Pierre Charles L'Enfant, fondateur de la ville de Washington.
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Pierre Charles L'Enfant, fondateur de la ville de Washington.
Pierre Charles L'Enfant naquit le 2 août 1754, à la Manufacture des Gobelins . Il était le deuxième fils de Pierre Lenfant (ainsi l'écrivait-on initialement), lui-même issu d'une longue lignée d'artistes attachés à la Manufacture des Gobelins. Peintre officiel de la Cour de France, spécialiste des scènes de guerre, le château de Versailles conserve quatre de ces batailles pour le roi, déposées dans les années 2000 dans un salon au rez-de-chaussée de l'ancien ministère de la Guerre (actuelle École du Génie) de Versailles : Prise de Menin, Siège de Fribourg, Siège de Tournai et Siège de Mons.
On attribue généralement également à Pierre Lenfant père le tableau du maître-autel de l’église de Dreux figurant saint Pierre aux liens. C'est d'ailleurs Pierre qui se chargea lui-même de la formation artistique du jeune Pierre Charles, et le fit entrer à l'Académie royale de peinture et de sculpture.
On attribue généralement également à Pierre Lenfant père le tableau du maître-autel de l’église de Dreux figurant saint Pierre aux liens. C'est d'ailleurs Pierre qui se chargea lui-même de la formation artistique du jeune Pierre Charles, et le fit entrer à l'Académie royale de peinture et de sculpture.
Vue perspective du sallon de l’Académie royale de peinture et de sculpture au Louvre à Paris : [estampe].
(c) Gallica, BNF
Très tôt, il l'associa à son œuvre et l'emmena souvent au château de Versailles. Le jeune homme assista aux travaux d'embellissement qu'y menait Jacques-Ange Gabriel, notamment la construction du Petit Trianon. Ces impressions d'adolescent le marqueront profondément. Les scènes de bataille lui enseigneront l'art de la guerre et les grands travaux de Versailles l'initieront à l'architecture. À l'époque, l'école française d'architecture domine la scène européenne. Dans le droit fil des grands maîtres du siècle précédent, tels Mansart et Le Vau, toute une pléiade d'architectes va lancer le néo-classicisme dont les canons sont définis dans l'Essai sur l'Architecture que l'abbé Marc-Antoine Laugier, publie en 1755.
On peut penser que Pierre Charles l'a lu. En tout cas, un grand Américain en fera son livre de chevet: Thomas Jefferson, deux fois président des États-Unis d'Amérique.
En France, Jefferson s'était enthousiasmé pour l'architecture néo-classique et avait suivi de près la construction de l'hôtel de Salm qui servira de modèle à la Maison Blanche. Sa résidence de Monticello et le parlement de l'État de Virginie sont dans ce même style
Tout cela influera profondément sur la carrière de L'Enfant.
En 1776, le général Washington envoie en Europe Silas Dean, chargé de recruter des cadres, des officiers d'artillerie et du génie, les deux « armes savantes ». Pierre Charles L'Enfant a 22 ans; il n'est ni officier, ni même architecte, mais il dessine bien et déborde d'enthousiasme. Il quitte la France le 14 décembre 1776, avec un détachement aux ordres de Philippe Charles Tronson du Coudray (c'est-à-dire avant La Fayette qui ne partira qu'en avril 1777). Après force péripéties et une traversée mouvementée, l'Amphitrite, sur laquelle L'Enfant a pris place, arrive à Portsmouth, le 21 avril 1777.
L'Enfant va côtoyer tous les acteurs de l'indépendance américaine, va lui offrir l'occasion de se distinguer - encore une fois grâce au dessin - en illustrant le Manuel de discipline que rédige alors le baron von Steuben.
L'Enfant va côtoyer tous les acteurs de l'indépendance américaine, va lui offrir l'occasion de se distinguer - encore une fois grâce au dessin - en illustrant le Manuel de discipline que rédige alors le baron von Steuben.
Regulations for the Order and Discipline of the Troops of the United States
Friedrich Wilhelm Ludolf Gerhard Augustin, Baron von Steuben
Philadelphia: Printed by Styner and Cist, 1779
The Robert Charles Lawrence Fergusson Collection
C'est aussi à Valley Forge que La Fayette sera initié à la Franc-Maçonnerie par le frère Washington, en même temps que beaucoup d'autres officiers étrangers. L'Enfant fut, semble-t-il, du nombre.
“Pierre Charles L’Enfant,”
Allyn Cox, oil on canvas applied to the ceiling of the U.S. Capitol, 1973–1974.
