Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
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Comte d'Hézècques
Mme de Sabran
La nuit, la neige
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Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Je nous propose de grappiller ensemble le baron de Maricourt
comme une manière de petit feuilleton sur la vie tumultueuse et passionnante de Mme de Flahaut, belle-soeur ( ou presque ) de Mme de Pompadour, amie très chère de l'Américain Gouverneur Morris, maîtresse de Talleyrand, grand-mère du duc de Morny, observatrice active de la Révolution et avec tout cela romancière !
Enfin, si cela vous dit ...
Adélaïde Filleul, d'abord comtesse de Flahault de la Billarderie, puis baronne de Souza, est née le 14 mai 1761 à Paris et morte dans la même ville le 19 avril 1836, nous assure WIKI malgré la légende de la carte postale ci-dessous qui nous offre une vue ancienne du château des Buisson de Longpré, en Normandie, près de la bonne ville de Falaise...
... demeure familiale du côté de la mère d'Adélaïde, elle-même née Irène Catherine du Buisson de Longpré (1720-1767). Cette dame fut l'une des multiples " petites maîtresses " de Louis XV dans l'intimité du sulfureux Parc aux Cerfs dont les pensionnaires fournies par la coupable faiblesse de Mme de Pompadour recevaient 100.000 livres pour épouser ensuite « un ambitieux ou un sot ».
La regrettable indigence des Buisson de Longpré est-elle suffisante pour expliquer la mésalliance, le 21 janvier 1747, bénie dans la chapelle du château de Longpré, de Noble Irène du Buisson, fille de M. Jacques du Buisson, seigneur de Longpré et de Noble Dame Marie-Elisabeth-Irène de Séran, qui épousait le Sieur Charles-François Filleul, fils de feu Jacques Filleul, marchand à Falaise ( J'entends d'ici mon petit Lulu étouffer un : " Fi donc ! " ) et de feue Catherine Mauban ?
Les mauvaises langues prétendirent que la naissance de Julie Filleul, soeur aînée d'Adélaïde, avait précédé les justes noces de sa mère. Julie serait née de la passade de Louis XV pour Irène de Longpré épouse Filleul.
Marmontel décrit ainsi Irène Filleul :
"C'étoit une femme d'un caractère très singulier, pleine d'esprit, et d'un esprit dont la pénétration, la vivacité, la finesse, ressembloient au coup d'oeil du lynx; elle n'avoit rien qui sentît ni la ruse ni l'artifice. Je ne lui ai jamais vu ni les illusions ni les vanités de son sexe: elle en avoit les goûts, mais simples, naturels, sans fantaisie et sans caprice. Son âme étoit vive, mais calme, sensible assez pour être aimante et bienfaisante, mais pas assez pour être le jouet de ses passions... "
Si l'on doit se garder de ternir la réputation de Mlle de Longpré, écrit comme à regret André de Maricourt, il est du devoir de l'historien d'ajouter qu'après son mariage Mlle Filleul ne jugea point utile de faire profession de vertu et que le diable vigilant ne perdit rien pour attendre. Intrigante et coquette, la jeune femme avait hâte de briller sur un autre théâtre que la banlieue d'une petite ville et de déployer à Paris ses grâces de jolie provinciale.
Par une fortune subite peut-être favorisée en haut lieu, le bon M. Filleul, usant, « pour se décrasser, de la savonnette à vilain, » ( J'adore !!! ) échangea sa charge contre celle, plus estimée, de secrétaire du Roi, et s'en fut à Paris, sitôt après son mariage, pour exercer les devoirs de sa place. La belle saison seule ramena tous les ans le jeune ménage à Longpré et à Falaise ...
Commence alors pour Irène une vie mondaine trépidante et passablement dissolue . M. Filleul, son époux peu gênant, est d'une discrétion qui va jusqu'au complet effacement. Les registres paroissiaux, qui mentionnent les baptêmes des enfants , portent invariablement la mention : « Père absent ». Mais, si Louis XV fut un protecteur de passage et Filleul un époux complaisant, Irène noue bientôt une de ces unions extra-conjugales consacrées par le temps et autorisées par le monde avec M. Bouret, fermier général de son état, très certainement le père d'Adélaïde ...
Il a été immortalisé par Diderot dans Le Neveu de Rameau, et par Van Loo dans ce tableau sur lequel il nous montre du doigt son fameux Pavillon.
LOUIS-MICHEL VAN LOO (1707-1771) ET ATELIER
Portrait d'Étienne-Michel Bouret (1710-1777) devant le Pavillon Bouret
Quoique déjà marié avec la fille d'un monsieur Tilly d'Acosta, entrepreneur de vivres , d'origine portugaise, union dont il n'avait pas reçu toutes les satisfactions qu'il en pouvait attendre et qu'elle réservait à d'autres, Etienne-Michel Bouret jugea bon de tout simplement remplacer sa femme par Mme Filleul.
Bien qu'elle fût atteinte d'une maladie inflammatoire qui devait mettre fin à ses jours, Mme Filleul était, s'il en faut croire Marmontel, d'une incontestable gourmandise, et la table de M. Bouret lui donnait toute satisfaction à cet égard. Dans son magnifique hôtel de la rue Grange-Batelière, qui passa plus tard au fermier général Laborde, il offrait à ses amis des dîners restés célèbres au cours desquels, dit-on, les femmes trouvaient en face d'elles deux bouquets, l'un de fleurs naturelles et l'autre de pierres précieuses. Voilà un homme qui savait vivre !
La chère était bonne et la compagnie très choisie dans ce logis de la rue du Mail. Elle comptait des financiers tels que les Laborde ou Cromot, la jolie cousine Mme de Séran, mais aussi toute la joyeuse société des Menus Plaisirs et, parmi les intimes, Papillon de la Ferté. Mais le meilleur des amis de Mme Filleul, le plus assidu, le plus fidèle, était le fameux Marmontel .
Après sa soeur Julie et deux petits garçons morts en bas âge, naquit Adélaïde Filleul ( notre future Mme de Flahaut ) le 14 mai 1761 des oeuvres de Bouret à n'en pas douter. Il la porta sur les fonts baptismaux . Par une inconcevable fatalité, M. Filleul était absent ce jour-là. Soit dit en passant, Etienne-Michel Bouret fut également le parrain de la future Mme de Genlis.
En 1742, Bouret avait fait l'acquisition du château de Croix-Fontaine, situé au bord de la Seine, qu'il revendit en 1769. Il agrandit la propriété par des acquisitions successives dans les années 1740 et 1750. En fait, il se livrait à de patientes manœuvres pour plaire à Louis XV et réaliser le rêve de sa vie de « parvenu » : recevoir chez lui le Roi ! Et voici comment il y réussit : Louis XV chassait fréquemment en forêt de Sénart. Bouret se hâta de faire construire en lisière du bois le magnifique pavillon de chasse de Croix-Fontaine, qui ne lui coûta pas moins de 300.000 livres.
Un beau jour, le 28 septembre 1769, Louis XV daigna s'arrêter, gravir ce joli perron et faire collation. Il était en la galante compagnie de Mme du Barry et fut agréablement flatté de trouver là sa statue de marbre sur le socle de laquelle on lisait ces vers de Voltaire :
( Ben alors ! Bouret ou Voltaire ?!! )
Hélas, Mme Filleul était morte deux ans auparavant et ne partagea pas cette heure de gloire... Sa disparition est ainsi relatée par Jean Champagnol dans "la famille Poisson" :
"1767, cette année là, maman Filleul, mourait après avoir beaucoup aimé et beaucoup bu, car elle soignait ses douleurs d'estomac au malaga et le malaga l'emporta..."
Mme Filleul avant de mourir avait eu le bonheur de marier sa fille aînée, Julie, au marquis de Marigny, le propre frère de feue Mme de Pompadour ! Ce mariage avait été célébré avec grand faste au château de Ménars en janvier 1767 .
L'éternel absent M. Filleul ( ce qui avait bien arrangé tout le monde, disons-le ) suivit de peu sa femme dans le royaume des ombres . Ruiné, désespéré, il alla implorer quelque secours auprès de son gendre le marquis de Marigny qui fit la sourde oreille.
A la suite d'un refus formel, l'infortuné Filleul, la tête perdue, s'enfuit dans les jardins. En face de l'hôtel de la place des Victoires où son gendre menait une vie fastueuse, un coup de feu retentit, M. Filleul venait de mettre fin à ses jours, laissant orpheline la petite Adélaïde Filleul, sa fille .
La passion de la construction, fut fatale au grand Bouret qui se ruina finalement dans une opération de spéculation immobilière à Paris. Lourdement endetté, il se suicida à l'arsenic en 1777 dans son hôtel du no 43 rue du Faubourg-Saint-Honoré (ancien no 16) aujourd'hui démoli.
Adélaïde était orpheline et ( presque ) seule au monde.
Notre sujet peut commencer ...
A SUIVRE ...
comme une manière de petit feuilleton sur la vie tumultueuse et passionnante de Mme de Flahaut, belle-soeur ( ou presque ) de Mme de Pompadour, amie très chère de l'Américain Gouverneur Morris, maîtresse de Talleyrand, grand-mère du duc de Morny, observatrice active de la Révolution et avec tout cela romancière !
Enfin, si cela vous dit ...
Adélaïde Filleul, d'abord comtesse de Flahault de la Billarderie, puis baronne de Souza, est née le 14 mai 1761 à Paris et morte dans la même ville le 19 avril 1836, nous assure WIKI malgré la légende de la carte postale ci-dessous qui nous offre une vue ancienne du château des Buisson de Longpré, en Normandie, près de la bonne ville de Falaise...
... demeure familiale du côté de la mère d'Adélaïde, elle-même née Irène Catherine du Buisson de Longpré (1720-1767). Cette dame fut l'une des multiples " petites maîtresses " de Louis XV dans l'intimité du sulfureux Parc aux Cerfs dont les pensionnaires fournies par la coupable faiblesse de Mme de Pompadour recevaient 100.000 livres pour épouser ensuite « un ambitieux ou un sot ».
La regrettable indigence des Buisson de Longpré est-elle suffisante pour expliquer la mésalliance, le 21 janvier 1747, bénie dans la chapelle du château de Longpré, de Noble Irène du Buisson, fille de M. Jacques du Buisson, seigneur de Longpré et de Noble Dame Marie-Elisabeth-Irène de Séran, qui épousait le Sieur Charles-François Filleul, fils de feu Jacques Filleul, marchand à Falaise ( J'entends d'ici mon petit Lulu étouffer un : " Fi donc ! " ) et de feue Catherine Mauban ?
Les mauvaises langues prétendirent que la naissance de Julie Filleul, soeur aînée d'Adélaïde, avait précédé les justes noces de sa mère. Julie serait née de la passade de Louis XV pour Irène de Longpré épouse Filleul.
Marmontel décrit ainsi Irène Filleul :
"C'étoit une femme d'un caractère très singulier, pleine d'esprit, et d'un esprit dont la pénétration, la vivacité, la finesse, ressembloient au coup d'oeil du lynx; elle n'avoit rien qui sentît ni la ruse ni l'artifice. Je ne lui ai jamais vu ni les illusions ni les vanités de son sexe: elle en avoit les goûts, mais simples, naturels, sans fantaisie et sans caprice. Son âme étoit vive, mais calme, sensible assez pour être aimante et bienfaisante, mais pas assez pour être le jouet de ses passions... "
Si l'on doit se garder de ternir la réputation de Mlle de Longpré, écrit comme à regret André de Maricourt, il est du devoir de l'historien d'ajouter qu'après son mariage Mlle Filleul ne jugea point utile de faire profession de vertu et que le diable vigilant ne perdit rien pour attendre. Intrigante et coquette, la jeune femme avait hâte de briller sur un autre théâtre que la banlieue d'une petite ville et de déployer à Paris ses grâces de jolie provinciale.
Par une fortune subite peut-être favorisée en haut lieu, le bon M. Filleul, usant, « pour se décrasser, de la savonnette à vilain, » ( J'adore !!! ) échangea sa charge contre celle, plus estimée, de secrétaire du Roi, et s'en fut à Paris, sitôt après son mariage, pour exercer les devoirs de sa place. La belle saison seule ramena tous les ans le jeune ménage à Longpré et à Falaise ...
Commence alors pour Irène une vie mondaine trépidante et passablement dissolue . M. Filleul, son époux peu gênant, est d'une discrétion qui va jusqu'au complet effacement. Les registres paroissiaux, qui mentionnent les baptêmes des enfants , portent invariablement la mention : « Père absent ». Mais, si Louis XV fut un protecteur de passage et Filleul un époux complaisant, Irène noue bientôt une de ces unions extra-conjugales consacrées par le temps et autorisées par le monde avec M. Bouret, fermier général de son état, très certainement le père d'Adélaïde ...
Il a été immortalisé par Diderot dans Le Neveu de Rameau, et par Van Loo dans ce tableau sur lequel il nous montre du doigt son fameux Pavillon.
LOUIS-MICHEL VAN LOO (1707-1771) ET ATELIER
Portrait d'Étienne-Michel Bouret (1710-1777) devant le Pavillon Bouret
Quoique déjà marié avec la fille d'un monsieur Tilly d'Acosta, entrepreneur de vivres , d'origine portugaise, union dont il n'avait pas reçu toutes les satisfactions qu'il en pouvait attendre et qu'elle réservait à d'autres, Etienne-Michel Bouret jugea bon de tout simplement remplacer sa femme par Mme Filleul.
Bien qu'elle fût atteinte d'une maladie inflammatoire qui devait mettre fin à ses jours, Mme Filleul était, s'il en faut croire Marmontel, d'une incontestable gourmandise, et la table de M. Bouret lui donnait toute satisfaction à cet égard. Dans son magnifique hôtel de la rue Grange-Batelière, qui passa plus tard au fermier général Laborde, il offrait à ses amis des dîners restés célèbres au cours desquels, dit-on, les femmes trouvaient en face d'elles deux bouquets, l'un de fleurs naturelles et l'autre de pierres précieuses. Voilà un homme qui savait vivre !
La chère était bonne et la compagnie très choisie dans ce logis de la rue du Mail. Elle comptait des financiers tels que les Laborde ou Cromot, la jolie cousine Mme de Séran, mais aussi toute la joyeuse société des Menus Plaisirs et, parmi les intimes, Papillon de la Ferté. Mais le meilleur des amis de Mme Filleul, le plus assidu, le plus fidèle, était le fameux Marmontel .
Après sa soeur Julie et deux petits garçons morts en bas âge, naquit Adélaïde Filleul ( notre future Mme de Flahaut ) le 14 mai 1761 des oeuvres de Bouret à n'en pas douter. Il la porta sur les fonts baptismaux . Par une inconcevable fatalité, M. Filleul était absent ce jour-là. Soit dit en passant, Etienne-Michel Bouret fut également le parrain de la future Mme de Genlis.
En 1742, Bouret avait fait l'acquisition du château de Croix-Fontaine, situé au bord de la Seine, qu'il revendit en 1769. Il agrandit la propriété par des acquisitions successives dans les années 1740 et 1750. En fait, il se livrait à de patientes manœuvres pour plaire à Louis XV et réaliser le rêve de sa vie de « parvenu » : recevoir chez lui le Roi ! Et voici comment il y réussit : Louis XV chassait fréquemment en forêt de Sénart. Bouret se hâta de faire construire en lisière du bois le magnifique pavillon de chasse de Croix-Fontaine, qui ne lui coûta pas moins de 300.000 livres.
Un beau jour, le 28 septembre 1769, Louis XV daigna s'arrêter, gravir ce joli perron et faire collation. Il était en la galante compagnie de Mme du Barry et fut agréablement flatté de trouver là sa statue de marbre sur le socle de laquelle on lisait ces vers de Voltaire :
Juste, simple, modeste, au-dessus des grandeurs,
Au-dessus de l'éloge il ne veut que nos cœurs.
Qui fit ces vers dictés par la reconnaissance?
Esl-ce Bouret ? Non, c'est la France
Au-dessus de l'éloge il ne veut que nos cœurs.
Qui fit ces vers dictés par la reconnaissance?
Esl-ce Bouret ? Non, c'est la France
( Ben alors ! Bouret ou Voltaire ?!! )
Hélas, Mme Filleul était morte deux ans auparavant et ne partagea pas cette heure de gloire... Sa disparition est ainsi relatée par Jean Champagnol dans "la famille Poisson" :
"1767, cette année là, maman Filleul, mourait après avoir beaucoup aimé et beaucoup bu, car elle soignait ses douleurs d'estomac au malaga et le malaga l'emporta..."
