Au Sucre royal de Bercy : facture d'un marchand-épicier

C'est au cours de l'une de mes lectures (Les rues de Paris au XVIIIe siècle. Le regard de Louis-Sébastien Mercier), que je suis tombé par hasard sur cette facture, datée en 1781 :



Je l'ai trouvée amusante et intéressante.
En particulier son entête publicitaire, très détaillée, tel un petit guide des différentes spécialités locales (françaises ou étrangères) qui étaient alors à la mode.

J'aime beaucoup la formule "marketing" de fin :
L'on y fait la commission a très bon compte, pour telle marchandise que ce puisse être, tant en Province que dans les Pays Etrangers.  

Et enfin, la petite formule qui précise l'adresse :
Pour éviter les erreurs, l'on prévient que c'est la première Boutique en venant par la rue des Prouvaires, et la seconde en venant par celle du Four.

La liste des courses, dans le détail, ci-après :

Oh oui, elle est extra cette facture ! Merci. L'eau m'en monte à la bouche .
J'aime bien " chocolat de santé "
Il y a quelques ingrédients que je ne connais pas .

La nuit, la neige a écrit:Et enfin, la petite formule qui précise l'adresse :

... ainsi que l'adresse de l'acheteur :

Bourjon Compteur des Comptes, rue du Temple, la première porte cochère après la rue Pastourelle .

Eh oui, apparemment, la numérotation des immeubles n'étaient pas encore précisée dans ces rues-ci.

Le chocolat de santé ! C'est formidable : aucun scrupule à en manger !
Je serais aussi curieux de découvrir : la moutarde anglaise en poudre, ou encore les saucissons de Boulogne...

Très intéressant, merci

La moutarde en poudre m'étonne : cela paraît d'une modernité !

Je n'ai pas trouvé beaucoup de renseignements concernant cette fabrique de sucre royal de Bercy, que ce commerçant est fier d'annoncer dans la recette de ses chocolats, si ce n'est ceci :

La fabrique de sucre royal établie à Bercy (Seine), par MM. Boucheries frères, le fut sous les auspices de S. A. R. le duc d'Orléans.
Le nouveau genre de raffinage de sucre employé par ces messieurs, donna au sucre un degré de pureté et de beauté que les autres raffineries d'Orléans, de Bordeaux, de Bayonne, n'avaient jamais obtenu.
Le sucre de la raffinerie de Bercy fut distingué par la dénomination de sucre royal.

* Source : ICI

Hélas, le revers de la médaille ...  

Légende de cette gravure tirée de Candide :
C'est à ce prix que vous mangez du sucre, en Europe .

La moutarde en poudre existe toujours de nos jours. Sous la marque colmann's



Cette célèbre marque de moutarde à été fondée en 1814 cependant.

Connais-tu tous les ingrédients mentionnés sur cette affiche, François ?    ( Je m'adresse à l'homme de l'art    ) !!

Ben ..............oui.
lesquels te semblent inconnus ?

Je ne connais pas les noms de tous ces thés . J'aime beaucoup les " olives d'Italie et de Naples "

Le sagou de chine n'est pas du thé, mais un genre de tapioca.

Eh bien voilà, par exemple ! Je ne le savais pas !

le salop m'est inconnu en revanche ! Je ne vois pas du tout, si quelqu'un a une idée. Uniquement en gastronomie s'il vous plait.

Mystère et boule de gomme .
Quand j'ai découvert cette affiche, je suis allée chercher sur Google qui d'habitude sait tout sur tout . Là, il sèche !

Je viens de faire comme toi.......Chou blanc !
j'ai un vieux grimoire de cuisine chez moi je vais tenter de dénicher la chose.

J'ai trouvé quelque chose mais sous une autre orthographe qui pourrait correspondre.

Alexandre Dumas en parle dans son "Grand dictionnaire de la cuisine".
Il parle de salep. C'est un végétal issu de l'extraction d'un bulbe.
Connu dés l'antiquité pour des propriétés aphrodisiaques associées au gingembre, aux clou de girofle etc.
On s'en sert en fait comme gélifiant. C'était vendu en poudre.
Donc je pense que c'est la même chose qui était proposée chez ce marchand épicier.
L'agar agar ou la feuille de gélatine ne devaient pas être encore connus, et franchement la gelée de groseille à base de gélatine animale veau en l'occurence....

