Mademoiselle Alexandre, Marchande de Modes à Paris
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Mademoiselle Alexandre, Marchande de Modes à Paris
Le métier de marchande de modes au XVIIIe siècle nous évoque aussitôt Mademoiselle Bertin « ministre des modes de la reine ». Mais l'officiel registre des métiers dénombre en fait quelques centaines de marchandes de modes parisiennes à partir de 1776.
Mlle Alexandre, issue d'une famille de marchands merciers, ouvrit sa première boutique à Paris sous Louis XV, située entre les quartiers très animés du Palais-Royal et du Pont-Neuf. Elle travailla pour l'élaboration des fournitures de modes des trousseaux de mariage des comtesses de Provence et d'Artois. Malgré tout son talent, elle ne put faire face à l'écrasante concurrence qui existait dans cette profession, en particulier celle du Grand Mogol de Mademoisele Bertin, qui la mena à la faillite.
Melle Alexandre est citée par Louis-Sébastien Mercier
dans sa vaste fresque du Tableau de Paris.
« Marchandes de modes.
Assises dans un comptoir, à la file l'une de l'autre, vous les voyez à travers les vitres. Elles arrangent ces pompons, ces colifichets, ces galants trophées que la mode enfante et varie. Vous les regardez librement, et elles vous regardent de même. Ces boutiques se trouvent dans toutes les rues. A côté d'un armurier qui n'offre que des cuirasses et des épées, vous ne voyez que touffes de gaze, des plumes, des rubans, des fleurs et des bonnets de femme.
Ces filles enchaînées au comptoir, l'aiguille à la main, jettent incessamment l'œil dans la rue. Aucun passant ne leur échappe. La place du comptoir, voisine de la rue, est toujours recherchée comme la plus favorable, parce que les brigades d'hommes qui passent offrent toujours le coup d'œil d'un hommage. La fille se réjouit de tous les regards qu'on lui lance, et s'imagine voir autant d'amants. La multitude des passants varie et augmente son plaisir et sa curiosité. Ainsi, ce métier sédentaire devient supportable, quand il s'y joint l'agrément de voir et d'être vue ; mais la plus jolie du comptoir devrait occuper constamment la place favorable. On aperçoit dans ces boutiques des minois charmants à côté de laides figures. L'idée d'un sérail saisit involontairement l'imagination ; les unes seraient au rang des sultanes favorites, et les autres en seraient les gardiennes.
Plusieurs vont le matin aux toilettes avec des pompons dans leurs corbeilles. Il faut parer le front des belles, leurs rivales ; il faut qu'elles fassent taire la secrète jalousie de leur sexe, et que, par état, elles embellissent toutes celles qui les traitent avec hauteur. Quelquefois le minois est si joli, que le front altier de la riche dame en est effacé. La petite marchande en robe simple se trouve à une toilette dont elle n'a pas besoin ; ses appas triomphent et effacent tout l'art d'une coquette. Le courtisan de la grande dame devient tout à coup infidèle ; il ne lorgne plus dans le coin du miroir que la bouche fraîche et les joues vermeilles de la petite qui n'a ni suisse ni aïeux. Plus d'une aussi ne fait qu'un saut du magasin au fond d'une berline anglaise. Elle était fille de boutique; elle revient un mois après y faire ses emplettes, la tête haute, l'air triomphant, et le tout pour faire sécher d'envie son ancienne maîtresse et ses chères compagnes. Elle n'est plus assujettie au comptoir; elle jouit de tous les dons du bel âge. Elle ne couche plus au sixième étage dans un lit sans rideaux, réduite à attraper en passant le stérile hommage d'un maigre clerc de procureur. Elle roule avec le plaisir dans un leste équipage ; et d'après cet exemple, toutes les filles, regardant tour à tour leur miroir et leur triste couchette, attendent du destin le moment de jeter l'aiguille et de sortir d'esclavage.
En passant devant ces boutiques, un abbé, un militaire, un jeune sénateur y entrent pour considérer les belles. Les emplettes ne sont qu'un prétexte ; on regarde la vendeuse, et non la marchandise. Un jeune sénateur achète une bouffante ; un abbé sémillant demande de la blonde ; il tient l'aune à l'apprentie qui mesure : on lui sourit, et la curiosité rend le passant de tout état acheteur de chiffons. […]
Mais j'oubliais que le travail des modes est un art ; art chéri, triomphant, qui dans ce siècle a reçu des honneurs, des distinctions. Cet art entre dans le palais des rois, y reçoit un accueil flatteur. La marchande de modes passe au milieu des gardes, pénètre l'appartement où la haute noblesse n'entre pas encore. Là on décide sur une robe, on prononce sur une coiffure, on examine tout le jeu d'un pli heureux. Les grâces, ajoutant aux dons de la nature, embellissent la majesté. Mais qui mérite d'obtenir la gloire, ou de la main qui dessine ces ajustements, ou de celle qui les exécute ? Problème difficile à résoudre. Peut-on dire ici : Invente, tu vivras ? Qui sait de quelle tête féminine part la féconde idée qui va changer tous les bonnets de l'Europe, et soumettre encore des portions de l'Amérique et de l'Asie à nos collets montés ?
