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Le mouvement convulsionnaire

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Le mouvement convulsionnaire Empty Le mouvement convulsionnaire

Message par Mme de Sabran Mar 21 Juin 2016, 15:08

Le mouvement convulsionnaire naît, en tant que tel, des événements qui se produisent sur la tombe d'un simple diacre appelant, mort en 1727 : François de Pâris.

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Je lui trouve un faux air de Louis XI et le nez mutin de Nazone !   :Le mouvement convulsionnaire 2028181902  :Le mouvement convulsionnaire 2028181902  :Le mouvement convulsionnaire 2028181902


Il est le fils de Nicolas de Pâris, seigneur de Branscourt, Machault et du Pasquy (1658-1714), conseiller au parlement de Paris. Sa mère, Charlotte Rolland, fille du maire de Reims, dévote, le confie aux chanoines de Sainte-Geneviève. Mais l'enfant se montre peu studieux et dissipé. Il se fait donc rapidement renvoyer dans sa famille, où un précepteur parvient à lui inculquer le goût de l'étude.


Maison de François Pâris, rue des Bourguignons (actuel boulevard de Port-Royal), dessinée par Adrien Dauzats

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Il se nourrit alors de lectures édifiantes qui exaltent sa piété. Il désire se faire bénédictin, mais il est l'aîné de sa famille et son père lui destine sa charge. Sa piété est telle qu'elle convainc finalement ses parents. François de Pâris entre alors au séminaire des oratoriens de Saint-Magloire, où il étudie les Écritures. Catéchiste zélé, il est promu sous-diacre, puis diacre.

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Dans les querelles provoquées par la promulgation de la bulle Unigenitus, il prend le parti des jansénistes. Il souscrit à l'appel lancé contre la bulle par quatre évêques et persiste malgré l'accommodement signé par l'archevêque de Paris. On lui propose une cure, mais sa conscience ne lui permet plus de signer le « formulaire » exigé. La carrière sacerdotale lui est désormais fermée.

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Le diacre se retire dans une modeste maison du faubourg Saint-Marceau, où il mène une vie très austère. Il emploie la pension que lui verse son frère pour des œuvres charitables et s'oblige à travailler sur un métier à tisser pour accroître ses aumônes et faire pénitence.

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Sa ferveur religieuse le conduit à s'imposer des mortifications pour la gloire de l'Église qu'il juge offensée par la bulle Unigenitus. Macérations et jeûnes l'épuisent prématurément. Il meurt en 1727.

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Autour de la tombe de François de Pâris, dans le cimetière de l'Église Saint-Médard de Paris, ont lieu successivement entre 1727 et 1732 des guérisons miraculeuses et des « crises de dévotion » se manifestant chez les fidèles par des convulsions généralisées.

François de Pâris avait légué tous ses biens aux pauvres, mais ce n'est pas tout !
V'là t point que des miracles commencent sur sa tombe dès le jour de son enterrement !!!   Le mouvement convulsionnaire 37559511
 Peu après l'inhumation une femme paralysée du bras se déclare guérie. Très vite le cimetière est fréquenté par des curieux, des malades, des parisiens de toutes conditions dont le comportement étrange s'explique par le fait que le défunt diacre est considéré comme un saint par le peuple. Certains malades touchent sa tombe dans l'espoir d'être guéris. D'autres se couchent dessus ou prélèvent la terre qui l'entoure, y voyant une relique aux propriétés miraculeuses.

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À partir de juin 1731, les guérisons soudaines se multiplient et certains malades commencent à présenter des mouvements convulsifs dans le cimetière. Un scandale a même lieu le 7 août 1731 : une dame Delorme, souhaitant se moquer des miracles auxquels elle ne croit pas, se rend au cimetière et se retrouve soudainement frappée de paralysie. Elle avoue devant notaire son intention de dénigrer les miracles et cette affaire pousse l'archevêque de Paris, monseigneur de Vintimille, à affirmer dans un mandement qu'ils sont faux, et que ce culte des reliques doit cesser.


