A Saint-Jean de Luz, le mariage de Louis XIV
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: Nos conseils et découvertes :: Promenades et visites guidées (hors lieux du XVIIIe siècle)
Page 1 sur 1
A Saint-Jean de Luz, le mariage de Louis XIV
En 1660, l'histoire de Saint-Jean-de-Luz se trouve intimement liée à l'Histoire de France et plus spécialement à l'événement qui devait marquer la ville pour toujours :
le mariage dans ses murs de Louis XIV et de Marie-Thérèse Infante d'Espagne.
Pendant cette parenthèse de festivités, Louis XIV habitera cette vaste demeure située en bordure de la place, à l’entrée du pont de bois qui conduisait à Ciboure connue sous le nom de Maison Lohobiague, du nom de l'armateur basque qui la fit construire vers 1643.
Elle est érigée en bordure du port et fut la demeure du maire de l’époque (le bayle), l'armateur Johanis de Lohobiague.
Sa façade principale donne sur la place Louis XIV. La façade sud plus sobre donne sur la place des corsaires avec quand même une très jolie vue sur le port et aussi sur la Rhune au loin.
En 1656 Jean de Casabielhe, le nouveau maire de la ville pour se venger, dit-on, de Marie-Sol de Hirigoyen qui avait repoussé sa demande en mariage pour lui préférer Johanis de Lohobiague , fit construire devant les fenêtres de la maison Lohobiaque-enea, la maison commune, c'est à dire la mairie ( ce qu'elle est toujours aujourd’hui. )
Voyez plutôt !!!
mediatheque.bayonne.fr
... presque collées !
L'Hôtel de Ville :
Lors de sa venue, en 1660 pour son mariage avec l’infante d’Espagne, Louis XIV logera au 2éme étage de la demeure, d’où le nom de " maison Louis XIV ". Ce n'est pas par Johanis de Lohobiague que fut reçu Louis XIV en sa maison, mais par sa veuve, Marie-Sol.
Précisons que la maison Lohobiague appartient toujours à la même famille depuis lors. Parce que c'est une demeure privée les photos sont malheureusement interdites à l'intérieur ( c'est une visite très intéressante que je vous recommande ), mais nous pouvons glaner quelques images sur Google .
Pour la remercier de son hospitalité, Louis XIV offrit à Marie-Sol un magnifique service à chocolat en vermeil et en émail !
Il est exposé dans le chambre qu'occupait le roi.
De part et d'autre du lit à baldaquin sont accrochés au mur les portraits de Johanis de Lohobiague et de Marie-Sol.
... sur la cheminée celui de Louis XIV à 22 ans, par Lebrun .
Nous pouvons admirer aussi deux mannequins revêtus des habits de mariage du roi et de Marie-Thérèse.
Remarquez les pieds de cette table !
La coiffe de la cuisinière est la coiffure typique des dames labourdines : rebiquant par devant, elle signifiait que la personne était mariée; rebiquant par derrière, que la dame était veuve . La jeune-fille ne portait pas cette coiffe.
Le 9 juin. Le soleil s'est levé sur le petit port basque depuis un moment déjà.
Louis sort de la maison Lohobiague pour rejoindre l'infante Marie-Thérèse.
Pour ce mariage royal luzien, la ville a mit ses plus belles demeures à la disposition des hôtes royaux, en particulier la maison de l'Infante, ainsi nommée par la suite, où la reine mère, Anne d’Autriche, avait déjà précédé sa future belle-fille – qui était aussi sa nièce - avant que le jeune souverain ne la rejoigne.
Une maison très intéressante du point de vue architectural : ses doubles arcs de galeries à la vénitienne ( les mêmes qu'à la maison Lohobiague ) , ses colonnades, son porche, ses pierres ocre et ses briques rouges… ont conduit à son classement comme monument historique. Les salons du premier étage ont gardé leurs poutres richement décorées de beaux motifs mystérieux, seulement découverts en 1996.
