La Galerie des Modes et Costumes Français

La "Galerie des Modes et Costumes Français" est une série d'estampes de mode et de costumes qui a été distribuée à Paris de 1778 à 1787.

Le premier volume, paru en 1779, avait une page de titre avec une illustration allégorique ainsi que le titre complet de la collection: Gallerie des modes et des costumes français dessinés d'après nature, Gravés par les plus Célèbres Artistes en Ce genre, et colorés avec le plus grand soin par Madame Le Beau. Ouvrage commencé en année 1778. A Paris, chez les Sieurs Esnauts et Rapilly, rue Saint-Jacques à la Ville de Coutances. Avec priv. du Roi.




Il est important de noter que cette épithète plus longue indique que les gravures de la Galerie (ou Gallerie, selon l'orthographe du dix-huitième siècle) ont été créées "d'après nature", ce qui signifie qu'elles étaient censées représenter ce qui était réellement porté dans les rues de Paris pendant la dernière partie du dix-huitième siècle.

Bien que leur présentation varie, la majorité des images de cette série sont des tableaux vivants dans lesquels des Parisiens de tous les milieux affichent leurs modes quotidiennes. Ces estampes ont été réalisées par un ensemble de célèbres dessinateurs et graveurs du XVIIIe siècle et sont accompagnées à chaque fois d'un texte descriptif. 

Selon Wikipedia, il n'existe aucune collection privée ou publique qui possède une édition complète de la Galerie (j'ai pu cependant admirer une série quasi complète semble-t-il de la Galerie des Modes et Costumes Français au château de Löfstad (ancien château de la famille Fersen). Fersen possédait semble-t-il une série si ce n'est complète à tout le moins quasi-complète de la Galerie. On sait d'ailleurs qu'il était passionné par la mode : il parle souvent de la parure dans son Journal, et Marie-Antoinette lui enverra un dessin d'elle-même, habillée à la dernière mode, qu'il conservera précieusement, dessin exposé à Tokyo lors de l'exposition sur Marie-Antoinette et aujourd'hui conservé au château de Löfstad : pour une reproduction de ce dessin, v. l'ouvrage de Evelyn Farr, "Marie-Antoinette et le comte de Fersen : la correspondance secrète", éd. de l'Archipel).

La Galerie des modes a été conçue à la fin du XVIIIème siècle, à une époque où la France était à la pointe de l'innovation en matière de mode. Selon l'historien James Laver, à cette époque, "les vêtements à la mode ... signifiaient les vêtements français". 

Cette suprématie de la mode française fut sans aucun doute renforcée par Marie-Antoinette ainsi que par des personnalités telles que Rose Bertin et  Léonard Autié. À partir des années 1770 (date à laquelle Marie-Antoinette arrive en France), les vêtements des femmes deviennent de plus en plus variés ; dans ce contexte, les estampes de mode de la Galerie sont apparues comme pour diffuser chaque tendance naissante.

Les informations concernant la dernière mode étaient difficiles à obtenir, si difficiles, en fait, que Rose Bertin sillonnait le continent chaque année dans une énorme berline contenant des poupées vêtues à la mode la plus récente de Paris. Les gravures de la Galerie ont été réalisées «d'après nature», de manière à répondre à une demande croissante d'informations sur la mode et à un vide général sur le marché des estampes françaises.

La Galerie des modes est le projet le plus vaste et peut-être le plus connu des graveurs Jacques Esnauts (ou Esnault) et Michel Rapilly. Ces deux hommes venaient de Normandie (Esnauts de Magny-le-Désert et Rapilly de Pirou) et le nom de leur maison d'édition, Ville de Coutances, reflète ces origines communes. Située rue Saint-Jacques, cette maison avait été créée le 6 juillet 1773 après leur bref passage à La Croix de Lorraine, où ils avaient travaillé environ trois ans plus tôt. Ils commencèrent à publier la Galerie des Modes après avoir obtenu un privilège le 29 juillet 1778 et continuèrent à le faire jusqu'en 1787.

Les premiers cahiers de la Galerie portaient uniquement sur les coiffures. 





















































Cependant, à partir du septième cahier, la Galerie commença à représenter des tenues complètes, illustrées de la tête aux pieds. 

Le premier volume rassemblé de la Galerie (publié en 1779) comprenait 96 planches issues des 16 portefeuilles initiaux de la série et était précédé d'une introduction descriptive de quarante pages rédigée par l'avocat G.François-Roger Molé. 