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Les convulsions paraissent scandaleuses et sont dénoncées par la police royale : « Ce qu'il y a de plus scandaleux », dit un indicateur, « c'est d'y voir des jeunes filles assez jolies et bien faites entre les bras des hommes, qui, en les secourant, peuvent contenter certaines passions, car elles sont deux ou trois heures la gorge et les seins découverts, les jupes basses, les jambes en l'air… ».

Les convulsionnaires " lascives " :

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Appelés à juger, les médecins du roi ne voient dans le phénomène qu'une imposture.
Cet aspect scabreux des scènes de convulsions n'échappe pas à la police du roi  : le 27 janvier 1732, une ordonnance du roi déclare qu'on cherche à Saint-Médard à abuser de la crédulité du peuple  ...

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...   et, en conséquence, René Hérault fait fermer le cimetière .

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Immédiatement, un petit distique ironique fleurit et se répand dans Paris : « De par le roi, défense à Dieu / De faire miracle en ce lieu. »

Le phénomène des convulsionnaires devient vite très populaire et, comme dans la querelle des Appelants, son aspect religieux n'y sert que de prétexte dans les prises de position contrastées qu'il suscite :

  « Car voilà dans cette ville deux partis bien formés sous prétexte de religion, les jansénistes et les molinistes, sur des faits, des distinctions et des interprétations que la plupart des uns et des autres n'entendent pas ; mais qu'importe ! Le parti des jansénistes est plus fort de vrai et entêté comme un diable. Les femmes, femmelettes, jusqu'aux femmes de chambre qui s'y feraient hacher. »

Apparition des secours


Le terme « convulsionnaire » apparaît spontanément à la fin de l'année 1731. Il n'a alors aucune connotation médicale et est parfaitement inconnu des traités de médecine de l'époque. Il est utilisé à la fois par les partisans des convulsions et par leurs détracteurs, qui parlent cependant aussi de « convulsionnistes ».
Séance de secours : une femme se frappe à coups de battoir. La légende de la figure indique : Percutiam et ego Sanabo (« Je frapperai et je guérirai » - Deutéronome XXXII, 39). Gravure anonyme du XVIIIe siècle

Après la fermeture du cimetière Saint-Médard, les convulsionnaires se réunissent dans des lieux privés, salons, caves ou greniers. Les séances se déroulent devant un public restreint formé de partisans convaincus. Les convulsions changent progressivement de signification : de signes de guérison, elles deviennent les manifestations d'une agression du corps du convulsionnaire. Celui-ci demande alors aux autres assistants de le « secourir ». Les secours deviennent alors une action des assistants pour détendre et soulager le convulsionnaire. Il s'agit de tirer ou presser ses membres crispés, de l'aider à supporter l'agression.

Ici, nous assistons à une séance de secours : une femme se frappe à coups de battoir. Le mouvement convulsionnaire A0015 La légende de la figure indique : Percutiam et ego Sanabo (« Je frapperai et je guérirai » - Deutéronome XXXII, 39).
Gravure anonyme

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Les médecins et apothicaires du temps se penchent sur le phénomène, surpris de l'absence de douleur des convulsionnaires :

  « On le fit approcher d'une petite couchette ou était la convulsionnaire en convulsion. Il examina tous ses mouvements et aidait comme les autres à empêcher qu'elle ne se blessât en tombant ou en se heurtant. Ces sortes d'agitations irrégulières ayant duré quelques temps, il fut fort surpris de voir tous les membres de cette fille se raccourcir. Alors, examinant de près et touchant sa poitrine et tous ses membres, il remarqua une contraction de nerfs, qui devint par progression si violente que tout son corps se défigurait d'une manière monstrueuse […]. Il nous dit tout d'un coup : tirés-la donc, Messieurs, car elle va mourir. […] Enfin, la contraction redoublant toujours, il nous fit mettre jusqu'à 5 sur chaque membre, que nous tirâmes de toutes nos forces. »