(From the Architect of the Capitol. www.aoc.gov/cc/photo-gallery)/cox_corridors.cfm.)
Toujours est-il qu'il se fait connaître et apprécier et qu'après l'avoir félicité et promu, on l'affecte à l'armée Lincoln, envoyée dans le Sud pour reprendre aux Anglais la ville de Savannah. L'assaut est donné le 9 octobre 1779 et, au cours des rudes combats qui s'ensuivent, L'Enfant est grièvement blessé à la jambe. Sa blessure ne l'empêche pas de continuer à combattre jusqu'à la reddition de toute l'armée Lincoln aux Anglais et une captivité (sur parole) de 19 mois.
Une fois la guerre d'indépendance terminée et la paix signée à Paris le 3 septembre 1783, le moment vint pour le corps expéditionnaire français de rentrer au pays. Avant la grande dispersion, les officiers américains voulurent perpétuer la fraternité d'armes qui était née au cours des combats, en fondant une Institution, une Société d'Amis, qu'ils appelèrent Société des Cincinnati, en souvenir de Lucius Quinctius Cincinnatus, notable retiré à la campagne à qui la République romaine donna les pleins pouvoirs, qui la sauva de l'invasion des Éques et, après seulement quatre jours de dictature, s'en retourna « cultiver son jardin ». L'allusion au général Washington était évidente.
Deux mille officiers adhérèrent à la Société qui compta 14 sections, treize pour chacun des États de la toute nouvelle Union, et une quatorzième pour la France. L'Enfant joua un double rôle dans la fondation de cette société: en dessinant sa médaille « qui serait distribuée à chaque membre en même temps qu'un diplôme sur parchemin » ...
... et en se rendant en France, en 1784, pour faire graver les médailles et constituer la section française de la Société dont il dessina le drapeau. Si la section française périt dans la tourmente révolutionnaire en 1792, les sections américaines, formées de descendants des fondateurs, sont toujours bien vivantes.
De retour à New York, L'Enfant trouve une ville dévastée par la guerre et en partie détruite par l'incendie de 1776. Tout ou presque est à reconstruire, d'autant plus que les New yorkais voudraient que leur ville devienne la capitale de l'Union. L'Enfant qui a terminé la guerre avec le grade de commandant (major) du génie, paré du prestige de la vieille Europe, devient vite l'architecte à la mode (the lion architect). On lui confie des travaux de restauration et d'embellissement d'immeubles. Il s'affirme aussi comme styliste et dessine des meubles pour la maison Duncan Phyfe. Il est chargé d'organiser la Grande Parade pour célébrer la Constitution de 1788 et de transformer l'hôtel de ville en Federal Hall, édifice destiné à accueillir le Congrès.
De retour à New York, L'Enfant trouve une ville dévastée par la guerre et en partie détruite par l'incendie de 1776. Tout ou presque est à reconstruire, d'autant plus que les New yorkais voudraient que leur ville devienne la capitale de l'Union. L'Enfant qui a terminé la guerre avec le grade de commandant (major) du génie, paré du prestige de la vieille Europe, devient vite l'architecte à la mode (the lion architect). On lui confie des travaux de restauration et d'embellissement d'immeubles. Il s'affirme aussi comme styliste et dessine des meubles pour la maison Duncan Phyfe. Il est chargé d'organiser la Grande Parade pour célébrer la Constitution de 1788 et de transformer l'hôtel de ville en Federal Hall, édifice destiné à accueillir le Congrès.
Ce chantier va lui valoir les éloges les plus flatteurs et l'estime du général-président Washington.
En 1791, Pierre Charles L'Enfant rencontra le président George Washington pour montrer son esquisse du « palais du président » , qui faisait cinq fois la taille de l'actuelle Maison Blanche, sur le site d'origine de President's Park.
Avec sagesse, les Pères fondateurs jugent que la capitale fédérale doit être installée « en terrain neutre », à égale distance du Nord et du Sud. En vertu d'une des sections de l'article premier de la Constitution, le Congrès adopte, le 16 juillet 1790, le Residence Act qui autorise la délimitation et la constitution d'un territoire autonome (auquel on donnera le nom de Columbia) de dix miles carrés, le long du Potomac, entre le Bras oriental du fleuve et Connogochegue Creek, pour l'installation permanente du siège du gouvernement fédéral.
Plan de la ville de Washington et du territoire de Columbia, destinés à devenir le siège permanent du gouvernement des États-Unis, présenté par Pierre Charles L'Enfant en 1791.