Mme Filleul avant de mourir avait eu le bonheur de marier sa fille aînée, Julie, au marquis de Marigny, le propre frère de feue Mme de Pompadour ! Ce mariage avait été célébré avec grand faste au château de Ménars en janvier 1767 .
L'éternel absent M. Filleul ( ce qui avait bien arrangé tout le monde, disons-le ) suivit de peu sa femme dans le royaume des ombres . Ruiné, désespéré, il alla implorer quelque secours auprès de son gendre le marquis de Marigny qui fit la sourde oreille.
A la suite d'un refus formel, l'infortuné Filleul, la tête perdue, s'enfuit dans les jardins. En face de l'hôtel de la place des Victoires où son gendre menait une vie fastueuse, un coup de feu retentit, M. Filleul venait de mettre fin à ses jours, laissant orpheline la petite Adélaïde Filleul, sa fille .
La passion de la construction, fut fatale au grand Bouret qui se ruina finalement dans une opération de spéculation immobilière à Paris. Lourdement endetté, il se suicida à l'arsenic en 1777 dans son hôtel du no 43 rue du Faubourg-Saint-Honoré (ancien no 16) aujourd'hui démoli.
Adélaïde était orpheline et ( presque ) seule au monde.
Notre sujet peut commencer ...
A SUIVRE ...
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55506
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Très jeune, Adélaïde Filleul fut mise dans un couvent de Paris dont elle conserva l'ineffaçable souvenir, mais dont le nom ne nous est pas resté. Lorsqu'elle aura atteint l'âge de soixante-six ans, elle en parlera encore avec émotion. Et déjà se révélait, chez cette enfant précoce, les germes d'un esprit critique.
Dans sa vieillesse elle écrira à l'un de ses amis :
« Quand j'étais au couvent, je vous aurais fourni de belles pensées sur les pieux anachorètes. Mon esprit n'est entré dans le doute que lorsqu'on m'a voulu faire croire à un saint Hilarion qui est resté quarante ans sur un pied , l'autre en l'air , debout au haut d'une colonne.
Le Malin m'a crié intérieurement : à quoi bon ? et depuis lors j'ai cru que les seules œuvres agréables à Dieu sont celles qui font du bien aux autres. »
Quelle est sympathique, cette petite !
Son couvent, elle l'aimait beaucoup, mais, ne l'envisageant point par le côté mystique que sa tournure d'esprit était incapable de concevoir, regrette le baron de Maricourt, elle en retint ce qu'elle y trouva d'aimable et de gai. Il fut pour elle, suivant l'expression un peu démodée d'un critique du temps : « Une volière de colombes amies », où elle contracta l'amour de la vie sociale et de la conversation. Aussi se plaira-t-elle à le peindre plus tard dans deux de ses romans, Adèle de Senange et la Comtesse de Fargy,
Chaque année, les vacances d'Adélaïde s'écoulaient au Mesnil de Longpré. Dans la trouée des haies dans lesquelles s'égaient les oiseaux, elle pouvait voir la ville de Falaise et l'imposante silhouette du château de Robert le Diable, le père de Guillaume. Prés du château de Longpré, seulement séparé du Mesnil-Longpré par des herbages, des champs, des arbres séculaires, se dressait ( et se dresse toujours ) le joli château de la Tour, aux lignes classiques.
Là demeurait, le cousin germain de Mme Filleul, Louis-François comte de Séran. Cet homme de bonne maison, n'ayant pour tout bien que sa terre de la Tour, était d'une déplorable laideur, roux, mal fait, borgne et un dragon dans l'œil ( c'est koikoi ?! ) ; au demeurant le plus honnête et le meilleur des hommes. Il était sur le déclin de l'âge, lorsque M. de Bullioud, gouverneur des pages du duc d'Orléans, lui offrit, avec sa place, la main de sa fille Adélaïde, jeune personne faite à peindre, dont la beauté se rehaussait des charmes de la bonté et de l'innocence. La pauvrette eut un sursaut d'horreur.
— Vous me trouvez bien laid, lui dit-il, et ma laideur vous épouvante. Si cette répugnance est invincible, parlez-moi comme à un ami, le secret vous sera gardé et je prendrai sur moi la rupture. Cependant, s'il était possible de vous rendre supportables dans un mari ces disgrâces de la nature et s'il ne fallait pour cela que les soins et les complaisances d'une bonne et tendre amitié, vous pourriez les attendre du cœur d'un honnête homme qui vous saurait gré, toute la vie, de ne l'avoir point rebuté. Consultez-vous et répondez- moi. Vous êtes parfaitement libre.
Telle fut, nous raconte Marmontel, la demande en mariage de M. de Séran, et ainsi Mlle de Bullioud devint-elle Mme de Séran.
http://favoritesroyales.canalblog.com/archives/2012/12/06/25755782.html
A cette différence près, nous rassure André de Maricourt, que M. de Séran ne subit aucune métamorphose heureuse, l'histoire se termina comme le conte de la Belle et de la Bête.
Lorsqu'elle quitta sa pension, à l'âge de quinze ans, deux femmes servirent l'une de Mentor et l'autre de mère à Adélaïde Filleul. Ce furent Mme de Séran, sa tante, et la marquise de Marigny, sa soeur aînée.
A SUIVRE ...
Dans sa vieillesse elle écrira à l'un de ses amis :
« Quand j'étais au couvent, je vous aurais fourni de belles pensées sur les pieux anachorètes. Mon esprit n'est entré dans le doute que lorsqu'on m'a voulu faire croire à un saint Hilarion qui est resté quarante ans sur un pied , l'autre en l'air , debout au haut d'une colonne.
Le Malin m'a crié intérieurement : à quoi bon ? et depuis lors j'ai cru que les seules œuvres agréables à Dieu sont celles qui font du bien aux autres. »
Quelle est sympathique, cette petite !
Son couvent, elle l'aimait beaucoup, mais, ne l'envisageant point par le côté mystique que sa tournure d'esprit était incapable de concevoir, regrette le baron de Maricourt, elle en retint ce qu'elle y trouva d'aimable et de gai. Il fut pour elle, suivant l'expression un peu démodée d'un critique du temps : « Une volière de colombes amies », où elle contracta l'amour de la vie sociale et de la conversation. Aussi se plaira-t-elle à le peindre plus tard dans deux de ses romans, Adèle de Senange et la Comtesse de Fargy,
Chaque année, les vacances d'Adélaïde s'écoulaient au Mesnil de Longpré. Dans la trouée des haies dans lesquelles s'égaient les oiseaux, elle pouvait voir la ville de Falaise et l'imposante silhouette du château de Robert le Diable, le père de Guillaume. Prés du château de Longpré, seulement séparé du Mesnil-Longpré par des herbages, des champs, des arbres séculaires, se dressait ( et se dresse toujours ) le joli château de la Tour, aux lignes classiques.
Là demeurait, le cousin germain de Mme Filleul, Louis-François comte de Séran. Cet homme de bonne maison, n'ayant pour tout bien que sa terre de la Tour, était d'une déplorable laideur, roux, mal fait, borgne et un dragon dans l'œil ( c'est koikoi ?! ) ; au demeurant le plus honnête et le meilleur des hommes. Il était sur le déclin de l'âge, lorsque M. de Bullioud, gouverneur des pages du duc d'Orléans, lui offrit, avec sa place, la main de sa fille Adélaïde, jeune personne faite à peindre, dont la beauté se rehaussait des charmes de la bonté et de l'innocence. La pauvrette eut un sursaut d'horreur.
— Vous me trouvez bien laid, lui dit-il, et ma laideur vous épouvante. Si cette répugnance est invincible, parlez-moi comme à un ami, le secret vous sera gardé et je prendrai sur moi la rupture. Cependant, s'il était possible de vous rendre supportables dans un mari ces disgrâces de la nature et s'il ne fallait pour cela que les soins et les complaisances d'une bonne et tendre amitié, vous pourriez les attendre du cœur d'un honnête homme qui vous saurait gré, toute la vie, de ne l'avoir point rebuté. Consultez-vous et répondez- moi. Vous êtes parfaitement libre.
Telle fut, nous raconte Marmontel, la demande en mariage de M. de Séran, et ainsi Mlle de Bullioud devint-elle Mme de Séran.
http://favoritesroyales.canalblog.com/archives/2012/12/06/25755782.html
A cette différence près, nous rassure André de Maricourt, que M. de Séran ne subit aucune métamorphose heureuse, l'histoire se termina comme le conte de la Belle et de la Bête.
Lorsqu'elle quitta sa pension, à l'âge de quinze ans, deux femmes servirent l'une de Mentor et l'autre de mère à Adélaïde Filleul. Ce furent Mme de Séran, sa tante, et la marquise de Marigny, sa soeur aînée.
A SUIVRE ...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55506
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Merci pour cet exposé biographique. Quoique orpheline, la jeune Adélaïde est bien entourée...
Le portrait de sa soeur, Julie, en compagnie de son époux, le marquis de Marigny (frère de Mme de Pompadour) :
Portrait du marquis de Marigny (1727-1781) et de sa femme, née Marie-Françoise Constance Julie Filleul (1751-1822)
Louis-Michel Van Loo
Huile sur toile, 1769
Image : 2012 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec
Le portrait de sa soeur, Julie, en compagnie de son époux, le marquis de Marigny (frère de Mme de Pompadour) :
Portrait du marquis de Marigny (1727-1781) et de sa femme, née Marie-Françoise Constance Julie Filleul (1751-1822)
Louis-Michel Van Loo
Huile sur toile, 1769
Image : 2012 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec
La nuit, la neige- Messages : 18135
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Très beau tableau, je te remercie .
Marigny est trop connu comme surintendant des bâtiments du Roi et comme protecteur des arts pour qu'il soit besoin d'en parler longuement ici, écrit André de Maricourt. Avec les qualités essentielles de « l'honnête homme » et quelques- unes même des qualités de l'homme aimable, de l'esprit, de la culture, un goût éclairé dans les arts qu'il avait étudiés avec soin, il possédait une droiture, une franchise et une probité rares. Mais en lui l'humeur gâtait tout, et cette humeur ombrageuse était souvent hérissée de rudesse et de brusquerie. Chatouilleux par tempérament et par situation, il se croyait en butte aux perpétuels sarcasmes sur les origines de sa fortune ; et les bruits plaisants qui effleuraient un autre le blessaient jusqu'au fond de l'âme. Appréhendant de n'être point agréé pour lui-même dans le plus grand monde, il avait toujours refusé les unions princières que lui avait proposées Mme de Pompadour, et cette obstination à demeurer dans le célibat avait été souvent, du vivant de la marquise, l'occasion de méchantes querelles entre le frère et la sœur.
Parce que Mme Filleul avait été la maîtresse passagère de Louis XV , au Parc-aux-cerfs, d'abord en 1750 puis en 1760, on a peut-être attribué abusivement au roi la paternité de Julie, née à la fin de l’année 1751. Son géniteur pourrait aussi bien avoir été le fermier général, Étienne-Michel Bouret…
Mais le contrat de mariage de Julie contresigné par le roi et la reine le 28 décembre 1766, la confortait hélas dans la croyance en sa bâtardise royale et en conséquence, elle méprisera toujours son généreux mais vieil époux Abel Poisson, marquis de Vandières et de Marigny, lui-même parvenu dans le monde grâce à sa sœur, favorite royale.
Après la mort, de leur fille unique, Jeanne Charlotte Adélaïde (29 décembre 1771- 25 mai 1772 Ménars), les Marigny se sépareront à l’amiable. Le ménage n’aura sans jamais été heureux, sans doute en grande partie à cause de l'influence légère et frivole de Mmes Filleul et de Séran sur Julie de Marigny.
Marigny est trop connu comme surintendant des bâtiments du Roi et comme protecteur des arts pour qu'il soit besoin d'en parler longuement ici, écrit André de Maricourt. Avec les qualités essentielles de « l'honnête homme » et quelques- unes même des qualités de l'homme aimable, de l'esprit, de la culture, un goût éclairé dans les arts qu'il avait étudiés avec soin, il possédait une droiture, une franchise et une probité rares. Mais en lui l'humeur gâtait tout, et cette humeur ombrageuse était souvent hérissée de rudesse et de brusquerie. Chatouilleux par tempérament et par situation, il se croyait en butte aux perpétuels sarcasmes sur les origines de sa fortune ; et les bruits plaisants qui effleuraient un autre le blessaient jusqu'au fond de l'âme. Appréhendant de n'être point agréé pour lui-même dans le plus grand monde, il avait toujours refusé les unions princières que lui avait proposées Mme de Pompadour, et cette obstination à demeurer dans le célibat avait été souvent, du vivant de la marquise, l'occasion de méchantes querelles entre le frère et la sœur.
Parce que Mme Filleul avait été la maîtresse passagère de Louis XV , au Parc-aux-cerfs, d'abord en 1750 puis en 1760, on a peut-être attribué abusivement au roi la paternité de Julie, née à la fin de l’année 1751. Son géniteur pourrait aussi bien avoir été le fermier général, Étienne-Michel Bouret…
Mais le contrat de mariage de Julie contresigné par le roi et la reine le 28 décembre 1766, la confortait hélas dans la croyance en sa bâtardise royale et en conséquence, elle méprisera toujours son généreux mais vieil époux Abel Poisson, marquis de Vandières et de Marigny, lui-même parvenu dans le monde grâce à sa sœur, favorite royale.
Après la mort, de leur fille unique, Jeanne Charlotte Adélaïde (29 décembre 1771- 25 mai 1772 Ménars), les Marigny se sépareront à l’amiable. Le ménage n’aura sans jamais été heureux, sans doute en grande partie à cause de l'influence légère et frivole de Mmes Filleul et de Séran sur Julie de Marigny.
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Mme de Sabran- Messages : 55506
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
On voyait au château de la Tour deux portraits attribués au peintre de la Cour, Jean-Marc Nattier, qui représentaient Mme de Séran en nuit, et M'"" de Marigny en jour. Toutes deux étaient d'une grande beauté. J'aurais bien aimé les retrouver, mais point !
A la Tour séjournait Marmontel en habitué des lieux. Il écrivit les Incas (ou La destruction de l'empire du Pérou ) dans une chambre qui a conservé ce nom.
Le vicomte de Ségur de l'Académie française y vint souvent et grava des vers sur un rocher de « l'Ile d'Amour », que l'on voyait alors dans le parc du château.
" Si tu sais réfléchir, contemple ce ruisseau :
Il doit te présenter l’image de la vie :
Que d’obstacles à vaincre ! Un enfant, un roseau
Peut contraindre sa marche au gré de son envie.
Mais, honteux d’en gémir, il triomphe de tout.
Il voit sans s’effrayer la pente qui l’entraine ;
Sa course est un travail, et la mort est au bout.
Mortel, ainsi que lui, supporte donc ta peine ! "
C'est sans doute certainement à la Tour qu'Adélaïde Filleul connut M. de Ségur, que nous retrouverons par la suite , puisque la jeune-fille se partageait entre Longpré et la Tour, auprès de Mme de Marigny et Mme de Séran.
Mme de Séran, à la fin du XVIIIe siècle, avait fait du Château de la Tour (dont la construction venait d’être achevée) l’un des rendez-vous les plus célèbres des écrivains de ce temps. « Autour d’elle, disait Galeron, s’était formé une cour de beaux esprits, parmi lesquels on remarquait Delille ».
Delille et l'incontournable Marmontel venaient ensemble à la Tour. Marmontel, dans ses mémoires, représente Mme de Séran comme l’une des femmes les plus agréables de son temps.
Madame de Genlis, au contraire, l'étrille absolument :
Mme de Serrant ( sic ) avait une grande réputation de beauté. II y avait de la rudesse dans son visage et quelque chose de commun dans sa taille, ainsi que dans toute sa personne et dans son langage des mots vulgaires et des phrases pleines d'affectation. Cependant elle avait de l'esprit.
Feue Mme Filleul avait poussé Mme de Séran sur le passage du roi. Fut-elle la maîtresse de Louis XV ? Marmontel jure ses grands dieux que non que non !!! ... hum ...
Ses amis tentèrent de lui trouver une position auprès de la duchesse de Chartres, mais elle devait d'abord être présentée au roi.