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Rapidement, on donne à ces crispations, ces convulsions martyrisantes, une signification symbolique adaptée au contexte de lutte du moment : le convulsionnaire représente l'Église souffrante, persécutée, contrainte de subir les attaques commises contre la Vérité. Les secours sont alors des figurations des attaques menées contre l'Église. Bien entendu, l'Église figurée par les corps des convulsionnaires n'est pas l'Église réelle du temps, mais l'Église idéale des convulsionnaires, celle où les jansénistes ne seraient pas attaqués et où la bulle Unigenitus n'existerait pas :

  « Elles tiraient de toutes leurs forces et pour leur en donner davantage, on tirait ces deux demoiselles par les épaules de façon qu'il y avait 4 personnes occupées à ce secours. Pendant cette opération, sœur Françoise [la convulsionnaire] s'écriait : « tirez fort, arrachez » Le mouvement convulsionnaire 0025a. C'était ainsi qu'ils arrachaient l'Église comme on m'a rapporté qu'elle l'avait dit la veille. »

Les séances convulsionnaires deviennent des mises en scène de la persécution.   :roll:  :roll:  :roll:  Les secours se font de plus en plus violents, et la résistance aux coups est une justification de l'efficacité de la grâce et des prises de position des convulsionnaires : leur action est juste puisque les personnes récipiendaires des secours ne semblent pas éprouver de douleur.  Le mouvement convulsionnaire 0166

Les secours sont observés par des médecins, curieux de vérifier si les convulsionnaires ne simulent pas leurs tortures. Ainsi l'un d'eux, interrogé par un lieutenant de police, divise-t-il les secours en cinq classes :

  « Première classe : coups de poing et de pieds, foulements de pieds sur le corps, tirement de membres.
  Deuxième classe : pressions violentes.
  Troisième classe : coups de bûches.
  Quatrième classe : secours d'épées perçantes et non perçantes, et clous enfoncés dans les diverses parties du corps à coups de marteau.
  Cinquième classe : crucifiement. »

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Plus le mouvement est marginalisé, plus les séances de secours sont des représentations de scènes : ainsi, le corps d'une « sœur » est labouré à coups de bêche, frappé à coups de chaînes et de marteaux, griffé avec des cardes de perruquier, avant d'être lapidée pendant un « voyage au calvaire » au mont Valérien, puis enterrée vive. Les frères ou sœurs suppliciés ne se plaignent pas de la douleur, au contraire. Ils la goûtent et demandent davantage de supplices, estimant être soulagés par ces secours : « La bûche ne pouvait lui suffire mais pour l'épée qui la soulageait bien davantage, elle la baisait et la caressait comme quelque chose qu'un enfant aimerait beaucoup. En général, les secouristes sont plutôt tendus de fatigue que la sœur rassasiée de secours. Elle a dit : « que Dieu se choisira les enfans qui se retireront dans des coins et qui sentiront là tous les coups que l'on porte à notre bonne mère l'Église ».

Le secours suprême est la crucifixion.  ( ben voyons !   :roll:  :roll:  :roll:  )  Elle est pratiquée  Le mouvement convulsionnaire 0193 sur quelques frères ou sœurs très en vue dans le mouvement, et parfois très régulièrement, à partir de la fin des années 1750. Ainsi un jeune homme a été crucifié dix-huit fois en six mois en 1765. Cette crucifixion est l'identification totale du corps du chrétien au corps du Christ crucifié. La pratique de la crucifixion finit par supplanter les autres secours et se passe de discours connexe ou de commentaires : « Il y a actuellement à la fin de 1783 beaucoup de crucifiements et d'opérations surnaturelles des plus prodigieuses où les convulsionnaires conservent toute leur présence d'esprit. Il y a peu de discours en comparaison de ce qui a été jusqu'alors ».