Quoique les historiens diffèrent sur le nombre exact des estampes émises par le Galerie des Modes, il semble qu'entre 1778 et 1787, plus de 400 gravures, insérées dans plus de 70 portefeuilles, aient été diffusées.











Coucou Marie-Jeanne ! :victoire:
























































Je termine cette série avec Louis XVI et Marie-Antoinette (les cahiers continuent encore et encore et encore après ...  ) :

La Galerie des Modes a fait travailler de nombreux artistes de premier plan. Le titre complet de la série, figurant dans l'épigraphe du volume rassemblé de 1779, indique ainsi que les illustrations ont été dessinées par "les plus célèbres artistes" de l'époque. 

Les dessinateurs étaient :

Pierre Thomas Le Clerc (ou Leclère)
Claude Louis Desrais
François Louis Joseph Watteau (le petit-neveu de Antoine Watteau)
Augustin de Saint-Aubin
Jean-Baptiste Martin

Les graveurs étaient quant à eux : 

Claude-Ferdinand Gaillard
Jean-Baptiste Patas
Pierre Andrien Le Beau
Nicolas Dupin, et son fils Jean Pierre Julien
Etienne Claude Voysard
Jean Alexandre Aveline
Pélissier
Jacques Le Roy
JP Vossinik (ou Wossinik)
Jean-François Janinet. 

Dans certains cas, le dessinateur Martin semble avoir agi à la fois comme concepteur et graveur. 

À l’exception des six premiers cahiers (qui ne sont pas signés) ainsi que de quelques autres planches qui semblent avoir été publiées ultérieurement, les noms du concepteur et du graveur se trouvent en dessous de chaque image de la Galerie, souvent avec des variations orthographiques. Le nom du créateur apparaît normalement dans le coin inférieur droit de chaque assiette, à côté des mots "Dessiné par" ou "del." ("delineavit"). Le nom du graveur, quant à lui, se trouve généralement en bas à droite, à côté des termes "Gravé par" (ou "Gravée par)", "sc." Ou "sculp." ("Sculpsit"). 

Dans certaines plus rares, le nom du concepteur est accompagné du mot "inv." ("invenit"), qui signifie "l’inventé" ou "l’a inventé". Cette notation peut souvent être visualisée, par exemple, à côté de la signature de Jean-Baptiste Martin et semble avoir été utilisée pour la première fois dans le vingt-quatrième cahier de la série.

Les illustrations de la Galerie des Modes et Costumes Français étaient réalisées selon le processus suivant : les concepteurs fournissaient les dessins de la série et les graveurs traduisaient leurs créations en gravures (gravures à l'eau-forte ou gravures au trait). 

Les images étaient ensuite teintées à la main, soit avant la distribution (vraisemblablement par Mme Le Beau), soit après la distribution par un "amateur". 

Aussi, les tirages ont été vendus à la fois en couleur et en noir et blanc.



























Marie-Antoinette apparaît dans la Galerie des Modes, de même que Louis XVI (v. supra). 

Cependant, les sujets de la Galerie ne se limitent pas aux dames du plus haut rang. Outre un certain nombre de dames issues de la noblesse, la série représente des membres de la bourgeoisie et de la classe laborieuse.  La série inclut également quelques gravures d'hommes et d'enfants.

Basées sur des "dessins d'après nature", les estampes de la Galerie des Modes représentaient les vêtements et les coiffures d'époque les plus en vogue, que les dessinateurs avaient pu observer souvent de leurs propres yeux dans des lieux populaires, tels que des parcs, des théâtres et même des ateliers de couturiers et de tailleurs à la mode. 

Quelques gravures de la série illustrent également des costumes de théâtre et de ballet du XVIIIe siècle, dont la plupart ont été conçues par PN Sarrazin, dont le nom est "Costumier des Princes".

La Galerie des Modes est aujourd'hui considérée comme un immense monument du monde de la mode. La Galerie fut diffusée auprès d'un large public sensibilisé à la mode, tant en France qu'à l'étranger, et reste dans l'histoire comme la "meilleure et la plus grande" série de gravures de mode du XVIIIe siècle. 

Aujourd'hui, les estampes originales de la Galerie sont extrêmement rares, en particulier sous une forme compilée de manière exhaustive. Entre 1911 et 1914, Paul Cornu et Emile Lévy ont publié une reproduction de la série avec des planches colorées à la main ainsi que des textes provenant de périodiques et de la littérature du XVIIIe siècle, bien que seulement 325 planches aient été répertoriées. 