Voici ( en raccourci ) comment l'angélique Marmontel relate la relation entre Mme de Séran et Louis XV :
Le roi, après avoir écouté plus attentivement l'éloge de sa beauté que les témoignages sur sa noblesse, mit pour condition à son consentement qu'après sa présentation elle irait l'en remercier ; article secret pour M. de Séran, et auquel sa femme elle-même ne s'était pas attendue : car, de bien bonne foi, elle n'aspirait qu'à la place qui lui était promise dans la cour du duc d'Orléans ; et, lorsqu'au rendez-vous que lui donna le roi dans ses petits cabinets, il fallut aller seule le remercier tête à tête, j'ai su qu'elle en était tremblante. Cependant elle s'y rendit, et j'arrivai chez Mme Filleul comme on y attendait son retour… Le roi ne s'était pas fait attendre. Il l'avait abordée d'un air aimable, lui avait pris les mains, les lui avait baisées respectueusement; et, la voyant craintive, il l'avait rassurée par de douces paroles et un regard plein de bonté. Ensuite il l'avait fait asseoir vis-à-vis de lui, l'avait félicitée sur le succès de sa présentation, en lui disant que rien de si beau n'avait paru dans sa cour, et que tout le monde en était d'accord. “Il est donc bien vrai, Sire, lui a-t-elle répondu, que le bonheur nous embellit, et, si cela est, je dois être encore plus belle en ce moment. – Aussi l'êtes-vous”, lui a-t-il dit en la prenant les mains et en les serrant doucement dans les siennes, qui étaient tremblantes. Après un moment de silence où ses regards seuls lui parlaient, il lui a demandé quelle serait la place qu’elle ambitionnerait à sa cour. Elle lui a répondu: “La place de la princesse d'Armagnac (c'était une vieille amie du roi qui venait de mourir). – Ah ! vous êtes bien jeune, m'a-t-il dit, pour remplacer une amie qui m'a vu naître, qui m'a tenu sur ses genoux, et que j'ai chérie dès le berceau. Il faut du temps, Madame, pour obtenir ma confiance : j'ai tant de fois été trompé ! – Oh ! je ne vous tromperai pas, lui ai-je dit; et, pour mériter le beau titre de votre amie, s'il ne faut que du temps, j'en ai à vous donner.”
Elle finit par se rendre tous les dimanches dans les petits appartements.
Marmontel, peut être naïf, explique qu'il ne s'agissait que de conversations innocentes :
« Si le roi avait été jeune, et animé de ce feu qui donne de l'audace et qui la fait pardonner, je n'aurais pas juré que la jeune et sage comtesse eût toujours passé sans péril le pas glissant du tête-à-tête ; mais un désir faible, timide, mal assuré, tel qu'il était dans un homme vieilli par les plaisirs plus que par les années, avait besoin d'être encouragé, et un air de décence, de réserve et de modestie, n'était pas ce qu'il lui fallait. La jeune femme le sentait bien. “Aussi, nous disait-elle, il n'osera jamais être que mon ami, j'en suis sûre; et je m'en tiens là.”
A la Tour séjournait Marmontel en habitué des lieux. Il écrivit les Incas (ou La destruction de l'empire du Pérou ) dans une chambre qui a conservé ce nom.
Le vicomte de Ségur de l'Académie française y vint souvent et grava des vers sur un rocher de « l'Ile d'Amour », que l'on voyait alors dans le parc du château.
" Si tu sais réfléchir, contemple ce ruisseau :
Il doit te présenter l’image de la vie :
Que d’obstacles à vaincre ! Un enfant, un roseau
Peut contraindre sa marche au gré de son envie.
Mais, honteux d’en gémir, il triomphe de tout.
Il voit sans s’effrayer la pente qui l’entraine ;
Sa course est un travail, et la mort est au bout.
Mortel, ainsi que lui, supporte donc ta peine ! "
C'est sans doute certainement à la Tour qu'Adélaïde Filleul connut M. de Ségur, que nous retrouverons par la suite , puisque la jeune-fille se partageait entre Longpré et la Tour, auprès de Mme de Marigny et Mme de Séran.
Mme de Séran, à la fin du XVIIIe siècle, avait fait du Château de la Tour (dont la construction venait d’être achevée) l’un des rendez-vous les plus célèbres des écrivains de ce temps. « Autour d’elle, disait Galeron, s’était formé une cour de beaux esprits, parmi lesquels on remarquait Delille ».
Delille et l'incontournable Marmontel venaient ensemble à la Tour. Marmontel, dans ses mémoires, représente Mme de Séran comme l’une des femmes les plus agréables de son temps.
Madame de Genlis, au contraire, l'étrille absolument :
Mme de Serrant ( sic ) avait une grande réputation de beauté. II y avait de la rudesse dans son visage et quelque chose de commun dans sa taille, ainsi que dans toute sa personne et dans son langage des mots vulgaires et des phrases pleines d'affectation. Cependant elle avait de l'esprit.
Feue Mme Filleul avait poussé Mme de Séran sur le passage du roi. Fut-elle la maîtresse de Louis XV ? Marmontel jure ses grands dieux que non que non !!! ... hum ...
Ses amis tentèrent de lui trouver une position auprès de la duchesse de Chartres, mais elle devait d'abord être présentée au roi.
Voici ( en raccourci ) comment l'angélique Marmontel relate la relation entre Mme de Séran et Louis XV :
Le roi, après avoir écouté plus attentivement l'éloge de sa beauté que les témoignages sur sa noblesse, mit pour condition à son consentement qu'après sa présentation elle irait l'en remercier ; article secret pour M. de Séran, et auquel sa femme elle-même ne s'était pas attendue : car, de bien bonne foi, elle n'aspirait qu'à la place qui lui était promise dans la cour du duc d'Orléans ; et, lorsqu'au rendez-vous que lui donna le roi dans ses petits cabinets, il fallut aller seule le remercier tête à tête, j'ai su qu'elle en était tremblante. Cependant elle s'y rendit, et j'arrivai chez Mme Filleul comme on y attendait son retour… Le roi ne s'était pas fait attendre. Il l'avait abordée d'un air aimable, lui avait pris les mains, les lui avait baisées respectueusement; et, la voyant craintive, il l'avait rassurée par de douces paroles et un regard plein de bonté. Ensuite il l'avait fait asseoir vis-à-vis de lui, l'avait félicitée sur le succès de sa présentation, en lui disant que rien de si beau n'avait paru dans sa cour, et que tout le monde en était d'accord. “Il est donc bien vrai, Sire, lui a-t-elle répondu, que le bonheur nous embellit, et, si cela est, je dois être encore plus belle en ce moment. – Aussi l'êtes-vous”, lui a-t-il dit en la prenant les mains et en les serrant doucement dans les siennes, qui étaient tremblantes. Après un moment de silence où ses regards seuls lui parlaient, il lui a demandé quelle serait la place qu’elle ambitionnerait à sa cour. Elle lui a répondu: “La place de la princesse d'Armagnac (c'était une vieille amie du roi qui venait de mourir). – Ah ! vous êtes bien jeune, m'a-t-il dit, pour remplacer une amie qui m'a vu naître, qui m'a tenu sur ses genoux, et que j'ai chérie dès le berceau. Il faut du temps, Madame, pour obtenir ma confiance : j'ai tant de fois été trompé ! – Oh ! je ne vous tromperai pas, lui ai-je dit; et, pour mériter le beau titre de votre amie, s'il ne faut que du temps, j'en ai à vous donner.”
Elle finit par se rendre tous les dimanches dans les petits appartements.
Marmontel, peut être naïf, explique qu'il ne s'agissait que de conversations innocentes :
« Si le roi avait été jeune, et animé de ce feu qui donne de l'audace et qui la fait pardonner, je n'aurais pas juré que la jeune et sage comtesse eût toujours passé sans péril le pas glissant du tête-à-tête ; mais un désir faible, timide, mal assuré, tel qu'il était dans un homme vieilli par les plaisirs plus que par les années, avait besoin d'être encouragé, et un air de décence, de réserve et de modestie, n'était pas ce qu'il lui fallait. La jeune femme le sentait bien. “Aussi, nous disait-elle, il n'osera jamais être que mon ami, j'en suis sûre; et je m'en tiens là.”
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
C'est chez son beau-frère, le marquis de Marigny, qu'Adélaïde, lorsqu'elle n'était pas à la Tour ou à Longpré, vécut les derniers jours de sa vie de jeune fille, quand elle eût quitté, vers l'âge de seize ans, le couvent où elle avait été élevée.
Agréable, piquante et gaie, elle était cependant alors éclipsée par Mme de Marigny et rejetée à ce second rang d'où l'on observe le mieux, en silence, la comédie humaine. Elle n'était mêlée que de loin à l'existence mondaine de sa sœur. Son âge, sa naissance roturière, la médiocre condition sociale léguée par ses parents, l'écartait de la Cour et des salons aristocratiques.
L'éducation mondaine d'Adélaïde Filleul se faisait donc principalement dans le cercle des amis que M. de Marigny recevait à Paris et à Ménars. Or celui-ci, que ses origines douteuses poursuivaient toujours comme une obsession pénible au milieu des grands, choisissait son habituelle société parmi ces traitants dont sa sœur, Mme de Pompadour, disait jadis à Mme de la Ferté-lmbault qu'ils avaient bien mauvais ton ... Les Filleul, comme les Poisson, comme les Bouret et comme tant d'autres financiers, qui n'étaient à l'origine que des croquants ( ), appartenaient à cette classe spéciale de gens du monde qui, par leur naissance,... ne sont point du monde.
Avides de plaisirs, ils apportaient au milieu du luxe des appétits violents et des passions fortes, en sorte que la soif de jouissance était parfois la morale unique qui leur servît de règle. C'est un truisme de dire que ce sont eux qui ont le plus contribué à souiller l'image que nous nous faisons du XVIIIe siècle ; mais il est des vérités toujours bonnes à répéter. D'autre part, comme les deux extrêmes se touchent et s'unissent volontiers dans le mal, nombre de courtisans bien nés les imitaient dans leur corruption et les suivaient dans leurs vices.
La question se pose de savoir si cette époque fut en vérité beaucoup plus dissolue qu'une autre ou si elle eut seulement l'impudeur, ou la franchise, de ne se point masquer.
Adélaïde Filleul, fleur délicate et charmante, éclose sur un terrain qui n'était point à l'abri de toute souillure, n'échappa point à l'atmosphère corrompue de ce milieu de plaisir.
Le contraste était frappant à Ménars entre l'harmonie paisible des lieux et le désaccord de plus en plus irréversible qui séparait les Marigny ... Madame était coquette, Monsieur un grand jaloux. Il fatiguait sa femme de scènes de plus en plus fréquentes. Un jour vint où ce ne fut pas sans raisons . Julie avait succombé au jeune et très séduisant ( paraît-il ) cardinal de Rohan, qui n'avait d'ecclésiastique que le titre, et auquel une certaine Affaire d'un certain Collier allait bientôt conférer une désastreuse célébrité.
Mme de Marigny était mordue et allait jeter sa respectabilité aux orties. Marigny le sut, et sa fureur n'eut d'égale que son désespoir. Les querelles allèrent croissant, défrayant les conversations du public, jusqu'au jour où la marquise n'y put tenir.
Au cours de l'année 1778, un beau matin, elle sortit du château de Ménars à la dérobée dans son carrosse, et elle écrivit à son mari une lettre par laquelle elle lui marquait son inébranlable résolution de l'abandonner à tout jamais.
Heureuse, enfin libre et sans souci du désespoir de son mari, Julie s'installa après sa fuite à l'Abbaye-au-Bois, où les veuves de haut rang et les femmes en instance de séparation trouvaient alors un asile décent.
Louis XV ayant bien voulu, dans sa munificence, porter à 60.000 livres sa pension de 20.000 , elle y tint une maison magnifique, recevant chez elle toute la société élégante d'alors.
Adélaïde suivit sa soeur à l'Abbaye-au-Bois, un soupirant sur ses talons, et vous devinez sans doute qu'il s'agit du comte de Flahaut ...
Il se trouvait être un ami du marquis de Marigny, situation peut-être un peu gênante, mais il n'allait pourtant pas tarder à déclarer sa flamme .
A SUIVRE ...
Agréable, piquante et gaie, elle était cependant alors éclipsée par Mme de Marigny et rejetée à ce second rang d'où l'on observe le mieux, en silence, la comédie humaine. Elle n'était mêlée que de loin à l'existence mondaine de sa sœur. Son âge, sa naissance roturière, la médiocre condition sociale léguée par ses parents, l'écartait de la Cour et des salons aristocratiques.
L'éducation mondaine d'Adélaïde Filleul se faisait donc principalement dans le cercle des amis que M. de Marigny recevait à Paris et à Ménars. Or celui-ci, que ses origines douteuses poursuivaient toujours comme une obsession pénible au milieu des grands, choisissait son habituelle société parmi ces traitants dont sa sœur, Mme de Pompadour, disait jadis à Mme de la Ferté-lmbault qu'ils avaient bien mauvais ton ... Les Filleul, comme les Poisson, comme les Bouret et comme tant d'autres financiers, qui n'étaient à l'origine que des croquants ( ), appartenaient à cette classe spéciale de gens du monde qui, par leur naissance,... ne sont point du monde.
Avides de plaisirs, ils apportaient au milieu du luxe des appétits violents et des passions fortes, en sorte que la soif de jouissance était parfois la morale unique qui leur servît de règle. C'est un truisme de dire que ce sont eux qui ont le plus contribué à souiller l'image que nous nous faisons du XVIIIe siècle ; mais il est des vérités toujours bonnes à répéter. D'autre part, comme les deux extrêmes se touchent et s'unissent volontiers dans le mal, nombre de courtisans bien nés les imitaient dans leur corruption et les suivaient dans leurs vices.
La question se pose de savoir si cette époque fut en vérité beaucoup plus dissolue qu'une autre ou si elle eut seulement l'impudeur, ou la franchise, de ne se point masquer.
Adélaïde Filleul, fleur délicate et charmante, éclose sur un terrain qui n'était point à l'abri de toute souillure, n'échappa point à l'atmosphère corrompue de ce milieu de plaisir.
Le contraste était frappant à Ménars entre l'harmonie paisible des lieux et le désaccord de plus en plus irréversible qui séparait les Marigny ... Madame était coquette, Monsieur un grand jaloux. Il fatiguait sa femme de scènes de plus en plus fréquentes. Un jour vint où ce ne fut pas sans raisons . Julie avait succombé au jeune et très séduisant ( paraît-il ) cardinal de Rohan, qui n'avait d'ecclésiastique que le titre, et auquel une certaine Affaire d'un certain Collier allait bientôt conférer une désastreuse célébrité.
Mme de Marigny était mordue et allait jeter sa respectabilité aux orties. Marigny le sut, et sa fureur n'eut d'égale que son désespoir. Les querelles allèrent croissant, défrayant les conversations du public, jusqu'au jour où la marquise n'y put tenir.
Au cours de l'année 1778, un beau matin, elle sortit du château de Ménars à la dérobée dans son carrosse, et elle écrivit à son mari une lettre par laquelle elle lui marquait son inébranlable résolution de l'abandonner à tout jamais.
Heureuse, enfin libre et sans souci du désespoir de son mari, Julie s'installa après sa fuite à l'Abbaye-au-Bois, où les veuves de haut rang et les femmes en instance de séparation trouvaient alors un asile décent.
Louis XV ayant bien voulu, dans sa munificence, porter à 60.000 livres sa pension de 20.000 , elle y tint une maison magnifique, recevant chez elle toute la société élégante d'alors.
Adélaïde suivit sa soeur à l'Abbaye-au-Bois, un soupirant sur ses talons, et vous devinez sans doute qu'il s'agit du comte de Flahaut ...
Il se trouvait être un ami du marquis de Marigny, situation peut-être un peu gênante, mais il n'allait pourtant pas tarder à déclarer sa flamme .
A SUIVRE ...
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Adélaïde avait dix-huit ans et Alexandre Sébastien de Flahaut de La Billarderie cinquante-trois, j'en ai bien peur ! Il déclara ses sentiments à Mme de Marigny qui encouragea ses projets. Après tout, une union avec un officier général, jouissant des honneurs de la Cour, était inespérée pour sa jeune sœur sans naissance ni fortune... Adélaïde ne témoigna pas plus d'empressement que de révolte et troqua sa belle jeunesse contre un titre et les honneurs de la Cour, maigre compensation pour un mariage sans amour.