On « joue » également, lors de ces séances, des scènes de persécution de l'histoire de l'Église : « Elle représentait aussi un Christ étendu ayant pour lors les bras et les pieds raides comme des barres de fer. Elle figurait également la descente de Croix et était pour lors comme une personne véritablement morte. Elle représentait aussi les supplices de St Pierre, c'est-à-dire crucifiée la teste en bas […]. Dans le commencement de ce supplice elle chantait quelquefois un magnificat et d'autrefois un cantique, elle paraissait véritablement morte. […] Ses bras et ses pieds absolument raides, sans mouvement, elle renaissait ensuite.


Désaccord au sujet des convulsions chez les jansénistes

Convulsionnaires à la Bastille.  Le mouvement convulsionnaire Www47
Gravure anonyme du XVIIIe siècle.

Ces séances inquiètent le pouvoir, et Louis XV, dans une ordonnance de 1733, interdit ces réunions.   Tu m'étonnes !  S'ensuit une vague d'arrestations, qui conforte les convulsionnaires dans leur idée qu'ils sont un petit nombre d'élus persécutés parce qu'ils défendent la Vérité. Ils se comparent aux chrétiens des premiers temps de l'Église.

Environ 250 convulsionnaires sont arrêtés entre 1733 et 1760. La majorité d'entre eux sont des femmes d'origine populaire et la plupart ne font que de courts séjours à la Bastille, reprenant leurs activités convulsionnaires dès leur sortie.

Une partie des jansénistes se méfie cependant de plus en plus des convulsions. Les séances sont soupçonnées d'être le lieu d'indécences et certains religieux convulsionnaires prennent une place démesurée à leurs yeux, passant pour des incarnations d'Élie, comme Pierre Vaillant qui dit être une incarnation du prophète et mène le groupe des Vaillantistes. Certains, qu'on appelle mélangistes, hésitent à condamner totalement l'Œuvre des convulsions.
Ils estiment qu'il y a dedans du bon et du mauvais  Le mouvement convulsionnaire Balance1
sans parvenir à démêler dans les convulsions ce qui est l'œuvre de Dieu et l'œuvre d'un égarement de l'esprit humain (voire du Diable).


Dans cette impossibilité de jugement, ils voient une image du monde, partagé alternativement entre le bien et le mal. Ils ne doutent pas que l'origine des convulsions soit divine, mais ils jugent que les convulsions ne sont pas toujours de qualité divine.  
Ouaip ! Comprenne qui pourra !   Le mouvement convulsionnaire 3826491292

Chez les théologiens jansénistes, la division est assez nette : Jacques-Vincent Bidal d'Asfeld, Gabriel Nicolas Nivelle et Nicolas Petitpied condamnent fermement les convulsions. À l'inverse, Laurent-François Boursier et l'abbé d'Étemare, ainsi que les rédacteurs des Nouvelles ecclésiastiques, sont plutôt sur une position mélangiste. Le cardinal de Fleury exploite ces divisions, en subventionnant secrètement les écrits jansénistes anti-convulsionnaires. Le Parlement prend publiquement position contre l'Œuvre des convulsions en 1735, afin de ne pas perdre son crédit dans sa lutte contre le pouvoir royal.

C'est dans ce contexte que Louis Basile Carré de Montgeron tente de réconcilier jansénisme appelant et convulsionnaires, par la rédaction de son ouvrage La vérité des miracles de M. de Pâris démontrée contre M. l'Archevêque de Sens, publié et présenté au roi en 1737.

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Le livre a un certain succès, il est réimprimé deux fois jusqu'en 1747, mais son auteur est immédiatement incarcéré.


Les prophéties convulsionnaires

Transcription du discours d'une convulsionnaire, 1747.  Le mouvement convulsionnaire Www49
Au milieu, dessin d'un « tatouage », c'est-à-dire des incisions sur la peau figurant un dessin sacré (ici un vase).

