La baronne Germaine de Staël

Majesté a écrit:Je me garderai bien d'écouter cette présentation...
Je ne peux pas blairer Michel Onfray...
Bien à vous.

Dimanche dernier, l'émission de radio Autant en emporte l'Histoire était consacrée à : Germaine de Staël et Napoléon Bonaparte, l’impossible conquête.



Présentation :

Germaine de Staël, née en 1766, morte en 1817. L’auteur de romans tels que Delphine et Corinne ou l’Italie, des best-sellers dans toute l’Europe de son vivant… Auteur aussi d’écrits politiques audacieux.
De l’Allemagne, par exemple : sous l’apparence innocente d’un tableau du pays et de la culture d’outre-Rhin, cet ouvrage était en même temps une véritable apologie du cosmopolitisme et de la liberté des peuples.
Insupportable pour Napoléon qui, en 1810, envoya le livre directement au pilon !

Pourquoi Germaine de Staël n’est-elle pas plus connue ? Parce que c’est une femme ? Parce qu’elle mélangeait les genres : littérature, philosophie et politique ?
Germaine de Staël est aussi un drôle de phénomène : une femme de passion et de chair, qui aimait les hommes (un mari et au moins 15 amants), eut cinq enfants ; le dernier, à 46 ans, juste avant de s’enfuir à travers l’Europe…

C’est de l’étonnante relation entre Germaine de Staël et Napoléon Bonaparte que nous allons parler ce soir.
Deux êtres qui n’avaient rien pour s’entendre : lui, le jeune général devenu empereur et autocrate ; elle, la femme éprise de liberté.  

L'invitée
Stéphanie Genand, présidente de la société des études staëliennes, auteur notamment de :



La fiction
Germaine de Staël et Napoléon Bonaparte : l’impossible conquête, une fiction de Corinne Klomp, réalisée par Laure Egoroff.


Si l'émission vous intéresse, son écoute libre est ici (environ 50 mn) : https://www.franceinter.fr/emissions/autant-en-emporte-l-histoire/autant-en-emporte-l-histoire-29-octobre-2017

La nuit, la neige a écrit:

Si l'émission vous intéresse, son écoute libre est ici (environ 50 mn) : https://www.franceinter.fr/emissions/autant-en-emporte-l-histoire/autant-en-emporte-l-histoire-29-octobre-2017

Et comment !!! Germaine m'est éminemment sympathique !!!
J'écouterai cette émission demain .
Un grand merci pour le lien !

On peut choisir de zapper la fiction, si l'on n'apprécie pas le genre...
Mais celle-ci n'est pas si mal.

J'avais oublié l'une des phrases de Mme de Staël :

De tous les hommes que je n'aime pas, mon époux est celui que je préfère.

Excellent !

La nuit, la neige a écrit:

De tous les hommes que je n'aime pas, mon époux est celui que je préfère.

Excellent ! 

Germaine !   ... ??? ... Bienvenue au club ! 

Je vous comprends : moche et antipathique comme M. d'Autichamp, c'est rare !!!

Sacrée Germaine, quelle rigolotte !
Sauf qu'elle, ... ne blaguait pas .

Sa phrase est si percutante que l'on a envie de s'en amuser !

Bienvenue au Club Comtesse? Oui, moi j'y adhère tout de suite.
Germaine de Staël était très connue à son époque, amie de Joséphine et de Térésita, toutes trois grandes "amatrices et croqueuses" de chair fraîche.... du sexe dit fort (bien évidemment. ). Bref, une pure épicurienne, mais aussi affublée d'une très belle et fine intelligence, d'une bonne dose d'humour ("De tous les hommes que je n'aime pas, mon époux est celui que je préfère"), femme de coeur, ne l'oublions pas aussi. Cela a déjà été mentionné dans les pages précédentes.
Je ne suis pas sûre qu'on l'aie totalement oubliée aujourd'hui. Les initiés sûrement pas.

Je ne sais s'il a déjà été cité, un autre fort beau mot de Germaine de Staël : cette dernière, pas vraiment belle mais intelligente, se trouvait avec son amie chère, Juliette Récamier, d'une grande beauté mais passant pour idiote. Un ami vînt s'asseoir entre les deux femmes et soupira :
- Il faut bien admettre qu'on ne serait mieux placé qu'ici, entre l'esprit et la beauté...
Germaine de Staël se pencha alors vers son amie pour lui murmurer :
- C'est la première fois qu'on me dit que je suis belle...

La classe, tout simplement.

Oui, il me semble déjà avoir lu ce bon mot de Mme de Staël.
Merci pour le rappel ici.

Et quel mufle, cet "ami" des deux femmes !

