Le géographe Edme Mentelle ( 1730 - 1815 )
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Le géographe Edme Mentelle ( 1730 - 1815 )
EDME MENTELLE
Edme Mentelle est né le 11 octobre 1730 à Paris où il est mort le 29 décembre 1815. Élève de Jean-Baptiste-Louis Crevier au collège de Beauvais, Mentelle obtient un emploi dans l'administration des fermes générales et s'essaie à la littérature. Il publie quelques poésies et comédies sans rencontrer le succès, puis se met à l'étude de la géographie .
Ses Éléments de géographie sont publiés en 1758.
En 1760, il est nommé « professeur de géographie et d’histoire » à l’École militaire. Mais il reste très lié avec les littérateurs et les philosophes, et un pamphlet de lui contre les jésuites : Le portefeuille du R. P. Gillet, 1767, montre qu’il prend part à une des grandes batailles du temps.
Il ne dédaigne d’ailleurs ni les modestes honneurs des Académies de province, ni les petites corrections de nom par lesquelles on se pousse dans le monde. L’Almanach de Normandie de 1768 nomme, parmi les associés-adjoints de l’Académie de Rouen, « M. de Mentelle, inspecteur de l’École royale militaire, à Paris ».
Il est l'auteur d'un grand nombre d'ouvrages dont plusieurs ont eu beaucoup de succès et d'un Atlas universel composé de 170 cartes.
Cosmographie élémentaire, divisée en parties astronomique et géographique . Ouvrage dans lequel on a tâché de mettre les vérités les plus intéressantes de la physique céleste à la portée de ceux même qui n'ont aucune notion de mathématiques... par M. Mentelle,... Nouvelle édition considérablement augmentée
Date de l'édition originale : 1785
Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée, caractéristiques de leur époque, qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.
Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.
Quelques années après, Mentelle peut s'honorer du titre de « historiographe de M. le comte d’Artois ». Il demeurait alors « rue de Seine, hôtel de Mayenne », et y resta jusqu’à ce que Roland, en 1792, lui eût donné un logement au Louvre. Il était aussi censeur royal.
Il avait épousé en premières noces Catherine Vincent, fille de Bernard Vincent, maître de danse de l’École royale militaire, et de Marie Madeleine Malter, issus d'une grande famille de maîtres de danse; en secondes noces en 1806 Pomme Reine de la Gorinière, âgée de 34 ans.
Dès les années 1780, il est très proche de Jacques Pierre Brissot . Il est parrain de son second fils en 1785 .
Il est très lié aussi, déjà à cette époque, avec Madame Roland pour laquelle il sera l'ami de la dernière heure, sous le nom de code "Jany", et l'assistera en septembre et octobre 1793.
En 1786, pour le fils aîné de Louis XVI, il réalise avec Jean Tobie Mercklein un globe composite, voire « gigogne », comprenant trois éléments : sa face externe représente le globe terrestre ; sa face interne, la voûte céleste ; à l'intérieur, une boule figure les profondeurs des mers. Il est exposé dans les appartements du dauphin au château de Versailles (V 5243 ; dépôt du département des Cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France, Ge A 356 Rés.).
Globe terrestre et céleste pour l’éducation du dauphin
Edme Mentelle (1730-1816) et Jean Tobie Mercklein (1733-1808), 1786
BnF, département des Cartes et Plans, Ge A 356 Rés
Au XVIIIe siècle, les géographes commencent à s’intéresser au relief réel de la surface solide du globe : la marine française donne des représentations de l’anatomie des mers et des fonds marins (Philippe Buache à partir de 1737), qui permettent de constater les correspondances entre reliefs continentaux et reliefs sous-marins. C’est à la demande de Louis XVI pour l’éducation du dauphin que le géographe Edme Mentelle réalise un grand globe composite de 1,30 m de diamètre en trois éléments : l'extérieur est un globe terrestre d'axe horizontal, décalotable le long du cercle du méridien de référence (à l'époque, le méridien de l'île de Fer dans les îles Canaries), et les constellations du globe céleste sont dessinées au revers. À l’intérieur se niche le tout premier globe en relief, représentant les reliefs continentaux et océaniques, ces derniers étant cartographiés selon les données bathymétriques fournies par le ministère de la Marine.
http://expositions.bnf.fr/monde-en-spheres/grand/mes_130.php
Merci, mon cher Momo !