Cet homme assurément avait d'autant mieux perdu le charme de la jeunesse que de fréquentes atteintes de goutte et de rhumatismes le retenaient parfois au logis, endolori et podagre. On prétend même que l'assaut des fatigues essuyées sur les champs de bataille de la guerre, et d'autres moins glorieux, au cours d'une existence d'où il n'avait point exclu le plaisir, rendait bien téméraire une union demeurée stérile aussi longtemps que Mme de Flahaut ne chercha point d'amis. ( !!! )
Toutefois, élevé à Versailles et vivant dans la bonne compagnie, M. de Flahaut avait des manières exquises et sa politesse était extrême. Il était d'un commerce doux et facile et fort agréable à vivre lorsqu'on ne manquait point aux égards dus à son rang. Très cultivé, il aimait les choses de l'art et de la science. Il avait de l'esprit, c'était un pince-sans- rire. M°"' de Genlis, sa parente, nous rapporte cette anecdote pas piquée des hannetons et que vous n'avez certainement pas oubliée, les amis :
Malheureusement, de même qu'Adélaïde était sans dot, fortune ni grosses espérances, eh bien Flahaut était pauvre ! La vie commune allait être, dans ces conditions, un problème quotidien à surmonter. Il leur faudrait tenir leur rang avec de modestes revenus dont le plus clair était une pension de 11.590 livres, produisant net 10.201 livres 2 sols 6 deniers, que le roi avait accordée à Flahaut, par décision du ler septembre 1779, revenu qu'augmentaient, il est vrai, une pension de 4.000 livres du comté d'Artois et les générosités constantes du comte d'Angiviller, son frère. Le ménage commença donc, par prendre logement sans bourse délier dans l'espèce de grand caravansérail que constituait le palais du Louvre .
Le Louvre en 1622 mi-médiéval, mi-Renaissance.
Theodor Josef Hubert Hoffbauer —
Bibliothèque nationale de France
Le comte d'Angiviller, directeur des Bâtiments royaux ( charge qu'avait également occupée, sous louis XV, M. de Marigny, beau-frère de Mme de Flahaut ) avait adressé une requête à Louis XVI, auprès duquel il était bien vu. Il avait obtenu pour son frère et Adélaïde, nos jeunes mariés, un appartement décent et de convenable dimension au Vieux Louvre.
Charles Claude Flahaut de La Billarderie, comte d’Angiviller
Portrait par Jean-Baptiste Greuze, vers 1763.
New York, Metropolitan Museum of Art.
Dans cet appartement du Vieux Louvre, pendant douze années, M"" de Flahaut vivra la période la plus brillante de son existence mondaine jusqu'au jour où la Révolution détruira son foyer pour toujours. Mondaine ? Oui. Futile ? Non. Dans sa jeunesse elle aima le monde parce qu'on ne pouvait concevoir alors l'idée de la solitude, parce que le soin de s'entourer d'une « bonne compagnie » formait l'essence même de l'existence.
Une beauté parfaite n'est pas la caractéristique de son visage, mais Adélaïde est mieux que jolie : elle est charmante. Son regard est profond, il est attachant, il reflète la bonté du coeur. On ne saurait dire toutefois qu'il soit candide mais plutôt l'œillade de l'invitation. D'ailleurs la narine palpitante, indique assez chez elle une tendance à la coquetterie contre laquelle il n'apparaît pas clairement qu'elle ait cherché à réagir. ( J'aime bien les euphémismes d'A. de Maricourt )
Ame compatissante, affective, elle avait une soif intense de se dépenser en dévouement et en tendresse jointe à une indulgence souvent exquise et parfois excessive pour les faiblesses humaines, car, ne jugeant point pour n'être point jugée, elle ne condamnait personne.
Sa philosophie souriante de la vie lui inspire cette réflexion qu'elle écrit à un ami :
N'oubliez point, que le bonheur nous vient de nous-même et non pas des autres, et ne lui permettez pas de fuir lorsque vous êtes assez sage pour saisir un pan de son vêtement. Jetez-vous dans les imaginations et amusez-vous de peu. Il est des hochets pour tous les états et, s'il en est pour tous les âges, réjouissons-nous, car les chimères valent bien mieux que les réalités.
Il y a du Ligne dans ce raisonnement, je trouve ...
Bien que la sécheresse du cœur fut un des dissolvants les plus actifs de la société du XVIIIe siècle, elle ne fut point générale et, chez certains, l'amitié fut élevée au rang d'une religion. Mme de Flahaut fut une des ferventes de ce culte, et elle sut pendant cinquante ans, conserver des relations intimes et très aimées qui empêchèrent son cœur de vieillir. Au reste, elle possédait tout ce qu'il faut pour attirer à elle les sympathies et pour les garder à jamais. Son intelligence très sûre était doublée d'un esprit rare et fin qui fut, dans son temps, légendaire. Vivant dans cette société qui, tout au moins dans les manières, n'était qu'une école de politesse, de retenue, de prudence décente réglées par la convenance , elle eut des qualités exquises de mesure, de tact et d'atticisme auxquelles elle joignit l'horreur profonde des grands mots, du tragique et de l'outrance. Elle eut quelque chose de mieux encore pour se faire aimer : ce fut le souci continuel de dissimuler ses peines ou ses plaisirs, de laisser à l'arrière-garde le haïssable " moi " pour parler toujours aux autres de ce qui les intéressait eux-mêmes.
Elle manqua du soutien puissant de la Foi. « Je dirais volontiers, s'écriait-elle, que je suis assez éprise de la vie et trop peu curieuse de l'au-delà pour aller savoir ce qui s'y passe. »
Elle croyait peut-être en Dieu, mais n'était catholique que de nom ...
Nous nous doutons que le brave M. de Flahaut n'a pas tenu dans la vie d'Adélaïde une place excessive ... L'étude de l'anglais, la lecture, la musique meublaient ses journées. Cette existence solitaire n'est pas sans danger pour une jolie femme de vingt ans. Elle a besoin d'un appui dans la vie, elle traverse la crise dangereuse « où l'âme, semblable à une fleur privée de tuteur, réclame pour s'épanouir tout à fait le rayon de soleil d'une douce et réchauffante affection ». Voilà donc le moment fatal où, comme elle le dit elle-même dans un de ses romans, « la solitude du cœur se faisant sentir elle va former avec lenteur un lien de choix qu'elle désirera sans doute unique et durable »...
A SUIVRE ____ Talleyrand
Cet homme assurément avait d'autant mieux perdu le charme de la jeunesse que de fréquentes atteintes de goutte et de rhumatismes le retenaient parfois au logis, endolori et podagre. On prétend même que l'assaut des fatigues essuyées sur les champs de bataille de la guerre, et d'autres moins glorieux, au cours d'une existence d'où il n'avait point exclu le plaisir, rendait bien téméraire une union demeurée stérile aussi longtemps que Mme de Flahaut ne chercha point d'amis. ( !!! )
Toutefois, élevé à Versailles et vivant dans la bonne compagnie, M. de Flahaut avait des manières exquises et sa politesse était extrême. Il était d'un commerce doux et facile et fort agréable à vivre lorsqu'on ne manquait point aux égards dus à son rang. Très cultivé, il aimait les choses de l'art et de la science. Il avait de l'esprit, c'était un pince-sans- rire. M°"' de Genlis, sa parente, nous rapporte cette anecdote pas piquée des hannetons et que vous n'avez certainement pas oubliée, les amis :
Malheureusement, de même qu'Adélaïde était sans dot, fortune ni grosses espérances, eh bien Flahaut était pauvre ! La vie commune allait être, dans ces conditions, un problème quotidien à surmonter. Il leur faudrait tenir leur rang avec de modestes revenus dont le plus clair était une pension de 11.590 livres, produisant net 10.201 livres 2 sols 6 deniers, que le roi avait accordée à Flahaut, par décision du ler septembre 1779, revenu qu'augmentaient, il est vrai, une pension de 4.000 livres du comté d'Artois et les générosités constantes du comte d'Angiviller, son frère. Le ménage commença donc, par prendre logement sans bourse délier dans l'espèce de grand caravansérail que constituait le palais du Louvre .
Le Louvre en 1622 mi-médiéval, mi-Renaissance.
Theodor Josef Hubert Hoffbauer —
Bibliothèque nationale de France
Le comte d'Angiviller, directeur des Bâtiments royaux ( charge qu'avait également occupée, sous louis XV, M. de Marigny, beau-frère de Mme de Flahaut ) avait adressé une requête à Louis XVI, auprès duquel il était bien vu. Il avait obtenu pour son frère et Adélaïde, nos jeunes mariés, un appartement décent et de convenable dimension au Vieux Louvre.
Charles Claude Flahaut de La Billarderie, comte d’Angiviller
Portrait par Jean-Baptiste Greuze, vers 1763.
New York, Metropolitan Museum of Art.
Dans cet appartement du Vieux Louvre, pendant douze années, M"" de Flahaut vivra la période la plus brillante de son existence mondaine jusqu'au jour où la Révolution détruira son foyer pour toujours. Mondaine ? Oui. Futile ? Non. Dans sa jeunesse elle aima le monde parce qu'on ne pouvait concevoir alors l'idée de la solitude, parce que le soin de s'entourer d'une « bonne compagnie » formait l'essence même de l'existence.
Une beauté parfaite n'est pas la caractéristique de son visage, mais Adélaïde est mieux que jolie : elle est charmante. Son regard est profond, il est attachant, il reflète la bonté du coeur. On ne saurait dire toutefois qu'il soit candide mais plutôt l'œillade de l'invitation. D'ailleurs la narine palpitante, indique assez chez elle une tendance à la coquetterie contre laquelle il n'apparaît pas clairement qu'elle ait cherché à réagir. ( J'aime bien les euphémismes d'A. de Maricourt )
Ame compatissante, affective, elle avait une soif intense de se dépenser en dévouement et en tendresse jointe à une indulgence souvent exquise et parfois excessive pour les faiblesses humaines, car, ne jugeant point pour n'être point jugée, elle ne condamnait personne.
Sa philosophie souriante de la vie lui inspire cette réflexion qu'elle écrit à un ami :
N'oubliez point, que le bonheur nous vient de nous-même et non pas des autres, et ne lui permettez pas de fuir lorsque vous êtes assez sage pour saisir un pan de son vêtement. Jetez-vous dans les imaginations et amusez-vous de peu. Il est des hochets pour tous les états et, s'il en est pour tous les âges, réjouissons-nous, car les chimères valent bien mieux que les réalités.
Il y a du Ligne dans ce raisonnement, je trouve ...
Bien que la sécheresse du cœur fut un des dissolvants les plus actifs de la société du XVIIIe siècle, elle ne fut point générale et, chez certains, l'amitié fut élevée au rang d'une religion. Mme de Flahaut fut une des ferventes de ce culte, et elle sut pendant cinquante ans, conserver des relations intimes et très aimées qui empêchèrent son cœur de vieillir. Au reste, elle possédait tout ce qu'il faut pour attirer à elle les sympathies et pour les garder à jamais. Son intelligence très sûre était doublée d'un esprit rare et fin qui fut, dans son temps, légendaire. Vivant dans cette société qui, tout au moins dans les manières, n'était qu'une école de politesse, de retenue, de prudence décente réglées par la convenance , elle eut des qualités exquises de mesure, de tact et d'atticisme auxquelles elle joignit l'horreur profonde des grands mots, du tragique et de l'outrance. Elle eut quelque chose de mieux encore pour se faire aimer : ce fut le souci continuel de dissimuler ses peines ou ses plaisirs, de laisser à l'arrière-garde le haïssable " moi " pour parler toujours aux autres de ce qui les intéressait eux-mêmes.
Elle manqua du soutien puissant de la Foi. « Je dirais volontiers, s'écriait-elle, que je suis assez éprise de la vie et trop peu curieuse de l'au-delà pour aller savoir ce qui s'y passe. »
Elle croyait peut-être en Dieu, mais n'était catholique que de nom ...
Nous nous doutons que le brave M. de Flahaut n'a pas tenu dans la vie d'Adélaïde une place excessive ... L'étude de l'anglais, la lecture, la musique meublaient ses journées. Cette existence solitaire n'est pas sans danger pour une jolie femme de vingt ans. Elle a besoin d'un appui dans la vie, elle traverse la crise dangereuse « où l'âme, semblable à une fleur privée de tuteur, réclame pour s'épanouir tout à fait le rayon de soleil d'une douce et réchauffante affection ». Voilà donc le moment fatal où, comme elle le dit elle-même dans un de ses romans, « la solitude du cœur se faisant sentir elle va former avec lenteur un lien de choix qu'elle désirera sans doute unique et durable »...
A SUIVRE ____ Talleyrand
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Le coeur de Mme de Flahaut était vacant et à prendre...
Dans les salons à la mode qui brillaient en 1779 d'un dernier et suprême éclat, un jeune abbé très sécularisé d'esprit et de mœurs, tenant du Gondi et du Laclos, et déjà surnommé Chérubin quand il était au séminaire, venait souvent, attiré au brelan et au pharaon par le goût du gain plus encore que par celui du plaisir. Froid, moqueur et sceptique, il jetait dans la conversation ces mots étincelants qui s'harmonisaient à merveille avec le ton dune société agonisante, dont il sentait mieux que pas un le charme délicat et fragile. C'était le type accompli du roué possédant les qualités, plus séduisantes que sympathiques, qui permettent de cheminer dans le monde. Et lorsque, dédaigneux d'un petit collet endossé sans vocation, il arrivait élégamment vêtu de son habit bleu barbeau, de sa culotte chamois, de sa haute cravate de batiste, souriant d'un énigmatique sourire, traînant légèrement la jambe par suite d'une infirmité qui le rendait plus intéressant encore, il ne passait point inaperçu et, charmées ou jalouses, les femmes murmuraient : " Voici M. l'abbé de Périgord qui entre. "
Dès 1785, nous voyons M. de Talleyrand tenir un rang d'importance parmi les invités de Mme de Flahaut et même, selon Rivarol, gouverner son salon. Adélaïde fit son absolue conquête et aucune femme ne fixa plus longtemps son cœur, nous affirme A. de Maricourt. Il n'y eut pour autant aucun éclat dans le ménage et M. et Mme de Flahaut continuèrent à vivre en bonne intelligence, tout au moins apparente. L'abbé de Périgord, reçu intimement chez eux, rehaussait par sa présence les agréments du salon formé peu à peu par la comtesse, qui brilla tout spécialement entre les années 1786 et 1791.
Le 21 août 1785, M. de Flahaut, à la veille d'atteindre sa soixantième année, put annoncer le plus sereinement du monde à ses amis que sa femme venait de mettre au monde un fils. On le nomma Charles-Joseph de Flahaut de la Billarderie.
M. d'Angiviller n'avait pas l'esprit aussi large que son frère. Il écrira le 2 septembre 1804, à la comtesse de Neuilly :
« Un enfant qui, joint à la certitude qu'il ne m'est rien, a le tort, très étranger à lui sans doute, d'être le fils d'une femme pour laquelle mon mépris est sans bornes, etc. . . »
Puis il parlera plus loin « de la méchanceté et de la perfidie de la dame et de ses liaisons avec le monstre mitré qui fut son amant et qui est le père de cet enfant ».
Gouverneur-Morris confirmera en termes formels les accusations de M. d'Angiviller . La filiation du petit Charles est décidément vraiment un secret de Polichinelle ! ( et ne chagrine que son oncle ... )
Dans les salons à la mode qui brillaient en 1779 d'un dernier et suprême éclat, un jeune abbé très sécularisé d'esprit et de mœurs, tenant du Gondi et du Laclos, et déjà surnommé Chérubin quand il était au séminaire, venait souvent, attiré au brelan et au pharaon par le goût du gain plus encore que par celui du plaisir. Froid, moqueur et sceptique, il jetait dans la conversation ces mots étincelants qui s'harmonisaient à merveille avec le ton dune société agonisante, dont il sentait mieux que pas un le charme délicat et fragile. C'était le type accompli du roué possédant les qualités, plus séduisantes que sympathiques, qui permettent de cheminer dans le monde. Et lorsque, dédaigneux d'un petit collet endossé sans vocation, il arrivait élégamment vêtu de son habit bleu barbeau, de sa culotte chamois, de sa haute cravate de batiste, souriant d'un énigmatique sourire, traînant légèrement la jambe par suite d'une infirmité qui le rendait plus intéressant encore, il ne passait point inaperçu et, charmées ou jalouses, les femmes murmuraient : " Voici M. l'abbé de Périgord qui entre. "
Dès 1785, nous voyons M. de Talleyrand tenir un rang d'importance parmi les invités de Mme de Flahaut et même, selon Rivarol, gouverner son salon. Adélaïde fit son absolue conquête et aucune femme ne fixa plus longtemps son cœur, nous affirme A. de Maricourt. Il n'y eut pour autant aucun éclat dans le ménage et M. et Mme de Flahaut continuèrent à vivre en bonne intelligence, tout au moins apparente. L'abbé de Périgord, reçu intimement chez eux, rehaussait par sa présence les agréments du salon formé peu à peu par la comtesse, qui brilla tout spécialement entre les années 1786 et 1791.
Le 21 août 1785, M. de Flahaut, à la veille d'atteindre sa soixantième année, put annoncer le plus sereinement du monde à ses amis que sa femme venait de mettre au monde un fils. On le nomma Charles-Joseph de Flahaut de la Billarderie.