Les secours s'accompagnent de discours, soigneusement pris en note par les assistants. Dans ces discours, le figurisme est très présent. Il y a deux types principaux de discours. D'une part, des discours relatant des visions qu'ont les convulsionnaires pendant les séances de secours, et d'autre part des discours apparemment incohérents ou exprimés en langues étrangères.

Le premier type de discours est de nature souvent prophétique. Le convulsionnaire décrit des visions de style apocalyptique :

  « La sœur Font. retombe en convulsions sur les six heures et demie du matin à terre et appuyée sur une sœur dit : Ô Capharnaüm, ville impénitente, ville orgueilleuse, t'élèveras-tu toujours jusqu'au ciel, ville détestable. Ô ville qui persécute les saints, ville qui met à mort les enfants de Dieu, ville toute remplie de la plus superbe vanité, ville toute remplie de l'orgueil et de l'impureté de Sodome, ville où les démons des vices font leur demeure et leur trône, ville de bonne chère, d'oisiveté et de fainéantise dans les petits et dans les grands, ville où les ministres du Seigneur en jurant en son nom sacrifient tout à la fois à deux idoles [formulaire et constitution] qu'il déteste et qu'il abhorre. Ah ! Ville où le prince des ténèbres règne de toutes parts et où il semble dominer les enfants de Dieu en les faisant jeter par ses suppôts dans de noires et obscures prisons. »

Les convulsionnaires font très souvent des « voyages » qu'ils racontent au fur et à mesure, ou une fois que la séance est terminée. Ces récits pris en note par les spectateurs mettent souvent en scène la Jérusalem céleste :

  « Description de ce que je puis re souvenir de la vision qu'il a plu à Dieu de me donner en convulsion. […] Je me suis trouvé dans une ville superbe tant par la beauté et la richesse de ses édifices que par le bonheur et la félicité de ses habitants. Le soleil qui l'éclairait n'occupait pas un point du firmament comme le nôtre mais remplissait tout le ciel visible. En le considérant du lieu spacieux et élevé où j'étais, il ne bordait son étendue qu'à l'horizon et il couvrait de sa grandeur le firmament de tous côtés. […] J'apercevais aisément une multitude de personnes qui chantaient par petites troupes dans chaque maison et d'autres qui étaient assis et qui mangeaient toutes sortes de fruits. Autant ils en arrachaient aux arbres, autant il s'en formaient tout d'un coup de nouveaux et tout cela n'était que de l'or embrasé en transparence comme le verre… »

Les plus étranges discours convulsionnaires sont incompréhensibles. Reflétant l'état d'esprit perturbé des frères et sœurs, ils sont soit composés de répétitions de mots, soit des discours au ton enfantin, à l'image de la relation qu'ont parfois certaines sœurs convulsionnaires avec leurs directeurs de conscience, qu'elles appellent « papa ». Pour Catherine Maire, un discours tel que celui de Madame Laveine en 1736 (« Nos amis brouille, brouille, nos parents brouille, brouille brouille, nos bienfaicteurs brouille brouille, nos pères brouille brouille, nos conducteurs brouille brouille, nos maîtres brouille brouille, nos pontifes brouille brouille, nos juges brouille brouille… ») reflète l'intense désarroi de ces groupes marginalisés dans leur vision apocalyptique et figuriste de l'Église et des temps contemporains. Ils relativisent également le qualificatif de millénariste fréquemment accolé au mouvement convulsionnaire, puisqu'ils ne promettent pas de paradis proche, le monde étant « complètement dans l'erreur et les ténèbres depuis la promulgation de la Bulle Unigenitus. Plus de direction ferme : leur univers est de part en part menacé par la perte de la topographie et des repères religieux traditionnels ».