De la tour de vigie et de la galerie aux ouvertures en arcades, l’armateur pouvait surveiller le mouvement de ses navires de commerce et de chasse à la baleine. La Maison aurait été offerte par la ville à Joanot de Haraneder, un riche armateur, en remerciement de sa générosité envers la ville. Aussi, le nom initial de la maison est-il Joanoenia, c'est-à-dire la maison de Joanot de Haraneder.
Haraneder posséda ou contrôla jusqu'à dix-huit navires baleiniers. Parce qu'il avait participé en 1627 au siège de la Rochelle, le roi l'anoblit et lui octroya des armoiries qu’il fit graver sur une plaque de marbre de la cheminée de la salle principale.
Cette belle demeure avait été construite vers 1640, en « briques roses et chaînage de pierres dorées », dans un style qui rappelle tout à fait la place des Vosges – ancienne place royale – construite à Paris une trentaine d’années plus tôt, à la fin du règne d’Henri IV. On y voit deux tableaux de Jean-Léon Gérôme relatifs au mariage de Louis XIV. Lors de ces noces royales, la maison de l'Infante et celle du roi, éloignées d'une centaine de mètres seulement, furent réunis par une galerie volante qui facilitait les relations entre les deux Cours.
Très vite les Luziens avaient pris l’habitude de désigner cette maison sous le nom de « Maison de l’Infante » comme l’indique l’inscription commémorative gravée, au moment de travaux de restauration, en 1855 :
L’Infante arriva dans un carrosse brodé d’or et d’argent, escortée par le Roi entouré d’un grand nombre de courtisans et de gardes, tous en grande tenue, « couverts de broderies, de plumes et de galons », caracolant sur des chevaux harnachés « de plumes et d’aigrettes », l’Infante-Reine avait, enfin, pu prendre un peu de repos dans les appartements qui lui étaient réservés à Joanoenia.
La jeune femme, qui allait y passer sa première nuit dans son nouveau royaume, venait de vivre l’une des journées les plus compliquées de son existence. Quelques heures auparavant son père, Philippe IV d’Espagne, l’avait remise à son royal époux, à Béhobie / Behobia, sur la petite Ile des Faisans, au milieu de la Bidassoa, entre les royaumes de France et d'Espagne.
Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3653-l-ile-des-faisans-sur-la-bidassoa
Les adieux entre le père et la fille avaient été déchirants. Marie-Thérèse, qui s’était par trois fois agenouillée devant son père pour recevoir sa bénédiction, avait manqué s’évanouir.
Philippe IV, d’habitude toujours impassible, avait pleuré, sachant que cette séparation serait longue, sinon définitive. S’arrachant courageusement aux effusions, Marie-Thérèse était allée changer de toilette. Après avoir quitté sa lourde robe à l’ample et longue jupe, à la mode espagnole, qui l’engonçait, elle était revenue vêtue de sa première robe française, en satin incarnat brodée d’or et d’argent, sa chevelure blonde ornée de pierreries. Une tenue qui l’aurait fait paraître plus avenante à son jeune époux que lorsqu’il avait essayé de l’entrevoir, avec la complicité de sa mère et du cardinal Mazarin, quelques jours auparavant, dans l’entrebâillement d’une porte, et ce malgré l’interdit du Roi d’Espagne. ( )
Tiens oui, au fait ! me demanderez-vous . Et où donc logeait Mazarin ?!!
... à Ciboure, de l'autre côté du port de Saint-Jean de Luz et juste en face des maisons Lohobiague et Joanoenia, dans la maison Estebania, ou maison Mazarin, ou plus récemment maison Ravel, car c'est ici que naquit le 7 mars 1875 le compositeur français Maurice Ravel,
Cette haute demeure de style hollandais, qui tranche très singulièrement sur ses voisines avec son pignon au fronton curviligne percé d'un oculus ovale entouré de rampants chantournés , avait été bâtie par un négociant et armateur cibourien du nom d'Esteban d'Etcheto vers 1630, qui s'était pris de passion pour l'architecture des maisons qu'il avait vues à Amsterdam.
