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Et si Marie Antoinette avait succombé à l'amour ...

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Message par Mr ventier Jeu 07 Jan 2021, 07:41

C'est le journal Marianne qui se lâche dans un roman fou.. 

  https://www.marianne.net/agora/et-si-marie-antoinette-avait-succombe-a-lamour
 

Elle n’est plus reine de France, ni même reine des Français. Dans son cachot elle attend la décision d’un tribunal révolutionnaire qui doit arrêter la date de son procès. Un procès qui à coup sûr la conduira à l’échafaud comme dix mois plus tôt son époux de roi, Louis XVI. Pourtant, la veille de celui-ci, c’est dans les bras d’un révolutionnaire convaincu que Marie-Antoinette d’Autriche prend la poudre d’escampette.



À l'occasion de son numéro de fin d'année, "Marianne" vous propose une série d'uchronies : des réécritures de l'Histoire à partir de la modification d'un évènement passé. Le texte que vous vous apprêtez à lire relève par conséquent de la fiction.
Marie-Antoinette est enfermée à la Conciergerie. Elle se tord les mains, implore on ne sait qui, mange du bout des lèvres la pâtée qu’on lui sert. Plus de bijoux ni de robes de dentelle mais une vilaine tunique de bure.
Casimir Letasse, gardien de prison, est de ces jeunes hommes avides de justice qui manifestent contre la royauté. Cette reine frivole, dépensière, pas de chez nous, il faut qu’elle paie pour toutes ses folies. Ah ! la fuite à Varennes ! Ils croyaient nous berner !

Maintenant, le roi a été exécuté et la reine est à la Conciergerie où elle attend son procès. Oui, la femme sous la tunique des prisonniers, c’est bien cette reine haïe, celle qui a trahi le peuple en vidant les caisses du royaume pour sa seule distraction, toilettes, bijoux, fêtes. Et voyez ce Grand et ce Petit Trianon, conçus pour les plaisirs de la dame !

SAUVER LA DAME


Casimir Letasse, révolutionnaire de la première heure, doit jubiler comme beaucoup parmi ses amis révolutionnaires… Eh bien, non ! Il ne jubile pas, Casimir. C’est que le jeune garçon a un secret : il aime la reine. Follement. Une reine peut-être, mais une femme, une vraie, comme on n’en rencontre pas tous les jours. Même au cachot, l’Autrichienne garde sa grâce, son éclat. Quand son cœur s’est embrasé au contact de la prisonnière, la Révolution, Casimir a décidé de la laisser à d’autres.
Lui, le premier à conspuer la royauté, ne pense désormais plus qu’à une seule chose : sauver la dame. Depuis qu’il a compris le sort qui attend sa bien-aimée, Casimir ne dort plus. « Que le “Capet”, le roi Louis XVI soit guillotiné, tant mieux, pense-t-il en secret. Ce roi apathique, ce pantin, bon débarras ! » Mais Marie-Antoinette, cette femme superbe, l’air hagard, les cheveux épars sous un méchant bonnet, brinquebalée dans la charrette du bourreau, impossible ! Pour empêcher l’inexorable, un plan a germé dans le cœur de Casimir. Il sauvera la reine, il sauvera Marie-Antoinette.


UN HAMEAU OÙ SE CACHER


Le garçon a de la ressource. Pour que sa belle souveraine qui règne désormais sur son âme puisse échapper à la mort, il s’échappera avec elle. Après tout, des gars comme lui, ça ne compte pas. Un jour, ils s’évanouissent dans la nature et personne pour les rechercher. Les gens du peuple, ça va, ça vient.
Un cheval ? Facile à trouver. On peut même en voler un. Ni vu ni connu. Quelques complicités feront l’affaire, accompagnées de gros rires.
L’Histoire n’a pas retenu les détails de l’enlèvement royal. Toujours est-il que dans la nuit 13 octobre 1793, à la veille des procès intentés contre « la louve autrichienne », un cheval galope dans la nuit à travers le Hurepoix, la reine de France s’agrippant à la taille de Casimir Letasse. Ils ne s’arrêtent que pour boire directement à la gourde du jeune homme et les voici bientôt arrivés à la ferme des Letasse.

Pierre sèche, odeur de fumier, pâtures à l’horizon. La campagne est noire, endormie. Tant mieux. Le village, plutôt un hameau, ne poussera pas les hauts cris en voyant arriver la reine.