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Partisan de la Révolution, Mentelle enseigne aux Écoles centrales, puis à l'École normale. Il sera élu membre de l'Institut national des sciences et des arts en 1795.
Il connaissait donc déjà les Roland vers cette époque, soit par des rapports communs avec l’Académie de Rouen où Roland fut admis en 1780 comme associé à adjoint, soit par quelque rencontre chez Panckoucke, pour lequel ils travaillaient l’un et l’autre, soit tout simplement par leurs nombreuses relations littéraires communes .
Avec Brissot, la liaison est intime ; Mentelle avait eu pour ami un négociant de Boulogne-sur-Mer, appelé Dupont, et était resté en relations avec sa veuve, qui, lorsque Brissot alla habiter Boulogne en 1778, le reçut chez elle, lui parla de Mentelle et lui en fit « le plus brillant portrait ». L’année suivante, Brissot revenant d’Angleterre, malheureux et découragé, elle l’adressa à Mentelle, auprès duquel le jeune publiciste trouva consolation et assistance.
L’historiographe du comte d’Artois avait alors « réputation et aisance » ; sa maison était « le rendez-vous des talents et des arts » ; il se faisait chérir « par son zèle toujours actif pour ses amis ». C’est chez Mentelle que Brissot, dans les premiers mois de 1780, retrouve la fille aînée de son hôtesse de Boulogne, Mlle Félicité Dupont, et qu’ils s’engagent l’un à l’autre. Mentelle les accompagne au cours de Fourcroy ; il introduit Brissot dans la société assez disparate de littérateurs et de savants qu’il réunit chez lui parmi lesquels Laplace et Lavoisier, Monge, Dupont de Nemours ...
On faisait chez Mentelle d’excellente musique. Brissot parle plusieurs fois de ces concerts, où brillaient, avec la maîtresse de la maison, Clémenti « et d’autres célèbres clavecinistes », parmi lesquels un certain Desforges d’Hurecourt, qui porta le trouble dans le ménage. (Mém. de Brissot ) Le bon Mentelle dut pardonner, car nous allons voir que sa femme était encore avec lui lorsque nous le trouverons, après 1792, logé aux Galeries du Louvre.
Deux traits attestent l’affection de Mentelle pour Brissot. Pendant le séjour du malheureux journaliste à la Bastille (juillet-septembre 1784), il fut un ceux qui pressèrent la « comtesse-gouverneur », Mme de Genlis, d’intéresser le duc d’Orléans à sa délivrance. Il fit plus, il se porta garant. « Le sieur Brissot de Warville, — disait le rapport du lieutenant de police Lenoir à M. de Breteuil, ministre de la maison du Roi, — …est né de parents honnêtes et le sieur Mentelle répond de sa conduite… J’estime qu’il est juste de lui accorder sa liberté. »
Deux ans après, Mentelle est parrain du second fils de Brissot, Edme-Augustin-Sylvain, baptisé le 14 mars 1786.
Vers la fin de 1785 ou le commencement de 1786, Breteuil, désirant encourager les littérateurs et les savants, s’était fait dresser une liste de noms, à côté de chacun desquels on trouve des appréciations et une décision. Voici ce qui concerne Mentelle :
« Le plus estimable géographe du siècle ; les avances qu’il a été obligé de faire pour graver ses cartes l’ont ruiné. Il a fait des emprunts usuraires. Il demanderait une somme de 20,000 livres, dont la moitié en pur don, etc… »
Et le ministre écrit au-dessous :
« Souscrire pour 12,000 livres. En faire l’avance. »
Mentelle apporta sa petite contribution à la Révolution, en réclamant la liberté de la presse : il était trop lié avec Brissot pour ne pas le suivre au combat. Il perdait cependant beaucoup à la victoire : places, pensions, tout avait disparu. Une lettre inédite de Mme Brissot, sans date, mais qui doit être de 1790, représente les Mentelle « dans la plus grande gêne qui puisse exister. Madame donne des leçons, le mari fait un cours, mais le temps n’est pas propice ». Cette lettre nous apprend aussi qu’un de leurs fils venait de partir pour l’Amérique, en vue de s’y faire colon ou commerçant. Brissot, qui n’était guère plus riche que Mentelle, mit du moins à son service toute la publicité du Patriote français.
