Latitudes et longitudes, les instruments de mesure du temps pour les voyages : chronomètre de marine, cadrans solaires et boussoles du XVIIIe siècle

Il faisait l'objet de notre dernière énigme découverte avec brio par Févicq    :    la nuit, la neige nous présente l'étonnant chronomètre de marine bientôt indispensable aux grands navigateurs ...  


Dont l'usage était destiné à la navigation maritime et au calcul de la longitude (le sextant étant utilisé pour la latitude).


Timekeeper H1
John Harrison
1730-1735
Photo :  National Maritime Museum, Greenwich, London / http://collections.rmg.co.uk/collections/objects/79139.html


Un chronomètre de marine, appelé aussi montre de marine, ou "garde temps" est une horloge mécanique suffisamment précise pour être utilisée comme une base de temps portable, y compris sur un véhicule en mouvement.

Le développement de ces instruments au cours du XVIIIe siècle constitua une avancée technologique majeure, car la connaissance précise de l'heure durant un voyage au long cours était nécessaire à la navigation afin de pouvoir déterminer la longitude.


A new & correct map of the whole World
Moll, Herman ( -1732).
Published in London, 1719
Photo : Library of Congress Geography and Map Division Washington, United States

Jusqu'à une date avancée du XVIIIe siècle, hors vue des côtes, la navigation en haute mer manquait de précision.
Depuis le Moyen-Âge, le calcul de la latitude ne posait pas de problèmes (par exemple, en mesurant la hauteur du Soleil à midi au moment de sa culmination), contrairement à celui de longitude !

On savait pourtant comment la calculer la longitude en théorie (méthodes astronomiques, sur terre).
Sur mer, il fallait mesurer le décalage horaire entre un point de référence (l'heure du lieu de départ) et la position du navire, en prenant en compte que la hauteur du Soleil indiquait l'heure locale.

Or il n'existait pas d'horloges suffisamment précises et fiables pouvant indiquer cette heure de référence (en temps universel) malgré les mouvements du navire et les conditions d’un voyage en mer (humidité, variations de températures etc.).

Ce manque provoquait les égarements de nombreux navires sur les océans, cherchant désespérément leur destination, avec des conséquences parfois tragiques : allongement de la durée du voyage, bateaux échoués ou accidentés etc.
Ou encore ce qui contraignait les navigateurs à suivre toujours les mêmes routes maritimes, ce qui faisait de leurs navires des proies facilement repérables pour les pirates et corsaires.


Tempête de mer avec épaves de navires
Claude-Joseph Vernet
Photo : Bayerische Staatsgemäldesammlungen / Wikipedia


Les horloges de marine ou chronomètres * résolurent le problème.
* Le mot chronomètre est utilisé abusivement pour des appareils de mesure de durées courtes, telles que celles des compétitions sportives, qui sont en fait des chronographes.


Entre 1735 et 1774, un autodidacte John Harrison (artisan-ébéniste, passionné d'horlogerie) construisit cinq chronomètres d’une grande précision pour la navigation qui lui valurent une récompense du parlement anglais.


Painting of John Harrison (1693-1776)
By Thomas King, circa 1767.
Source Photo : https://blog.sciencemuseum.org.uk/portrait-mr-harrison-timekeepers/


Construite en 1735, la première horloge de la série de Harrison, dite H1, est une horloge, dite garde-temps, basée sur un couple de poids oscillant en sens inverse et reliés par des ressorts, dont le fonctionnement n'était influencé ni par la pesanteur, ni par les changements de température, ni par les mouvements d'un navire.
Ce qui permettait donc aux navigateurs de calculer précisément la longitude.


Marine timekeeper, H1.
John Harrison, 1735
Photo : National Maritime Museum, Greenwich, London

Poussez le curseur temps de la vidéo à la 19ème minute :




Note du National Maritime Museum (Greenwich) :

This is the first experimental marine timekeeper made by John Harrison in Barrow-on-Humber between 1730 and 1735 as a first step towards solving the longitude problem and winning the great £20,000 prize offered by the British Government.



Now known as 'H1', the timekeeper is unaffected by the motion of a ship owing to its two interconnected swinging balances. It compensates for changes in temperature and thanks to extensive anti-friction devices, runs without any lubrication.



It was the first relatively successful marine timekeeper of any kind and was the toast of London when Harrison unveiled it in 1735. It is one of the great milestones in clock-making history.



