand elle vit que j'accueillais cette supposition chimérique avec un air de froideur impassible et peut-être un air de hauteur incrédule, elle en prit une physionomie de haine en révolte et d'orgueil blessé que je n'oublierai jamais ! Je l'éconduisis discrètement et même assez poliment, ce me semble ; mais je dis à son oncle Dupont que Mme de la Plattière se moquait du monde, que son mari était descendu de trop haut lieu pour avoir besoin d'être anobli, et qu'il n'avait qu'à déposer ses preuves au bureau de M. Chérin.
Je passai quelques années sans avoir à m'occuper du ménage Roland. M. de Breteuil, alors ministre de la maison du roi, me dit seulement qu'il était persécuté pour eux par un déluge de recommandations des Montazet, des Marnézia, des Gain de Linars et des autres comtes de Lyon ; car Mme Roland, qui ne manquait pas d'intrigue, avait trouvé moyen de faire manœuvrer en faveur de son mari l'archevêque de Lyon et tous ses chanoines de Saint-Jean. M. de Breteuil fit répondre que le meilleur moyen d'obtenir des lettres de noblesse pour leur protégé, c'était qu'il se fit agréger à la prévôté municipale de Lyon, afin d'y parvenir à l'échevinage, ainsi que MM. Tholosan, la Verpillière et tant d'autres ; mais il paraît que la haute bourgeoisie de cette grande ville ne voulut pas admettre le sieur de Plattière à la participation de ses privilèges, et inde iræ.
A l'occasion de notre odieuse et stupide affaire avec le citoyen Bourbon-Montmorency-Créquy, que j'étais accusée d'avoir fait déposséder, infibuler et saigner des quatre membres, je pris enfin mon parti d'en aller parler à son protecteur et son ami, le citoyen Roland, que je trouvai dans les dispositions les plus farouches et les plus hostiles contre nous. C'était un écueil inabordable, escarpé ; c'était un amas de scories aiguës et réfractaires ! on ne saurait dire que ce fût un homme de fer, car il n'en avait ni la solidité ni l'utilité ; c'était un homme de bois, mais de ces bois intraitables et si durement grossiers qu'ils font rebrousser le fer des haches.
Mme Roland survint dans le cabinet de cet étrange ministre, avertie qu'elle avait été par mon excellent Dupont, dont le respect et la fidélité pour moi ne se sont jamais démentis. La physionomie de cette femme avait une expression d'ironie triomphante et mal déguisée par quelques paroles de considération bienveillante auxquelles je ne voulus correspondre en aucune façon, ce que vous croirez facilement, car il est assez connu que je n'ai jamais su dissimuler et que je ne l'ai jamais voulu.
Mme Roland me parut encore assez belle, mais il me semble que ses manières et son langage étaient devenus très-ignobles et risiblement affectés. Elle disait, par exemple, avec un air de satisfaction prétentieuse : — A l'heureux, l'heureux, — dans le temps pour alors, — d'encore en encore et faite excuse ; — nous deux le ministre, et c'est embêtant, enfin cent autres locutions de la vulgarité la plus insipide ou de la trivialité la plus dégoûtante. Je me souviens notamment qu'elle parla d'un citoyen à qui l'on avait chipé sa carte de sûreté, et qu'elle me demanda si je connaissais leur ami Barbaroux, qui était beau à lui courir après. Jugez du ton qu'elle avait pris dans ses relations révolutionnaires et ses intimités girondines ; car, en vérité, ce n'est pas ce ton-là qu'elle avait quelques années auparavant, ou du moins elle avait eu la vanité bien placée de s'observer, de se contenir et de ne pas s'exprimer ainsi devant une personne de bon goût. — Voilà donc la femme d'un ministre de la république ? disais-je en moi-même. On descend toujours et l'on marche vite en révolution ! Pour le ton du monde et les traditions polies, il y avait aussi loin de Mme Roland à Mme Necker, que de Mme Necker à la duchesse de Choiseul ; imaginez ce que devait être la femme du ministre de la justice, la citoyenne Danton, à qui madame Roland paraissait une précieuse aristocratique et comme une sorte de princesse.