De janvier 1790, à la fin de 1792, nous voyons s’y succéder presque sans interruption des annonces : 1° des cartes de géographie que Mentelle met en vente, cartes d’actualité, telles que, par exemple, en septembre 1791, le comtat d’Avignon et l’île de Saint-Domingue ; en juillet 1792, les Pays-Bas ; en septembre, la Lorraine, etc… ; 2° des cours de géographie que Mentelle professe (six leçons, prix : 24 livres) d’abord chez lui, rue de Seine, n° 97, puis, à partir de mars 1791, dans une des salles du vieux Louvre.
C’est sans doute aussi sur la recommandation de Brissot que Roland, devenu ministre de l’Intérieur, accorde à Mentelle (dont il n’avait dû garder qu’un bien faible souvenir) un logement au Louvre. C’était un des vingt-six logements pratiqués dans la grande Galerie. Les Mentelle occupaient le n° 11, entre le peintre Hubert Robert et l’orfèvre Ménière. Les souvenirs d’un contemporain nous montrent une Mme Mentelle, « courte, maigre, bavarde, prétentieuse, plus âgée que son mari, ayant le diable au corps pour la toilette, avec cela, pour les qualités de son cœur, très aimée des voisins et voisines… ».
C'est dans ce logement que Mentelle passe les sombres jours de la Terreur. Lié de longue date avec une foule de gens de lettres et de savants, et par suite avec un certain nombre de conventionnels, il continue de publier des cartes et de professer.
On lit, au Procès-verbal de la Convention du 24 février 1793 : « Le citoyen Mentelle fait hommage à la Convention d’une carte géographique des Provinces-unies (toujours l’actualité ; Dumouriez venait de franchir la frontière hollandaise, 20 février) ; l’Assemblée décrète la mention honorable, l’insertion au Bulletin, et que cette carte, faite dans un très grand détail, sera déposée aux Archives ».
Puis, il recommence ses cours. En juillet 1793, il a au Louvre une salle pour son cours de géographie, avec une antichambre commune aux salles « où étaient conservées les porcelaines du ci-devant roi ». Sans doute, la salle qu’il avait déjà en mars 1791 et où son globe était déposé. Ce globe était déjà célèbre ; à l’automne de 1793, il est inventorié par la Commission des Arts, : « Procès-verbaux de la Commission des arts, séance du 22 septembre 1793 : la section de la marine remet un Procès-verbal sur le globe du citoyen Mentelle ».
Le 1er octobre, Mentelle écrit au président du Comité d’instruction-publique de la Convention pour lui annoncer que « lundi prochain [7 octobre], à midi, il commencera son cours de géographie comparée et se trouverait bien honoré si le Comité désignait deux commissaires pour se rendre compte de sa méthode ». La lettre est signée « Mentelle, professeur public de géographie, cour du Louvre ». Le Comité désigne Grégoire et Romme, et, dès le lendemain de cette première leçon, le 8 octobre, ils en rendent compte au Comité : « Deux membres font leur rapport d’une séance de leçon de géographie donnée par le citoyen Mentelle ; ils exposent sa méthode et ses procédés. Ils font spécialement l’éloge de son globe, qui, par ses reliefs, rend sensibles les irrégularités diverses du globe terrestre… »
Or, à ce moment même, Mentelle risque sa tête, par fidélité pour Brissot, par reconnaissance pour les Roland.
Il va voir Brissot, à l’Abbaye d’abord, puis à la Conciergerie (où Brissot a été transféré le 6 octobre). Il reçoit ses communications et les transmet aux amis du dehors.
Mentelle reçoit de Brissot un dépôt autrement important : ses « Mémoires » eux-mêmes.
Champagneux raconte un entretien qu’il eut avec Madame Roland à Sainte-Pélagie, le jour des funérailles de Marat (17 juillet) .
Elle exprima le vœu que Brissot écrivît ses Mémoires :
« Il a des vérités utiles à dire à ses contemporains et des leçons importantes à donner à la postérité ; il faut qu’il accomplisse cette tâche : elle sera plus douce pour lui quand il y sera convié par moi ».
