Félix Berger, cuisinier et ami d'Axel de Fersen

André Desfeuilles a publié en 1953, une étude sur Félix Berger, cuisinier d'Axel de Fersen, sur la base d'une correspondance inédite échangée entre ledit Félix et son frère Arnoult Berger, ainsi que sur la base du Journal d'Axel Fersen.



Félix Berger était originaire de Malaucène, village logé au pied du Mont Ventoux.



Jusqu'à la Révolution, Félix Berger est le cuisinier du duc de Charost. Il perd sa place suite à la mort sur l'échafaud du fils du duc, Armand de Béthune-Charost.


L'hôtel de Charost, actuelle résidence de l'ambassadeur du Royaume-Uni en France

Retiré à Rumont, dans le canton de Beaumont (Seine-et-Marne) depuis le 25 floréal an V (14 mai 1797), Félix Berger, alors âgé de 32 ans, entre au service d'Axel Fersen en 1799 semble-t-il.
Il y restera jusqu'en 1808.

Au cours de ces dix années, il réussit à capter l'amitié d'Axel, à l'accompagner dans ses voyages à travers l'Europe, et à faire fortune avant de rentrer à Malaucène.
Les rapports du grand Maréchal de la Cour et de Félix, provençal expatrié dans le nord, semblent avoir été tout de suite excellents et ils le demeureront jusqu'au bout.

Voici ce qu'écrit Félix Berger à son frère au sujet de ses rapports avec Axel Fersen :

"Cela me coûterait beaucoup de quitter ma condition, attendu qu'elle est bonne et que je suis bien avec mon maître..." (Munich, 22 nov. 1801).

"... J'augmente toujours ce que je possède. Si ce n'était pas l'envie d'être auprès de vous je ne quitterais point ma condition de sitôt vu que j'y fais mes affaires et que je suis avec un bon maître qui m'aime beaucoup. Je ne peux pas vous dire combien il est porté pour moi et combien il m'aime ; je vous assure qu'il m'en coûtera beaucoup de le quitter ainsi que lui pour me laisser en aller. Cependant je le quitterai volontiers pour aller rester avec vous malgré toutes ses promesses et sa bonté..." (Parme, 6 janv. 1802).

"... Vous me parlez du plaisir que vous aurez de me voir réuni à vous : je vous prie de croire que je languis de partager ce bonheur mais vous conviendrez que c'est bien dur pour moi d'abandonner un maître qui m'aime comme son enfant même..." (Stockholm, 8 mars 1803).

En 1803, Berger écrit à son frère qu'il souffre cruellement de la goutte, comme Fersen. Ils s'échangent des remèdes sans succès : "... il faut se tenir bien chaud avec de la laine ou de la flanelle ... Le camphre est un bon remède... Depuis notre arrivée Son Excellence souffre beaucoup de la goutte ainsi que notre écuyer..." (Stockholm, 8 mars 1803).

Lorsque Félix décide de prendre un congé de quelques mois en 1804 pour aller voir sa famille en France, Sophie Piper est en larmes :

"... Ils m'ont fait promettre de retourner ; je le leur ai promis, sans cela j'aurais dû rester encore 3 mois pour attendre qu'ils en aient un de Paris. Madame la Comtesse, soeur de mon maître, s'est mise à pleurer ..." (Dusseldorf, 5 juin 1804).


Sophie Piper, soeur d'Axel Fersen

Malheureusement, Félix n'arrivera pas à passer la frontière française. On lui refuse le visa : la police de Fouché veille.
Sans doute le soupçonnait-on de transporter une correspondance clandestine... ce qui est le cas : il confesse à son frère qu'il transporte une lettre de Sophie Piper pour Paris.

Dépité, il revient à Stockholm le 7 septembre 1804. Il écrit à son frère, le 2 octobre 1804 : "Je suis banni de France jusqu'à nouvel ordre".

En 1807, il décide de rentrer en France avec la blanchisseuse d'Axel Fersen. Ils se connaissaient depuis 1795.
Mais leur mariage n'aura lieu en Suède qu'après 1807, car écrit-il "les maîtres ne veulent pas de personnes mariées chez eux...".  