Le cardinal Mazarin y demeura pendant son séjour du 8 mai au 15 juin 1660.
La mère de Maurice Ravel, née Marie Delouart, avait voulu accoucher dans sa ville natale et résida donc dans la loge de la concierge de cette maison qui n'était autre que celle de sa sœur, Madame Billac. L'enfant fut baptisé sous le nom de Joseph Maurice, en l'église Saint-Vincent de Ciboure qui se trouve juste derrière la maison. Les parents de Maurice Ravel déménagèrent ensuite au bout de trois mois à Paris, mais le jeune garçon venait passer tous ses étés dans cette ville de la côte basque et à l'âge adulte dans la région. Sa mère lui avait d'ailleurs appris le basque.
Aujourd'hui la maison accueille du reste l'académie internationale de musique Ravel.
On peut voir plusieurs autres maisons anciennes le long de la commerçante rue Léon Gambetta, notamment la plus jolie, la maison Gorritienea, qui fut d'abord celle du célèbre corsaire de Louis XIV, Joannis de Suhigaraychipy ...
Elle accueillit en 1813, pendant plusieurs mois Joseph Bonaparte chassé d'Espagne, et puis le maréchal Soult. Personne n'a su me l'indiquer, pas même au Syndicat d'initiatives !
Or donc ...
Le surlendemain avait lieu le mariage royal : la future reine, revêtue d’un somptueux costume de cour fait d’une « robe de brocart d’argent recouverte d’un manteau de velours violet semé de fleurs de lys d’or prolongé par une traîne de dix aunes de longueur » quittait « Joanoenia » pour se rendre à l’Eglise où allaient être célébrées les noces, précédée par le Roi, « en habit de drap d’or voilé de dentelle noire ». Elle allait vivre quarante-trois ans auprès de son époux. Quand elle mourut, Louis XIV, qui l’avait, semble-il, aimée à sa façon, déclara que « c’était la première fois qu’elle lui faisait de la peine ».
Le cadeau de mariage de la ville d'Hendaye est un somptueux carrosse de 50 000 écus, chevaux compris.
Louis XIV s'unit à l'Infante dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz. La porte par laquelle le roi passa, dans cette circonstance solennelle, fut murée quelques années plus tard par son ordre et est encore condamnée aujourd'hui.
Louis XIV autorisa la ville à décorer son écusson d'un vaisseau comme la capitale du royaume.
Le jeune souverain a passé plus d'un mois dans la maison Lohobiague et il vivait ici avec tout le cérémonial du Louvre. La vie autour du roi se déroulait suivant les règles strictes de l'étiquette ; on n'était pas en vacances, les affaires du Royaume continuaient. La Cour était la plus fastueuse de l’époque. Ceux qui n'étaient pas aux affaires du Royaume se distrayaient en visites, en promenades et en représentations de théâtre qui avaient lieu dans la grande salle de la Maison de Ville, voisine de Lohobiague-Enea.