Et quelques jours après, elle lut à Champagneux une lettre qu’elle adressait à Brissot pour qu’il entreprît ce travail, lettre que Champagneux regrette fort de n’avoir pu « recouvrer ». Il ajoute : « L’exhortation de la citoyenne Roland produisit son effet ; Brissot écrivit des Mémoires auxquels il donna le nom de son Testament politique… Déjà cet ouvrage avait franchi les barrières de la prison : déjà l’impression en assurait une publicité très prochaine, lorsque Robespierre, qui en fut informé et qui en prévit les terribles effets, réussit à faire brûler toute l’édition et même le manuscrit… J’ai cependant ouï dire qu’un exemplaire fut sauvé, qu’il est entre les mains de R… et qu’il reverrait bientôt le jour. »
Testament politique et confession de Jean-Pierre Brissot. :
Brissot de Warville, J.-P. (Jacques-Pierre), 1754-1793
Il ne faudrait pas tenir ces renseignements pour très précis. Champagneux, incarcéré du 4 août 1793 au 12 août 1794, puis retiré en Dauphiné, ne revint à Paris qu’à l’automne de 1795 et, par conséquent, ne parle que par « ouï-dire » (en juillet 1799) de tout ce qui s’est passé entre ces dates extrêmes. Nous avons d’ailleurs constaté en d’autres circonstances qu’il dramatise un peu ses récits. En ne gardant de son témoignage que l’essentiel et en examinant, d’autre part, les Mémoires de Brissot tels que nous les avons, on arrive à la conclusion que le véritable dépositaire des manuscrits de Brissot, c’était Mentelle.
Là encore, nous avons le témoignage particulièrement autorisé de M. de Montrol qui, le premier, trente-sept ans après, publia en 1830 les Mémoires de Brissot, à lui confiés par la famille. Dans sa préface (t. I, p. xix), il dit expressément : « Les manuscrits de Brissot étaient connus de tous les amis de sa famille. Ils ont été longtemps entre les mains de Mentelle, membre de l’Institut, et du géographe Pinkerton, qui avait eu le dessein de les publier en Angleterre ». Et plus loin « Il [Mentelle] a eu longtemps dans ses mains le manuscrit de ses Mémoires, en marge duquel il a écrit quelques notes que nous avons conservées ».
Il est donc hors de doute que Mentelle avait reçu les « cahiers » de Brissot, en un temps et dans des circonstances où il y avait péril. Cela rend singulièrement significative la phrase de la lettre que lui écrit Madame Roland au milieu d’octobre 1793 (Correspondance, lettre 550) : « Je ne veux point voir les cahiers de B… que lorsque vous en auriez un double ; il y aura toujours du danger dans les transports et il ne faut pas risquer une perte irréparable ».
Deux pièces fort curieuses des Papiers Roland , provenant de la collection Villenave, toutes deux de la main de Mentelle, permettent de croire qu’il essaya même de faire appel aux Parisiens en faveur de son malheureux ami. L’une est intitulée : « Aux patriotes qui recherchent la vérité ». Elle débute ainsi : « Peuple français, et vous, honnêtes Parisiens, vous tous dont il est si facile d’enflammer le cœur et d’égarer la raison, écoutez-moi et apprenez que ce Brissot, retenu aujourd’hui dans les fers et que l’on veut couvrir de l’indignation publique, est l’un des plus ardents amis de la vertu, de l’ordre et des lois… ». Suit un chaleureux plaidoyer, qui est surtout un exposé de la vie de Brissot. La pièce a été écrite entre le 23 juin 1793, jour où Brissot fut écroué à l’Abbaye, et le 13 juillet, c’est-à-dire avant l’assassinat de Marat, car Mentelle dit, avec une candide confiance : « Il avait connu autrefois Marat. Depuis, il connut Danton, Robespierre. Je défie ces trois hommes d’administrer aucun fait contre lui et de le signer ».
L’autre pièce a pour titre : « Impartialité en faveur de l’innocence soupçonnée ». Elle est un peu postérieure, ainsi qu’on le voit dès les premières ligues : « Des hommes égarés et des méchants provoquent les sections de Paris pour obtenir de la Convention le jugement de Brissot… » (c’est le 4 septembre que les sections vinrent présenter cette demande à l’Assemblée).
Cet appel est plus court que le précédent et la forme n’en est pas moins naïve. Il y a un mot touchant : en rappelant que Brissot avait été emprisonné par la Cour en 1784, Mentelle dit : « Il y avait alors une prison célèbre, sous le nom de Bastille (hélas ! qu’y fait le nom ?) … ».