Berger part pour Copenhague avec sa femme et son enfant et réussit à obtenir, en 1808, un visa pour rentrer en France .. en se faisant passer pour l'ancien cuisinier du ministre de Prusse M. Jarrack !

Félix Berger mourra en 1847.

André Desfeuilles conclut son ouvrage ainsi : "Confident plus encore peut-être que cuisinier, connaissait-il le secret de Fersen ?"...

Je ne connaissais pas cette publication et ce témoignage rare et inédit pour moi, cher Duc.
Nous découvrons Axel dans son intimité, très bon et familier avec ses domestiques. C'est très émouvant je dois dire.

Cela lui ressemble bien, c'est tout à fait lui, un homme affable et courtois .

Dominique Poulin a écrit:
Nous découvrons Axel dans son intimité, très bon et familier avec ses domestiques. C'est très émouvant je dois dire.

Mme de Sabran a écrit:Cela lui ressemble bien, c'est tout à fait lui, un homme affable et courtois .

Je plussoie, chers amis.
De toute façon, il est clair que Marie-Antoinette n'aurait jamais pu tomber amoureuse d'un sale c*n .

En effet, cher Duc, les semblables s'attirent. Et c'est fort bien que vous nous montriez cette facette-là d'Axel. Bon avec le peuple. C'est très touchant.

Trianon a écrit: c'est fort bien que vous nous montriez cette facette-là d'Axel. Bon avec le peuple. C'est très touchant.

Félix Berger était effectivement très bien traité par Axel. Voici ce qu'il écrit à son frère le 8 mars 1803 :

"... Si cependant d'aujourd'hui à demain ou dans ce temps là se trouve l'occasion de quitter mon maître, je ferai tout ce que je vous ai dit ci-devant, malgré que je joue le rôle le plus beau de ma vie.

Je ne suis assujetti à personne qu'à Son Excellence, ainsi, je suis mon maître.

J'achète, je taille, je rogne, personne n'a rien à me dire, je suis bien logé, bien chauffé, servi par un domestique pour battre mes hardes, faire ma chambre, me faire du feu le soir et le matin, je mange tout ce qui me fait plaisir sans qu'il m'en coûte un sou de ma poche..." .

Oui, la place était bonne !

J'insiste, mais il faut que l'image des aristocrates (en général) change. BEAUCOUP parmi eux affectionnaient leurs gens de maison. Cette image soit disant arrogante (c'est aussi valable pour mon président actuel) et méprisante de la Noblesse doit ENFIN changer. Les critiques mensongères de la révolution ont la dent dure.

cette plaquette est fort rare, j'ai mis des années à la trouver...la première fois elle m'a été prêtée en SUEDE au chateau de LOFSTAD dans la bibliothèque , vous comprendrez qu'il me la fallait absolument..... elle se lit rapidement mais n'apporte rien de nouveau sur FERSEN.

MARIE ANTOINETTE

C'est un document assez rare effectivement. J'ai trouvé sa lecture intéressante.
La correspondance de Félix Berger confirme le caractère simple et affable de Fersen. Manifestement, il était aimé de son personnel (à l'instar de Marie-Antoinette d'ailleurs).
En aucun cas, donc, un personnage arrogant ou hautain.

pour rectifier le livre de Monsieur DES CARS j'ai fait une recherche sur un projet de mariage entre Melle NEKER et FERSEN - projet non concrétisé :

lors de son retour en 1783, deux mois de bateau et malade, FERSEN pense à son avenir... son père est assez pingre au sujet des finances - il pense au mariage et à sa carrière, il faut faire une fin, il a 26 ans.
pensant à la riche Melle NECKER - 17 ans et à la position de son père.........il demande à FERSEN PERE la permission de se rapprocher de la famille NECKER.