« Le 6 juin 1660, après de longues négociations, la paix est solennellement signée entre les Rois de France et d'Espagne. Le 7 juin, Louis XIV, sa mère Anne d'Autriche, Monsieur, frère du Roi, suivis des princesses et de la noblesse s'en furent quérir l'Infante à Fontarabie ( non ! Béhobie ) , où une réception triomphale avait été préparée. L'Infante fut reçue à Joanoenea (nommée depuis "Maison de l'Infante"). »
« Le 9 juin, jour du mariage, une galerie élevée à 0,80 m du sol reliait l'église au logis de l'Infante. Un régiment de Suisses et un autre de gardes françaises forment la haie de chaque côté de cette passerelle. A midi, le cortège sort de Joanoenea et s'avance avec solennité. En tête, le Bayle et les jurats puis cent Suisses s'avancent, tambour battant, leur enseigne déployée. Derrière eux, un grand nombre de trompettes jetant dans l'air mille fanfares joyeuses. Suivent les valets de pied de la Maison du Roi, précédant leurs Majestés, environnées de leurs gentilshommes et de dames étincelantes de parures. »
« Louis XIV, dans toute la splendeur de la jeunesse et du pouvoir, s'avance, radieux, précédé du Cardinal Mazarin. Il est vêtu d’un costume recouvert de dentelles noires, et d’un manteau de brocart et d’or. Puis, c'est l'Infante Marie-Thérèse, habillée d'une robe de toile d'argent ; sur ses épaules, un manteau violet avec une queue fort longue, semé de fleurs de lys ; sur sa tête, une lourde couronne d'or ... »
La cérémonie du mariage bénie par Monseigneur d'Olce dura trois heures. L'Infante et le roi retournèrent ensuite à Lohobiague Enea. La tradition dit que, du haut du balcon de cette maison, furent jetées des pièces d'argent frappées tout exprès pour la circonstance, " pièces de largesse ".
Le 15 juin, après de nombreuses fêtes, la Cour repartit pour Paris en cortège triomphal et la ville reprit son calme, après avoir connu le tumulte des grandes cités.
Encore un petit aparté !
Plus tard la maison de l'Infante accueillit aussi en 1701 les petits-fils de Louis XIV, le duc de Bourgogne et le duc de Berry, qui accompagnaient leur frère, le futur roi d'Espagne Philippe à Madrid. Philippe était, quant à lui, reçu à la maison Lohobiague .
En 1854, c'est au tour de Napoléon III et d'Eugénie de séjourner dans la maison de l'Infante, alors qu'elle appartenait à un avocat parisien, Émile Pécarrère.
le mariage dans ses murs de Louis XIV et de Marie-Thérèse Infante d'Espagne.
Pendant cette parenthèse de festivités, Louis XIV habitera cette vaste demeure située en bordure de la place, à l’entrée du pont de bois qui conduisait à Ciboure connue sous le nom de Maison Lohobiague, du nom de l'armateur basque qui la fit construire vers 1643.
Elle est érigée en bordure du port et fut la demeure du maire de l’époque (le bayle), l'armateur Johanis de Lohobiague.
Sa façade principale donne sur la place Louis XIV. La façade sud plus sobre donne sur la place des corsaires avec quand même une très jolie vue sur le port et aussi sur la Rhune au loin.
En 1656 Jean de Casabielhe, le nouveau maire de la ville pour se venger, dit-on, de Marie-Sol de Hirigoyen qui avait repoussé sa demande en mariage pour lui préférer Johanis de Lohobiague , fit construire devant les fenêtres de la maison Lohobiaque-enea, la maison commune, c'est à dire la mairie ( ce qu'elle est toujours aujourd’hui. )
Voyez plutôt !!!
mediatheque.bayonne.fr
... presque collées !
L'Hôtel de Ville :
Lors de sa venue, en 1660 pour son mariage avec l’infante d’Espagne, Louis XIV logera au 2éme étage de la demeure, d’où le nom de " maison Louis XIV ". Ce n'est pas par Johanis de Lohobiague que fut reçu Louis XIV en sa maison, mais par sa veuve, Marie-Sol.
Précisons que la maison Lohobiague appartient toujours à la même famille depuis lors. Parce que c'est une demeure privée les photos sont malheureusement interdites à l'intérieur ( c'est une visite très intéressante que je vous recommande ), mais nous pouvons glaner quelques images sur Google .
Pour la remercier de son hospitalité, Louis XIV offrit à Marie-Sol un magnifique service à chocolat en vermeil et en émail !
Il est exposé dans le chambre qu'occupait le roi.
De part et d'autre du lit à baldaquin sont accrochés au mur les portraits de Johanis de Lohobiague et de Marie-Sol.
... sur la cheminée celui de Louis XIV à 22 ans, par Lebrun .
Nous pouvons admirer aussi deux mannequins revêtus des habits de mariage du roi et de Marie-Thérèse.