L’enfermement et les grands secours


La condamnation des convulsions pousse les adeptes à se renfermer encore davantage dans des groupes clandestins et de plus en plus marginalisés. Les secours deviennent « meurtriers », c'est-à-dire qu'on utilise des objets qui augmentent la violence des séances.

Les secours sont observés par des médecins, curieux de vérifier si les convulsionnaires ne simulent pas leurs tortures. Ainsi l'un d'eux, interrogé par un lieutenant de police, divise-t-il les secours en cinq classes :

  « Première classe : coups de poing et de pieds, foulements de pieds sur le corps, tirement de membres.
  Deuxième classe : pressions violentes.
  Troisième classe : coups de bûches.
  Quatrième classe : secours d'épées perçantes et non perçantes, et clous enfoncés dans les diverses parties du corps à coups de marteau.
  Cinquième classe : crucifiement. »

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Plus le mouvement est marginalisé, plus les séances de secours sont des représentations de scènes : ainsi, le corps d'une « sœur » est labouré à coups de bêche, frappé à coups de chaînes et de marteaux, griffé avec des cardes de perruquier, avant d'être lapidée pendant un « voyage au calvaire » au mont Valérien, puis enterrée vive. Les frères ou sœurs suppliciés ne se plaignent pas de la douleur, au contraire. Ils la goûtent et demandent davantage de supplices, estimant être soulagés par ces secours : « La bûche ne pouvait lui suffire mais pour l'épée qui la soulageait bien davantage, elle la baisait et la caressait comme quelque chose qu'un enfant aimerait beaucoup. En général, les secouristes sont plutôt tendus de fatigue que la sœur rassasiée de secours. Elle a dit : « que Dieu se choisira les enfants qui se retireront dans des coins et qui sentiront là tous les coups que l'on porte à notre bonne mère l'Église ».

Les partisans des grands secours ne sont pas forcément des convulsionnaires coupés de la réalité et enfermés dans une logique sectaire. Augustin Gazier souligne ainsi le paradoxe de ces personnes, tout à fait respectées dans leur vie publique, et adeptes des secours les plus violents dans leur intimité :

  « Il ne l'était pas davantage (fou), l'avocat au Parlement Olivier Pinault, qui a publié des ouvrages estimés, notamment une bonne édition des Lois ecclésiastiques du célèbre jurisconsulte de Héricourt, et qui fut jusqu'à la Révolution, sous le nom de Frère Pierre, le plus qualifié des convulsionnaires. Il a joué dans ce qu'on appelle l'Œuvre des convulsions, à titre d'acteur, de témoin et d'orateur, un rôle de tout premier ordre […]. Il a même, au dires de quelques-uns, été crucifié un certain nombre de fois, ce qui ne l'empêchait point d'exercer sa profession d'avocat, de plaider avec succès et d'être très considéré par ses confrères »

Dans les professions des convulsionnaires arrêtés à Paris, l'on note la nette prédominance des classes populaires.

Le recrutement parisien, étudié par Catherine Maire, met en évidence tout d'abord le nombre de femmes dans les séances convulsionnaires. Elles sont plus de 60 % et ont un rôle central dans les secours et prophéties. Certaines « sœurs » font même figure de chefs du mouvement, ou au moins d'inspiratrices : la sœur Angélique Babet, dite « la paysanne », la sœur Brigitte ou la sœur Holda (au tournant du XVIIIe siècle et du XIXe siècle) sont ainsi les figures centrales de groupes de plus en plus restreints. Elles reçoivent des secours très violents, prophétisent et correspondent avec les autres groupes.

Socialement, les groupes parisiens sont essentiellement constitués par la classe moyenne : 66 % des indications de profession s'y concentrent, avec une majorité d'artisans et de « gens de métier », mais aussi 13 % de maîtres marchands et 22 % de compagnons, apprentis, domestiques, commis et ouvriers. La part du clergé est assez faible : 16 % et celle des « gens de qualité » approche les 18 %, dont la moitié sont des notaires ou avocats.