Un concours est lancé et L'Enfant le remporte. Il se met immédiatement au travail. Avec l'aide de géomètres, les frères Andrew et Joseph Ellicott, et d'un Noir libre, Benjamin Banneker, il entreprend le relevé topographique et l'arpentage de la future ville. L'Enfant voit grand. Il veut non seulement doter le pays d'une capitale, mais également instaurer un nouvel ordre architectural, le style fédéral. Celui-ci s'inspirera du néo-classicisme, mais en y intégrant des éléments propres et, surtout, une dimension à la mesure de l'immense pays en devenir. Il dessine un plan en damier dont la monotonie sera rompue par de grandes avenues rayonnant en diagonales, inspirées des jardins de Versailles.
Plan de Versailles. On distingue très bien le château, la pièce d'eau des Suisses et les jardins dont la disposition en damier coupé par des diagonales inspirera le plan de la capitale fédérale.
Il veut de grands espaces verts et de vastes perspectives qui seront dominés par le Capitole, siège du pouvoir législatif.
D'aucuns ont prétendu que le plan de la ville de Washington portait une signature maçonnique. À leurs yeux, outre le compas nettement apparent, on distingue une équerre constituée par Independence Avenue et la 14ème rue, avec Pennsylvania Avenue comme hypoténuse. D'autres ont cru distinguer aussi un pentagramme. Certes, les Pères fondateurs de la nation américaine étaient pétris de l'esprit des Lumières et bon nombre d'entre eux adhéraient aux idéaux de liberté et de fraternité de la Franc-Maçonnerie. L'Enfant lui-même aurait été initié et reçu apprenti pendant son séjour à Valley Forge. Mais, avec un plan de ville en damier coupé d'avenues en diagonales, toutes les figures géométriques sont possibles et peut-être pourrait-on en trouver dans le plan des jardins de Versailles qui a servi de modèle.
Tout cela est très beau et très majestueux, mais le territoire où la ville sera construite n'est pas une res nullius, il appartient à quelques grands propriétaires qui entendent être indemnisés. D'ailleurs, tout se fera sous l'autorité de trois Commissaires (un planteur, un général et un médecin) qui chapeautent le travail de L'Enfant. Et ce sera le nœud du problème. Les architectes n'aiment jamais être tenus en lisières...
Il n'empêche, dans un délai record et au prix d'une intense activité, L'Enfant et ses collaborateurs tracent un plan directeur qu'ils soumettent en 1791. C'est le fameux Grand plan dont l'application va se heurter à bien des obstacles.
Il n'empêche, dans un délai record et au prix d'une intense activité, L'Enfant et ses collaborateurs tracent un plan directeur qu'ils soumettent en 1791. C'est le fameux Grand plan dont l'application va se heurter à bien des obstacles.
En effet, des propriétaires notamment Daniel Carroll of Duddington
... veulent construire ou ont déjà construit des demeures à l'emplacement de certaines des artères que L'Enfant entend ouvrir. Le Président prône la conciliation, L'Enfant tente de forcer la décision. Sans doute oublie-t-il qu'il ne vit plus dans une monarchie absolue, mais dans un état de droit (under the rule of law) et que, fût-il président, George Washington ne peut s'opposer aux décisions des Commissaires.
Washington doit céder ... veulent construire ou ont déjà construit des demeures à l'emplacement de certaines des artères que L'Enfant entend ouvrir. Le Président prône la conciliation, L'Enfant tente de forcer la décision. Sans doute oublie-t-il qu'il ne vit plus dans une monarchie absolue, mais dans un état de droit (under the rule of law) et que, fût-il président, George Washington ne peut s'opposer aux décisions des Commissaires.
En février 1792, c'est la rupture. Face à l'attitude ferme du Président, L'Enfant démissionne et se retire en emportant ses plans et ses études. Accueilli chez des amis, il se mure dans le silence. Finalement, ce sont ses collaborateurs qui, de mémoire, vont reconstituer les plans de la ville fédérale.
Les travaux de la Federal City, imaginée par L'Enfant, ne sont que partiellement exécutés de son vivant. En 1793, le projet lui est retiré et, par dépit, il emporte ses plans avec lui.
Les travaux de la Federal City, imaginée par L'Enfant, ne sont que partiellement exécutés de son vivant. En 1793, le projet lui est retiré et, par dépit, il emporte ses plans avec lui.