A leur manière de me parler de ce misérable aventurier, c'est-à-dire de mon dénonciateur, je vis tout aussitôt que je n'avais aucune justice à espérer de ces gens-là ; aussi je me contentai de leur dire, froidement et sèchement que, si la nation confisquait mes biens, ce ne pourrait jamais être au profit d'un imposteur aussi facile à démasquer que le citoyen Bourbon-Montmorency-Créquy, autrement dit Nicolas Bézuchet, leur protégé. Je ne leur adressai pas une parole qui pût avoir l'air d'une sollicitation ; mais cette fausse démarche ne me contraria pourtant pas autant qu'on devrait l'imaginer, car je les trouvai si ridiculement déraisonnables, que leur chute me parut infaillible, indubitable et nécessairement prochaine. Je me délectai malicieusement dans la contemplation de leur sotte arrogance, de leur infirmité, de leur insuffisance à gouverner un pays quelconque, et surtout un pays tel que la France ! Nous nous quittâmes avec l'air d'un mécontentement réciproque. — Je te salue, Citoyenne, me dit le ministre, avec une maussaderie pitoyable, et sans daigner seulement faire semblant de m'accompagner jusqu'à la porte de son cabinet que je fus obligée d'ouvrir toute seule. Sa femme avait évité de me tutoyer, mais elle n'aurait eu garde de compromettre sa dignité personnelle et la dignité de la république française en reconduisant une fanatique (c'était le principal grief contre moi). Elle se leva majestueusement pour me faire un geste de civilité romaine, avec une espèce de mouvement de la tête et des paupières, en guise de salut.
Quatre mois après, nous étions prisonnières ensemble à Sainte-Pélagie.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Manon Roland
Il y a quelques jours, l'émission de radio Un jour dans l'Histoire était consacrée à : Madame Roland, l'engagement politique d'une femme sous la Révolution française.
Présentation :
Nous sommes en juin 1793, à la prison de l’Abbaye à Paris. Une femme y rédige ses Mémoires.
Evoquant la place qui a été la sienne au côté de son mari, ministre de l’intérieur, elle écrit :
" Cette disposition me convenait parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe, et je ne le quittai jamais.
Les conférences se tenaient en ma présence sans que j’y prisse aucune part ; placée hors du cercle et près d’une table, je travaillais des mains, ou faisaient des lettres, tandis que l’on délibérait ; mais eussé-je expédié dix missives, ce qui m’arrivait quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m’arrivait de me mordre les lèvres pour ne pas dire le mien. "
L'émission est en écoute libre : ICI
Présentation :
Nous sommes en juin 1793, à la prison de l’Abbaye à Paris. Une femme y rédige ses Mémoires.
Evoquant la place qui a été la sienne au côté de son mari, ministre de l’intérieur, elle écrit :
" Cette disposition me convenait parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe, et je ne le quittai jamais.
Les conférences se tenaient en ma présence sans que j’y prisse aucune part ; placée hors du cercle et près d’une table, je travaillais des mains, ou faisaient des lettres, tandis que l’on délibérait ; mais eussé-je expédié dix missives, ce qui m’arrivait quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m’arrivait de me mordre les lèvres pour ne pas dire le mien. "
L'émission est en écoute libre : ICI
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Manon Roland
;
Manon Roland et Buzot se sont aimés, passionnément, sans jamais s'effleurer serait-ce le bout des doigts .
C'est ça la Révolution : la Vertu ou la Mort qu'il disait, l'autre peine-à-jouir, avec ses petites lunettes pourtant à la John Lennon ...
C'est pas joyeux !
Manon Roland et Buzot se sont aimés, passionnément, sans jamais s'effleurer serait-ce le bout des doigts .
C'est ça la Révolution : la Vertu ou la Mort qu'il disait, l'autre peine-à-jouir, avec ses petites lunettes pourtant à la John Lennon ...
C'est pas joyeux !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Manon Roland
Je rappelle ici le spectacle autour de Manon, à Versailles : deuxième représentation samedi 18 février à 20h ! :n,,;::::!!!:
Manon Roland, la plume de la liberté.
Représentations au Musée Lambinet
notre sujet : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3005-manon-roland-la-plume-de-la-liberte-representations-au-musee-lambinet#91360
Manon Roland, la plume de la liberté.
Représentations au Musée Lambinet
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Manon Roland
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"Le 7 de septembre, le roi a été heureusement purgé d'humeurs fort âcres, et de beaucoup d'excréments fermentés, en dix selles."
Journal de santé de Louis XIV
Re: Manon Roland
Chers amis, je vais me lancer dans la lecture de la biographie de Pierre Cornut-Gentille.
D'un œil très critique car elle me concerne, bien sûr.
Je vous ferais surement un petit compte-rendu.
D'un œil très critique car elle me concerne, bien sûr.
Je vous ferais surement un petit compte-rendu.