A son arrivée à PARIS, il demeure à l'AMBASSADE DE SUEDE, ou son ami STAEL qui vient d'être nommé chargé d'affaires par GUSTAVE est en pleines tractations de mariage avec NECKER au sujet de sa fille !!!!!
le projet d'AXEL tombe à l'eau et tout s'arrange au mieux de ses intérêts étant donné l'accueil de la Reine ; pour sa carrière le régiment ROYALA SUEDOIS, les décorations, l'entrée à la Cour grâce à l'amitié de la souveraine..............le soleil brille et il n'a nul besoin de faire un mariage arrangé avec un laideron pas très sympathique.
ce sujet montre un FERSEN assez porté sur les finances, la position etc.... ce côté de son caractère montre qu'il n'est pas le chevalier à la blanche armure !!!!!

MARIE ANTOINETTE

En effet, chère Marie-Antoinette, il est fort possible que Fersen n'était pas un "chevalier à la blanche armure". Comme tout le monde, je pense qu'il avait des qualités mais aussi des défauts. Bref, un être humain en quelque sorte. Non ?
Les choses ont évolué depuis cette époque, Dieu merci. Mais, c'était ainsi que l'on voyait les choses dans la Noblesse (oserais-je dire même dans le peuple ?). La position sociale et le poids de sa bourse étaient des obsessions. Je comprends, c'est bien triste. Bon nombre de mariages étaient arrangés, sans amour. Vous imaginez ça ? Axel de Fersen était un TRES bon parti. Je m'étonne seulement qu'il n'ait jamais trouvé chaussure à son pied. Mais l'ombre de la Reine était peut-être trop présente.

Vous avez tout à fait raison, chère Trianon, Fersen feignait de chercher un parti pour complaire à son père qui lui reprochait son célibat et ses dépenses . Il soufflait de soulagement quand ses démarches tombaient à l'eau . ... et, faisant montre de bonne volonté, avait un peu la paix avec ce paternel envahissant .

Nous nous comprenons, mon coeur (Aie, qu'est-ce qu'il m'arrive ??? Je pense que c'est à cause de Fersen). Non, mais sérieusement, je suis si heureuse quand on parle des "miens" avec bienveillance. Fersen était si malheureux en amour (je parle du vrai) et d'en parler m'attriste tant. Je vous assure.
Maintenant, je vais m'occuper de Momo.

Axel Fersen était l'héritier en titre de la plus riche et plus noble famille suédoise.
Il n'avait pas besoin d'argent pour s'établir et il n'était certainement pas un "coureur de dot".  
S'il a voulu obtenir le Royal Suédois, ce n'est pas pour l'argent, mais pour pouvoir rester en France auprès de Marie-Antoinette (v. ci-dessous).  
Il pouvait très facilement s'établir en Suède, ce que son père souhaitait d'ailleurs ardemment. Mais il a refusé de le faire, car il voulait rester en France avec la reine.

De surcroît, il n'a jamais envisagé de se marier avec Mlle Necker.

Un mois après son retour d'Amérique, Fersen écrit ainsi à sa soeur, le 31 juillet 1783 qu’il n'entend pas revenir en Suède et qu'il ne se mariera jamais, parce que « je ne puis pas être à la seule personne à qui je voudrais être, à la seule qui m’aime véritablement, ainsi je ne veux être à personne ».

Il écrit dans la même lettre : « Je suis bien aise que Mlle Lyell soit mariée. On ne m’en parlera plus, et j’espère qu’on n’en trouvera pas d’autre. J’ai pris mon parti. Je ne veux jamais former le lien conjugal, il est contre nature. [...] »

Cette lettre fait suite à une entrevue avec Marie-Antoinette le 15 juillet 1783, dont Fersen se souviendra encore 15 ans après puisque le 15 juillet 1798, il écrira dans son journal que ce fameux 15 juillet 1783 fut un « jour remarquable » pour lui... (manifestement ils sont devenus amants le 15 juillet 1783) (source : Evelyn Farr, "Marie-Antoinette et le comte de Fersen, la correspondance secrète").