En même temps que Brissot, Mentelle devenait le suprême confident de Madame Roland à Sainte-Pélagie .
Poussé par la reconnaissance et par la pitié, il va demander deux fois à Fouquier-Tinville, mais inutilement, l’autorisation de voir la prisonnière. Rencontrant un jour, dans une de ces visites, l’avocat Chauveau-Lagarde, qui a précisément l’accès de la prison comme défenseur de la belle-mère de Pétion , il le charge d’offrir à Madame Roland ses services. On convient dès lors qu’elle écrira à Mentelle sous le nom de "Jany".
Dès le 28 septembre, elle le charge d’aller prendre et porter des nouvelles chez Mme Sophie Grandchamp ; elle lui fait passer la suite des cahiers de ses Mémoires particuliers, c’est-à-dire la fin du 4e cahier, le 5e et le 6e (le commencement était chez Bosc) ; vers le 4 octobre, envoi du 7e cahier ; le 8 octobre, envoi du 8e, des Dernières pensées et des deux lettres d’adieu pour sa fille et sa bonne ; après le 14 octobre, enfin, la prisonnière fait transmettre à Mentelle, admis dans sa plus entière confidence, sous le titre de Dernier supplément, adressé nommément à Jany, ces cahiers aujourd’hui perdus qui étaient ses Confessions.
Elle lui donnait mission de publier un jour, le plus tôt possible, tous ces écrits, en réservant toutefois les Confessions pour une époque plus éloignée, et lui faisait remettre en même temps le portrait de Buzot, puis, à la veille de l’échafaud, sa montre, son propre portrait et celui de Roland.
Mentelle répondait à tant de confiance par un dévouement infatigable ; il voyait les amis de la prisonnière. Le jour où Madame Roland était conduite au Palais de justice, à l’ouverture du procès des Girondins (24 octobre), il parvenait à l’y entretenir un instant et à lui remettre un billet à la dérobée. Enfin il lui faisait parvenir des nouvelles de Brissot.
Madame Roland à l'échafaud,
huile sur toile anonyme, fin du XIXème siècle,
Versailles, musée Lambinet.
Le 8 novembre 1793, quand Sophie Grandchamp, après avoir vu passer la charrette qui menait Madame Roland à l’échafaud, rentra éperdue chez elle, elle y vit arriver Mentelle, et ils pleurèrent ensemble.
Puis, Mentelle reprit sa vie ordinaire, laborieuse et honorée. En mai 1795, nous le trouvons secrétaire du Comité d’instruction publique de la Convention ; il fut, vers la même époque, de la Commission des monuments. La Convention l’inscrivit sur la liste des savants auxquels elle accorda des secours pécuniaires. Il professa la géographie, conjointement avec Buache, à l’École normale de 1795. Il fut de l’Institut dès l’origine (classe des Sciences morales et politiques, section de géographie).
Il continua, presque jusqu’à sa dernière heure, à enseigner et à publier. Il n’avait pas les moyens de se reposer. En 1804, il professait la géographie à l’école centrale des Quatre-Nations, établie dans le ci-devant collège du Plessis, rue Saint-Jacques. Louis Bonaparte avait suivi quelque uns de ses cours ; Joseph lui demanda de diriger les études géographiques de ses enfants. « J’ai été admis dans l’intimité de la famille Bonaparte. »
Le Premier Consul lui demanda de diriger la construction d’un nouveau globe terrestre, de trois pieds de diamètre, qui ne fut terminé qu’en 1811. Un jour, Bonaparte vint voir le globe, et quand Mentelle voulut le reconduire : « Restez donc, dit le général, on ne fait pas de façons avec ses collègues ».
Ces anecdotes enfantines, recueillies par les amis de Mentelle, portent bien la marque de la période consulaire. Le vieux savant ne reçut d’ailleurs que des bienfaits de la puissante famille. Lorsqu’il dut se faire tailler de la pierre, en 1805, à 75 ans, Joseph et Louis lui envoyèrent chacun une pension de 1,500 livres.
Comme si cette redoutable opération l’eût rajeuni, il s’avisa, étant devenu veuf depuis quelques années, de se remarier avec la fille du comte de La Noue.
Il fut mis à la retraite en 1810, octogénaire, après cinquante ans de services. Il est élu membre de l'Institut national des sciences et des arts en 1795.