Il existe également un volume de 24 planches publié par Roger-Armand Weigert. 

Dans les collections qui n’ont pas été organisées en volumes cohérents tels que ceux de Cornu et Weigert, chaque cahier semble être catégorisé par une lettre (ou des lettres) étiquetant l’ensemble de ses tirages correspondants, et chacune de ces estampes est numérotée , indiquant sa place dans la Galerie dans son ensemble. La première planche de chaque cahier a également tendance à porter une épithète catégorique, telle que "9e Cahier des Costumes Français. 3e Suite d'Habilleurs à la mode", qui fournit au lecteur des informations de base sur son contenu. Ce système de notation, cependant, n’a pas été complètement tiré au clair car certaines gravures apparaissent sans chiffres, lettres, signatures ... En conséquence, de nombreux cahiers se sont retrouvés avec une apparence incomplète. En outre, les impressions classées dans la suite usuelle de six n'adhèrent pas toujours à un thème ou à un format de composition cohérent. 

Source : Wikipedia.

Quelques estampes tirées de la Galerie des Modes et Costumes Français, vues récemment chez un marchand : 

Grand merci, Ta Grâce, pour l'ouverture de ce sujet entièrement dévolu à la mode et la parure !    
Il va faire le bonheur de Clio, Marie-Jeanne, François, Félix  !!!    

Duc d'Ostrogothie a écrit:

Il est important de noter  que les gravures de la Galerie ont été créées "d'après nature", ce qui signifie qu'elles étaient censées représenter ce qui était réellement porté dans les rues de Paris pendant la dernière partie du dix-huitième siècle.  

Ah, tais-toi !   Notre Fashion Week peut bien aller se rhabiller ...    

Duc d'Ostrogothie a écrit:
Bien que leur présentation varie, la majorité des images de cette série sont des tableaux vivants dans lesquels des Parisiens de tous les milieux affichent leurs modes quotidiennes. Ces estampes ont été réalisées par un ensemble de célèbres dessinateurs et graveurs du XVIIIe siècle et sont accompagnées à chaque fois d'un texte descriptif. 

C'est tout le charme de ces gravures, elles ne sont pas du tout statiques .    Les mannequins sont très animés, ce sont presque des scénettes, il y a même quelques gentilshommes ( dont un avec un volumineux manchon ) perdus au milieu de ces dames.
 Les coiffures sont pour la plupart aussi complètement folles que leurs caricatures anglaises.

Mme de Sabran a écrit:Ah, tais-toi !   Notre Fashion Week peut bien aller se rhabiller ...    

 

Mme de Sabran a écrit:

Duc d'Ostrogothie a écrit:
Bien que leur présentation varie, la majorité des images de cette série sont des tableaux vivants dans lesquels des Parisiens de tous les milieux affichent leurs modes quotidiennes. Ces estampes ont été réalisées par un ensemble de célèbres dessinateurs et graveurs du XVIIIe siècle et sont accompagnées à chaque fois d'un texte descriptif. 

C'est tout le charme de ces gravures, elles ne sont pas du tout statiques .    Les mannequins sont très animés, ce sont presque des scénettes, il y a même quelques gentilshommes ( dont un avec un volumineux manchon ) perdus au milieu de ces dames. 

Tout à fait, les modèles sont souvent représentés dans des scènes de leur vie quotidienne : telle dame en train de jouer de la mandoline, telle autre en train de jouer avec son chien etc...

En réalité, parmi les séries de gravures représentant des tenues entières ("habillemens à la mode"), apparaissent essentiellement deux compositions différentes. 

Dans la plupart des cas, un à trois personnages complets apparaissent dans ce qui est censé être une scène générale et quotidienne. Conçus pour mettre en valeur les modes portées par ces personnages, l'arrière-plan de ces compositions contient peu d'éléments, voire aucun. Bien que les personnages soient parfois dessinés dans un cadre spécifique, tel qu'un jardin, une terrasse ou un dressing, ils sont représentés, la plupart du temps, dans un espace intérieur ou extérieur non-reconnaissable avec un arrière-plan généralement vide. 

Dans certaines gravures ultérieures, les personnages sont dessinés individuellement, dans des cadres placés au centre de la composition à une échelle relativement petite. Cet espace pictural intérieur est entouré de vêtements qui, par rapport au personnage représenté, apparaissent plus grands que la réalité. Dans certains cas, les vêtements sont étiquetés avec des numéros correspondant à des légendes au bas de l'illustration. 