_________________
L'Etoile de Pourpre
" Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom ! "
" Il est vieux comme le diable, le monde qu’ils disent nouveau et qu’ils veulent fonder dans l’absence de Dieu. "
" Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom ! "
" Il est vieux comme le diable, le monde qu’ils disent nouveau et qu’ils veulent fonder dans l’absence de Dieu. "
Manon Roland- Messages : 108
Date d'inscription : 07/04/2019
Age : 25
Localisation : Royaume de France
Re: Manon Roland
Quelle fougueuse admiration que celle de Mme Roland pour Rousseau complémentaire de Plutarque !
« J’avais vingt-et-un ans, j’avais beaucoup lu, je connaissais un assez grand nombre d’écrivains, historiens, littérateurs et philosophes ; mais Rousseau me fit alors une impression comparable à celle que m’avait fait Plutarque à huit ans : il sembla que c’était l’aliment qui me fût propre et l’interprète de sentiments que j’avais avant lui, mais que lui seul savait expliquer. Plutarque m’avait disposée pour devenir républicaine : il avait éveillé cette force et cette fierté qui en font le caractère ; il m’avait inspiré le véritable enthousiasme des vertus publiques et de la liberté. Rousseau me montra le bonheur domestique auquel je pouvais prétendre, et les ineffables délices que j’étais capable de goûter ».
« J’avais vingt-et-un ans, j’avais beaucoup lu, je connaissais un assez grand nombre d’écrivains, historiens, littérateurs et philosophes ; mais Rousseau me fit alors une impression comparable à celle que m’avait fait Plutarque à huit ans : il sembla que c’était l’aliment qui me fût propre et l’interprète de sentiments que j’avais avant lui, mais que lui seul savait expliquer. Plutarque m’avait disposée pour devenir républicaine : il avait éveillé cette force et cette fierté qui en font le caractère ; il m’avait inspiré le véritable enthousiasme des vertus publiques et de la liberté. Rousseau me montra le bonheur domestique auquel je pouvais prétendre, et les ineffables délices que j’étais capable de goûter ».
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Manon Roland
Pourquoi ? Tu n'avais pas encore lu Plutarque, à huit ans !
Les intellectuelles de cette fin XVIIIème ne manquaient-elles pas toutes d'un tantinet de modestie ?
Mme Roland présente un esprit très libre qui considère « la source des vertus humaines, fort indépendante de tout système religieux, des billevesées de la métaphysique, et des impostures des prêtres » :
« La belle idée d’un Dieu créateur dont la Providence veille sur le monde, la spiritualité de l’âme, son immortalité, cet espoir consolateur de la vertu persécutée, ne seraient-elles que d’aimables chimères ? Que de nuages environnent ces questions difficiles ! […] Mais qu’importe à l’âme sensible de ne pouvoir les démontrer ? Ne lui suffit-il pas de les sentir ! Dans le silence du cabinet et la sécheresse de la discussion, je conviendrai avec l’athée ou le matérialiste de l’insolubilité de certaines questions ; mais au milieu de la campagne et dans la contemplation de la nature, mon cœur ému s’élève au principe vivifiant qui les anime, à l’intelligence qui les ordonne, à la bonté qui m’y fait trouver tant de charmes »
Des pierres pour Saturne. Une relecture des Mémoires des Girondins
Anne de Mathan
https://journals.openedition.org/ahrf/12883
Les intellectuelles de cette fin XVIIIème ne manquaient-elles pas toutes d'un tantinet de modestie ?
Mme Roland présente un esprit très libre qui considère « la source des vertus humaines, fort indépendante de tout système religieux, des billevesées de la métaphysique, et des impostures des prêtres » :
« La belle idée d’un Dieu créateur dont la Providence veille sur le monde, la spiritualité de l’âme, son immortalité, cet espoir consolateur de la vertu persécutée, ne seraient-elles que d’aimables chimères ? Que de nuages environnent ces questions difficiles ! […] Mais qu’importe à l’âme sensible de ne pouvoir les démontrer ? Ne lui suffit-il pas de les sentir ! Dans le silence du cabinet et la sécheresse de la discussion, je conviendrai avec l’athée ou le matérialiste de l’insolubilité de certaines questions ; mais au milieu de la campagne et dans la contemplation de la nature, mon cœur ému s’élève au principe vivifiant qui les anime, à l’intelligence qui les ordonne, à la bonté qui m’y fait trouver tant de charmes »
Des pierres pour Saturne. Une relecture des Mémoires des Girondins
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