Et sa production de librairie ne s’arrête pas ! On trouvera, dans la France littéraire de Quérard, l’interminable liste de ses ouvrages. Qu’il suffise de dire qu’en octobre 1813, à 83 ans accomplis, il publiait encore une Géographie classique.
Décoré de la légion d’honneur par Louis XVIII en 1814, Mentelle mourut le 28 décembre 1815 .
C’est Raoul-Rochette qui le remplaça à l’Académie
https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_de_Madame_Roland_de_1780_%C3%A0_1793/Appendices/S
Henri Beyle et le globe de Mentelle
Historia propose sur son site internet un document jamais publié dans la presse grand public commenté par son conservateur. Ce mois-ci, le procès-verbal de réception, par Henri Beyle, futur Stendhal, auditeur au Conseil d’État, d’un globe terrestre d’Edme Mentelle (1811).
Créé par la Constitution du 22 frimaire an VIII [13 décembre 1799], le Conseil d’État joue un rôle considérable sous le Premier Empire. Situé au second rang de l’État, après le Sénat, il est chargé de « rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique, et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative » (titre IV, article 52).
Le Conseil d’État napoléonien est également conçu comme une pépinière d’administrateurs pour l’Empire. La carrière des membres du Conseil d’État ne s’effectue pas impérativement au sein de l’institution : en fonction des besoins, l’empereur peut faire appel à des auditeurs ou des maîtres des requêtes pour administrer l’Empire.
C’est dans ce contexte qu’en 1806, un jeune homme de 23 ans nommé Henri Beyle – qui ne se fait pas encore appeler Stendhal – se rêve auditeur au Conseil d’État. Institués par l’arrêté du 19 germinal an XI [9 avril 1803], les auditeurs ont vocation à « remplir des places dans la carrière administrative et dans la carrière judiciaire », tout en y apprenant l’art de gouverner. Henri Beyle est nommé auditeur au Conseil d’État le 3 août 1810 et, dès le 22 août, est attaché à l’Inspection du mobilier et des bâtiments de la Couronne.
Chargé de l’inventaire des œuvres d’art des musées et palais impériaux, Henri Beyle se retrouve ainsi, le 15 mars 1811, à réceptionner un « bon et beau globe », commandé en l’an X (1802) par le Premier consul (Arch. nat., AF/IV/*/195, correspondance du secrétaire d’État).
La commande est passée au géographe Edme Mentelle, membre de l’Institut de France qui, en 1786, en avait déjà réalisé un pour le fils aîné de Louis XVI. Mentelle s’entoure alors de Jean-Baptiste Poirson, ingénieur géographe, pour dessiner la carte et de Jean Tobie Mercklein, mécanicien de la Banque de France, pour en façonner la structure. Ils réalisent ainsi un globe constitué d’une sphère en carton d’un mètre de diamètre, supportée par un socle en chêne, plaqué de bois d’acajou.
Dans son rapport de onze pages, Henri Beyle décrit minutieusement la structure du globe, la façon dont il a été réalisé et les parties du monde qui y sont représentées « suivant les observations les plus modernes ». Après une vérification du bon fonctionnement du mouvement et du « système entier », le jeune auditeur reçoit officiellement le globe « pour faire partie du mobilier impérial ». Il prend alors place dans la galerie de Diane du palais des Tuileries.
En 1811, le globe est déplacé à Meudon, où Poirson et Merklein sont chargés d’effectuer des réparations (Arch. nat., O/2/516, d. 2, p. 49-51). Transféré au château de Fontainebleau en 1861, il y trône toujours dans la galerie de Diane.
Ce document a été redécouvert lors de la rédaction du Guide de recherche dans les archives du Conseil d’État. Corédigé par les Archives nationales et le Conseil d’État, ce guide propose une description chronologique des fonds du Conseil d’État et de leurs sources complémentaires, depuis 1799 jusqu’en 1995. Il présente également des fiches thématiques d’aide à la recherche dans ces fonds. Le guide de recherche dans les archives du Conseil d’État paraîtra durant l’automne 2018.
Arnaud Romont – Cécile Robin
Département de l’Exécutif et du Législatif
Arch. nat., O/2/536
Procès-verbal de réception, par Henri Beyle, auditeur au Conseil d’État, d’un globe terrestre d’Edme Mentelle (1811).
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