Read more at http://collections.rmg.co.uk/collections/objects/79139.html#68GaUUMHSqqdKdEA.99

* Sources texte :
- Wikipedia France, Chronomètre de marine : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronom%C3%A8tre_de_marine
- Le Monde & National Géographic, collection Histoire et Civilisations, hors série L'ère des explorations (2018)



Et quelques vidéos....





En anglais...

Tout à fait le type de merveilles mécaniques que Louis XVI appréciait

Qui saurait utiliser ces instruments ? Pas moi...

Ils seront présentés prochainement en vente aux enchères, et illustrent les recherches des scientifiques et horlogers du XVIIIe siècle pour déterminer l'heure avec précision.
Associée à la position du soleil, ces calculs étaient notamment nécessaires pour les voyages (permettant d'évaluer la longitude, ici associée aux latitudes plus faciles à déterminer).
Voir le message d'introduction de ce sujet.  

- Cadran solaire de voyage en argent par Jean-Baptiste-Nicolas DELURE (actif à Paris de 1695 à 1736)
A platine octogonale gravée des échelles horaires (romaine et arabe intercalées) pour les latitudes 40°, 45°, 50° et 55°, à gnomon rabattable.
Gravé au dos des latitudes des villes majeures européennes.
Signé et poinçonné à la petite fleur de lys (1697-1704)
Dim.: 6,1 x 6,8 cm. - Poids brut: 32 g


* Source et infos complémentaires : Delon Hoebanx MDV - Vente du 260 juin 2019



- Boussole, cadran solaire en bois et papier imprimé avec liste des latitudes respectives de villes d'Europe.
Nuremberg, J. G. Kleininger, fin du XVIIIe siècle
L_7,4 cm L_4,5 cm


* Source et infos complémentaires : Pierre Bergé & Associés - Vente du 28 juin 2019



- Cadran solaire de voyage universel à fil-axe et Méridienne en argent (min. 800) et laiton.
Platine rectangulaire à trois échelles d'heures (50°/45°/30°), sur pivots, à ouverture centrale circulaire pour le passage de la boussole, fixée au fond, avec possibilité de réglage pour la déclinaison magnétique.
Règle latérale mobile avec graduation pour l'inclinaison de la table horaire du cadran. Potences pliantes, l'une pour le fil-axe.

Le revers gravé des noms et latitudes de vingt-huit villes de France ou étrangères, dont Paris, Rome, Madrid, Vienne, Versailles, Amsterdam, Constantinople, Londres, Philisbourg...
Marqué et signé: «Cadran universel et à Méridienne inventé par Julien le Roy, horloger et de la Société des arts».
Nom du propriétaire «Mtre François» gravé au revers de la plaque de maintien de la potence principale.
Vers 1735 - 1737, avant 1739.
Repoinçonné à la hure de sanglier.
Poids brut: 122 g. - H.: 8,2 cm. - Larg.: 6 cm.
Rayures d'usage. Usures. Petit jeu dans la fixation de la règle.




Note au catalogue : Julien Le Roy (1686-1759)

Originaire de Tours, Julien LE ROY (1686-1759) est reçu maître en 1713 dans la corporation des horloges parisiens et s'installe rue de Harlay.
En 1728, il participe à la fondation de la Société des Arts, dont il est juré entre 1735 et 1737, et dont il se revendique sur le présent cadran.
Il perfectionne le compensateur des pendules et développe le cadran universel à boussole et à pinnules ou horizontal universel, pour le traçage des méridiennes.

En 1737, il donne lui-même la description de ce type de cadran dans son édition parisienne corrigée et augmentée de la «Règle artificielle du temps, Traité de la Division naturelle & artificielle du temps, des Horloges et des Montres de différentes constructions, de la manière de les connoître & de les régler avec justesse», initialement écrit par Henry SULLY, Horloger de Monseigneur le Duc d'Orléans et de la Société des Arts.
Il est nommé «Horloger ordinaire du Roi» Louis XV en 1739.
Notre cadran solaire n'indiquant pas cette dernière mention prestigieuse, doit dater d'avant cette nomination.

* Source et infos complémentaires : Drouot estimations MDV - Vente du 28 juin 2019


Du même, mais à la provenance prestigieuse...  