M. d'Angiviller n'avait pas l'esprit aussi large que son frère. Il écrira le 2 septembre 1804, à la comtesse de Neuilly :
« Un enfant qui, joint à la certitude qu'il ne m'est rien, a le tort, très étranger à lui sans doute, d'être le fils d'une femme pour laquelle mon mépris est sans bornes, etc. . . »
Puis il parlera plus loin « de la méchanceté et de la perfidie de la dame et de ses liaisons avec le monstre mitré qui fut son amant et qui est le père de cet enfant ».
Gouverneur-Morris confirmera en termes formels les accusations de M. d'Angiviller . La filiation du petit Charles est décidément vraiment un secret de Polichinelle ! ( et ne chagrine que son oncle ... )
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Le salon de M"' de Flahaut, où plastronne Talleyrand, garde un caractère mondain presque uniquement, jusqu'en 1789 . La politique n'y est pas encore la plus importante affaire, elle le deviendra. Il n'est pas d'une grande homogénéité car les visiteurs viennent de courants très divers. Les relations de M. de Flahaut en sont les plus aristocratiques éléments. Adélaïde leur préfère les hommes de science et d'étude, les gens de lettres. La société n'est jamais nombreuse mais intime .
On dîne à cinq heures et la chère est bonne, malgré les ressources modiques des maîtres de céans. Le soir, les hommes, suivant une mode importée d'Amérique, y servent le thé eux-mêmes et les propos alternent avec les parties de whist, pour lequel Mme de Flahaut, passionnée pour tous les jeux, témoigne une prédilection particulière.
Marmontel, Talleyrand et l'Américain Gouverneur Morris sont les incontournables. Les dames sont Mmes de Marigny et de Séran bien-sûr mais aussi la comtesse d'Albany, qui vit à Paris avec le poète Alfieri, cette étrange et belle veuve du dernier Stuart, dont l'histoire n'est plus à faire et qui devint l'amie de Mme de Flahaut au point de la voir tous les jours comme nous le fait connaître leur correspondance postérieure...
Mme d'Angivillers ... et puis le duc de Croy, les Beauvau, les Lavoisier, les Condorcet, Vicq-d'Azyr le médecin de Marie-Antoinette, ami et docteur de la maîtresse de céans, Suard, Morellet, Narbonne, Biron, Philippe de Ségur, M. de Guibert, le maréchal-académicien, ami de Mlle de Lespinasse ... les Chastellux viennent en voisins : ils habitent ici un grenier à environ 160 marches au-dessus de la terre, précise Gouverneur Morris. Lorsque les Chastellux descendaient leurs cent soixante marches, pour en remonter sans doute beaucoup d'autres avant de pénétrer chez Mme de Flahaut, ils pouvaient rencontrer chez elle tout « ce monde» aristocratique, nuancé de bel esprit et tous ces académiciens ... En février 1791, les Chastellux et leurs enfants appartiendront à la suite qui accompagne Mesdames Victoire et Adélaïde à Rome.
Mme de Flahaut recevra fréquemment aussi Montmorin, sous la Révolution, et Bertrand de Molleville, plus tard ministre de Louis XVI... Elle aima comme un frère son inséparable ami Adrien-Jean-Baptiste Le Roi, issu d'une famille de noblesse de finance, qui mourut à la veille d'atteindre sa 107 ème année.
Telle est la « ménagerie » d'Adélaïde ( nous les connaissons tous, ou presque tous ! ), et le choix de sa composition est à l'honneur de l'esprit et du bon goût de la maîtresse de céans, car c'est une ménagerie de sages. A côté de l'esprit littéraire et économiste, l'esprit libéral et constitutionnel dominait dans le salon de Mme de Flahaut. Au reste, dans ce monde de gentilshommes aux idées nouvelles et de littérateurs de salon, elle est parfaitement à l'aise, évoluant à merveille dans un milieu plus décent que celui dans lequel elle a été élevée et dans lequel règne la demi-morale faite de convenance et de correction sur laquelle la haute société a été basée de tous temps.
On dîne à cinq heures et la chère est bonne, malgré les ressources modiques des maîtres de céans. Le soir, les hommes, suivant une mode importée d'Amérique, y servent le thé eux-mêmes et les propos alternent avec les parties de whist, pour lequel Mme de Flahaut, passionnée pour tous les jeux, témoigne une prédilection particulière.
Marmontel, Talleyrand et l'Américain Gouverneur Morris sont les incontournables. Les dames sont Mmes de Marigny et de Séran bien-sûr mais aussi la comtesse d'Albany, qui vit à Paris avec le poète Alfieri, cette étrange et belle veuve du dernier Stuart, dont l'histoire n'est plus à faire et qui devint l'amie de Mme de Flahaut au point de la voir tous les jours comme nous le fait connaître leur correspondance postérieure...
Mme d'Angivillers ... et puis le duc de Croy, les Beauvau, les Lavoisier, les Condorcet, Vicq-d'Azyr le médecin de Marie-Antoinette, ami et docteur de la maîtresse de céans, Suard, Morellet, Narbonne, Biron, Philippe de Ségur, M. de Guibert, le maréchal-académicien, ami de Mlle de Lespinasse ... les Chastellux viennent en voisins : ils habitent ici un grenier à environ 160 marches au-dessus de la terre, précise Gouverneur Morris. Lorsque les Chastellux descendaient leurs cent soixante marches, pour en remonter sans doute beaucoup d'autres avant de pénétrer chez Mme de Flahaut, ils pouvaient rencontrer chez elle tout « ce monde» aristocratique, nuancé de bel esprit et tous ces académiciens ... En février 1791, les Chastellux et leurs enfants appartiendront à la suite qui accompagne Mesdames Victoire et Adélaïde à Rome.
Mme de Flahaut recevra fréquemment aussi Montmorin, sous la Révolution, et Bertrand de Molleville, plus tard ministre de Louis XVI... Elle aima comme un frère son inséparable ami Adrien-Jean-Baptiste Le Roi, issu d'une famille de noblesse de finance, qui mourut à la veille d'atteindre sa 107 ème année.
Telle est la « ménagerie » d'Adélaïde ( nous les connaissons tous, ou presque tous ! ), et le choix de sa composition est à l'honneur de l'esprit et du bon goût de la maîtresse de céans, car c'est une ménagerie de sages. A côté de l'esprit littéraire et économiste, l'esprit libéral et constitutionnel dominait dans le salon de Mme de Flahaut. Au reste, dans ce monde de gentilshommes aux idées nouvelles et de littérateurs de salon, elle est parfaitement à l'aise, évoluant à merveille dans un milieu plus décent que celui dans lequel elle a été élevée et dans lequel règne la demi-morale faite de convenance et de correction sur laquelle la haute société a été basée de tous temps.
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Dès le printemps de 1789, nous voyons Gouverneur Morris prendre l'une des premières places dans la vie de Mme de Flahaut. Ancien délégué de l'Etat de New-York au Congrès continental, surintendant adjoint des finances, député par la Pensylvanie à la Convention chargée de rédiger pour les Etats-Unis la future Constitution fédérale, Gouverneur-Morris qui, malgré ses sentiments conservateurs, a pris part à la révolution d'Amérique. C'est un homme d'Etat de premier ordre. Trente-sept ans, agréablement mondain, il est très séduisant malgré l'amputation d'une jambe brisée dans un accident de voiture.
Il a été attiré en France, non seulement par ses intérêts commerciaux, mais aussi par le désir de connaître notre civilisation raffinée et d'assister au grand drame qu'il pressent. Esprit sûr et clairvoyant, on peut le compter au nombre des rares observateurs qui, au milieu des aveugles, a prévu d'une manière incomparable les diverses phases de la Révolution.
Le 30 mars 1789, quand on vient de le présenter à Mme de Flahaut, il note dans son journal :
« C'est une femme élégante, et ses invités sont des gens du meilleur monde. Elle ne manque pas d'intelligence. Je la crois remplie de bonnes dispositions ».
Il ajoute un certain « Nous verrons ... » plein de sous-entendus, qu'il a coutume d'employer à chaque fois qu'il escompte la possibilité d'une conquête. Dès lors ils se voient assidûment, se montrent ensemble à la Comédie-Française et à l'Opéra. Adélaïde lui fait découvrir la beauté de Paris. Chez elle, il cause, disserte, fait le thé, joue aux cartes avec elle pendant que le coiffeur renouvelle sa coiffure. Il dîne, trouve la chère excellente et l'esprit de la maison très gai. Il assiste à sa toilette. Elle est dans son bain.
C'est une singulière place pour recevoir une visite. Mais il y a, mêlé à l'eau, du lait qui le rend opaque. Elle me dit qu'il est d'usage de recevoir dans son bain....
Il est l'ami, le confident, mais n'apparaît qu'au second plan car, revenu à Paris après un court séjour dans son évêché d'Autun, Talleyrand, maintenant membre de l'Assemblée Constituante, commence à devenir célèbre et renoue avec Adélaïde des relations qu'une fugitive absence avait à peine interrompues.
Pendant tout le cours de l'année 1789, Mme de Flahaut reçoit chez elle presque chaque jour, sur un pied de rivalité, Talleyrand et Gouverneur-Morris.
Le 12 juillet, le bannissement de Necker cause l'épouvante parmi les hôtes de Mme de Flahaut. Narbonne est là aussi, très alarmé, considérant une guerre civile comme inévitable. Gouverneur Morris, à qui sa conscience conseille de s'unir au parti du plus fort, s'efforce par ailleurs de calmer les craintes de Mme de Flahaut, dont le mari a perdu la tête et figure sur une liste imprimée des aristocrates les plus fougueux. Le 13 juillet, la fermentation empire.
Le 14 juillet, Morris apprend avec douleur la prise de la Bastille et le meurtre de M. de Launay. Deux fois de suite sa voiture est arrêtée par la multitude... Tout cela est bien sombre. Il décide de passer la soirée dans le salon du Vieux Louvre et l'y voilà, entre M. et Mme de Flahaut. Il lui prend l'envie incongrue de s'amuser de la jalousie du vieux mari, prend un écritoire sur les genoux de Mme de Flahaut et griffonne quelques vers, en anglais, que l'on peut traduire approximativement par :
C'est fiévreusement que j'écris sur vos genoux — N'attendez donc qu'un faible lai — Et cependant, en dépit de tout proverbe — Bien que ce soient des vers, croyez-le, je vous prie — Je ne suis point un amant. Hélas, je suis trop vieux — Pour exciter en vous une mutuelle flamme — Acceptez donc une passion plutôt froide — Et appelez-la du beau nom d'amitié.
Il a été attiré en France, non seulement par ses intérêts commerciaux, mais aussi par le désir de connaître notre civilisation raffinée et d'assister au grand drame qu'il pressent. Esprit sûr et clairvoyant, on peut le compter au nombre des rares observateurs qui, au milieu des aveugles, a prévu d'une manière incomparable les diverses phases de la Révolution.
Le 30 mars 1789, quand on vient de le présenter à Mme de Flahaut, il note dans son journal :
« C'est une femme élégante, et ses invités sont des gens du meilleur monde. Elle ne manque pas d'intelligence. Je la crois remplie de bonnes dispositions ».
Il ajoute un certain « Nous verrons ... » plein de sous-entendus, qu'il a coutume d'employer à chaque fois qu'il escompte la possibilité d'une conquête. Dès lors ils se voient assidûment, se montrent ensemble à la Comédie-Française et à l'Opéra. Adélaïde lui fait découvrir la beauté de Paris. Chez elle, il cause, disserte, fait le thé, joue aux cartes avec elle pendant que le coiffeur renouvelle sa coiffure. Il dîne, trouve la chère excellente et l'esprit de la maison très gai. Il assiste à sa toilette. Elle est dans son bain.
C'est une singulière place pour recevoir une visite. Mais il y a, mêlé à l'eau, du lait qui le rend opaque. Elle me dit qu'il est d'usage de recevoir dans son bain....
Il est l'ami, le confident, mais n'apparaît qu'au second plan car, revenu à Paris après un court séjour dans son évêché d'Autun, Talleyrand, maintenant membre de l'Assemblée Constituante, commence à devenir célèbre et renoue avec Adélaïde des relations qu'une fugitive absence avait à peine interrompues.
Pendant tout le cours de l'année 1789, Mme de Flahaut reçoit chez elle presque chaque jour, sur un pied de rivalité, Talleyrand et Gouverneur-Morris.
Le 12 juillet, le bannissement de Necker cause l'épouvante parmi les hôtes de Mme de Flahaut. Narbonne est là aussi, très alarmé, considérant une guerre civile comme inévitable. Gouverneur Morris, à qui sa conscience conseille de s'unir au parti du plus fort, s'efforce par ailleurs de calmer les craintes de Mme de Flahaut, dont le mari a perdu la tête et figure sur une liste imprimée des aristocrates les plus fougueux. Le 13 juillet, la fermentation empire.
Le 14 juillet, Morris apprend avec douleur la prise de la Bastille et le meurtre de M. de Launay. Deux fois de suite sa voiture est arrêtée par la multitude... Tout cela est bien sombre. Il décide de passer la soirée dans le salon du Vieux Louvre et l'y voilà, entre M. et Mme de Flahaut. Il lui prend l'envie incongrue de s'amuser de la jalousie du vieux mari, prend un écritoire sur les genoux de Mme de Flahaut et griffonne quelques vers, en anglais, que l'on peut traduire approximativement par :
C'est fiévreusement que j'écris sur vos genoux — N'attendez donc qu'un faible lai — Et cependant, en dépit de tout proverbe — Bien que ce soient des vers, croyez-le, je vous prie — Je ne suis point un amant. Hélas, je suis trop vieux — Pour exciter en vous une mutuelle flamme — Acceptez donc une passion plutôt froide — Et appelez-la du beau nom d'amitié.
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Mme de Sabran a écrit: (...) sur la vie tumultueuse et passionnante de Mme de Flahaut, belle-soeur ( ou presque ) de Mme de Pompadour, amie très chère de l'Américain Gouverneur Morris, maîtresse de Talleyrand, grand-mère du duc de Morny, observatrice active de la Révolution et avec tout cela romancière !
Enfin, si cela vous dit ...
Merci beaucoup pour tous ces détails fascinants de la vie de Mme de Flahaut
Mais comment aurait-elle pu être la presque belle-soeur de Mme de Pompadour, étant donné que Mme de Flahaut Souza est née en 1761 ?
J'ignorais tout de son existence. Par curiosité j'ai été faire un tour sur eBay et j'ai vu son roman le plus connu en vente là-bas dans une édition de 1808 :
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
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Age : 44
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
... à " la mode de Bretagne ", mon petit Félix !Comte d'Hézècques a écrit: Mais comment aurait-elle pu être la presque belle-soeur de Mme de Pompadour, étant donné que Mme de Flahaut Souza est née en 1761 ?
Sa soeur aînée, Julie Filleul ( peut-être fille de la cuisse gauche de Louis XV ) a épousé le marquis de Marigny, frère de Mme de Pompadour. La marquise était déjà morte, en effet.
_____________
Trois jours après la prise de la Bastille, c'est une fête pour elle de louer une fenêtre rue Saint-Honoré pour voir passer le Roi qui vient à Paris. Elle attend de onze heures du malin à quatre heures du soir pour jouir du spectacle du cortège qui avance lentement aux cris de " Vive la Nation ! ".
A la fin de l'année 1789, de gros soucis harcelaient Mme de Flahaut. Le comte d'Artois cessait de payer à M. de Flahaut 4.000 livres de pension. Vainement elle cherchait à obtenir par le crédit de Morris et celui de M. d'Angiviller une place de femme de la Reine chargée de l'éducation du Dauphin ou bien de dame d'honneur de la duchesse d'Orléans, vainement elle demandait à Montesquiou et à Montmorin de procurer à son mari la place de ministre plénipotentiaire en Amérique. Et comme si les problèmes financiers ne lui suffisaient pas, elle n'occupait plus seule le cœur de Talleyrand.
Germaine de Staël en Corinne (1807),
Firmin Massot, huile sur bois, 61 x 52 cm -
Collection du château de Coppet (Suisse).
Une femme qui avait la supériorité d'une intelligence puissante et qui recevait les hommages, dédaignés par elle-même, de M. de Narbonne, lui disputait dès lors les affections de l'évêque d'Autun. C'était Mme de Staël. Toutes deux se fréquentaient sans plaisir, évoluant à peu près dans la même société, recevant les mêmes hommes au nombre de leurs intimes : Chastellux, Ségur, Narbonne, Gouverneur Morris... qui tâte le terrain :
Je plains un peu Mme de Staël de son veuvage, le comte de Narbonne étant absent en Franche-Comté. Nous parlons longuement de l'évêque d'Autun. Je lui demande si elle accepte ses avances, car, on ce cas, je profilerais de l'observation en faisant ma cour à Mme de Flahaut.
