Marie-Antoinette et Fersen : un amour secret

Mais comment pouvait-il s'en ficher éperdument en tant que roi vis à vis de son peuple, du trône, de l'Europe ? N'avait-il pas un sentiment même vague d'orgueil en tant que mari trompé ? Je ne comprends pas !!

Ces sanglots, ce malaise qui l'empêche d'enfourcher son cheval tout seul, ne sont pas le fait d'un homme qui s'en fiche éperdument .  Il est touché, c'est sûr.  Blessure d'amour propre ?
...  il est vrai que les tourments de l'amour et de la jalousie lui sont épargnés, mais alors ?

Dominique Poulin a écrit:N'avait-il pas un sentiment même vague d'orgueil en tant que mari trompé ?

Je n'ai pas l'impression. Après des débuts très difficiles, il a fini par estimer sa femme, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'a jamais donné l'impression d'être transi d'amour pour elle.
N'oublions pas non plus que dans son testament, rédigé au mois de décembre 1792, Louis XVI écrit qu'il pardonne à sa femme, toute chose qu'elle pourrait se reprocher... Mon intuition est qu'il savait et qu'il s'en fichait, du moment que cela restait relativement discret.

Oui, mais si le commun des mortels ne le savait pas, la Cour avait de très forts soupçons, la rumeur a gagné les cours étrangères. Louis XVI déjà jugé faible en France et au dehors n'y a rien gagné dans sa dignité d'homme au sens précis du terme si on ajoute les désastreuses années où ce mariage n'en finissait pas d'être consommé, sans parler de la légitimité dorénavant douteuse de Louis-Charles en 1785 et de Sophie en 1786 qui selon Evelyne Farr, pourraient avoir pour père Axel de Fersen.

Dominique Poulin a écrit:... la légitimité dorénavant douteuse de Louis-Charles en 1785 et de Sophie en 1786 qui selon Evelyn Farr, pourraient avoir pour père Axel de Fersen.

C'est surtout selon Quintin Crawfurd, le duc de Dorset et Gouverneur Morris (entre autres), mon cher Dominique.
Car ces trois-là écrivent effectivement, noir sur blanc, l'un au premier ministre britannique, l'autre à la duchesse de Devonshire, et le troisième encore dans son Journal, que Fersen est le père de certains des enfants de Marie-Antoinette.

Ce n'est pas que Louis XVI s'en fichait mais plutôt qu'il se résignait.  Il était conscient de ses insuffisances, de l'indifférence de sa femme .  Pourtant entre les lignes de Bombelles nous devinons une véritable souffrance .

Dominique Poulin a écrit:Oui, mais si le commun des mortels ne le savait pas, la Cour avait de très forts soupçons, la rumeur a gagné les cours étrangères. Louis XVI déjà jugé faible en France et au dehors n'y a rien gagné dans sa dignité d'homme au sens précis du terme si on ajoute les désastreuses années où ce mariage n'en finissait pas d'être consommé, sans parler de la légitimité dorénavant douteuse de Louis-Charles en 1785 et de Sophie en 1786 qui selon Evelyne Farr, pourraient avoir pour père Axel de Fersen.

Dès lors que l'on suppose que Fersen et Marie-Antoinette aient pu être amants  ( comme nombre de contemporains et  beaucoup d'auteurs  bien avant E. Farr ) , la filiation des enfants devient incertaine.

Et bien oui nous y voila !
Louis XVI a consenti la liaison de sa femme avec Fersen. Je répète qu'il avait tous les pouvoirs pour faire cesser cette relation pleinement amoureuse et consommée ; il ne l'a pas fait car il n'en a pas eu le courage.
Avait-il peur de Marie-Antoinette, des conséquences d'un ordre de rupture pure et simple de cette relation ?

Mme de Sabran a écrit: entre les lignes de Bombelles nous devinons une véritable souffrance .

... oui mais sa souffrance a-t-elle bien pour cause la liaison entre Marie-Antoinette et Fersen ? Je n'en suis pas certain... Louis XVI paraît être indifférent au fait que sa femme a un amant.

Cela m'étonne aussi . Pourquoi ces sanglots irrépressibles, devant tout le monde ?!!

Dominique Poulin a écrit: il ne l'a pas fait car il n'en a pas eu le courage.

C'est certain. Louis XVI était profondément gentil. Il eût été cruel d'interdire à Marie-Antoinette, de voir le seul homme qu'elle aimait.
Louis XVI a fermé les yeux, par bonté.

Mme de Sabran a écrit:
Cela m'étonne aussi .  Pourquoi ces sanglots irrépressibles, devant tout le monde ?!!  

N'oublions pas qu'en 1788, la monarchie est au plus mal, le dauphin est très malade etc... Les mauvaises nouvelles ne manquent pas.
Je doute que Louis XVI ait appris la liaison de sa femme avec Fersen seulement en 1788, non ? Leur liaison datait de 1783...

Duc d'Ostrogothie a écrit:

Dominique Poulin a écrit: il ne l'a pas fait car il n'en a pas eu le courage.

C'est certain. Louis XVI était profondément gentil. Il eût été cruel d'interdire à Marie-Antoinette, de voir le seul homme qu'elle aimait.
Louis XVI a fermé les yeux, par bonté.

Ce n'est pas " gentil ", c'est bonnasse .  On ne se laisse pas tromper par gentillesse mais peut-être par faiblesse ou par détachement, indifférence .
Mais alors, pourquoi ce gros chagrin ?  
Je crois que Dominique faisait plutôt allusion aux vagues politiques . Est-ce que je me trompe ?  Mais la politique ne fait pas pleurer .
Non, il faut qu'il y ait quelque chose d'affectif, d'intime, de personnel qui touche au coeur .
Peut-être tout simplement Louis XVI commençait-il à aimer sa femme ?