Remarquez les pieds de cette table !
La coiffe de la cuisinière est la coiffure typique des dames labourdines : rebiquant par devant, elle signifiait que la personne était mariée; rebiquant par derrière, que la dame était veuve . La jeune-fille ne portait pas cette coiffe.
Le 9 juin. Le soleil s'est levé sur le petit port basque depuis un moment déjà.
Louis sort de la maison Lohobiague pour rejoindre l'infante Marie-Thérèse.
Pour ce mariage royal luzien, la ville a mit ses plus belles demeures à la disposition des hôtes royaux, en particulier la maison de l'Infante, ainsi nommée par la suite, où la reine mère, Anne d’Autriche, avait déjà précédé sa future belle-fille – qui était aussi sa nièce - avant que le jeune souverain ne la rejoigne.
Une maison très intéressante du point de vue architectural : ses doubles arcs de galeries à la vénitienne ( les mêmes qu'à la maison Lohobiague ) , ses colonnades, son porche, ses pierres ocre et ses briques rouges… ont conduit à son classement comme monument historique. Les salons du premier étage ont gardé leurs poutres richement décorées de beaux motifs mystérieux, seulement découverts en 1996.
De la tour de vigie et de la galerie aux ouvertures en arcades, l’armateur pouvait surveiller le mouvement de ses navires de commerce et de chasse à la baleine. La Maison aurait été offerte par la ville à Joanot de Haraneder, un riche armateur, en remerciement de sa générosité envers la ville. Aussi, le nom initial de la maison est-il Joanoenia, c'est-à-dire la maison de Joanot de Haraneder.
Haraneder posséda ou contrôla jusqu'à dix-huit navires baleiniers. Parce qu'il avait participé en 1627 au siège de la Rochelle, le roi l'anoblit et lui octroya des armoiries qu’il fit graver sur une plaque de marbre de la cheminée de la salle principale.
Cette belle demeure avait été construite vers 1640, en « briques roses et chaînage de pierres dorées », dans un style qui rappelle tout à fait la place des Vosges – ancienne place royale – construite à Paris une trentaine d’années plus tôt, à la fin du règne d’Henri IV. On y voit deux tableaux de Jean-Léon Gérôme relatifs au mariage de Louis XIV. Lors de ces noces royales, la maison de l'Infante et celle du roi, éloignées d'une centaine de mètres seulement, furent réunis par une galerie volante qui facilitait les relations entre les deux Cours.
Très vite les Luziens avaient pris l’habitude de désigner cette maison sous le nom de « Maison de l’Infante » comme l’indique l’inscription commémorative gravée, au moment de travaux de restauration, en 1855 :
« L’INFANTE JE RECUS L’AN MIL SIX CENT SOIXANTE / ON M’APPELLE DEPUIS LE CHASTEAU DE L’INFANTE ».
L’Infante arriva dans un carrosse brodé d’or et d’argent, escortée par le Roi entouré d’un grand nombre de courtisans et de gardes, tous en grande tenue, « couverts de broderies, de plumes et de galons », caracolant sur des chevaux harnachés « de plumes et d’aigrettes », l’Infante-Reine avait, enfin, pu prendre un peu de repos dans les appartements qui lui étaient réservés à Joanoenia.
La jeune femme, qui allait y passer sa première nuit dans son nouveau royaume, venait de vivre l’une des journées les plus compliquées de son existence. Quelques heures auparavant son père, Philippe IV d’Espagne, l’avait remise à son royal époux, à Béhobie / Behobia, sur la petite Ile des Faisans, au milieu de la Bidassoa, entre les royaumes de France et d'Espagne.
Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3653-l-ile-des-faisans-sur-la-bidassoa
Les adieux entre le père et la fille avaient été déchirants. Marie-Thérèse, qui s’était par trois fois agenouillée devant son père pour recevoir sa bénédiction, avait manqué s’évanouir.