- A Royal Louis XV Brass Inclining Mechanical Minute Dial
By Julien Le Roy (1686-1759)
The silvered base plate with brass bun foot and two screw feet, two bubbles levels and graduated latitude arc; the inclining plate with silvered hour scale VII-XII-V signed Julien Le Roy aux Galleries Du Louvres with table of latitudes for 22 cities, the minute dial a geared Vernier 6-1 for tens of minutes and 0-9 for minutes on wheel, a sighted gnomon with rest for when folded;
housed in green felt lined case bound in red morocco with gilt tooling, the top panel with arms of Louis XV (Olivier Fer 2495, 16).
8 in. (20.5 cm.) long; 7 in. (17.5 cm.) wide; 3 in. (8 cm.) deep

Photo : Christie's

Lot Essay :

Julien Le Roy (1686-1759) was born in Tours and by the age of thirteen had already made his first clock. By the age of seventeen he was established as apprentice to Le Bon in Paris, where he was so quick and adept at his work that he made and finished a repeating watch in just eight days. Shortly after he had attained his Mastership he was given the Directorship of the French Société des Arts. In 1739 he was appointment Horloger Ordinaire du Roi.

His inventions included turret clocks, equation clocks and pull repeat mechanisms. An innovative clockmaker, he worked closely with the two finest French instrument-makers of the time, Lemaire and Langlois.

The mechanical minute dial solves the problem that most portable sundials cannot achieve an accuracy of better than a quarter of an hour.
By using a sighting device rather than a gnomon, a geared mechanism can amplify the movements of the alidade so that a pointer can give the minute of the day.
A sundial with a high level of accuracy such as this would have often been used to set a clock or watch to local solar time.
A clock can keep the time, of course, but not find it ; so the use of an accurate sundial is required.



Photos : Christie's




Photos : Christie's

* Source et infos complémentaires : Christie's London - Sale Masterpieces of a Rothschild Collection, 4 July 2019

Sublime !
Merci, cher LNLN !!!

Je viens d'apprendre malheureusement que le CNAM n'avait pas de budget d'acquisition propre et que seul un achat par l'Etat permetrrait à ce merveilleux objet de rejoindre ses collections

LNLN tu me coûtes cher après nous avoir montré tant de merveilles dans cette vente Rothschild je me suis décidé à prendre mon billet pour Londres et voir l'expo de prévente le 4 juillet au matin

Si vous pouviez nous rapporter quelque chose, Gouverneur...

Je vais m'y rendre en pantalon mutipoches, sait-on jamais

C’est une bonne idée...

Gouverneur Morris a écrit:
LNLN tu me coûtes cher après nous avoir montré tant de merveilles dans cette vente Rothschild  je me suis décidé à prendre mon billet pour Londres et voir l'expo de prévente le 4 juillet au matin

Par quel hasard, ce brillant expert et connaisseur qu'est notre cher Gouverneur Morris, n'est-il pas missionné par des mécènes, collectionneurs, ou autres "structures" culturelles, afin de commenter et recommander, tous frais payés, les oeuvres d'art, le mobilier et les objets décoratifs du XVIIe siècle qui passent sur le marché de l'art ??

Pour tout contact avec lui, c'est ici !

Que tu es taquin LNLN      

Parce que c'est mon hobby et que j'aime voyager pour le plaisir

En plus, je voulais aller à Londres depuis un moment donc l'occasion fait le larron

Très belle expo actuellement des dessins de Vinci à la Queen’s Gallery ...

Oui je compte m'y rendre également

Gouverneur Morris a écrit:
En plus, je voulais aller à Londres depuis un moment donc l'occasion fait le larron

D'ici là, et puisque tu seras sur place, fais-moi penser à te communiquer mes ordres d'achat pour cette mignonne cave à liqueur, ainsi que le portrait de cette chère Lady Hamilton.

Tu me diras à peu près combien il faut compter pour les deux lots. A la louche, hein !  

C’est louche ...

La nuit, la neige a écrit:

Gouverneur Morris a écrit:
En plus, je voulais aller à Londres depuis un moment donc l'occasion fait le larron

D'ici là, et puisque tu seras sur place, fais-moi penser à te communiquer mes ordres d'achat pour cette mignonne cave à liqueur, ainsi que le portrait de cette chère Lady Hamilton.

Tu me diras à peu près combien il faut compter pour les deux lots. A la louche, hein !  

Vicq d Azir a écrit:
C’est louche ...

Comme vous dites, Docteur ! ... strabisme divergent . ( entre Emma et cave à liqueurs )

Hélène Delalex, conservatrice au château de Versailles, vient de déplorer sur Instagram de n’avoir pu l’acquérir pour le musée :





Je l’aurais effectivement bien vu dans le cabinet des Dépêches, sur une étagère, sous verre,  aux côtés des baromètre et thermomètre du roi. Quelques souvenirs de cette merveille pris chez Christie’s Londres mercredi :

























Clichés personnels

Merci Gouv' pour ces belles images complémentaires !