Duc d'Ostrogothie a écrit:
N'oublions pas qu'en 1788, la monarchie est au plus mal, le dauphin est très malade etc... Les mauvaises nouvelles ne manquent pas.
...

Ils se rapprochent .

Duc d'Ostrogothie a écrit:
Je doute que Louis XVI ait appris la liaison de sa femme avec Fersen seulement en 1788, non ? Leur liaison datait de 1783...

Dans la scène rapportée par Bombelles, il y a pourtant bien un effet de choc brutal .

Si ces papiers concernent la reine et Fersen, on peut penser qu'il peut s'agir de lettres des deux amants. Les larmes ont inondé ses yeux devant la preuve patente d'un amour passionné et absolu.
D'un autre côté, comme le dit Sa Grâce, la situation du royaume est très préoccupante, le dauphin très malade.
En général, Louis XVI était plutôt flegmatique, il ne montrait pas son émotion en public, mais là il a craqué. Il a pleuré abondamment ; on peut en déduire une vraie blessure.
Mais pour savoir, pourquoi Louis XVI a éprouvé ce malaise, je pense qu'en l'état actuel des souces, il est impossible d'en déduire la raison tangible.

Pour qu'il y ait une cause politique, il faut vraiment que Louis XVI ai perdu tout self-control pour perdre ainsi son sang froid. Je penche plutôt pour la négative, mais bon le roi est un être de chair et de sang. Après tout en 1788, Louis XVI est très déprimé. Tout homme, même un souverain, qui a été éduqué pour masquer ses sentiments en public, peut s'effondrer pour une cause ou une autre dans le cas d'une grave dépression.

Pour ce qui repose en effet sur un sentiment intime, personnel, on peut légitimement retenir également, la santé du dauphin Louis-Joseph qui souffrait horriblement. Le couple royal a énormément souffert devant le calvaire de leur fils aîné.
Mais de certitude face au malaise public du roi, je n'en ai aucune.

Tous les historiens associent à la scène des sanglots sous l'arbre la phrase de Marie-Antoinette : " On veut donc nous enlever le seul ami sincère sur lequel nous puissions compter ! " comme de cause à effet.
Quel mémorialiste a rapporté cette phrase ?
Ce n'est pas Bombelles en tous cas . Au contraire, il se défend d'écouter les bruits populaires qui ne méritent aucune créance .

Duc d'Ostrogothie a écrit:
La cause des sanglots de Louis XVI est bien mystérieuse. Aurait-on intercepté des lettres de la reine à Fersen, que l'on aurait ensuite remis au roi ? ... s'agirait-il d'une correspondance du duc de Dorset, ou de tout autre intime de la reine, faisant état de nature réelle des relations entre Marie-Antoinette et Fersen ?...

Quoiqu'il en soit, ce n'était pas du fan mail en tout cas

Dominique Poulin a écrit:
Louis XVI a consenti la liaison de sa femme avec Fersen. Je répète qu'il avait tous les pouvoirs pour faire cesser cette relation pleinement amoureuse et consommée ; il ne l'a pas fait car il n'en a pas eu le courage.

oui.

" On veut donc nous enlever le seul ami sincère sur lequel nous puissions compter ! " comme de cause à effet.
Quel mémorialiste a rapporté cette phrase ?

...   le comte de Saint-Priest  :  

Saint-Priest écrit que la reine avait trouvé le moyen de " faire agréer " par Louis XVI, " sa liaison avec le comte de Fersen; en répétant à son époux tous les propos qu'elle apprenait qu'on tenait dans le public sur cette intrigue, elle offrait de cesser de le voir, ce que le roi refusa. Sans doute, elle lui insinua que, dans le déchaînement de la malignité contre elle, cet étranger était le seul sur lequel on pût compter; ce monarque entra tout à fait dans ce sentiment."

(Mémoires  de Saint-Priest)

Je pensais effectivement aux mémoires de Saint-Priest en lisant les publications dans ce sujet, merci Eléo !

Voici l'extrait des mémoires de la marquise de la Tour du Pin, dans lequel elle indique que "le comte de Fersen que l'on disait être l'amant de la reine Marie-Antoinette, venait de même presque tous les jours chez nous".

... que l'on disait être ...
Merci, mon cher duc, pour cet extrait .

Le bruit se colportait en catimini : Marie-Antoinette n' "affichait " pas avoir un amant .

Mme de Sabran a écrit:
Le bruit se colportait en catimini :  Marie-Antoinette n' "affichait " pas avoir un amant .

Exactement. Cela se savait à la cour manifestement.

Ainsi, Montmorin indiqua au comte de Saint-Priest au moment de l'arrivée de famille royale aux Tuileries le 6 octobre 1789, que "la présence du comte de Fersen, dont la liaison avec la reine était connue, pouvait mettre cette princesse, et le roi lui-même, en quelque risque à l'arrivée de l'abominable escorte qui les accompagnait depuis Versailles" :



Extrait des souvenirs du comte de Saint-Priest

Dans son dernier ouvrage, Alexandre Maral, conservateur en chef au château de Versailles cite un autre extrait des mémoires de Saint-Priest, ainsi que les travaux d'Evelyn Farr pour conclure que Fersen entretenait "une liaison amoureuse avec la reine" :  




Extrait de "Les derniers jours de Versailles", de Alexandre Maral.

Merci pour ce témoignage de Montmorin ( que je n'avais plus à l'esprit ) .  

...    un petit souffle de romantisme estival, les amis !  


( Huisman - Jallut )