Je copie/colle ici la réponse à l'une de nos énigmes du Jeu du printemps :

Alors exilé à l'île d'Elbe, Napoléon reçoit la visite d'un émissaire, envoyé par son frère Joseph, l'informant que deux assassins envoyés par le comte d'Artois sont en route pour l'assassiner.


Le comte d'Artois, Lieutenant général du Royaume sous la Restauration

L'alerte fut donnée par Madame de Staël, la pipelette de L'Europe !  
Dans son château de Coppet (où toute l'Europe venait à sa table), elle recevra la visite du général Carlo Filangieri (aide de camp du roi Joseph en Espagne) qui s'en retournait à Naples après un séjour à Paris.
C'est lui qui fait part de ce complot à Mme de Staël.



Mme de Staël connaissait Joseph Bonaparte de longue date, ils étaient amis. A sainte-Hélène, Napoléon dira même qu'ils furent amants (ce que contestent les biographes de Mme de Staël).

Le frère de Napoléon est alors exilé en Suisse, dans son château de Prangins, à deux pas de celui de Mme de Staël : ils sont voisins, et se fréquentent fréquemment.



Vues du château de Prangins, aujourd'hui

Mme de Staël transmet donc, de toute urgence, les informations, avec quelques jours d'avance sur les assassins.
Ce qui laissa le temps à Joseph d'envoyer un émissaire sur l'île d'Elbe, et ainsi d'informer Napoléon de ce qui ce trame contre lui.


Portrait de Joseph Bonaparte, frère aîné de Napoléon

Un des comploteurs fut arrêté à son arrivée sur l'île, et expulsé vers l'Italie.
On ne sait pas ce que devint le second...

* Source : Joseph Bonaparte, de Thierry Lentz



Qui sait ? Sans l'intervention de Madame de Staël, qui pourtant a souffert de la défiance (le mot est faible) de Napoléon : pas de Vol de l'Aigle, pas de 100 jours, pas de Waterloo etc.  

... et la morne plaine aurait pu demeurer une riante campagne !

Tu as bien fait de propulser la solution de cette énigme dans le sujet de Germaine à qui elle fait honneur.
Merci, cher la nuit, la neige ......

Quand même cet Artois !!! Sont-ce des méthodes ?

Mme de Sabran a écrit:
Tu as bien fait de propulser la solution de cette énigme dans le sujet de Germaine à qui elle fait honneur.

Oui, comme quoi...Car après tout ce qu'il lui a fait, et combien elle a combattu Napoléon et son Empire !

Mais elle admirait l'homme, et elle restait attachée à une certaine idée de "grandeur".
Durant la terrible Campagne de France, et alors que son entourage se réjouissait de la défaite que la coalition des armées étrangères allait infliger à Napoléon, elle avait déclaré, redoutant que la France soit livrée aux troupes étrangères :

Je souhaite que Napoléon soit victorieux, et qu'il soit tué.

C'est assez complexe comme raisonnement, mais finalement tout est dit : c'est à dire qu'elle gardait son cap concernant le changement de régime (comme elle le souhaitait), mais pas le retour d'un Bourbon et ce, encore moins dans les pas des ennemis de la France.

Aussi, imaginer que Napoléon serait lâchement assassiné, alors qu'il était exilé, lui paraissait probablement tout à fait indigne.
Un peu comme, après avoir combattu la monarchie d'Ancien régime, elle fut l'une des rares à oser défendre publiquement Marie-Antoinette et à tenter d'empêcher son exécution. Nous en avons déjà parlé...

Enfin, comme beaucoup, elle n'imaginait sans doute pas que Napoléon oserait cette incroyable odyssée du Vol de l'aigle. Qui aurait parié sur cette folle tentative, et sur son succès ?!!

J'ajoute que, peut-être, éprouvait-elle une sorte de malice et d'orgueil à montrer à son ennemi déchu qu'elle, oui une femme et oui son ancienne ennemie politique, lui a avait peut-être sauvé la vie...

A cette occasion, Napoléon la fera d'ailleurs remercier "d'avoir pris de l'intérêt à la conservation de ces jours".
Ironique ou pas, et surtout à cette époque de sa vie, il y avait là forcément de quoi réfléchir sur ces choses de la vie, et qui sont ou pas les moins pourris de vos anciens ennemis / amis.

La nuit, la neige a écrit:
qui sont ou pas les moins pourris de vos anciens ennemis / ami ?.

Ta conclusion résonne comme un avertissement ... oui, qui sont-ils ?
Les méandres des relations humaines sont plus impénétralbles que les voies du Seigneur .

C'est fou, tous ces gens qui n'aimaient pas Napoléon mais qui l'admiraient !