Extension du mouvement : le pinélisme

Organisation et généalogie des groupes convulsionnaires

Le mouvement convulsionnaire est au départ essentiellement parisien. Mais petit à petit, il gagne les provinces ( Chouette !  boudoi32  ), notamment par l'action de Michel Pinel, un prêtre oratorien convulsionnaire proclamé premier pontife de l'Œuvre.

Au milieu du XVIIIe siècle, il quitte son ordre et son poste de professeur à Vendôme pour se consacrer à l'« Œuvre des convulsions ». Il s'entoure de deux sœurs convulsionnaires qui prophétisent et reçoivent des secours : la sœur Angélique Babet, dite « la paysanne » d'abord (de 1734 à 1747) puis la sœur Brigitte, et à nouveau la sœur Angélique à partir de 1772.

Michel Pinel circule en France et répand une vision figuriste et organisée des temps contemporains. Il propage les convulsions notamment par l'intermédiaire de l'ordre de l'Oratoire. On le voit à Saumur, dans le Languedoc, à Lyon. Il a publié les discours des deux prophétesses dans un Horoscope des temps ou conjonctures sur l'avenir fondées sur les Saintes Écritures et sur de nouvelles révélations (sans date). Mélange de figurisme et de prophéties, cet ouvrage qui circule énormément dans la France du milieu du XVIIIe siècle annonce l'avènement prochain d'Élie et le retour des Juifs. Le thème de la conversion des juifs est particulièrement récurrent dans les discours pinélistes.

Le pinélisme s'implante particulièrement à Lyon, et de là dans toute la moitié sud de la France. C'est la branche la plus importante du mouvement convulsionnaire.

Les communautés convulsionnaires en province
Le mouvement convulsionnaire est au départ essentiellement parisien. En province, les miracles sont connus avec retard, et les événements qui se passent à Paris sont d'abord vus dans une conception plus traditionnelle du miracle. Alors que les groupes parisiens s'enferment dans la plus sévère clandestinité, à partir des années 1770 des groupes se forment en province, et notamment à Lyon et dans sa région.

Je vous fais grâce du reste, je n'en peux plus   Smileàè-è\':  , mais Google vous en ferait encore des tartines pour peu que ces salades vous passionnent ...

Je n'aurais qu'un mot :  brouille, brouille, brouille ... Le mouvement convulsionnaire 010105blackeye

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 15:21

Ben dis donc ... tout un programme que je découvre grâce à toi ! Shocked

Mme de Sabran a écrit:Le mouvement convulsionnaire Www37

Je lui trouve un faux air de Louis XI et le nez mutin de Nazone !   :Le mouvement convulsionnaire 2028181902  :Le mouvement convulsionnaire 2028181902  :Le mouvement convulsionnaire 2028181902

Oui, carrément Louis XI... jeune ou disons encore chevelu :Le mouvement convulsionnaire 2028181902

C'est à se demander si ces ferveurs masochistes et néanmoins religieuses n'ont pas inspiré le marquis de Sade...


Bien à vous.

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Message par Mme de Sabran Mar 21 Juin 2016, 15:30

Et le plus cocasse, c'est que nous sommes au Siècle des Lumières ! Le mouvement convulsionnaire Crazy2

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Message par Comtesse Diane Mar 21 Juin 2016, 16:30

Complètement ravagés ...  Le mouvement convulsionnaire 2829637892 C'en est même pénible de découvrir ça à ce siècle là ...
et cela évoque complètement ce qui se passe avec le fanatisme d'aujourd'hui, la folie ...car il n'y a pas d'autre mot.

Vrai que le François en question  ressemble à Louis XI - qui n'avait rien d'un petit saint non plus.