En 1789, Adélaïde joue un rôle discret mais important. Son salon n'est pas une tribune politique d'où l'on crie, mais c'est une officine où l'on prépare des actes. Son caractère mesuré, ennemi des convictions extrêmes répugne aux intransigeances. Son mari lui semble un aristocrate outré et dangereux pour la cause monarchique qu'il soutient. Pus dangereux encore lui paraissent les esprits avancés, fomentateurs de la révolte.
... favorable au peuple comme à la monarchie.
Pendant tout l'hiver de 1789, les entretiens se continuent sans cesse entre Mme de Flahaut, Talleyrand, Morris, et parfois Ségur, Montmorin, Narbonne et Biron. Mme de Flahaut cabale pour que Mirabeau n'entre pas au Ministère. Elle corrige un mémoire sur la Constitution que Morris doit faire lire au Roi et elle le renseigne sur les pensées secrètes de La Fayette dont Talleyrand, « qui s'invite à dîner chez elle tous les jours», lui révèle l'état d'esprit.
Au printemps 1790, les appointements de M. de Flahaut comme administrateur du Jardin des Plantes sont réduits de 12.000 à 8.000 livres. Comme Talleyrand est très occupé de Mme de Staël et que Gouverneur Morris voyage en Hollande tout l'été, Adélaïde trouve consolation auprès d'un jeune et bel Anglais, John Fitz-Maurice, plus tard marquis de Lansdowne.
Gouverneur Morris, qui revient à Paris en novembre 1790 ayant conservé pour Mme de Flahaut un sentiment platonique certes, mais tendre, s'aperçoit sans plaisir que Wycombe, a pris sa place d'ami de la maison.
Mme de Flahaut continue de recevoir et de « donner des dîners où règne la gaîté ». Toutefois sa santé s'altère, et la Révolution sournoise, rôdant comme une voleuse autour des aristocrates, qui seront bientôt sa proie sanglante, fait parfois courir un frisson de terreur dans le dos des convives dont les sourires se glacent.
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
1791. Rien ne va plus.
Malgré l'amertume de son cœur, Gouverneur Morris reste toujours l'ami dévoué d'Adélaïde. Il lui prête 1 200 francs de papiers pour racheter une somme égale d'or qu'elle a engagée. Les époux Flahaut sont maintenant unis dans un même sentiment d'affolement. Ils tirent le diable par la queue ! M. de Flahaut veut partir pour l'Amérique ou pour l'Angleterre. Il est trop vieux ! Il est malade. Il échoue dans une tentative de « négoce de quincaillerie » avec le nouveau monde.
Au mois d'avril suivant, Adélaïde espère toujours une place auprès de la Reine que ses favorites ont abandonnée. Cependant elle hésite... La situation auprès de la souveraine est-elle bien sûre? ... et moins sûre encore est une charge à la Cour que Louis XVI fait proposer à son mari par l'entremise de M. d'Angiviller. Talleyrand donne à M. de Flahaut le conseil de l'accepter, tandis que Morris l'engage à réfléchir.
La générosité sans bornes d'Angiviller, qui va jusqu'à éponger les dettes de son frère, les aide à ne pas sombrer dans la misère. Mais voici qu'Angiviller, ce modèle d'intégrité, est injustement accusé de malversations dans la gestion de la surintendance des bâtiments. Il décide d'abandonner sa charge et de quitter la France pour l'Italie. Mme d'Angiviller refuse de l'accompagner et reste à Versailles.
Comme si sa propre pauvreté ne lui suffisait pas, Adélaïde s'ingénie maintenant à aider à vivre sa sœur, Julie. En effet, la belle-sœur de Mme de Pompadour, veuve du marquis de Marigny, un des hommes jadis les plus riches du royaume, remariée avec un M. de Bourzac, émigré, dont elle a divorcé depuis, n'est plus qu'une indigente.
Tandis que Talleyrand sent croître sa puissance, et témoigne de plus en plus à Mme de Flahaut une froideur qui la met au désespoir, Gouverneur Morris s'évertue « à lui montrer le caractère de cet homme sous son vrai jour ».
Malgré l'amertume de son cœur, Gouverneur Morris reste toujours l'ami dévoué d'Adélaïde. Il lui prête 1 200 francs de papiers pour racheter une somme égale d'or qu'elle a engagée. Les époux Flahaut sont maintenant unis dans un même sentiment d'affolement. Ils tirent le diable par la queue ! M. de Flahaut veut partir pour l'Amérique ou pour l'Angleterre. Il est trop vieux ! Il est malade. Il échoue dans une tentative de « négoce de quincaillerie » avec le nouveau monde.
Au mois d'avril suivant, Adélaïde espère toujours une place auprès de la Reine que ses favorites ont abandonnée. Cependant elle hésite... La situation auprès de la souveraine est-elle bien sûre? ... et moins sûre encore est une charge à la Cour que Louis XVI fait proposer à son mari par l'entremise de M. d'Angiviller. Talleyrand donne à M. de Flahaut le conseil de l'accepter, tandis que Morris l'engage à réfléchir.
La générosité sans bornes d'Angiviller, qui va jusqu'à éponger les dettes de son frère, les aide à ne pas sombrer dans la misère. Mais voici qu'Angiviller, ce modèle d'intégrité, est injustement accusé de malversations dans la gestion de la surintendance des bâtiments. Il décide d'abandonner sa charge et de quitter la France pour l'Italie. Mme d'Angiviller refuse de l'accompagner et reste à Versailles.
Comme si sa propre pauvreté ne lui suffisait pas, Adélaïde s'ingénie maintenant à aider à vivre sa sœur, Julie. En effet, la belle-sœur de Mme de Pompadour, veuve du marquis de Marigny, un des hommes jadis les plus riches du royaume, remariée avec un M. de Bourzac, émigré, dont elle a divorcé depuis, n'est plus qu'une indigente.
Tandis que Talleyrand sent croître sa puissance, et témoigne de plus en plus à Mme de Flahaut une froideur qui la met au désespoir, Gouverneur Morris s'évertue « à lui montrer le caractère de cet homme sous son vrai jour ».
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Gouverneur Morris n'avait pas apprécié de trouver, à son retour, Wycombe "enniché" chez la belle comtesse. Mais cette dernière hésitait à lâcher son bel anglais car ce dernier possédait un château et des terres en Angleterre et si jamais les Flahaut, plutôt démunis, devaient émigrer...
Quant à Talleyrand, il n'avait peut-être pas apprécié le jugement de la comtesse sur ses talents amoureux. La belle n'avait-elle pas dit que tout en ayant du suaviter in modo (du savoir-faire dans la manière), l'évêque d'Autun manquait de fortiter in re (d'efficacité dans l'exécution)...
Quant à Talleyrand, il n'avait peut-être pas apprécié le jugement de la comtesse sur ses talents amoureux. La belle n'avait-elle pas dit que tout en ayant du suaviter in modo (du savoir-faire dans la manière), l'évêque d'Autun manquait de fortiter in re (d'efficacité dans l'exécution)...
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Nous allons en effet bientôt voir Mme de Flahaut émigrer en Angleterre, mais plutôt sur les traces de Talleyrand, pense le baron de Maricourt. N'oublions pas qu'il est le père de son fils. C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle, le 23 février, rentrant chez elle, Adélaïde aperçoit tout à coup sur sa table une enveloppe blanche dont la provenance lui est inconnue.. Curieuse, elle décachète l'enveloppe mystérieuse... Qu'est-ce donc?... Un testament en bonne et due forme de M. d'Autun qui la constitue légataire universelle de ses biens. Elle croit à une décision de suicide et, affolée, se précipite chez Talleyrand avec son ami Sainte-Croix ... mais non; se suicider ? point. Talleyrand n'avait pas cette intention, mais il avait — c'est Gouverneur Morris qui parle — une peur horrible de la mort. Il craignait qu'on vînt l'assassiner. Sa décision est certainement déjà prise de partir en Angleterre.Calonne a écrit:Gouverneur Morris n'avait pas apprécié de trouver, à son retour, Wycombe "enniché" chez la belle comtesse. Mais cette dernière hésitait à lâcher son bel anglais car ce dernier possédait un château et des terres en Angleterre et si jamais les Flahaut, plutôt démunis, devaient émigrer...
... le pauvre ! Enfin, c'est joliment dit.Calonne a écrit: Quant à Talleyrand, il n'avait peut-être pas apprécié le jugement de la comtesse sur ses talents amoureux. La belle n'avait-elle pas dit que tout en ayant du suaviter in modo (du savoir-faire dans la manière), l'évêque d'Autun manquait de fortiter in re (d'efficacité dans l'exécution)...
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
En été 1792, ce n'est plus la faillite financière qui guette les aristocrates, c'est la mort. Tous se terrent au fond de leurs châteaux ou quittent le pays. Quand, au printemps, Gouverneur Morris a parlé de quitter Paris. Mme de Flahaut s'est sentie défaillir...
Talleyrand s'en va en Angleterre, la comtesse d'Albany, qui prépare son départ pour Florence avec Alfieri, supplie vainement Adélaïde de l'accompagner... Elle et son fils trouvent refuge auprès de Gouverneur Morris.
Le 10 août, la mort frappe de toutes parts. La populace a porté le carnage dans le château ; les corridors, les appartements, les moindres réduits sont arrosés de sang. Les Suisses sont égorgés, la maison de M de Laborde, frère de M"'^ d'Angiviller, est réduite en cendres, M. de Viomesnil, qui a formé en escouades les gentilshommes réunis dans la galerie de Diane, est blessé. Alors M. de Flahaut qui, du Louvre, a assisté aux massacres, ne veut point voir périr cet homme. Héroïque, il lui offre le bras et, lentement, le vieux maréchal et l'officier chancelant traversent le Carrousel jonché des cadavres des Suisses .
Adélaïde aussi a son épisode héroïque !
Vous souvenez-vous, les amis ? c'était l'une des énigmes de notre Jeu de l'Automne :
Le comte de Flahaut se cache chez un ami, et il écrit à sa femme d'aller chez Méhée de La Touche, secrétaire-adjoint de la Commune du 10 août, afin de chercher à obtenir des passeports. On sait que ce misérable, un des hommes les plus méprisables de la Révolution, les livrait à prix d'argent, quitte, il est vrai, à faire arrêter aux portes de Paris ceux-là mêmes auxquels il en avait délivrés. Lorsque Mme de Flahaut se présente dans le courant de la semaine, Méhée est en peignoir entre les mains de son coiffeur. Cet homme se retire, et Mme de Flahaut annonce l'objet de sa visite. Méhée dit qu'il n'a pas envie d'être guillotiné, qu'aucune considération ne pourra le déterminer à livrer un passeport à M. de Flahaut.
— En voilà bien, dit-il en mettant la main sur un paquet de papiers, mais vous n'en aurez pas. Ma vie serait compromise.
Puis il passe dans la pièce voisine pour enlever son peignoir et s'habiller.
De cette minute dépend la vie d'un mari qu'elle n'aime point... En cette minute, Mme de Flahaut se révèle dans un geste beau.
Se voyant seule, elle porte rapidement la main sur les passeports dont elle prend une poignée...
Hélas! Méhée a tout vu à travers une porte vitrée.
Il avance... Que va-t-il dire? A ses lèvres est suspendue maintenant la destinée de Mme de Flahaut elle- même... C'est un complice indulgent. Il laisse échapper ces paroles d'une singulière clémence :
— J'espère que vous m'en laisserez ! Mais ces passe-ports ne peuvent vous servir. Ils n'ont point de signatures. En voilà un qui la porte. Je vous le confie à condition que vous le rapportiez demain.
Mme de Flahaut a compris ce que le sous-entendu comporte... Dans la nuit, elle imite le paraphe de Méhée sur plusieurs passeports, qui représentent peut-être autant de vies humaines. Elle en remet un à son mari qui bientôt part pour Boulogne. Elle en fait remettre deux autres à de malheureux suspects qui s'embarquent pour l'Angleterre. Elle en donne un quatrième à Bertrand de Molleville, ministre de Louis XVI, qu'elle connaît personnellement et qui est le frère de ses deux amis, l'abbé et le chevalier Bertrand.
Elle-même va songer au départ. Nous la rencontrons pour la dernière fois à Paris, le 2 septembre, alors que commence la série des massacres. Elle se trouve mal chez Gouverneur-Morris, non point à la pensée de son propre sort, « mais par crainte, dit-il, de celui de ses amis ». Quelques jours plus tard, le lendemain peut- être, elle quittera Paris, puis la France, victime comme tant d'autres de cette Révolution dont elle a cru, dans sa témérité, tenir un moment les fils, ces fils fragiles qui se brisent toujours sous la montée hurlante d'un peuple en courroux.
Talleyrand s'en va en Angleterre, la comtesse d'Albany, qui prépare son départ pour Florence avec Alfieri, supplie vainement Adélaïde de l'accompagner... Elle et son fils trouvent refuge auprès de Gouverneur Morris.
Le 10 août, la mort frappe de toutes parts. La populace a porté le carnage dans le château ; les corridors, les appartements, les moindres réduits sont arrosés de sang. Les Suisses sont égorgés, la maison de M de Laborde, frère de M"'^ d'Angiviller, est réduite en cendres, M. de Viomesnil, qui a formé en escouades les gentilshommes réunis dans la galerie de Diane, est blessé. Alors M. de Flahaut qui, du Louvre, a assisté aux massacres, ne veut point voir périr cet homme. Héroïque, il lui offre le bras et, lentement, le vieux maréchal et l'officier chancelant traversent le Carrousel jonché des cadavres des Suisses .
Adélaïde aussi a son épisode héroïque !
Vous souvenez-vous, les amis ? c'était l'une des énigmes de notre Jeu de l'Automne :
Le comte de Flahaut se cache chez un ami, et il écrit à sa femme d'aller chez Méhée de La Touche, secrétaire-adjoint de la Commune du 10 août, afin de chercher à obtenir des passeports. On sait que ce misérable, un des hommes les plus méprisables de la Révolution, les livrait à prix d'argent, quitte, il est vrai, à faire arrêter aux portes de Paris ceux-là mêmes auxquels il en avait délivrés. Lorsque Mme de Flahaut se présente dans le courant de la semaine, Méhée est en peignoir entre les mains de son coiffeur. Cet homme se retire, et Mme de Flahaut annonce l'objet de sa visite. Méhée dit qu'il n'a pas envie d'être guillotiné, qu'aucune considération ne pourra le déterminer à livrer un passeport à M. de Flahaut.
— En voilà bien, dit-il en mettant la main sur un paquet de papiers, mais vous n'en aurez pas. Ma vie serait compromise.
Puis il passe dans la pièce voisine pour enlever son peignoir et s'habiller.
De cette minute dépend la vie d'un mari qu'elle n'aime point... En cette minute, Mme de Flahaut se révèle dans un geste beau.
Se voyant seule, elle porte rapidement la main sur les passeports dont elle prend une poignée...
Hélas! Méhée a tout vu à travers une porte vitrée.
Il avance... Que va-t-il dire? A ses lèvres est suspendue maintenant la destinée de Mme de Flahaut elle- même... C'est un complice indulgent. Il laisse échapper ces paroles d'une singulière clémence :
— J'espère que vous m'en laisserez ! Mais ces passe-ports ne peuvent vous servir. Ils n'ont point de signatures. En voilà un qui la porte. Je vous le confie à condition que vous le rapportiez demain.
Mme de Flahaut a compris ce que le sous-entendu comporte... Dans la nuit, elle imite le paraphe de Méhée sur plusieurs passeports, qui représentent peut-être autant de vies humaines. Elle en remet un à son mari qui bientôt part pour Boulogne. Elle en fait remettre deux autres à de malheureux suspects qui s'embarquent pour l'Angleterre. Elle en donne un quatrième à Bertrand de Molleville, ministre de Louis XVI, qu'elle connaît personnellement et qui est le frère de ses deux amis, l'abbé et le chevalier Bertrand.
Elle-même va songer au départ. Nous la rencontrons pour la dernière fois à Paris, le 2 septembre, alors que commence la série des massacres. Elle se trouve mal chez Gouverneur-Morris, non point à la pensée de son propre sort, « mais par crainte, dit-il, de celui de ses amis ». Quelques jours plus tard, le lendemain peut- être, elle quittera Paris, puis la France, victime comme tant d'autres de cette Révolution dont elle a cru, dans sa témérité, tenir un moment les fils, ces fils fragiles qui se brisent toujours sous la montée hurlante d'un peuple en courroux.