Voici deux dessins de Desrais, ayant servi de modèles pour des gravures de la Galerie des Modes. Comme c'est toujours le cas, la gravure est inversée par rapport au dessin :



 Jeune dame coiffée d'un bonnet rond avec un fichu en marmotte, un ruban en rosette, une polonaise et un mantelet blanc

Dessin de Desrais : 




Gravure de la galerie des Modes d'après le dessin de Desrais :






 Costume de Stulceli dans la pièce de Bervely exécuté par P.N. Sarrazin en 1777 pour le théâtre de Nantes

Dessin de Desrais : 



Gravure en noir et blanc d'après le dessin de Desrais :




Gravure colorée :

J'adore

Merci, cher Duc pour cette galerie très complète. Ces images sont magnifiques.
J’aime beaucoup la gravure représentant Louis XVI. Il apparaît, pour une fois, non bouffi et figé. Il devait bien être comme cela à une certaine époque, avant qu’il prenne un peu trop de poids...
Cette galerie est une source irremplaçable d’informations sur l’habit et la coiffure, féminins et masculins, de cette époque...

Récemment j'ai eu en main une grande quantité de gravures colorisées de La Galerie.
Reliées dès l'époque dans deux gros volumes et n'ayant pas pris la lumière, leur fraîcheur était éclatante. J'ai été frappée par les couleurs extrêmement vives sans commune mesure avec ce qu'on voit généralement.  

Duc d'Ostrogothie a écrit:  Fersen possédait semble-t-il une série si ce n'est complète à tout le moins quasi-complète de la Galerie.

... qui ça, dis-tu ?!  

Duc d'Ostrogothie a écrit:  On sait d'ailleurs qu'il était passionné par la mode : il parle souvent de la parure dans son Journal, et Marie-Antoinette lui enverra un dessin d'elle-même, habillée à la dernière mode

C'est vrai, l'importance de la parure, c'est un encore goût que partagent Marie-Antoinette et Fersen . Du reste nous sommes-nous émerveillés à l'exposition " Les visiteurs de Versailles " devant le célèbre habit du comte suédois.
Voici le dessin de Marie-Antoinette vêtue d'une seyante redingote, conservé aujourd'hui à Löfsdad .

Mme de Sabran a écrit:C'est vrai, l'importance de la parure, c'est un encore goût que partagent Marie-Antoinette et Fersen .  

Tout à fait. Rappelle-toi d'ailleurs qu'au début de leurs relations, Marie-Antoinette demande à Fersen de venir la voir à Versailles habillé en bel officier suédois. 

Dans son Journal, Fersen mentionne souvent comment les gens sont habillés et ce qu'il en pense, par exemple lorsqu'il va au théâtre ou à l'opéra.

Je me demande à quel point Fersen a pu encourager la reine à se surpasser en matière vestimentaire. C'est Fersen lui-même qui demande à Marie-Antoinette de lui envoyer un dessin d'une "femme habillée en redingote" : Marie-Antoinette obtempère alors en lui envoyant un dessin d'elle-même en redingote (celui que tu as posté ci-dessus, et qui est aujourd'hui exposé au château de Löfstad).

Cette Galerie des Modes et Costumes Français, qui fait partie des collections du château de Löfstad confirme, si besoin était, l'intérêt de Fersen pour le costume français. Fersen voulait savoir comment on s'habillait à Paris, ce qui explique d'ailleurs sa demande à la reine, de lui envoyer le dessin d'une "femme habillée en redingote" (je me demande si on peut retrouver cet habillement dans la Galerie des Modes et Costumes Français, d'ailleurs ?...).

Franchement je ne pense pas que Marie-Antoinette avait besoin de Fersen pour se "surpasser" en matière vestimentaire !
L'Europe entière suivait les modes françaises ce qui explique le succès de la Galerie à l'étranger. Si on y trouve beaucoup de redingotes inspirées par celles de la reine, aucune n'est identique au croquis envoyé en Suède.
 
"La reine est l'arbitre des modes, son goût fait loi" (L.S Mercier).

Marie-Jeanne a écrit:Franchement je ne pense pas que Marie-Antoinette avait besoin de Fersen pour se "surpasser" en matière vestimentaire !

Peut-être pas.  Mais en tout cas, force est de constater que Fersen et Marie-Antoinette manifestaient beaucoup d'intérêt pour le vêtement. Encore un point commun entre eux. 