Cependant, Benjamin Banneker
astronome, mathématicien, fabricant d'horloges et éditeur afro-américain, reproduit de mémoire ( la sienne est prodigieuse ! ) la majeure partie des plans de L'Enfant et permet ainsi la construction de la ville nouvelle. Il travaille avec les géomètres Andrew et Joseph Ellicott.
astronome, mathématicien, fabricant d'horloges et éditeur afro-américain, reproduit de mémoire ( la sienne est prodigieuse ! ) la majeure partie des plans de L'Enfant et permet ainsi la construction de la ville nouvelle. Il travaille avec les géomètres Andrew et Joseph Ellicott.
À cause de sa réaction, L'Enfant était tombé en disgrâce et il ne sera jamais payé, passant une grande partie du reste de sa vie à essayer d'obtenir du Congrès des dizaines de milliers de dollars en rémunération de son travail. Après un certain nombre d'années, le Congrès lui versera finalement une petite somme, qui ira dans sa quasi-totalité à ses créanciers. On lui offre un poste de professeur de génie civil à West Point en 1812, mais hélas, il le refuse.
Ce sont aussi d'autres architectes talentueux qui vont édifier le Capitole et la Maison du Président (on ne l'appelle pas encore la Maison blanche), dont L'Enfant avait situé l'emplacement et esquissé les lignes. Quelque 70 ans plus tôt, un autre Français, Alexandre Leblond, avait dressé le plan directeur de Saint-Pétersbourg. Ainsi, dans leur conception, deux des plus belles villes du monde sont dues à des architectes français.
Ce sont aussi d'autres architectes talentueux qui vont édifier le Capitole et la Maison du Président (on ne l'appelle pas encore la Maison blanche), dont L'Enfant avait situé l'emplacement et esquissé les lignes. Quelque 70 ans plus tôt, un autre Français, Alexandre Leblond, avait dressé le plan directeur de Saint-Pétersbourg. Ainsi, dans leur conception, deux des plus belles villes du monde sont dues à des architectes français.
Plafond du Capitole
Le président Washington a choisi l'ingénieur français Pierre Charles L'Enfant pour aménager la ville et concevoir les bâtiments publics. Ici, L'Enfant (au centre) montre au président son plan de ville. (Architecte du Capitole)
L'Enfant meurt dans la pauvreté, ne laissant derrière lui que trois montres, trois boussoles, des livres, des cartes et des instruments géodésiques, d'une valeur totale estimée à environ quarante-six dollars. Il est enterré dans la ferme d'un ami à Prince George's County (Maryland).
En 1901, la commission McMillan redécouvre ses plans et les utilise comme pierre angulaire de son rapport de 1902, pour élaborer le National Mall de Washington. Sa nation adoptive reconnaissant finalement son génie, en 1909, sa dépouille est exposée dans la rotonde du Capitole puis transférée au cimetière d'Arlington. Privilège réservé d'habitude aux hommes politiques et aux soldats.
En 1901, la commission McMillan redécouvre ses plans et les utilise comme pierre angulaire de son rapport de 1902, pour élaborer le National Mall de Washington. Sa nation adoptive reconnaissant finalement son génie, en 1909, sa dépouille est exposée dans la rotonde du Capitole puis transférée au cimetière d'Arlington. Privilège réservé d'habitude aux hommes politiques et aux soldats.
La tombe de Pierre-Charles L'Enfant au Cimetière national d'Arlington.
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Pierre Charles L'Enfant est la première personnalité ne faisant pas partie du gouvernement à recevoir un tel hommage. Il faudra attendre près d'un siècle pour voir une seconde personne recevoir ce privilège lors des funérailles de Rosa Parks, la militante pour les droits civiques en 2005.
En novembre 2022, voyage présidentiel aux Etats-Unis : Emmanuel Macron et BriBri sont allés au Cimetière national d'Arlington rendre hommage à Pierre Charles l'Enfant.
Texte :
https://www.le-mot-juste-en-anglais.com/2012/06/pierre-charles-lenfant-soldat-de-fortune-et-urbaniste-inspir%C3%A9-dans-le-sillage-dalbert-gallatin-nous-voudrions-mai.html
https://wikimonde.com/article/Pierre_Charles_L%27Enfant
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Pierre Charles L'Enfant, fondateur de la ville de Washington.
Passionant, merci Eléo !!!
D'où l'expression faire Lenfant
En février 1792, c'est la rupture. Face à l'attitude ferme du Président, L'Enfant démissionne et se retire en emportant ses plans et ses études. Accueilli chez des amis, il se mure dans le silence.
D'où l'expression faire Lenfant
Gouverneur Morris- Messages : 11798
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Pierre Charles L'Enfant, fondateur de la ville de Washington.
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55516
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Localisation : l'Ouest sauvage
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