AFFOLEMENT À PARIS


La reine ? Non. Il n’y a plus de reine, ni de la France ni des Français. La République est proclamée depuis septembre 1792. Danton le voulait.
La mère Letasse – maîtresse, qu’on l’appelle – a tout de suite compris. Son fils voulait faire la révolution ? La matrone préfère le voir ici. Il reprendra la ferme avec son frère, qui vient de se marier. Quant au père – maître, qu’on l’appelle – il se contente de grogner.
Pendant ce temps, à Paris, c’est l’affolement. Tout est préparé pour aboutir lors du procès à une condamnation finale. Mais une question commence à circuler dans la capitale. Où est passée la reine ? Toutes les polices sont sur les dents. On cherche la dame jusqu’en Autriche. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin de la ferme Letasse.

TANT DE SOUCIS


Vers la ferme justement, on commence à parler. Qui est cette femme ? Une de Paris, pour sûr. Qu’est-ce qu’il fait, le Casimir, avec cette vieille de près de 40 ans ? Chez nous, il a que le choix. Y en a plein qui demanderaient pas mieux. C’est qu’il est bien tourné, le gars.
La femme a des manières et elle est plutôt plaisante. C’est peut-être la reine. Allez, dis pas de bêtises. On a parlé puis on s’est tus. Tant d’autres soucis.
Et elle, la reine, baptisée aujourd’hui Adélaïde ? Silencieuse au début, elle s’est mise au travail. On dirait même qu’elle y prend plaisir. Il faut la voir pomper l’eau du puits, traire les vaches ou ramasser le foin en été, dans sa grosse jupe de coutil. La vie au grand air lui a redonné des couleurs. Une vraie paysanne. Et la soupe aux choux n’a plus de secret pour elle. Ni la soupe aux orties, quand les récoltes sont maigres.
Les années passent. Depuis son arrivée, Adélaïde a mis bas. Des jumeaux, sans qu’on sache s’ils sont du père, le vieux fermier, ou de Casimir. Si on écoutait les cancans !
Cette ultime grossesse lui a élargi les hanches, développé la poitrine. Adélaïde est gentille avec tout le monde mais elle ne parle guère. Et quand elle vous fixe de son beau regard bleu, on frémit. Peu importe, tout va bien. Tout va bien jusqu’au jour où une longue escorte noire s’arrête devant la ferme.

FIN DE L'HISTOIRE ?


« Nous venons chercher la reine », dit l’homme tout galonné dont le français impeccable trahit un curieux accent. Alors Adélaïde se met à parler. Les mots lui sortent de la bouche, des mots qu’on ne connaît pas. Tout un flux de mots brisant le silence des murs. On dirait qu’elle s’emporte contre le messager. Mais rien n’y fait, la reine s’enfonce dans un carrosse et disparaît.
À contrecœur, on laissa partir la dame, redevenue Marie-Antoinette, sans ses jumeaux, restés à la ferme. Fin de l’histoire.
Fin de l’histoire ? Que nenni. C’est que Marie-Antoinette, reprenant son nom et sa qualité de reine, même déchue, a maintenant un but. Il ne s’agit plus de folâtrer comme au Trianon. C’est une ferme qu’elle veut ici en Autriche. Une vraie. Avec des vaches, des poules et surtout des moutons. Une dernière fantaisie de la frivole Marie-Antoinette ? Non. Une véritable passion née chez les Letasse. Dans les alpages tyroliens, on lui trouvera bien ça. Et voilà Marie-Antoinette tout heureuse au milieu des animaux. Passer sa main dans la rêche toison blanche des moutons, elle connaît. Après la tonte, on carde, on brosse, on file et même on tricote. La laine fera de confortables manteaux fourrés, se dit-elle.
Si Marie-Antoinette ne connaissait pas autrefois le prix de la brioche, elle veut aujourd’hui fournir au peuple de quoi se couvrir l’hiver. C’est sa façon à elle de faire la révolution.
Mais la reine paysanne n’est pas seule dans son alpage. Qui est cet homme plus jeune, à côté d’elle ? Un bel homme un peu rude, aux épaules larges, qui gère la ferme, ses activités, ses ateliers.
L’ancienne reine de France a fait venir son homme près d’elle. Casimir Letasse, son sauveur et son amant. Et les jumeaux sont là aussi, déjà vigoureux. Oubliée, l’ère des courtisans. Oublié, aussi, Axel de Fersen, l’ami si dévoué qui n’a pu lui épargner ces années d’humiliation. De temps à autre, des rires s’échappent le soir de la fenêtre de la ferme éclairée par la seule cheminée. C’est que Casimir et sa dame parlent et se remémorent encore le bon tour que l’amour d’un fils du peuple a joué à l’Histoire en dérobant le cœur et le destin tragique d’une reine.

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Par Marie-Louise Aud
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