Les hommes de l'époque attachaient une grande importance à leur tenue et même une coquetterie certaine, qui paraissait normale. On portait de la soie, du satin, des dentelles, on osait la couleur, les broderies, les motifs floraux, les parfums…
Et ne parlons pas du siècle précédent avec Louis XIV et ses rubans, ses perruques délirantes, ses frous-frous et autres talons rouges et chapeaux surchargés de plumes qui transformaient les seigneurs en véritables poupées (assez grotesques d'ailleurs je trouve). Sans parler, encore plus tôt, des extravagances d'un Henri III avec ses "fraises" immenses, ses bijoux et ses collants...

C'est le XIXème siècle qui sonne l'arrêt de cette sensualité, de cette "féminité" dans le costume masculin. Même si les messieurs se piquent toujours de coquetterie, c'est le costume bourgeois qui s'impose, sombre, sobre, sans fioritures. La coquetterie reste l'apanage unique de la femme dont la tenue devient quelque part la vitrine de la fortune et réussite de son mari.

Auparavant, la mentalité était différente : les hommes les plus virils et masculins n'avaient aucune gêne ni honte à s'habiller de couleurs vives, de tissus soyeux, à se parfumer et faire preuve de coquetterie. Et cela sans susciter de commentaires déplacés ou d'allusions quelconques. L'intérêt de Fersen pour la toilette me semble aussi commun et normal que pour n'importe quel seigneur de son époque.

Parfaitement d'accord avec vous. Même la garde-robe des messieurs d'un certain âge étaient d'un grand raffinement. Le duc de Penthièvre en est un exemple probant.

En ce qui concerne Fersen, il avait dans bien des domaines des goûts similaires à ceux de Marie-Antoinette. Pour ce qu'on en sait, il était aussi séduisant dans son uniforme militaire que dans ses habits habillés de cour ou ses fracs à l'anglaise.
Pour une jeune femme si attachée à la mode et dont l'époux se fichait complétement de son apparence, il y avait de quoi craquer...

Oui, le XIXème marque quand-même un tournant dans la mode masculine je trouve. L'image de l'homme devient austère, sobre, uniforme et le vêtement masculin n'évolue plus guère dans le fond.
Mais n'était-ce pas encore le cas il n'y a pas si longtemps ? Je me souviens d'une époque pas si lointaine où un homme n'aurait jamais porté du rose et où arborer une boucle d'oreille avait une signification bien particulière… Et si on regarde nos hommes politiques, c'est pire : tous leurs costumes sont sombres, gris, noirs ou à la limite bleu foncé et avec des cravates bien sages. Ils ont l'air de penser qu'ils feraient moins sérieux, moins crédibles, avec des costumes plus originaux ou simplement avec une touche de fantaisie en plus...

En ce moment j'ai remarqué le retour d'un bleu très soutenu chez quelques politiques français. "Bleu de roi" exactement  
Aujourd'hui il est effectivement impossible pour un homme de marquer trop de fantaisie dans sa vêture, c'est bien dommage à mon avis et c'est de pire en pire.
Il me semble que je n'aurais pas apprécié les hommes à perruques du 18ème siècle. Tout comme Madame Vigée Le Brun qui pourtant vous portraitura si bien malgré votre "perruque fiscale" cher Calonne.

Marie-Jeanne a écrit:Aujourd'hui il est effectivement impossible pour un homme de marquer trop de fantaisie dans sa vêture, c'est bien dommage à mon avis

Pas toujours : j'ai effectué pas mal de déplacements dans plusieurs pays d'Afrique dans le cadre de mon travail et, dans les milieux d'affaires on va dire, on trouve beaucoup d'hommes qui osent pour leurs costumes des couleurs parfois inattendues, des cravates ou chemises colorées, aux motifs exotiques… Un peu voyant certes mais plein de gaité et d'originalité (et ils le portent bien en plus).

J'adore !

Calonne a écrit:Les hommes de l'époque attachaient une grande importance à leur tenue et même une coquetterie certaine, qui paraissait normale. On portait de la soie, du satin, des dentelles, on osait la couleur, les broderies, les motifs floraux, les parfums… (...) L'intérêt de Fersen pour la toilette me semble aussi commun et normal que pour n'importe quel seigneur de son époque.