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 18:46

Je connaissais pour le début quand les Parisiens se rendaient sur la tombe du "saint" puis son interdiction par le pouvoir royal, inquiet à juste titre de tels débordements avec le distique. Plus les histoires avec les jansénistes. Mais j'ignorais que cela avait pris de telles proportions !!! Smileàè-è\':

A vrai dire, on retrouve un peu le même état d'esprit à la fin du siècle avec le baquet de Mesmer.

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 20:13

Reinette a écrit:A vrai dire, on retrouve un peu le même état d'esprit à la fin du siècle avec le baquet de Mesmer.

...ce qui est reconstitué, dans Jefferson à Paris ( 1995) de James Ivory , à partir de la onzième minute de cet extrait :



Bien à vous. :Le mouvement convulsionnaire 2028181902

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Message par Mme de Sabran Mar 21 Juin 2016, 20:18

Le baquet n'avait aucune connotation religieuse . C'était, croyaient certains, une panacée médicale .
https://marie-antoinette.forumactif.org/t2333-la-medecine-des-lumieres?highlight=MEDECINE

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 20:25

Disons avec quarante ans d'intervalle. Qui se veut plus scientifique, plus "chic" mais dans les deux cas, c'était pour des guérisons.
Les belles dames qui s'y faisaient soignées partaient aussi dans des transes légèrement échevelées. A peu de choses près, les mêmes que les grands-mères de leurs servantes.

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 20:27

Le fond diffère en effet... mais la forme des manifestations des patients de Mesmer ou des adeptes de Pâris se ressemble, non ?


Bien à vous.

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Message par Mme de Sabran Mar 21 Juin 2016, 20:35

Messmer soignait . Feu François de Pâris opérait des miracles .
Dans l'un et l'autre cas, les " patients " avaient les convulsions et la foi ( en Dieu ou en Messmer ) .

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 22:04

Messmer soignait ... mais ses soins guérissaient-ils véritablement ses patients ?
Il s'agissait d'une médecine un peu magique ... qui traitait la somatisation, non?


Bien à vous.

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Message par Invité Mar 21 Juin 2016, 22:12

Dans les deux cas, les médecins classiques s'y sont intéressés, mais n'en restaient pas moins dubitatifs. :Le mouvement convulsionnaire 2028181902 Comme ils n'étaient pas plus efficaces, normal que les gens se jettent sur n'importe quoi. Smileàè-è\':

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Message par Mme de Sabran Jeu 23 Juin 2016, 12:44

L'étrange phénomène des miracles et des convulsions qui secoue la capitale parisienne de 1730 jusqu'à la Révolution française n'a cessé de surprendre, d'inquiéter et d'amuser tout à la fois; il met en échec aujourd'hui encore toutes nos catégories d'analyse. Scandale il y a dans ces événements, à tous les sens du terme. Ce sont surtout leurs curiosités « sadiques » (lors des cérémonies dites des secours meurtriers les convulsionnaires femmes étaient pointées à l'épée, frappées à coups d'objets divers, foulées aux pieds par les hommes) qui ont choqué l'attention morale des observateurs du XVIIIe siècle dont le mot favori est l'indécence. Elles ont également arrêté les historiens du XIXe siècle. Selon Sainte-Beuve, auteur d'un célèbre Port-Royal, le jansénisme du XVIIIe siècle serait ainsi tombé dans l'ignominie des convulsions.

( Catherine Laurence Maire )

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Message par Invité Jeu 23 Juin 2016, 13:09

Cela ne ressemble-t-il pas à des crises d'épilepsie volontairement provoquées? Le mouvement convulsionnaire 3249736284


Bien à vous.

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Message par Mme de Sabran Ven 05 Nov 2021, 10:46

Voici une autre gravure illustrant ce phénomène étrange de frénésie convulsionnaire qui se déchaîne entre les murs du cimetière de Saint-Médard ( et pendant tout le règne de Louis XVI   Shocked  ).  
Mais que fait la police ? Le mouvement convulsionnaire 32612_12     ...   Wink

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( Histoire de France populaire, Henri Martin )

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