La rivalité entre deux marchandes de modes a éclaté dernièrement, comme entre deux grands poètes. Mais l'on a reconnu que le génie ne dépendait pas des longues études faites chez mademoiselle Alexandre, ou chez monsieur Baulard. Une petite marchande de modes de l'humble quai de Gesvres, bravant toutes les poétiques antécédentes, rejetant les documents des vieilles boutiques, s'élance, prend un coup d'œil supérieur, renverse tout l'édifice de la science de ses rivales. Elle fait révolution, son génie brillant domine, et la voilà admise auprès du trône. Aussi, quand le cortège royal s'avance dans la capitale, que le pavé étincelle sous le fer des coursiers que monte une noble élite de guerriers, que tout le monde est aux fenêtres, que tous les regards plongent au fond du char étincelant, la reine, en passant, lève les yeux et honore d'un sourire sa marchande de modes. Sa rivale en sèche de jalousie, murmure de ses succès, cherche à les rabaisser, ainsi que fait un journaliste dans ses feuilles contre un auteur applaudi. Mais la reine est l'arbitre des modes ; son goût fait loi, et sa loi est toujours gracieuse. Les marchandes de modes ont couvert de leurs industrieux chiffons la France entière et les nations voisines. Tout ce qui concerne la parure a été adopté avec une espèce de fureur par toutes les femmes de l'Europe. C'est une contrefaçon universelle ; mais ces robes, ces garnitures, ces rubans, ces gazes, ces bonnets, ces plumes, ces blondes, ces chapeaux font aujourd'hui que quinze cent mille demoiselles nubiles ne se marieront pas. Tout mari a peur de la marchande de modes, et ne l'envisage qu'avec effroi. Le célibataire, dès qu'il voit ces coiffures, ces ajustements, ces panaches dont les femmes sont idolâtres, réfléchit, calcule et reste garçon. Mais les demoiselles vous diront qu'elles aiment autant des poufs et des bonnets historiés que des maris. Soit. »
En janvier et février 1776, mademoiselle Alexandre fournit des accessoires, mantilles, bracelets, nœuds de manches, glands pour deux grands habits de satin bleu des Indes et satin blanc brodé qui, en octobre 1776, semblent regarnis par mademoiselle Bertin. Recevoir un grand habit ne signifie donc pas la livraison de tous ses éléments.
« Fournitures du trousseau de Madame la Comtesse d’Artois ordonnées par Madame la comtesse de Bour (...)
« États et mémoires de dépenses de la garde-robe de Marie-Antoinette, 1779-1787, État des grands h (...)
De façon générale, il apparaît que la proportion des grands habits dans une livraison par quartier est bien inférieure à la moitié des livraisons de vêtements. On dénombre dans le mémoire de mademoiselle Alexandre, relatif au trousseau de la comtesse d’Artois, trente et une chamarrures pour grands habits et trente-cinq pour robes. Ce chiffre doit être pondéré par un deuxième mémoire de la marchande de modes, un mémoire de madame Lamarche, maîtresse couturière qui ne livre que des robes, et deux autres mémoires de fournisseurs.
À l’automne 1773, la comtesse d’Artois reçoit au final quarante-quatre grands habits pour cent deux robes. Lors des quartiers d’avril, juillet et octobre 1776, dix-neuf grands habits sont fournis par la couturière et onze garnitures de grands habits sont livrées par mesdemoiselles Alexandre et Bertin, pour cinquante-trois robes faites, cinquante-cinq refaites et vingt-neuf garnitures de robes.
Dans ses Voyages littéraires sur les quais de Paris : Lettres à un bibliophile ...
Adolphe de Fontaine de Resbecq, nous conte comment Mademoiselle Alexandre s'est fait une spécialité du déshabillé .
https://journals.openedition.org/apparences/1325
https://books.google.fr/books?id=t1txCwAAQBAJ&pg=PT195&lpg=PT195&dq=MELLE+ALEXANDRE+MARCHANDE+DE+MODE&source=bl&ots=9mBO2AcIcP&sig=U860_oiNPI7Hc_jVEQOtA-86Uio&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjK6r_m69raAhXE2aQKHc3tBqIQ6AEIWTAL#v=onepage&q=MELLE%20ALEXANDRE%20MARCHANDE%20DE%20MODE&f=false
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55504
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Re: Mademoiselle Alexandre, Marchande de Modes à Paris
V'la une petite nouvelle !
Concurrente et complémentaire avec la Bertin .
Concurrente et complémentaire avec la Bertin .
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Comtesse Diane- Messages : 7397
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Re: Mademoiselle Alexandre, Marchande de Modes à Paris
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Mme de Sabran- Messages : 55504
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Re: Mademoiselle Alexandre, Marchande de Modes à Paris
Louis-Sébastien Mercier a écrit:
Plus d'une aussi ne fait qu'un saut du magasin au fond d'une berline anglaise. Elle était fille de boutique; elle revient un mois après y faire ses emplettes, la tête haute, l'air triomphant, et le tout pour faire sécher d'envie son ancienne maîtresse et ses chères compagnes. Elle n'est plus assujettie au comptoir; elle jouit de tous les dons du bel âge. Elle ne couche plus au sixième étage dans un lit sans rideaux, réduite à attraper en passant le stérile hommage d'un maigre clerc de procureur. Elle roule avec le plaisir dans un leste équipage ; et d'après cet exemple, toutes les filles, regardant tour à tour leur miroir et leur triste couchette, attendent du destin le moment de jeter l'aiguille et de sortir d'esclavage.
En passant devant ces boutiques, un abbé, un militaire, un jeune sénateur y entrent pour considérer les belles. Les emplettes ne sont qu'un prétexte ; on regarde la vendeuse, et non la marchandise.
Les "filles de boutique" n'étaient pas réputées pour leur vertu . On les appelait des "grisettes", jeunes ouvrières de la mode (passementières, drapières, boutonnières, etc.), coquettes et galantes, qui pouvaient parfois se prostituer.
Mme du Barry a commencé comme fille de boutique chez une marchande de mode (s'agit-il de Madame Alexandre ou d'une autre ? Je ne sais plus...).
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
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