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Septembre 1792. Nous voici à Londres où Mme de Flahaut, délicate, souffrante, vient d'arriver avec son jeune fils. Elle a fui Paris au lendemain des massacres perpétrés dans les prisons, un carnage, une vraie boucherie. Elle choisit l'Angleterre, pense le baron de Maricourt, parce que Talleyrand y est déjà. Mais il l'accueille plutôt fraichement, plus empressé qu'il est auprès de Mme de Staël. Adélaïde en conçoit un certain dépit. A Londres, la société des émigrés est alors divisée en deux camps distincts : ceux du parti constitutionnel qui, dans leur commune indigence, se réunissent, se serrent les coudes ... Adélaïde retrouve là les amis des jours heureux.
A la suite de Talleyrand évolue, satellite autour de l'astre, le fameux Narbonne, celui-là même qui s'était montré jadis pressant auprès de Mme de Flahaut, « seconde tète » du parti constitutionnel. C'est à lui que le duc de La Châtre arrivant de Coblentz adressera plus tard ce reproche :
— Vous avez tout gâté avec votre constitution, vous êtes la première cause de tous nos malheurs, et maintenant nous allons gaiement mourir de faim tous ensemble.
A la suite de Talleyrand évolue, satellite autour de l'astre, le fameux Narbonne, celui-là même qui s'était montré jadis pressant auprès de Mme de Flahaut, « seconde tète » du parti constitutionnel. C'est à lui que le duc de La Châtre arrivant de Coblentz adressera plus tard ce reproche :
— Vous avez tout gâté avec votre constitution, vous êtes la première cause de tous nos malheurs, et maintenant nous allons gaiement mourir de faim tous ensemble.
Louis-Marie-Jacques-Amalric, comte de Narbonne-Lara (1755-1813)
par Herminie Déhérain née Lerminier (1798-1839)
WIKI
MM. de Lameth, de Lally-Tollendal, tous les représentants de cette aristocratie libérale qui avaient cru voir dans la Révolution l'évolution nécessaire et bienfaisante, sont là aussi. Cependant arrivaient tous les jours du continent des nouvelles qui apportaient le deuil ou la terreur. M. de Flahaut n'avait finalement pas voulu profiter de son faux passeport . Resté en France, il menait à Boulogne une vie solitaire et discrète, propre à le faire oublier. Arrêté durant la Terreur pour une histoire de faux assignats, le 29 janvier 1793, huit jours exactement après la mort du roi, il s'était évadé avec la complicité de son avocat, avant de se réfugier à Boulogne. Il choisit de se rendre aux révolutionnaires pour éviter la mort à son avocat.
Il est guillotiné en 1793 à l'âge de 68 ans.
Et Talleyrand dans tout ça ?
« La comtesse de Flahaut, écrit Bastide, femme d'esprit et dont les connaissances étendues avaient été utiles dans les salons de Paris à l'évêque d'Autun, qui rencontrait chez elle la plupart des hommes qui ont le plus brillé dans la Révolution française. Sa bourse fut souvent aussi au service de son ami. Mais la comtesse, hors de France et devenue veuve, n'avait plus rien à revendiquer sur le continent. Son mari étant mort sur l'échafaud, elle ne pouvait plus être utile à M. de Talleyrand. Dans un état voisin de l'indigence, elle crut pouvoir s'adresser à celui qu'elle avait si souvent protégé, mais il fit la sourde oreille et s'excusa sur les fausses spéculations dont il prétendait avoir été victime et qui, disait-il, l'avaient complètement ruiné. »
Il est guillotiné en 1793 à l'âge de 68 ans.
Et Talleyrand dans tout ça ?
« La comtesse de Flahaut, écrit Bastide, femme d'esprit et dont les connaissances étendues avaient été utiles dans les salons de Paris à l'évêque d'Autun, qui rencontrait chez elle la plupart des hommes qui ont le plus brillé dans la Révolution française. Sa bourse fut souvent aussi au service de son ami. Mais la comtesse, hors de France et devenue veuve, n'avait plus rien à revendiquer sur le continent. Son mari étant mort sur l'échafaud, elle ne pouvait plus être utile à M. de Talleyrand. Dans un état voisin de l'indigence, elle crut pouvoir s'adresser à celui qu'elle avait si souvent protégé, mais il fit la sourde oreille et s'excusa sur les fausses spéculations dont il prétendait avoir été victime et qui, disait-il, l'avaient complètement ruiné. »
S'il serait outré de présenter Mme de Flahaut comme une veuve joyeuse, j'ai le regret de vous dire, les amis, qu'Adélaïde ne fut pas une veuve inconsolable ...
Ici nous retrouvons le jeune et sémillant lord Wycombe, mon cher Calonne.
En dépit de la différence d'âge entre lui et Mme de Flahaut, voici Wycombe, toujours aussi fougueusement épris, aux pieds d'Adélaïde redevenue sa maîtresse, avec une demande en mariage en bonne et due forme. Le marquis de Lansdowne, son père, y mit le hola et manoeuvra pour faire capoter le projet.
Nous tenons tous les détails de ces tribulations amoureuses du duc de Bassano qui en faisait des gorges chaudes pendant la Restauration.
Mme de Flahaut, comprenant, qu'elle n'avait plus rien à attendre ni de Talleyrand ni de Wycombe, et réduite à une détresse que lui rendaient encore plus intolérables les privations de son petit Charles, chercha dans son esprit ingénieux la plus honorable des ressources. Sous l'aiguillon de la misère, la femme du monde qu'elle était se révéla femme auteur, et la littérature française s'enrichit sous sa plume d'un joli roman que ses contemporains jugèrent comme un chef-d'œuvre : Adèle de Senange vit le jour.
Nous tenons tous les détails de ces tribulations amoureuses du duc de Bassano qui en faisait des gorges chaudes pendant la Restauration.
Mme de Flahaut, comprenant, qu'elle n'avait plus rien à attendre ni de Talleyrand ni de Wycombe, et réduite à une détresse que lui rendaient encore plus intolérables les privations de son petit Charles, chercha dans son esprit ingénieux la plus honorable des ressources. Sous l'aiguillon de la misère, la femme du monde qu'elle était se révéla femme auteur, et la littérature française s'enrichit sous sa plume d'un joli roman que ses contemporains jugèrent comme un chef-d'œuvre : Adèle de Senange vit le jour.
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
J'ai toujours eu une admiration certaine pour Talleyrand mais là, son comportement envers la pauvre Adélaïde est franchement dégueulasse...
Je savais que le vieux Flahaut avait été guillotiné mais j'ignorais son geste envers son avocat. Pour le coup, là ça a de la gueule et la classe d'un grand seigneur.
Je savais que le vieux Flahaut avait été guillotiné mais j'ignorais son geste envers son avocat. Pour le coup, là ça a de la gueule et la classe d'un grand seigneur.
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1130
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Ah, je suis bien d'accord et d'autant plus qu'il est le père de son enfant !Calonne a écrit:J'ai toujours eu une admiration certaine pour Talleyrand mais là, son comportement envers la pauvre Adélaïde est franchement dégueulasse...
Calonne a écrit:
Je savais que le vieux Flahaut avait été guillotiné mais j'ignorais son geste envers son avocat. Pour le coup, là ça a de la gueule et la classe d'un grand seigneur.
C'est tout à fait aussi l'avis d'André de Maricourt :
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Souffrant cruellement d'une maladie inflammatoire dont elle craint de ne pas guérir, n'ayant pas de quoi payer un copiste, Adélaïde est obligée de réécrire tout son manuscrit, avec le soin de mettre les points, les virgules, les majuscules, vérifier l'orthographe, maîtriser une belle calligraphie qu'un imprimeur étranger puisse lire ( elle écrit en français pour un éditeur anglais ) ... enfin toutes les exactitudes qui ne vont pas trop dans le sens de son caractère un peu paresseux. Elle s'astreint néanmoins avec courage à cet épuisant travail.
Publié au moment où les lugubres productions d'Anne Radclifte,
pionnière du roman gothique qui fera fureur au XIXe siècle, font frissonner ses lecteurs, le roman intime et rafraichissant d'Adèle de Senange devient rapidement à la mode par le contraste même qu'il offre avec la littérature contemporaine.
Moraliser les salons ! C'était là un rôle bien téméraire pour Mme de Flahaut , mais avant de crier à l'hypocrisie souvenons-nous qu'élevée dans un groupe de la société qui, doutant de lui-même, cherchait à se détruire au lieu de se réformer, privée elle-même du secours d'une religion qu'harcelaient sans trêve les utopistes, les philosophes et les littérateurs de ses amis, ayant appris à ne plus croire et à se dégager des devoirs de la vie conjugale, il n'est point étonnant que plus d'un faux pas ait marqué sa vie. Dans l'inconscient désir de se réhabiliter, de réparer de la main droite les erreurs de la main gauche, elle chercha à atteindre dans ses œuvres un certain idéal de pureté qu'elle pressentait.
J'adore ce M. de Maricourt, il est la bonté faite homme !
Eh bien, le croirez-vous, Mme de Flahaut fait un tabac ! Le succès littéraire de son Adèle est immense, et Adélaïde en est la première étonnée !
Avec les ressources qu'elle tire de son travail Mme de Flahaut peut subvenir à ses propres besoins et à ceux de son jeune fils. Pendant plus d'un an, elle partage son temps entre Mickleham et Londres.
Mme de Flahaut passe dans la capitale anglaise l'hiver de 1794 et, tenez-vous bien les amis, sans rancune, elle sert de messagère complaisante entre Talleyrand et Mme de Staël qui est retournée en France !!! Elle continue d'ailleurs toujours de correspondre avec l'ancien évêque d'Autun quand il s'embarque pour le nouveau monde. Les rapports humains sont chose bougrement compliquée !
Cependant ses ressources s'épuisent, Adélaïde estime que la vie est trop dispendieuse pour elle en Angleterre et, pendant le cours de l'été de 1794, elle quitte Mickleham pour continuer sa route à travers le monde.
Et nous la suivrons bientôt en Suisse, si le coeur vous en dit !
Publié au moment où les lugubres productions d'Anne Radclifte,
pionnière du roman gothique qui fera fureur au XIXe siècle, font frissonner ses lecteurs, le roman intime et rafraichissant d'Adèle de Senange devient rapidement à la mode par le contraste même qu'il offre avec la littérature contemporaine.
Moraliser les salons ! C'était là un rôle bien téméraire pour Mme de Flahaut , mais avant de crier à l'hypocrisie souvenons-nous qu'élevée dans un groupe de la société qui, doutant de lui-même, cherchait à se détruire au lieu de se réformer, privée elle-même du secours d'une religion qu'harcelaient sans trêve les utopistes, les philosophes et les littérateurs de ses amis, ayant appris à ne plus croire et à se dégager des devoirs de la vie conjugale, il n'est point étonnant que plus d'un faux pas ait marqué sa vie. Dans l'inconscient désir de se réhabiliter, de réparer de la main droite les erreurs de la main gauche, elle chercha à atteindre dans ses œuvres un certain idéal de pureté qu'elle pressentait.
J'adore ce M. de Maricourt, il est la bonté faite homme !
Eh bien, le croirez-vous, Mme de Flahaut fait un tabac ! Le succès littéraire de son Adèle est immense, et Adélaïde en est la première étonnée !
Avec les ressources qu'elle tire de son travail Mme de Flahaut peut subvenir à ses propres besoins et à ceux de son jeune fils. Pendant plus d'un an, elle partage son temps entre Mickleham et Londres.
Mme de Flahaut passe dans la capitale anglaise l'hiver de 1794 et, tenez-vous bien les amis, sans rancune, elle sert de messagère complaisante entre Talleyrand et Mme de Staël qui est retournée en France !!! Elle continue d'ailleurs toujours de correspondre avec l'ancien évêque d'Autun quand il s'embarque pour le nouveau monde. Les rapports humains sont chose bougrement compliquée !
Cependant ses ressources s'épuisent, Adélaïde estime que la vie est trop dispendieuse pour elle en Angleterre et, pendant le cours de l'été de 1794, elle quitte Mickleham pour continuer sa route à travers le monde.
Et nous la suivrons bientôt en Suisse, si le coeur vous en dit !
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Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Le voyage s'effectue à petites étapes. Mme de Flahaut et son jeune fils font escale en Hollande. Ainsi, en août 1794, les rencontrons-nous à Utrecht.
Quelques jours plus tard Adélaïde est reçue à dîner à Briel, chez l'agent consulaire anglais. Il reçoit une nombreuse compagnie. La comtesse de Besborough et lord Elgin sont au nombre des invités de marque. Personne n'accorde aucune attention à la pauvre émigrée. A peine l'honore-t-on d'un sourire de protection et la voilà reléguée en bout de la table ... Cependant l'aimable lady Besborough est touchée par la grâce de l'étrangère. D'un air riant, elle décline avec aisance la place d'honneur que lui offre le maître de céans, et elle y appelle l'auteur d' Adèle de Senange.
by Anne Mee (British, b. ca. 1760–1851)
Portrait miniature of Lady Bessborough,
soeur de la duchesse Georgiana de Devonshire.
Bientôt nous retrouvons Mme de Flahaut en Suisse. Au mois d'octobre de l'année 1794, elle arrive avec son fils dans la jolie ville de Bremgarten.
Le château sur la presqu'île formée par la boucle de l'Aar,
aquarelle réalisée en 1650 par Albrecht Kauw (Musée d'Histoire de Berne)
Photographie Stefan Rebsamen. […]
Elle y est invitée en Suisse, par son fidèle ami Montesquiou, un ancien habitué de son salon au Vieux Louvre, et celui-là même qui lui avait préfacé son Adèle.
Montesquiou lui recommanda l'un de ses protégés : M. Corbie... Coup de théâtre que cette entrevue !!!
Mme de Flahaut reconnut sans peine un visage très familier aux Parisiens, entrevu souvent par elle aux fêtes du Palais-Royal, l'objet de l'amour et de l'estime des Constitutionnels : Louis-Philippe de Bourbon duc d'Orléans !
L'horreur qu'inspirait le nom de son père et le cuisant mépris qui poursuivait Mme de Genlis, également établie avec sa soeur Adélaïde à Bremgarten, dans un couvent, ne lui facilitaient pas la vie ! Le jeune prince commençait à revenir de son aveugle soumission aux idées de son ancien « gouverneur en jupons ». Il jugeait désormais avec sévérité celle qui avait causé le malheur de sa mère. C'est Mme de Flahaut qu'il choisit comme confidente de sa solitude morale et de son ardent désir de secouer lui-même le joug.
Adélaïde non plus n'aimait pas Mme de Genlis. Et comme, d'autre part, elle était serviable et compatissante, voici qu'elle se mit en quatre pour aider le jeune prince. Il ne désirait que quitter la Suisse au plus vite pour gagner les Etats-Unis.
Or qui Mme de Flahaut connaissait-elle outre-Atlantique ? Eh ! ce cher et inoxydable Gouverneur Morris, bien-sûr ! Il était du reste un ancien commensal du Palais-Royal et un ami fidèle de la duchesse d'Orléans.
Morris approuva le projet . Il envoya cent louis pour défrayer le voyage de Louis-Philippe d'Orléans à Hambourg. De là le jeune prince devait s'embarquer pour les Etats-Unis, où la protection du Gouvernement américain lui était assurée.
Adélaïde remercie très chaleureusement Gouverneur Morris pour sa lettre affectueuse et consolante . Elle lui annonce qu'elle accompagnera Louis-Philippe à Hambourg où il leur faudra trouver une maisonnette à l'écart de la ville, car le prince ne veut en aucun cas, à Hambourg, tomber inopinément sur le général Valence avec une nièce de Mme de Sillery, ni sur un certain M. Rivery, aide de camp de M. de Valence.
Désormais, étrangement, Adélaïde n'appelle plus le prince que " mon cousin ".
Elle conclut ainsi sa lettre :
« Nous partirons donc, moi et ma femme de chambre, et lui, et son fidèle domestique, dont je vous ai parlé. Je ne puis trouver de paroles pour exprimer combien je suis sensible à votre bonté. »
Au bas de cette lettre, un post-scriptum du duc d'Orléans exprimait ses remerciements à Gouverneur Morris pour les bienfaits « que je dois, écrivait-il, à ma mère et à notre excellente amie ».
Quelques jours plus tard Adélaïde est reçue à dîner à Briel, chez l'agent consulaire anglais. Il reçoit une nombreuse compagnie. La comtesse de Besborough et lord Elgin sont au nombre des invités de marque. Personne n'accorde aucune attention à la pauvre émigrée. A peine l'honore-t-on d'un sourire de protection et la voilà reléguée en bout de la table ... Cependant l'aimable lady Besborough est touchée par la grâce de l'étrangère. D'un air riant, elle décline avec aisance la place d'honneur que lui offre le maître de céans, et elle y appelle l'auteur d' Adèle de Senange.
by Anne Mee (British, b. ca. 1760–1851)
Portrait miniature of Lady Bessborough,
soeur de la duchesse Georgiana de Devonshire.