Il semblerait que cela soit une boisson chaude anglaise, une sorte infusion...?

Je n'ai pas eu trop le temps de lire ce texte, où la recette est expliquée ici :
https://janeaustensworld.wordpress.com/2012/04/28/19th-century-street-vendor-woman-selling-salop-4/




C'était une excellente question pour notre jeu de l'été !!!

Tu possèdes ce dictionnaire gourmand d'Alexandre Dumas, François ?!!    ...   petit veinard !!!
Mais oui, bien sûr !   Toutes les réponses à nos questions doivent s'y trouver !

La nuit, la neige a écrit:Il semblerait que cela soit une sorte de boisson anglaise, une infusion...?

Je n'ai pas eu trop le temps de lire ce texte, où la recette est expliquée ici :
https://janeaustensworld.wordpress.com/2012/04/28/19th-century-street-vendor-woman-selling-salop-4/

... avec même une gravure, en couleur s'il te plaît !
Ah, tu es trop fort !!!

Dumas ne parle pas de boisson (c'est vrai que j'ai lu l'article à la va-vite), mais il se peut que l'on puisse mélanger la poudre à un breuvage.

Tiens donc !        Il y a une allusion    
au Sucre Royal de Bercy dans l'ouvrage La princesse effacée d'Alexandra de Broca .

https://books.google.fr/books?id=06oo4i9Jdf0C&pg=PT59&lpg=PT59&dq=AU+SUCRE+ROYAL+DE+BERCY&source=bl&ots=MfPvSbhdxS&sig=4yNeG5QUlvWo04kg8HXEEhzN7Js&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwixvpzTiY7WAhVJaVAKHdB1ASQQ6AEITzAJ#v=onepage&q=AU%20SUCRE%20ROYAL%20DE%20BERCY&f=false

Il devait s'agir d'une boutique importante, un peu comme la "mère de famille" ou Fauchon. De toutes façons avec un tel inventaire c'était une épicerie de luxe et imposante.

Mr de Talaru a écrit:Dumas ne parle pas de boisson (c'est vrai que j'ai lu l'article à la va-vite), mais il se peut que l'on puisse mélanger la poudre à un breuvage.

L'article précise bien qu'il s'agit d'une boisson chaude, qui faisait apparemment fureur en Angleterre à la fin du XVIIIe, mais plus particulièrement au XIXe siècle.
SI j'ai bien compris, il s'agirait d'une sorte d'infusion/ décoction dont l'ingrédient principal n'est pas confirmé : de l'écorce/racine de sassafras (un arbre d'Asie et Amérique du Sud) ou bien à base de bulbes d'une d'orchidée.


Sassafras root bark.
Image @ Vermont Fiddle Heads



Enfin, l'auteur de l'article propose plusieurs définitions.
Je cite :  

The following is a sampling of definitions of Salop, Salep, or Saloop from various dictionaries:

- An aromatic drink prepared from sassafras bark and other ingredients. – Online Encyclopedia

- Salop (or saloop, a hot starchy drink made with an infusion of dried salep, or orchid tubers) – Science and Society Picture Library

- An aromatic drink prepared from sassafras bark and other ingredients , at one time much used in London . – – J . Smith ( Dict . Econ . “Saloop” is a common misspelling or typo for: Salop. – Webster’s Online Dictionary

- Saloop/seuh loohp”/, n.: a hot drink prepared originally from salep but later from sassafras, together with milk and sugar. [1705-15; var. of SALEP] – Collaborative International Dictionary

- Salep, sal′ep, n. the dried tubers of Orchis mascula: the food prepared from it.—Also Sal′op. [Ar.Salep from Arabic: سحلب saḥlab‎, is a flour made from grinding the dried tubers of the orchid genus Orchis (including species Orchis mascula and Orchis militaris).
These tubers contain a nutritious starch-like polysaccharide called glucomannan. Salep flour is consumed today in beverages and desserts, in places that were formerly part of the Ottoman Turkish Empire.
The term salep may also refer to any beverage made with the salep flour. – Wikipedia