Philippe IV, d’habitude toujours impassible, avait pleuré, sachant que cette séparation serait longue, sinon définitive. S’arrachant courageusement aux effusions, Marie-Thérèse était allée changer de toilette. Après avoir quitté sa lourde robe à l’ample et longue jupe, à la mode espagnole, qui l’engonçait, elle était revenue vêtue de sa première robe française, en satin incarnat brodée d’or et d’argent, sa chevelure blonde ornée de pierreries. Une tenue qui l’aurait fait paraître plus avenante à son jeune époux que lorsqu’il avait essayé de l’entrevoir, avec la complicité de sa mère et du cardinal Mazarin, quelques jours auparavant, dans l’entrebâillement d’une porte, et ce malgré l’interdit du Roi d’Espagne. ( )
Tiens oui, au fait ! me demanderez-vous . Et où donc logeait Mazarin ?!!
... à Ciboure, de l'autre côté du port de Saint-Jean de Luz et juste en face des maisons Lohobiague et Joanoenia, dans la maison Estebania, ou maison Mazarin, ou plus récemment maison Ravel, car c'est ici que naquit le 7 mars 1875 le compositeur français Maurice Ravel,
Cette haute demeure de style hollandais, qui tranche très singulièrement sur ses voisines avec son pignon au fronton curviligne percé d'un oculus ovale entouré de rampants chantournés , avait été bâtie par un négociant et armateur cibourien du nom d'Esteban d'Etcheto vers 1630, qui s'était pris de passion pour l'architecture des maisons qu'il avait vues à Amsterdam.
Le cardinal Mazarin y demeura pendant son séjour du 8 mai au 15 juin 1660.
La mère de Maurice Ravel, née Marie Delouart, avait voulu accoucher dans sa ville natale et résida donc dans la loge de la concierge de cette maison qui n'était autre que celle de sa sœur, Madame Billac. L'enfant fut baptisé sous le nom de Joseph Maurice, en l'église Saint-Vincent de Ciboure qui se trouve juste derrière la maison. Les parents de Maurice Ravel déménagèrent ensuite au bout de trois mois à Paris, mais le jeune garçon venait passer tous ses étés dans cette ville de la côte basque et à l'âge adulte dans la région. Sa mère lui avait d'ailleurs appris le basque.
Aujourd'hui la maison accueille du reste l'académie internationale de musique Ravel.
On peut voir plusieurs autres maisons anciennes le long de la commerçante rue Léon Gambetta, notamment la plus jolie, la maison Gorritienea, qui fut d'abord celle du célèbre corsaire de Louis XIV, Joannis de Suhigaraychipy ...
Elle accueillit en 1813, pendant plusieurs mois Joseph Bonaparte chassé d'Espagne, et puis le maréchal Soult. Personne n'a su me l'indiquer, pas même au Syndicat d'initiatives !
Or donc ...
Le surlendemain avait lieu le mariage royal : la future reine, revêtue d’un somptueux costume de cour fait d’une « robe de brocart d’argent recouverte d’un manteau de velours violet semé de fleurs de lys d’or prolongé par une traîne de dix aunes de longueur » quittait « Joanoenia » pour se rendre à l’Eglise où allaient être célébrées les noces, précédée par le Roi, « en habit de drap d’or voilé de dentelle noire ». Elle allait vivre quarante-trois ans auprès de son époux. Quand elle mourut, Louis XIV, qui l’avait, semble-il, aimée à sa façon, déclara que « c’était la première fois qu’elle lui faisait de la peine ».
Le cadeau de mariage de la ville d'Hendaye est un somptueux carrosse de 50 000 écus, chevaux compris.
Louis XIV s'unit à l'Infante dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz. La porte par laquelle le roi passa, dans cette circonstance solennelle, fut murée quelques années plus tard par son ordre et est encore condamnée aujourd'hui.
Louis XIV autorisa la ville à décorer son écusson d'un vaisseau comme la capitale du royaume.