Mme de Sabran a écrit:
Ta conclusion résonne comme un avertissement ...  oui,  qui sont-ils ?  

Bah ! Napoléon ne se faisait guère d'illusions quant à son entourage, l'époque favorisait la versatilité des moeurs et des opinions. Au moment de sa première abdication, les masques sont tombés.
Mais lui-même n'était pas innocent ; et sa politique, son ambition, ou sa personnalité lui ont fait perdre nombre de ses premiers soutiens.
C'est un peu l'arroseur arrosé, en somme.

A l'époque, avait été publié le premier Dictionnaire des girouettes, qui rencontra un grand succès d'édition.
Nous avions déjà évoqué ce titre dans notre forum.  
Il s'agissait de signaler, par des girouettes, le nombre de volte-faces et fidélités successives des personnalités depuis la Révolution jusqu'aux Cent-Jours.
Sur la page photographiées ci-après en exemple, Talleyrand en compte douze. Tout autant que Napoléon !  






* Source des images : https://www.dicopathe.com/livre/dictionnaires-des-girouettes/

"Dictionnaire des Girouettes". Je trouve cela assez comique comme vous LNLN. Pour preuve Talleyrand et Napoléon qui en comptent 12. Qui dix mieux ? Bon nombre, à la pelle (et les 2 sexes SVP), nous n'en doutons pas.
Mais, dites-moi, le "génial" militaire qu'était Napoléon est mort de maladie ou empoisonné comme on l'a parfois suggéré ?

Généralement, je donne peu dans toutes les théories des complots, chère Trianon.  

A sa mort, on a procédé à une autopsie de son corps.
La conclusion officielle est donc : une maladie de l'estomac qui a provoqué une hémorragie interne.
Nulle trace d'empoisonnement.
Et depuis, nulle preuve avérée que les Anglais, les royalistes, et qui sais-je encore ont "provoqué" un mal dont il souffrait déjà depuis longtemps.

Peut-être le même qui a emporté son père, lorsque Napoléon était jeune ?

Pour la petite histoire :  
Le père de Napoléon, qui avait déjà consulté plusieurs médecins sans succès, et qui se rendait alors à Versailles, ira consulter Lassonne, le médecin de Marie-Antoinette !
Il lui prescrira de prendre les eaux je ne sais plus où, et de manger...des poires fondantes.
Il est mort peu de temps après, évidemment !

J'aurais dû garder cette énigme pour notre Jeu du printemps...

Napoléon disait avoir quatre ennemis : l'Angleterre, la Prusse, la Russie et Madame de Staël.  
Il condamna Germaine à une manière de  " mort sociale ",  à Coppet.  Plus loin elle serait, mieux il se porterait.

L'abbé Morellet le raconte ainsi :

Je ne sais si vous avez avec Mme de Staël quelque correspondance; si quelqu'un vous donne de ses nouvelles et si vous y mettez quelqu'intérêt, mais j'y en mets, moi, et, d'après cette pensée, je vous dirai que la pauvre dame est toujours occupée du désir brûlant de revenir à Paris, ou du moins, de s'en rapprocher de manière à pouvoir entretenir avec ses amis, un commerce plus suivi; Hors de Paris, c'est le poisson hors de l'eau. Quelqu'un lui demandait mais enfin madame vous pouvez avoir à quelque distance de Paris, quatre ou cinq amis, dont la société vous serait agréable ? Pendant quinze jours, répondit-elle. Elle vient de faire pour cela une tentative dont je crains pour elle les suites. Voyant qu'on l'a soufferte à Acorta, près Meulan, depuis cinq ou six mois, elle a voulu acheter une petite maison à St.-Germain. On lui a dit que cela était trop près de la Malmaison.  Elle a acheté à Cernay, une maison que vous pouvez avoir connue, appartenant à un procureur Deniset, derrière celle de Mme Broutin. Je sais qu'on l'a dit.    Mais cette vallée de Montmorency est un faubourg de Paris, et qu'on ne lui a donné, jusqu'à présent, aucune sûreté de pouvoir l'habiter. J'ai fait cette observation à son homme d'affaires, qui m'a dit qu'en ce cas, elle la revendrait en perdant dix mille francs. Voilà une belle opération de finance.

Mme de Sabran a écrit:Napoléon disait avoir quatre ennemis : l'Angleterre, la Prusse, la Russie et Madame de Staël.

Une ennemie qui lui a, peut-être, sauvé la vie...

Madame de Staël déjoue un complot visant à assassiner Napoléon

La nuit, la neige a écrit:
Une ennemie qui lui a, peut-être, sauvé la vie...