Je ne suis pas certain que tous les seigneurs de l'époque portaient le même intérêt pour la toilette. J'en veux pour preuve le premier d'entre eux, à savoir Louis XVI, qui ira jusqu'à se présenter devant Gustave III avec deux souliers différents (" un soulier à talon rouge et un autre à talon noir ; une boucle d’or et une autre d’argent et ainsi du reste...."). 


Certes, les us et coutumes de chaque époque sont fondamentaux et dans la mesure où le vêtement était un marqueur social, il est clair que la toilette était d'une importance capitale pour les courtisans. Mais les goûts personnels jouent aussi, et il est certain que telles dames (Marie-Antoinette par exemple) portaient beaucoup plus d'intérêt à la toilette que telles autres (Marie Leczinska par exemple...). Pourquoi pas également les hommes ?


Par ailleurs, si Fersen attachait beaucoup d'importance à la parure des femmes, dont il parle souvent dans son Journal, il n'était pas à titre personnel favorable aux extravagances ou à la "féminité" dans le vêtement masculin. Ainsi, lorsqu'il est à Rome avec Gustave III, il se plaint des extravagances du roi de Suède en matière vestimentaire notamment, et remarque que Joseph II qui n'a ni talons rouges, ni perles et diamants, ni l'habit national suédois en satin porte quant à lui "un bon uniforme de drap bien propre, col noir, bonne épée de cuivre bien dorée".

Sous Louis XVI, la mode vire un peu à l'anglomanie, avec notamment le frac pour les hommes , et Fersen se fait représenter ainsi sur plusieurs portraits aujourd'hui exposés au château de Löfstad : 









Voici un homme en frac, tel que représenté dans la Galerie des Modes et costumes français  : 







En résumé, je ne dis pas que l'intérêt de Fersen est "anormal" ou extraordinaire pour un homme de son époque, mais il me semble - à la lecture de son Journal - qu'il portait un intérêt très particulier pour le vêtement, à l'instar de la reine. On ne retrouve pas de considérations similaires dans le Journal de Bombelles me semble-t-il.

Duc d'Ostrogothie a écrit:

Je ne suis pas certain que tous les seigneurs de l'époque portaient le même intérêt pour la toilette. J'en veux pour preuve le premier d'entre eux, à savoir Louis XVI, qui ira jusqu'à se présenter devant Gustave III avec deux souliers différents (" un soulier à talon rouge et un autre à talon noir ; une boucle d’or et une autre d’argent et ainsi du reste...."). 


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Et Léopold donc !
Le grand-duc de Toscane, aussi simple que le roi de Suède était affecté, reçut la visite de Gustav III accompagné de Fersen . Il ouvrit lui-même la porte à ses visiteurs, habillé de manière si négligée que Gustav et Fersen le prirent pour son valet de chambre .

Excellent. 

Et que dire de :
- Voltaire qui reçoit la Cour et la ville en robe de chambre et bonnet de nuit en velours ponceau, de travers sur sa binette Louis XIV
- Kaunitz qui reçoit le pape, pas en blue jean pull mais presque : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1786-le-chancelier-kaunitz-ministre-de-marie-therese#136344
- Benjamin Franklin qui, même à la Cour de Versailles, mérite la palme de l'élégance avec son habit puce et ses cheveux plats.


Non, décidément non, tous les messieurs n'étaient pas des gravures de mode .

Le comte de Provence, du temps de sa fringante jeunesse...




Et publiés cette fois-ci chez Basset :

Les gravures des comtes de Provence et d'Artois ci-dessus montrent l'habit traditionnel à la française tel que porté à la cour.

Même s'il se conformait à l'étiquette lors de ses apparitions officielles, Louis XVI n' avait que faire de son apparence, il se plaisait d'avantage dans des habits bruns ou grisâtres en ratine, tout comme J.J.Rousseau ou B.Franklin. Néanmoins, leur conception restait classique, ils étaient constitués d'une veste, d'un gilet et d'une culotte dont les coupes évoluèrent sensiblement durant le règne.
Bien entendu ce goût de la simplicité était incompris par les courtisans conservateurs aux habits "brodés sur toutes les tailles", ce qui en rajoutait à l'image déjà désastreuse du jeune roi.

Purs produits de l'anglomanie, le frac et la redingote étaient les vêtements "tendance" par excellence. Ils faisaient fureur dans les milieux mondains en ville mais aussi chez la reine qui les recommandait dans sa "campagne" de Trianon.

Pourtant très différents dans leurs formes stylistiques, ces deux aspects de l'habillement masculin se rejoignent sur le même fond de simplification et de confort.