Voir, messages précédents, la description complète de cet instrument.

Je réalise que la liste des villes gravées sur le cadran procure une information intéresssante :

Arras - Bruges - Bruxelles - Choisy - Compiè(g)ne - Dunkerque - Furnes - Fontainebleau - Charleroi - Mons - Maline - Louvain - Anvers - Namur - Gand - Ypres - Lille - Ostende - Paris - Tournai - Valenciennes - Versailles

Le roi dut assurément s’en servir pendant la guerre de succession d’Autriche lorsqu’il mena les armées sur le front des Pays-Bas autrichiens .

L’ajout à ces villes des Flandres (un petit coucou au comte de Baccourt ) de quatre résidences royales "hors zone" est aussi très révélateur de l'importance qu'il devait donner à suivre "l'heure vraie" de la Cour (et de sa maîtresse ? ).

A la lumière des ces informations, on aurait pu imaginer un achat groupé du Musée de l'Armée, du CNAM, et du château de Versailles...

Gouverneur Morris a écrit:Je réalise que la liste des villes gravées sur le cadran procure une information intéresssante :

Mais oui ! Saluons ta sagacité, mon cher Momo .

Gouverneur Morris a écrit:
A la lumière des ces informations, on aurait pu imaginer un achat groupé du Musée de l'Armée, du CNAM, et du château de Versailles...

Certes ! Tu le disais juste en amont, Hélène Delalex s'en désole ...

Si vous passez par Brest (pas comme Christophe ), visitez le Musée de la Marine, dans le château.

La maison de vente Tessier & Sarou organise, ce 10 février prochain, à Paris Drouot, une cession de vente aux enchères consacrée à la Marine et aux voyages


Parmi les nombreux lots, je signale ici ces quelques instruments, dont je serais bien en peine d'en faire le moindre usage...  

Astrolabe européen en laiton doré,
portant l'inscription ‘1543 Eramas [sic] in cruce' [1543, nous étions à la croix ou nous étions en peine], attribué à Michael Piquer.
Diam. 191 mm. H. (sans anneau) 213 mm. Epaisseur 9 mm











Astrolabe marocain
en laiton, sans signature, peut-être attribuable à l’atelier de Hasan ibn Ahmad al-Battūti
Vers 1700
Diam. 116 mm











Graphomètre
cercle entier à pinnules en laiton signé ROYER à Paris
Complet avec sa rotule et sa boussole
France, début XVIIIe siècle
Diam. 16,5 cm



Graphomètre
à pinnules en laiton gravé à décor végétal et signé CLERGET à Paris
France XVIIIe siècle
L. 32 cm



Cadran solaire, dit « canon de midi »
platine en marbre graduée portant le canon, la loupe ajustable et le style axe
Signé ROUSSEAU sur la platine
France, XVIIIe siècle
Diam. 22 cm



Anneau astronomique universel
en laiton gravé signé BEILBY à Bristol. L'anneau de bélière glisse librement sur le pourtour du cercle méridien.
Angleterre, XVIIIe siècle
Diam. 12,5 cm



Cadran solaire Boussole en son centre
en laiton gravé de divisions à chiffre romain, signé Pierre Le MAIRE.
Latitudes des principales villes d'Europe au dos.
Quatre vis calantes
France XVIIIe siècle
L. 11 cm



Pocket globe terrestre
en papier gravé intitulé « New Globe of the earth » signé N. LANE et daté 1776 dans son étui en galuchat, recouvert intérieurement de la voute céleste,gravée
Angleterre, XVIIIe siècle
Diam. 7,5 cm



Théodolite simple
en laiton, signé sur le dos, ‘fecit Waingnart M[athematicu]S' et portant sur la face le nom d'un propriétaire ‘f. houaere Mathematicus 1717'.
Diam. 147 mm.
Disque ajouré symétriquement divisé dans le demi-cercle audessus de la signature de 0 à 180° par divisions de 1°, et de 0-90-0° dans le demi-cercle opposé. L'alidade ajouré à pinnules. Manque les quatre pinnules fixes


* Source et infos complémentaires : Tessier Sarrou & Associés - Vente Marine & Voyage, Paris le 10 février 2023

A suivre...