Madame de Staël déjoue un complot visant à assassiner Napoléon

Sans doute cela aura-t-il ramené Napoléon à de meilleurs sentiments à son égard ?! Je l'espère, en tous cas.
Merci pour cette petite piqûre de rappel .  


L'abbé Morellet revient encore à M"" de Staël pour fustiger des signes extérieurs d'une bigoterie que l'on ne saurait supposer chez une femme si remarquablement intelligente:

Il y a des méchants qui disent que l'esprit métaphysique et philosophique, qu'elle possède à un très-haut degré, ne se trouve guère avec le sentiment des arts. En tout le reste, je trouve qu'elle ressemble beaucoup au portrait de sa Corinne.

Les hommes raisonnables voient aussi avec quelque peine, dans l'ouvrage de M- de Staël, une apologie fréquente et quelquefois jusqu'à de l'admiration, des cérémonies religieuses, de la religion romaine, de la semaine sainte, des moines, etc. Elle parait adopter ce grand et prétendu principe de la nécessité d'un culte pour le peuple, qui est aujourd'hui le cheval de bataille des dévots politiques contre les philosophes. Elle oublie que la moitié de l'Europe et la moitié la plus religieuse et la plus morale n'a point ou presque point de culte extérieur que les madones au coin des rues,, et les pèlerinages et les processions, et les moines mendiants et autres ont bien plutôt corrompu et perdu la morale et la vraie religion, qu'ils ne l'ont conservée, etc. M"" de Staël, élevée dans la religion protestante et trop éclairée pour être superstitieuse, donne à penser qu'en favorisant cette théorie, elle a voulu se concilier les salons du faubourg Saint Germain, et les' auditeurs de M. l'abbé de Fressinous, qui établit dans ses discours, que, sans la croyance aux mystères, aux miracles, et à l'Église catholique, apostolique et romaine, et à ses cérémonies, il n'y a ni probité, ni vertu. Lorsqu'on a élevé devant moi cette inculpation contre M"" de Staël, j'ai répondu pour elle, que je ne croyais pas qu'en prêtant ces avantages au culte catholique, elle eût eu aucune vue politique et qu'elle avait seulement employé en cela un moyen, une machine de roman.

Je ne me flatte pas que cette excuse soit trouvée bonne par tout le monde. La Corinne de Mme de Staël, qui, dans tant d'endroits du roman, est M"" de Staël elle-même, à genoux et en larines devantla madonedeLorette;    Oswald,qui d'abord s'est étonné de voir une femme d'un esprit si supérieur, se livrant à des pratiques tout-à-fait populaires et qui tout de suite lui dit que lui-même invoque son père dans le ciel, et en attend un secours extraordinaire, une protection miraculeuse, etc. tout cela va, ce me semble, bien mal dans la bouche de Mme de Staël, parce qu'on ne peut guère se persuader que toute cette mythologie soit dans l'esprit d'une personne comme elle.

La phrase du jour de Mme de Staël (lu dans un article du Figaro au sujet de la chute - très éventuelle à ce stade - de Poutine) :

"La Russie est un despotisme tempéré par l'assassinat"

... une recette politique à l'arrache ...

Il semblerait que Mme de Staël ait plutôt dit : "La Russie est un despotisme tempéré par la strangulation". Il s'agit d'un mot prêté à Germaine de Staël.




Quant au marquis de Custine, il a écrit de manière très juste semble-t-il et ce, dès 1839 :

"Le gouvernement russe est une monarchie absolue, tempérée par l'assassinat; or, quand le prince tremble, il ne s'ennuie plus ; il vit donc entre la terreur et le dégoût. Si l'orgueil du despote veut des esclaves, l'homme cherche des semblables : mais un Czar n'a point de semblables ; l'étiquette et la jalousie font à l'envi la garde autour de son coeur solitaire."

Mme de Staël eut une entrevue avec Bonaparte chez Berthier.    Elle fit la confidence au Russe Golofkine, qui l'a consignée dans ses Souvenirs inédits,   d'avoir passé « deux jours et deux nuits » à préparer par écrit des réponses sur tous les sujets qu'aborderait son ennemi.
Or, suivi de son frère Lucien, Bonaparte s'arrête devant Mme de Staël, avise ses épaules décolletées, et brusquement :
« Vous avez sans doute nourri vous-même vos enfants? »
Mme de Staël resta muette, pétrifiée : elle n'avait pas prévu la question. Et Bonaparte de s'en aller, en disant à Lucien :
« Vous le voyez, elle ne veut même pas dire ni oui, ni non ! »

(Cf. L. PISCAUD, Madame de Staël et le duc de Rovigo, Revue de Paris, 1er décembre 1903.)