De même, Fersen écrit à son père le 10 août 1783 qu'en ce qui concerne son éventuel mariage avec Mlle Necker, il ne faut pas y songer, non seulement parce-que Staël « a des espérances », mais également parce-que ses parents ne veulent pas, selon lui, qu'elle s'expatrie en Suède (à ce moment-là, Axel fait croire à son père qu'il a l'intention de revenir vivre en Suède pour l'amadouer...).

Lorsque Gustave III écrit à Fersen, au mois de juin 1785, qu'il a entendu dire qu'il comptait se marier avec Mlle Necker, Fersen lui répond aussitôt : « Rien n’est plus faux, sire, que ce qui a été dans les gazettes touchant mon mariage. » Il ne veut pas, dit-il, priver Staël de la fortune de Mlle Necker... Elle finira par se marier avec Staël en 1786.

... et Staël et Fersen, nullement rivaux amoureux, deviendront des adversaires politiques .
Notre sujet : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3788-le-divorce-entre-le-baron-de-stael-et-gustav-iii?highlight=STAEL

... je ne crois pas que Staël ait jamais été amoureux de Germaine, si ?
En tout cas, à la fin, ils se détestaient.

Duc d'Ostrogothie a écrit:... je ne crois pas que Staël ait jamais été amoureux de Germaine, si ?

Aucune idée non plus, mais je ne crois pas. C'était un mariage de convenance.

Mlle Necker a bien négocié son contrat de mariage, car lorsqu'ils se sont séparés après la Révolution, Staël s'est retrouvé sans le sou.

X

Ah bon ! Que lui reprochait-elle ( hormis n'être pas très rock'n'll ) ?

Mme de Sabran a écrit:

Duc d'Ostrogothie a écrit:... je ne crois pas que Staël ait jamais été amoureux de Germaine, si ?

Aucune idée non plus, mais je ne crois pas. C'était un mariage de convenance.

Le choix était également limité : il fallait trouver un aristocrate protestant vivant en France et pouvant librement y pratiquer sa religion...

Il est d'ailleurs intéressant de constater que dans la polémique sans fin entourant la nature des relations entre Fersen et Marie-Antoinette, l'idée d'une Reine Très Chrétienne, fille de Sa Sacrée Majesté l'Empereur, ayant une liaison avec un luthérien n'ait encore choqué les antis ni été soulevée à titre d'argument par les plus réfractaires.

Quand on pense que dès qu'on parle du futur Georges IV et de Mrs Fitzherbert, c'est pour souvent réduire cette dernière à sa qualité de catholique honnie, le contraste est frappant.

Oui , cela ne m'avait jamais effleurée ...

Gouverneur Morris a écrit:
Il est d'ailleurs intéressant de constater que dans la polémique sans fin entourant la nature des relations entre Fersen et Marie-Antoinette, l'idée d'une Reine Très Chrétienne, fille de Sa Sacrée Majesté l'Empereur, ayant une liaison avec un luthérien n'ait encore choqué personne ni été soulevée à titre d'argument.

De fait, Marie-Antoinette était entourée de "mécréants" : soit des gens qui ne croyaient pas en Dieu (le prince de Ligne par exemple), soit des protestants tels que ses ami(e)s anglais et suédois.

Duc d'Ostrogothie a écrit:

Gouverneur Morris a écrit:
Il est d'ailleurs intéressant de constater que dans la polémique sans fin entourant la nature des relations entre Fersen et Marie-Antoinette, l'idée d'une Reine Très Chrétienne, fille de Sa Sacrée Majesté l'Empereur, ayant une liaison avec un luthérien n'ait encore choqué personne ni été soulevée à titre d'argument.

De fait, Marie-Antoinette était entourée de "mécréants" : soit des gens qui ne croyaient pas en Dieu (le prince de Ligne par exemple), soit des protestants tels que ses ami(e)s anglais et suédois.

Il y a des croyants si loin de la réelle croyance et des non-croyants qui eux la côtoie librement, sans faire éclat de leur bonté. Donc, la Reine était parfois, c'est vrai, bien entourée.