Bientôt nous retrouvons Mme de Flahaut en Suisse. Au mois d'octobre de l'année 1794, elle arrive avec son fils dans la jolie ville de Bremgarten.
Le château sur la presqu'île formée par la boucle de l'Aar,
aquarelle réalisée en 1650 par Albrecht Kauw (Musée d'Histoire de Berne)
Photographie Stefan Rebsamen. […]
Elle y est invitée en Suisse, par son fidèle ami Montesquiou, un ancien habitué de son salon au Vieux Louvre, et celui-là même qui lui avait préfacé son Adèle.
Montesquiou lui recommanda l'un de ses protégés : M. Corbie... Coup de théâtre que cette entrevue !!!
Mme de Flahaut reconnut sans peine un visage très familier aux Parisiens, entrevu souvent par elle aux fêtes du Palais-Royal, l'objet de l'amour et de l'estime des Constitutionnels : Louis-Philippe de Bourbon duc d'Orléans !
L'horreur qu'inspirait le nom de son père et le cuisant mépris qui poursuivait Mme de Genlis, également établie avec sa soeur Adélaïde à Bremgarten, dans un couvent, ne lui facilitaient pas la vie ! Le jeune prince commençait à revenir de son aveugle soumission aux idées de son ancien « gouverneur en jupons ». Il jugeait désormais avec sévérité celle qui avait causé le malheur de sa mère. C'est Mme de Flahaut qu'il choisit comme confidente de sa solitude morale et de son ardent désir de secouer lui-même le joug.
Adélaïde non plus n'aimait pas Mme de Genlis. Et comme, d'autre part, elle était serviable et compatissante, voici qu'elle se mit en quatre pour aider le jeune prince. Il ne désirait que quitter la Suisse au plus vite pour gagner les Etats-Unis.
Or qui Mme de Flahaut connaissait-elle outre-Atlantique ? Eh ! ce cher et inoxydable Gouverneur Morris, bien-sûr ! Il était du reste un ancien commensal du Palais-Royal et un ami fidèle de la duchesse d'Orléans.
Morris approuva le projet . Il envoya cent louis pour défrayer le voyage de Louis-Philippe d'Orléans à Hambourg. De là le jeune prince devait s'embarquer pour les Etats-Unis, où la protection du Gouvernement américain lui était assurée.
Adélaïde remercie très chaleureusement Gouverneur Morris pour sa lettre affectueuse et consolante . Elle lui annonce qu'elle accompagnera Louis-Philippe à Hambourg où il leur faudra trouver une maisonnette à l'écart de la ville, car le prince ne veut en aucun cas, à Hambourg, tomber inopinément sur le général Valence avec une nièce de Mme de Sillery, ni sur un certain M. Rivery, aide de camp de M. de Valence.
Désormais, étrangement, Adélaïde n'appelle plus le prince que " mon cousin ".
Elle conclut ainsi sa lettre :
« Nous partirons donc, moi et ma femme de chambre, et lui, et son fidèle domestique, dont je vous ai parlé. Je ne puis trouver de paroles pour exprimer combien je suis sensible à votre bonté. »
Au bas de cette lettre, un post-scriptum du duc d'Orléans exprimait ses remerciements à Gouverneur Morris pour les bienfaits « que je dois, écrivait-il, à ma mère et à notre excellente amie ».
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55506
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Leurs contemporains s'étonnèrent de tant d'intimité subite entre Mme de Flahaut et Louis-Philippe d'Orléans, de cette sollicitude si grande d'une femme encore jeune pour un prince de vingt-deux ans, cette brusque décision qui amenait Adélaïde à quitter une sécurité paisible pour errer à travers le monde en compagnie du duc d'Orléans. Certains voyaient dans cette appellation de " cousin " une allusion de mauvais goût aux liaisons de Louis XV et de Mme Filleul ... bref, les langues allaient bon train. Ce voyage allait-il s'effectuer en tout bien tout honneur ? A. de Maricourt repousse le doute avec sa bienveillance coutumière.
Les voilà donc qui partent, le 10 mars 1795, nos deux voyageurs, accompagnés de Montjoye, un fidèle écuyer du prince, de son domestique Beaudoin et de la femme de chambre de Mme de Flahaut, pour traverser l'Allemagne entière.
Pour la santé fragile de Mme de Flahaut, cet interminable voyage en berline sur de mauvaises routes est une épreuve à laquelle ses nerfs délicats ne résistent pas. Les émigrés sont mal vus. C'est affiché en toutes lettres : « On ne laisse séjourner ici ni juifs, ni vagabonds, ni gens sans aveu, ni émigrés . » Souvent il faut voyager de nuit. A Brunswick, elle tombe malade et fait une halte de plusieurs jours dans cette ville.
Elle rejoint ensuite le prince dans le village de Neuenstadt où il s'est arrêté dans une auberge sordide.
« Il n'y a pas moyen de nous arranger dans cette maison, écrit-elle à Gouverneur Morris, jamais il n'y a eu dans un donjon de prisonniers plus malheureux que nous; mon cousin a eu, hier, une fièvre violente, et moi je gèle à en mourir ! »
Aussitôt Morris délie sa bourse et envoie des subsides.
Le prince décide de pousser vers le Danemark retardant son départ pour l'Amérique. Or Mme de Flahaut descendit le cours de l'Elbe jusqu'à la Baltique, s'arrêta dans le petit port de Cuxhaven et s'en fut en Danemark jusqu'à Kiel. Comme ce fut exactement l'itinéraire suivi par le prince, le baron de Maricourt se demande benoîtement s'il faut y voir une coïncidence ou bien si Adélaïde et Louis-Philippe voyageaient encore ensemble ...
C'est dans son roman Eugénie et Mathilde que Mme de Flahaut peindra ses terribles impressions d'émigration. Elle ne quittera Hambourg qu'en 1797. Chaque année, chaque jour ont enlevé aux émigrés quelque chose de leurs espoirs, ont effeuillé quelques-unes de leurs illusions. Ils savent bien maintenant qu'en France une seule perspective leur demeure, celle de la guillotine. Alors, sans envisager la possibilité du retour, ils se sont mis courageusement au travail.
A Hambourg, le marquis de Romance vend du vin et la comtesse d'Asfeld des comestibles, Mme de Bermond est marchande de modes, M. de Milon est aubergiste, M. de Saint-Hilaire est tapissier... Il semble en vérité que les preuves de noblesse exigées jadis pour le chapitre de Remiremont ou l'ordre de Malte soient maintenant nécessaires pour obtenir les patentes du négoce.
Adélaïde a pris contact avec une modiste pour laquelle elle fabriquera des chapeaux .
Et puis, bien-sûr, elle continue d'écrire.
Les voilà donc qui partent, le 10 mars 1795, nos deux voyageurs, accompagnés de Montjoye, un fidèle écuyer du prince, de son domestique Beaudoin et de la femme de chambre de Mme de Flahaut, pour traverser l'Allemagne entière.
Pour la santé fragile de Mme de Flahaut, cet interminable voyage en berline sur de mauvaises routes est une épreuve à laquelle ses nerfs délicats ne résistent pas. Les émigrés sont mal vus. C'est affiché en toutes lettres : « On ne laisse séjourner ici ni juifs, ni vagabonds, ni gens sans aveu, ni émigrés . » Souvent il faut voyager de nuit. A Brunswick, elle tombe malade et fait une halte de plusieurs jours dans cette ville.
Elle rejoint ensuite le prince dans le village de Neuenstadt où il s'est arrêté dans une auberge sordide.
« Il n'y a pas moyen de nous arranger dans cette maison, écrit-elle à Gouverneur Morris, jamais il n'y a eu dans un donjon de prisonniers plus malheureux que nous; mon cousin a eu, hier, une fièvre violente, et moi je gèle à en mourir ! »
Aussitôt Morris délie sa bourse et envoie des subsides.
Le prince décide de pousser vers le Danemark retardant son départ pour l'Amérique. Or Mme de Flahaut descendit le cours de l'Elbe jusqu'à la Baltique, s'arrêta dans le petit port de Cuxhaven et s'en fut en Danemark jusqu'à Kiel. Comme ce fut exactement l'itinéraire suivi par le prince, le baron de Maricourt se demande benoîtement s'il faut y voir une coïncidence ou bien si Adélaïde et Louis-Philippe voyageaient encore ensemble ...
C'est dans son roman Eugénie et Mathilde que Mme de Flahaut peindra ses terribles impressions d'émigration. Elle ne quittera Hambourg qu'en 1797. Chaque année, chaque jour ont enlevé aux émigrés quelque chose de leurs espoirs, ont effeuillé quelques-unes de leurs illusions. Ils savent bien maintenant qu'en France une seule perspective leur demeure, celle de la guillotine. Alors, sans envisager la possibilité du retour, ils se sont mis courageusement au travail.
A Hambourg, le marquis de Romance vend du vin et la comtesse d'Asfeld des comestibles, Mme de Bermond est marchande de modes, M. de Milon est aubergiste, M. de Saint-Hilaire est tapissier... Il semble en vérité que les preuves de noblesse exigées jadis pour le chapitre de Remiremont ou l'ordre de Malte soient maintenant nécessaires pour obtenir les patentes du négoce.
Adélaïde a pris contact avec une modiste pour laquelle elle fabriquera des chapeaux .
Et puis, bien-sûr, elle continue d'écrire.
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Mme de Flahaut continue d'écrire, préparant les romans qu'elle publiera plus tard en France. Elle rédige aussi des articles pour le journal Spectateur du Nord. . Entre ces émigrés, une vie de salon clopine sur trois pattes. Les débris honorables d'une grande fortune permettent à la princesse de Vaudémont de tenir table ouverte pour les émigrés pauvres. Un autre salon a ouvert ses portes, celui des Ducrest de Saint-Aubin, Ducrest ami et chancelier de Philippe-Egalité, frère de Mme de Genlis, et Mme Pradher, sa femme. Adélaïde les voit sans cesse, et le jeune Charles de Flahaut est le compagnon de jeux de leur fille Georgette .
Mme de Genlis, réfugiée comme son frère à Hambourg et de laquelle on disait : « La vertu n'en veut pas, le vice n'en veut plus », était résolument boudée par la bonne compagnie.
Alexandre de Tillyet Chênedollé Mme de Genlis, réfugiée comme son frère à Hambourg et de laquelle on disait : « La vertu n'en veut pas, le vice n'en veut plus », était résolument boudée par la bonne compagnie.
font souvent les honneurs du petit salon de Mme de Flahaut.
Nature élégiaque, âme tendre et douce, Chênedollé était l'ami de Rivarol avant de devenir celui de Chateaubriand. Il composait à Hambourg un nouveau Dictionnaire de la langue française qui assurait son pain. Les causeries littéraires dont l'honorait Mme Flahaut exerçaient sur lui un irrésistible charme et plus tard, au seuil de sa vieillesse, il parlera encore de cette « aimable femme, qui faisait quand elle le voulait des yeux de velours ».
Mais Chênedollé quitte Hambourg, passe en Suisse et devient l'admirateur respectueux de la châtelaine de Coppet... un admirateur d'Adélaïde de plus que Germaine lui pique sous le nez. C'est un monde ! D'ailleurs qu'importe Chênedollé à Mme de Flahaut, voici que déboule à Hambourg le trio de choc : Talleyrand, Gouverneur Morris et Wycombe !
Alors recommencent entre Adélaïde et Morris la bonne intimité d'antan, les longues causeries pimentées de confidences mystérieuses sur les affaires du pays car la fine mouche est en bons termes avec Reinhardt, l'agent du gouvernement français, ami comme elle du duc d'Orléans ; et Roberjot, ministre des Relations extérieures. Elle sait tout !
Qu'en est-il du lord Wycombe ?
Gouverneur Morris éclaire notre chandelle :
Elle avait des projets sur lui, à savoir de l'épouser; et il croit qu'elle a fait beaucoup de mal pour y arriver. Il est de ces hommes qui vont loin quand ils se sont mis en route, et il en croit plus qu'il n'est juste. Dans le temps, je soupçonnais leur liaison d'être ce qu'elle se trouve avoir été et, à son arrivée à Paris, elle lui envoya son domestique avec une lettre pleine de tendresse et de sensibilité mourante ( ) . Je m'aperçois qu'elle l'a presque pris dans la nasse matrimoniale, et il semble en être furieux.
Adélaïde accueille très froidement Talleyrand, et le fossé que Mme de Staël a creusé à Londres prendra bientôt les proportions d'un abîme. Ce seront désormais entre eux des relations polies, avec des alternatives de cordialité ou d'animosité, selon que Talleyrand usera envers elle de son crédit pour la servir ou de sa perfidie pour lui nuire.
Comme le hasard fait bien les choses, voici qu'apparaît à Hambourg un frêle Portugais, le baron de Souza, ambassadeur au Danemark. Il a lu Adèle de Senange et brûle de connaître son auteur ...
Je parie que vous me voyez venir avec mes gros sabots !
Mais Chênedollé quitte Hambourg, passe en Suisse et devient l'admirateur respectueux de la châtelaine de Coppet... un admirateur d'Adélaïde de plus que Germaine lui pique sous le nez. C'est un monde ! D'ailleurs qu'importe Chênedollé à Mme de Flahaut, voici que déboule à Hambourg le trio de choc : Talleyrand, Gouverneur Morris et Wycombe !
Alors recommencent entre Adélaïde et Morris la bonne intimité d'antan, les longues causeries pimentées de confidences mystérieuses sur les affaires du pays car la fine mouche est en bons termes avec Reinhardt, l'agent du gouvernement français, ami comme elle du duc d'Orléans ; et Roberjot, ministre des Relations extérieures. Elle sait tout !
Qu'en est-il du lord Wycombe ?
Gouverneur Morris éclaire notre chandelle :
Elle avait des projets sur lui, à savoir de l'épouser; et il croit qu'elle a fait beaucoup de mal pour y arriver. Il est de ces hommes qui vont loin quand ils se sont mis en route, et il en croit plus qu'il n'est juste. Dans le temps, je soupçonnais leur liaison d'être ce qu'elle se trouve avoir été et, à son arrivée à Paris, elle lui envoya son domestique avec une lettre pleine de tendresse et de sensibilité mourante ( ) . Je m'aperçois qu'elle l'a presque pris dans la nasse matrimoniale, et il semble en être furieux.
Adélaïde accueille très froidement Talleyrand, et le fossé que Mme de Staël a creusé à Londres prendra bientôt les proportions d'un abîme. Ce seront désormais entre eux des relations polies, avec des alternatives de cordialité ou d'animosité, selon que Talleyrand usera envers elle de son crédit pour la servir ou de sa perfidie pour lui nuire.
Comme le hasard fait bien les choses, voici qu'apparaît à Hambourg un frêle Portugais, le baron de Souza, ambassadeur au Danemark. Il a lu Adèle de Senange et brûle de connaître son auteur ...
Je parie que vous me voyez venir avec mes gros sabots !
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Mme de Sabran- Messages : 55506
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Adélaïde accueille très froidement Talleyrand
Vu comme il l'a envoyée sur les roses auparavant quand elle avait besoin d'aide, je trouve qu'elle a déjà été bien gentille de l'accueillir, tout simplement...
Alexandre de Tilly, c'est celui qui était l'ancien page de la reine ?
Vu comme il l'a envoyée sur les roses auparavant quand elle avait besoin d'aide, je trouve qu'elle a déjà été bien gentille de l'accueillir, tout simplement...
Alexandre de Tilly, c'est celui qui était l'ancien page de la reine ?
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1130
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Adélaïde Filleul, comtesse de Flahaut puis baronne de Souza ...
Nous sommes d'accord !Calonne a écrit:Adélaïde accueille très froidement Talleyrand
Vu comme il l'a envoyée sur les roses auparavant quand elle avait besoin d'aide, je trouve qu'elle a déjà été bien gentille de l'accueillir, tout simplement...
Calonne a écrit: Alexandre de Tilly, c'est celui qui était l'ancien page de la reine ?
Eh bien écoute, je suppose car A. de Maricourt écrit : " le beau Tilly ", et Tilly avait une réputation de tombeur, si je ne m'abuse.
Il nous a parlé précédemment d'un " Tilly d'Acosta ", portugais, qui se trouvait être le beau-père de ce financier Bouret, protecteur de Mme Filleul et père probable de Mme de Flahaut . Il ne saurait s'agir de celui-ci.
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