Le jeune souverain a passé plus d'un mois dans la maison Lohobiague et il vivait ici avec tout le cérémonial du Louvre. La vie autour du roi se déroulait suivant les règles strictes de l'étiquette ; on n'était pas en vacances, les affaires du Royaume continuaient. La Cour était la plus fastueuse de l’époque. Ceux qui n'étaient pas aux affaires du Royaume se distrayaient en visites, en promenades et en représentations de théâtre qui avaient lieu dans la grande salle de la Maison de Ville, voisine de Lohobiague-Enea.
« Le 6 juin 1660, après de longues négociations, la paix est solennellement signée entre les Rois de France et d'Espagne. Le 7 juin, Louis XIV, sa mère Anne d'Autriche, Monsieur, frère du Roi, suivis des princesses et de la noblesse s'en furent quérir l'Infante à Fontarabie ( non ! Béhobie ) , où une réception triomphale avait été préparée. L'Infante fut reçue à Joanoenea (nommée depuis "Maison de l'Infante"). »
« Le 9 juin, jour du mariage, une galerie élevée à 0,80 m du sol reliait l'église au logis de l'Infante. Un régiment de Suisses et un autre de gardes françaises forment la haie de chaque côté de cette passerelle. A midi, le cortège sort de Joanoenea et s'avance avec solennité. En tête, le Bayle et les jurats puis cent Suisses s'avancent, tambour battant, leur enseigne déployée. Derrière eux, un grand nombre de trompettes jetant dans l'air mille fanfares joyeuses. Suivent les valets de pied de la Maison du Roi, précédant leurs Majestés, environnées de leurs gentilshommes et de dames étincelantes de parures. »
« Louis XIV, dans toute la splendeur de la jeunesse et du pouvoir, s'avance, radieux, précédé du Cardinal Mazarin. Il est vêtu d’un costume recouvert de dentelles noires, et d’un manteau de brocart et d’or. Puis, c'est l'Infante Marie-Thérèse, habillée d'une robe de toile d'argent ; sur ses épaules, un manteau violet avec une queue fort longue, semé de fleurs de lys ; sur sa tête, une lourde couronne d'or ... »
La cérémonie du mariage bénie par Monseigneur d'Olce dura trois heures. L'Infante et le roi retournèrent ensuite à Lohobiague Enea. La tradition dit que, du haut du balcon de cette maison, furent jetées des pièces d'argent frappées tout exprès pour la circonstance, " pièces de largesse ".
Le 15 juin, après de nombreuses fêtes, la Cour repartit pour Paris en cortège triomphal et la ville reprit son calme, après avoir connu le tumulte des grandes cités.
Encore un petit aparté !
Plus tard la maison de l'Infante accueillit aussi en 1701 les petits-fils de Louis XIV, le duc de Bourgogne et le duc de Berry, qui accompagnaient leur frère, le futur roi d'Espagne Philippe à Madrid. Philippe était, quant à lui, reçu à la maison Lohobiague .
En 1854, c'est au tour de Napoléon III et d'Eugénie de séjourner dans la maison de l'Infante, alors qu'elle appartenait à un avocat parisien, Émile Pécarrère.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Sujets similaires
» Saint-Cyr, Maison royale de Saint-Louis
» Les abbés-comtes de Saint-Farre et de Saint-Albin, demi-frères de Louis-Philippe d'Orléans, dit Philippe Egalité
» Le mariage forcé, ou l’humiliation de Marie-Antoinette, de Jean-Pierre Fiquet
» Le mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette
» Jean-François marquis de Saint-Lambert
» Les abbés-comtes de Saint-Farre et de Saint-Albin, demi-frères de Louis-Philippe d'Orléans, dit Philippe Egalité
» Le mariage forcé, ou l’humiliation de Marie-Antoinette, de Jean-Pierre Fiquet
» Le mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette
» Jean-François marquis de Saint-Lambert
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: Nos conseils et découvertes :: Promenades et visites guidées (hors lieux du XVIIIe siècle)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum